26. Chronique histoire des Vosges et d'Alsace : 1916 (Octobre - Décembre)

Chronique histoire des Vosges et d’Alsace

1916 (Octobre - Décembre)

 

 

Pour avoir de plus amples informations sur les sources utilisées pour rédiger cette chronique, vous pouvez retrouver les références des ouvrages dans la bibliographie publiée dans cette même catégorie.

 

1er octobre 1916.

 

Hilsenfirst. Le futur maréchal Rommel, alors jeune lieutenant arrive avec son unité dans les Vosges, à L'Hilsenfirst. Il y restera jusqu'à la fin du mois d'octobre 1916.

« Au début du mois d'octobre 1916, plusieurs unités du bataillon dont la 2e compagnie reçoivent l'ordre de préparer des coups de main afin de faire des prisonniers (….) Une fois l'ordre donné je m'attelle sérieusement à la tâche. Tout d'abord accompagné par les adjudants de réserve Büttler et Kollmar, je reconnais un soir les possibilités d’approcher les positions ennemies à partir de la droite de notre secteur. Nous nous glissons et rampons dans la grande forêt de sapins, parfois serrés, en direction d'un poste de guet français, placé dans la partie la plus élevée d'un chemin forestier menant vers l'ennemi.

A 50m du poste de guet ennemi nous traversons prudemment le chemin recouvert d'herbes hautes et de mauvaises herbes. Une fois de l'autre côté, nous nous glissons à la vitesse de l'escargot dans le fossé, vers les obstacles ennemis. Nous coupons les barbelés avec un maximum de prudence. La nuit se met à tomber. Nous entendons de temps en temps la sentinelle française se déplacer quelques mètres plus haut. Nous ne pouvons la voir, ni voir sa position, dissimulée par les épaisses broussailles qui nous séparent. Nous pénétrons lentement dans le réseau de barbelés très dense. De toute façon nous ne pouvons couper que la partie basse du réseau.

Nous sommes maintenant tout trois au milieu du réseau. Les barbelés nous enveloppent comme une toile d'araignée. A ce moment-là, la sentinelle française plus haut à gauche montre un certain degré d'agitation, se racle la gorge et tousse plusieurs fois. A-t-elle peu ou nous a-t-elle entendu ? Si elle jette une grenade à main dans notre fossé, c'en est fini de nous trois. Nous ne pouvons nous déplacer sous l'obstacle, encore moins nous défendre. Nous retenons notre respiration. Des minutes s'écoulent. Dès que la sentinelle se calme, je fais décrocher lentement la patrouille. Il fait nuit noire maintenant. En rampant dans les épais sous bois pour revenir, nous faisons craquer quelques brindilles. L'ennemi alerte sa position entière et pendant quelques minutes arrose tout le terrain situé entre les positions à la mitrailleuse et au fusil.

Plaqués au sol, nous laissons passer la grêle de projectiles au dessus de nous. Enfin nous rejoignons nos positions sans dommages. Notre reconnaissance révèle clairement les énormes difficultés à surmonter pour exécuter un coup de main dans ce terrain boisé. » (Rommel 2012)

 

4 octobre 1916.

 

Hilsenfirst. « Le 4 octobre est une journée froide et maussade. Un fort vent de Nord-Ouest apporte de gros nuages sur notre position située à près de 1000m d'altitude. En soirée, le vent se change en tempête et des trombes d'eau s'abattent. C'est exactement le temps que je souhaitais.

Maintenant les sentinelles françaises ont rentré la tête dans leurs manteaux, en ont relevé les cols et se sont réfugiés dans le coin le plus abrité de leurs postes, devenant ainsi sourdes. De plus le vent vent hurlant va noyer les nombreux bruits faits au cours de l'approche et du sectionnement des barbelés (…)

Trois heures avant minuit, par une nuit de tempête, noire et pluvieuse, je quitte nos positions avec mes 3 détachements et nous approchons très lentement de la position ennemie en rampant. Bientôt les détachements chargés de couper les barbelés, nous quittent et s'éloignent sur la droite et la gauche.

