21. Chronique histoire des Vosges et d'Alsace : 1915 (Juillet - Septembre)

Chronique histoire des Vosges et d’Alsace.

1915 (Juillet - Septembre)

 

 

Pour avoir de plus amples informations sur les sources utilisées pour rédiger cette chronique, vous pouvez retrouver les références des ouvrages dans la bibliographie publiée dans cette même catégorie.

 

1er juillet 1915

 

Hilsenfirst. Les Français perdent le sommet de l’Hilsenfirst (5e BCP). (14-18 dans le pays de Remiremont)

 

2 juillet 1915

 

Hilsenfirst. Contre attaque des 5e et 15e BCP qui reprennent le sommet. En 17 jours de combat, le 5e BCP a perdu 574 officiers et chasseurs, tués, blessés ou disparus. (14-18 dans le pays de Remiremont)

 

4 juillet 1915

 

11e BCA. Metzeral.

« Nous sommes revenus hiers soir dans la même tranchée, sur les basses pentes du Braun-Kopf, immédiatement au-dessus de la vallée de la Fecht, au point où la rivière, sortant de Metzeral, se dirige vers Mulbach et Munster. » (Belmont 1916)

 

5 juillet 1915

 

11e BCA. Metzeral.

« Nous sommes relevés ce soir et filons sur Gérardmer où nous serons demain dans la matinée. (…) Nous allons pouvoir nous laver, nous changer, dormir dans un lit ! Il y a bientôt cinq mois que cela ne nus est pas arrivé ! » (Belmont 1916)

 

8 juillet 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Le 11e est rentré avant-hier matin, clairons en tête. (….) C’est le 5 juillet, à la nuit, que le 23e bataillon est venu nous relever sur les pentes inférieures du Braun-kopf. Sitôt relevés, les compagnies, une à une, sont remontées sur Garchoney d’abord, puis jusqu’au Honeck dont nous avons franchi la crête au petit jour, à temps pour éviter la malveillance des marmites qui viennent tomber jusque là.

Au collet sur la pente française de la Schlucht, nous avons trouvé un train de camions automobiles qui nous ont descendus en quelques instants à Gérardmer. Le 6, à 5 heures et demie, les autos nous déposaient sur l’avenue du Lac, et nous rentrions au quartier Kléber, au pas cadencé, en faisant sonner nos godillots sur la chaussée des rues désertes. (….)

Hier après-midi nous avons reçu la visite du général de Maud’huy qui commande l’armée. Il a remis plusieurs médailles et des croix de guerre. A ma grande surprise, j’ai reçu de lui une croix de guerre avec palme pour une citation à l’ordre de l’armée dont on m’avait parlé, mais à laquelle je ne m’attendais guère.. » (Belmont 1916)

 

10 juillet 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Ce matin vers 6 heures, un taube est venu se promener dans notre ciel et a jeté une bombe qui n’a pas éclaté. Il est reparti sans insister. » (Belmont 1916)

 

15e BCP. Citation à l’ordre de l’armée.

« Sous le commandement du chef de bataillon Dussauge, s’est battu pendant cinq journées consécutives avec une bravoure superbe allant jusqu’à l’héroïsme. Malgré les grosses pertes subies, a prouvé quelques jours plus tard, en attaquant gaillardement un autre point du front qu’il conservait l’âme ardente qu’avait su lui donner son chef. » (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

16 juillet 1915

 

11e BCA. Camp d’Haelsen.

« Nous sommes au camp d’Haeslen, dans les sapins. (….). Les attaques vont commencer bientôt. En attendant, deux compagnies vont chaque nuit travailler aux « parallèles », tranchées très avancées, le plus près possible des lignes boches, et d’où débouchent les troupes d’attaque à l’heure fixée. » (Belmont 1916)

 

18 juillet 1915

 

11e BCA. Camp d’Haelsen.

« Nous avons passé la nuit dernière à piocher, à travailler à la fameuse « parallèle » dont nous sortirons un de ces jours pour attaquer les tranchées boches. (….)

Ce petit camp, ramassé dans les sapins au bord de la splendide route blanche, le long du modeste ruisseau qui nous donne de quoi nous laver et de quoi faire la cuisine, est une vraie chartreuse improvisée. Les baraquements sont sommaires, mais suffisants pour nous abriter de la pluie, sinon des obus qui,, d’ailleurs, ne nous ont pas rendu visite depuis que nous sommes ici. » (Belmont 1916)

 

21 juillet 1915

 

11e BCA. Reichakerkopf.