Le sous-lieutenant Schafferdt, l'adjudant Pfeiffer et moi même sommes en tête du détachement d'assaut avec les pinces. Les 20 autres soldats suivent en colonne par un avec 3 pas de distance. Nous rampons sans bruit en direction de l'ennemi. Le vent hurle et nous jette la pluie au visage. Nous sommes bientôt trempé jusqu'aux os. Nous écoutons avec anxiété dans la nuit. Des tirs isolés éclatent plus haut à gauche et une fusée éclairante occasionnelle scintille dans la nuit. L'ennemi face à nous reste calme. La nuit est si noire qu'on ne distingue pas les contours des rochers autour de nous à plus de 5m.

Nous atteignons maintenant le premier obstacle. Un dur travail commence. L'un de nous trois entoure un chiffon autour de chaque brin avant d'utiliser les pinces. Les autres détendent les fils avant de les replier lentement : chaque extrémité est soigneusement tenue et repliée. Les fils ne doivent en aucun cas revenir brutalement, afin de ne pas faire de bruit. Tout cela a été essayé intensivement auparavant.

Nous interrompons notre travail de façon régulière et écoutons avec une vive attention dans la nuit. Puis nous reprenons notre travail fatiguant. De cette manière, centimètre par centimètre, nous nous frayons un chemin dans le réseau français, haut, profond et très serré. Nous devons nous contenter de n'ouvrir qu'un passage étroit dans les rangées les plus basses. (…)

Vers minuit nous nous sommes frayés un passage à travers le deuxième réseau de barbelés et nous nous trouvons encore à 30m de la tranchée ennemie. Malheureusement, la pluie et la tempête se sont un peu calmées et il fait un peu plus clair. Devant nous se dresse une rangée continue de

hauts chevaux de frise. Chaque carcasse est longue et lourde et les innombrables fils s'avèrent trop épais pour nos pinces. Nous rampons à quelques mètres à droite et tentons de séparer deux des chevaux de frise. Cette tentative provoque un bruit qui nous glace le sang. Si les sentinelles adverses, à présent à quelque 30m de là, ne sont pas alertées, elles doivent sûrement dormir.

Les quelques minutes d'attente qui suivent sont très tendues. Tout reste calme en face. Je renonce à toute nouvelle tentative de séparer les chevaux de frise qui sont trop solidement ancrés et reliés les uns aux autres et, après une brève recherche nous trouvons, plus haut à gauche, dans un trou d'obus un passage sous une rangée de chevaux de frise. Nous nous y engageons avec prudence et atteignons le bord de la position ennemie après quelques mètres.

Une autre averse éclate. Nous sommes maintenant trois entre les barbelés et la tranchée ennemie. L'eau dégouline sur les marches de pierre dans le fond de la tranchée. Prudemment l'homme de tête du groupe d'assaut se glisse sous les chevaux de frise. Le reste du groupe se trouve plus loin derrière, en partie dans les premières et deuxième rangées de barbelés. Tout à coup, des pas se font entendre venant de la tranchée plus haut sur notre gauche. Plusieurs Français viennent vers nous en descendant la tranchée. Leurs pas lents et réguliers résonnent dans la nuit. Ils ne réalisent pas notre présence. J'évalue leur effectif à trois ou quatre hommes. Une patrouille ? Que devons nous faire ? Leur sauter dessus ou les laisser passer ? Les chances de les maîtriser sans faire de vacarme sont maigres. Ce sera un combat d'homme à homme. Un cri, un coup de fusil donnerait l'alerte à tous les occupants de la position. Notre groupe d'assaut ne peut intervenir car il est toujours coincé dans les barbelés. Nous pourrions maîtriser la patrouille de tranchée, mais alors la garnison réagirait et battrait la totalité des obstacles. Notre repli nous coûterait cher et nous aurions peu de chance de ramener des prisonniers. Je pèse rapidement le pour et le contre et décide de laisser passer l'ennemi.

Mes deux compagnons Schafferdt et Pfeiffer sont informés et nous nous dissimulons le plus complètement possible au bord de la position ennemie. Nous devons faire particulièrement attention à nos mains et à nos visages. Les chevaux de frise nous empêchent de reculer. Si la patrouille française qui arrive par le haut est en alerte, elle doit nous découvrir. Nous sommes prêt à bondir, au cas ou nous devrions combattre et attendons les adversaires qui s'approchent. Leurs pas sont réguliers et ils conversent doucement. Des secondes anxieuses s'écoulent lentement. La patrouille arrive à notre niveau et poursuit son chemin sans s'arrêter. Nous soufflons de soulagement quand le bruit des pas s'éloigne vers le bas.

Nous attendons quelques minutes pour voir si elle revient. Ensuite l'un après l'autre, nous nous glissons dans la tranchée ennemie. Il s'est arrêté de pleuvoir et il n'y a que le vent qui siffle sur le versant dénudé. Alors que les hommes pénètrent dans la tranchée, des morceaux de terre et de rochers se détachent de la paroi et roulent bruyamment sur les dalles vers le bas.

De nouvelles minutes d'angoisse passent. Finalement, la totalité du groupe d'assaut est dans la tranchée. Nous nous séparons. Le sous-lieutenant Schafferdt, accompagné de dix hommes descend la pente alors que l'adjudant Schropp et ses dix hommes prennent la direction opposée. J'accompagne Schropp. Nous remontons en tâtonnant avec prudence dans la tranchée en forte pente. Seules quelques douzaines de marches nous séparent encore de notre objectif, le poste de guet sur la saillie rocheuse. Nous nous demandons si l'ennemi a remarqué quelque chose. Nous nous arrêtons et écoutons. Tout à coup, au dessus sur la gauche, quelque chose vient claquer dans l'obstacle, puis immédiatement après, sur le parapet de la tranchée à droite. Des grenades à main explosent. La tête du groupe d'assaut recule brusquement et le reste du groupe vient butter vers l'avant, alors que nous recevons la salve de grenades suivantes. Il faut attaquer immédiatement ou nous sommes perdus. « En avant ! » Nous nous jetons sur l'ennemi et évitons ainsi la salve de grenades à main suivante. Stierle, mon palefrenier, qui n'est venu avec nous que pour cette action, est saisi à la gorge par un Français. Le sergent Nothacker abat l'homme au pistolet. Peu de temps après, deux autres hommes du poste de guet sont maîtrisés. Un Français parvient à s'échapper vers l'arrière.

A l'aide de nos torches nous balayons hâtivement les parois de la tranchée à la recherche d'abris. Nous en découvrons un qui est vide, mais un second est plein de Français. Avec mon pistolet dans la main droite et la torche dans la gauche, je rampe dans l'ouverture haute de quelques  cm, suivi du sergent Quandre. Sept Français armés sont assis le long du mur, mais ils jettent leurs armes après une brève négociation. La solution la moins dangereuse pour nous consisterait à se débarrasser de ces gars à la grenade, mais c'est contraire à nos ordres spécifiant que des prisonniers doivent être ramenés.

Le sous-lieutenant Schafferdt rend compte qu'il a fait deux prisonniers, sans subir de pertes. Pendant l'échauffourée, les détachements chargés de couper les fils ont travaillé fiévreusement et les passages sont prêts.

Puisque le coup a entièrement atteint son but, je donne l'ordre de repli. Nous devons quitter les lieux avant que les réserves françaises n'interviennent. Sans être gêné par l'ennemi nous regagnons notre position avec onze prisonniers. Il est surtout particulièrement agréable de ne déplorer aucune perte. » (Rommel 2012)

 

Novembre 1916

 

Rationnement. Le préfet des Vosges constitue un comité départemental pour assurer la répartition du sucre granulé. La vente du sucre raffiné reste libre mais rationnée à 750 gr par personne et par mois.(14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

 

Date de création : 11 septembre 2023

1ere modification : 13 septembre 2023



04/01/2024
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