« Depuis 7 heures du matin, c’est une tempête d’artillerie, un tonnerre formidable qui gronde d’un bout à l’autre de la vallée (….).

Nous sommes montés hier soir de Sulzern, emportant des piquets, des fils de fer, munis de pétards, de bombes, de masques et de lunettes contre les gaz axphyxiants, de fanions pour pour permettre à l’artillerie de repérer nos emplacements ultérieurs, et, ainsi harnachés de pied en cap, nous attendons, tapis dans le creux de la tranchée pour ne pas attirer sur nous l’attention des Boches qui ne sont pas loin.

Il est vrai qu’ils doivent être assez mal à l’aise pour regarder ce qui se passe, avec les 120 et les 155 qui tapent sur leurs tranchées en faisant jaillir en gerbes immenses des cailloux, des mottes de terre, des morceaux de bois et des troncs d’arbres entiers. Mais c’est surtout là-haut, sur le Reichakerkopf que le bombardement est impressionnant. (…) Et sans cesse de nouveaux obus pleuvent à travers cette nappe grise qui s’épaissit d’un côté à mesure que le vent la dissipe ailleurs. Panaches blancs des 65n hautes colonnes noires des 120 et des 155 qui jaillissent, démesurées, en soulevant la terre, énormes nuages des 220 pareils à des éruptions de volcans, avalanche infernale de poudre, de métal, écrasement, destruction, cyclone diabolique, c’est un spectacle fantastique, une vision d’hallucinés ou de déments.(…)

Vers midi, après une dernière concentration d’explosifs, silence subit ! Plus qu’un barrage de petits shrapnells fusant haut, ponctuant de légères taches blanches cotonneuses le ciel, encore embrumé des vapeurs montant du sol. C’est l’heure de l’assaut. Cette minute-là est poignante. » (Belmont 1916)

 

25 juillet 1915

 

11e BCA. Barrenkopf

« Les communiqués qui nous sont parvenus hier soir annonçaient de notre côté des succès assez réconfortants ; mais je crains que tout cela n’ait été maintenu. Contrairement aux attaques de Metzeral dans lesquelles nous n’avons pas rencontré beaucoup de monde devant nous, les Boches nous opposent ici une résistance opiniâtre et ont certainement de gros renforts ; leurs contre-attaques immédiates et répétées en témoignent. On parle d’un corps d’armée concentré dans la région de Colmar. » (Belmont 1916)

 

27 juillet 1915

 

Barrenkopf. Le 15e BCP s’empare du Barrenkopf, fait 20 prisonniers et réussit à s’y maintenir. Mais il doit se replier sur ordre. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

Lingekopf. Dans la nuit, deux compagnies du 5e BCP relèvent les 14e et 30e BCP (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

29 juillet 1915

 

Lingekopf. Le 15e BCP attaque au Linge et s’empare de son objectif à la grenade après avoir éprouvé de fortes pertes. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

Schratzmännele. 3 compagnies du 5e BCP (4e, 5e, 6e) attaquent. La 6e compagnie parvient au cœur du dispositif adverse. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

11e BCA. Barrenkopf

« Depuis ce matin, nous nous tenons prêts à partir, les faisceaux formés, dans les bois du col de W. Quatre compagnies sont déjà dans les boyaux. Deux autres, dont la mienne, attendent ici des ordres. En ce moment l’artillerie a commencé son tir de préparation : c’est un infernal concert. De tous côtés les 75 hurlent comme des lions furieux ; leurs clameurs résonnent et se prolongent dans les sapins qui vibrent comme des tiges de métal. » (Belmont 1916)

 

30 juillet 1915

 

11e BCA. Barrenkopf.

« Je vous écris du fond du boyau où nous sommes depuis hier soir ; et dans la petite niche où je suis tant bien que mal installé, il pleut par intermittence du gravier ou de la pierre. (…)

La journée d’hier (…) marquera malheureusement comme une des plus sanglantes et des plus tristes. (….)

Hier, je vous avais griffonné à la hâte que ma compagnie attendait des ordres pour partir. Quelques minutes plus tard, deux compagnies du 11e sortaient de leur parallèle et se lançaient à l’assaut des lisières du Barrenkopf, suivies un peu plus tard d’une, puis de deux autres compagnies.

La partie a été dure, très dure même. Les Boches, qu’on taquine depuis huit jours ici, ont fait venir pour nous arrêter leurs meilleurs troupes (des chasseurs de la Garde, s’il vous plaît !) et de gros approvisionnements en munitions. Aussi notre attaque d’hier, qui ne les prenait pas au dépourvu, a-t-elle été accueillie par un barrage d’artillerie intense et par des feux terribles d’infanterie et de mitrailleuses.

Les pertes ont été lourdes . Le capitaine de Peyrelongue qui commandait la 1ere compagnie a été tué raide en sortant de la tranchée. Plusieurs autres officiers sont tués ; d’autres blessés. Toute la nuit, les boyaux conduisant vers l’arrière ont été remplis par ce défilé lamentable de blessés, les uns s’en allant seuls, la tête bandée et le bras en écharpe, d’autres aidés par un camarade et traînant une jambe ; les plus gravement atteints emportés sur des brancards, tantôt gémissant sourdement, tantôt immobiles et muets, pareils à des morts. Ce matin, plusieurs sont encore là qu’on n’a pas pu évacuer dans la nuit.

A la tombée de la nuit, j’ai reçu l’ordre de me porter en soutien de la ligne avancée, prêt à renforcer, à l’appuyer ou à la recueillir. Sous un feu d’artillerie formidable qui n’a cessé qu’à la nuit, nous sommes venus ici par des boyaux ravagés, encombrés de sapins brisés et de blocs de rochers cassés. A travers cette avalanche, toute la compagnie a passé sans avoir plus de quatre blessés. (….)

La tâche du troupier, dans cette guerre industrielle et immense, est mille fois plus ingrate que celle du soldat de Xénophon, de César ou de Turenne ; elle est plus désintéressée, donc plus méritoire et avec de bien plus grands risques (….) Vraiment j’éprouve souvent pour mes hommes une admiration profonde en considérant le mérite qu’ils ont à mener sans se plaindre, loin de leurs foyers et de leurs familles, cette existence humble, effacée, presque impersonnelle, à accepter sans révolte et même avec bonne humeur d’être les véritables instruments de la victoire tout en restant dans l’ombre et dans l’oubli. » (Belmont 1916)

 

1er août 1915

 

Attaque conjuguée :

  • 15e BCP sur la crête du Schratzmännele. Il s’empare de son objectif et réussit à s’y maintenir malgré de nombreuses contre attaques.

  • 5e BCP sur le Barrenkopf.

  • 3e BCP sur le piton du Schratzmännele. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

11e BCA. Dans les bois de M…

Reprend l’attaque du 29 juillet sur le Barrenkopf. «.. Deux compagnies à l’heure fixée, sont sorties de leurs parallèles pour se lancer sur le bois. Deux autres devaient les suivre de près, par échelons, en deux vagues successives. (….) Deux compagnies montant à l’assaut alignées comme à la manoeuvre et marchant froidement sur ce bois plein d’embuscades, à travers un terrain bouleversé, labouré d’obus et couvert de victimes des précédentes attaques. Bien peu sont parvenus jusqu’au bois où des chasseurs de la Garde prussienne, debout dans leur tranchée qu’aucun obus n’avait atteinte, le fusil en joue, ajustaient l’un après l’autre nos malheureux chasseurs. Combien sont tombés ainsi, frappés d’une balle en plein front ou en pleine poitrine, en parcourant les deux cents mètres à peine qui les séparaient de la lisière du bois ! Et ceux-là, en approchant de cette lisière fatale, quelles pensées ont-ils pu avoir en voyant les Allemands, coude à coude, qui les attendaient derrière un enchevêtrement inextricable de chevaux de frise, de fils de fer et d’abatis ? (…)

Des mitrailleuses, cachées dans les carrières du Schratzmaennele, à notre gauche, prenaient la ligne sous leurs feux d’enfilade ennemis même temps. Quand la dernière ligne a voulu déboucher, son chef, le capitaine de Peyrelongue, recevait une balle en pleine poitrine au moment où il commandait : « en avant ! » Cependant un peloton de cette compagnie se portait jusqu’à la lisière ennemis chantant la Side-Brahim, mais la plupart étaient tombés en route.

Tous ceux qui se trouvaient sur le bord du bois, à quelques mètres des Allemands qui tiraient toujours, se sont blottis dans des trous d’obus où ils sont restés jusqu’au lendemain soir en échangeant, sans arrêt, des balles, des grenades et des pétards avec les Allemands.

L’officier, un merveilleux guerrier, qui commandait ce groupe (…) ayant l’ordre de rester sur sa position coûte que coûte, y est resté malgré ce qu’elle avait de terrible et, d’ailleurs, d’inutile. Beaucoup de ses hommes ont encore été tués. Comme les Boches leur disaient en mauvais français : « Rendez-vous ! Venez, allons ! » le lieutenant donnant lui-même l’exemple, a fait entonner la Marseillaise.

Les deux compagnies, quand enfin elles ont reçu l’ordre de se replier le lendemain soir, avaient Perdu chacune plus de …. hommes.

(…) J’ai reçu avant-hier soir un petit éclat d’obus au bras gauche. C’est à peine une blessure et cela m’ennuiera si je suis obligé de quitter ma compagnie pour cette bêtise.

Je suis allé hier à l’ambulance alpine au col de W… où est installée, dans une baraque de planches, une véritable salle d’opérations pour faire de la grande chirurgie d’urgence. Là, on m’a endormi et fait deux incisions explicatives qui ont permis de trouver un petit bout de drap de vareuse ; mais malheureusement pas l’éclat, qui a pénétré assez profondément entre les muscles. S’il n’y a pas moyen de faire autrement, j’irai à Gérardmer pour me faire radiographier et opérer. » (Belmont 1916)

 

4 août 1915

 

Lingekopf. Décès du commandant BARBEROT commandant du 5e BCP tués par un éclat d’obus à la tête. Les combats du Linge ont coûté au 5e BCP environ 200 morts et 468 blessés. Il est cité à l’ordre de la 7e Armée. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

 

5 août 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Ici les hôpitaux sont pleins de blessés. » (Belmont 1916)

 

6 août 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« On m’a extrait hier soir le récalcitrant petit éclat d’obus. (….) Je pense rejoindre le plus tôt possible le bataillon où je serai le bienvenu, car le bruit court ici qu’il a été fortement engagé depuis deux jours au Linge et qu’il a eu des pertes sévères. Un capitaine a été tué et plusieurs officiers blessés. (….) Ce Linge est le Moloch des chasseurs. (Belmont 1916)

 

7 août 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« J’ai vu tout à l’heure, à la gare où il s’embarquait, un lieutenant de ma compagnie blessé à la cuisse et qui partait pour l’arrière. Il m’a dit que le bataillon a subi des bombardements formidables. Deux médecins auxiliaires, tous deux blessés, m’ont dit aussi que le Linge était un enfer. (….) Tous les bataillons que l’on a engagés là depuis le 20 juillet (il y en a déjà seize qui y ont passé) ont été affreusement éprouvés.

Le médecin qui m’a opéré avant-hier et qui m’a pansé ce matin ne veut pas que je parte encore. Mais j’espère n’en avoir plus pour longtemps. Mon bras va très bien et me fait peu souffrir. » (Belmont 1916)

 

13 août 1915

 

11e BCA. « Cette fois, j’ai rejoint les braves poilus du 11e et je suis depuis vingt-quatre heures avec eux dans les bois, ou du moins dans quelque chose qui a été un bois et qui n’est plus qu’un chaos. Ici, la nature est défigurée par la guerre, il n’est pas un tronc d’arbre qui ne porte la trace des obus ou des balles ; l’écorce des pins est entaillée de blessures légères ou profondes, d’autres poins sont amputés à mi-hauteur ou fauchés au ras du sol ; les plus gros ont parfois été brisés comme des bâtons par la mitraille. Partout des branchages coupés, hachés, gisent sur le sol ou dans les entonnoirs creusés par les obus. Ce que ce misérable piton a reçu d’obus français ou boches depuis un mois, c’est inimaginable !.

C’est près du sommet de ce fameux Linge où nous sommes que le 11e est depuis le 5 août, au contact étroit des Boches qui, après en avoir été chassés, y sont revenus à la charge, sans grand succès d’ailleurs. La crête elle-même n’est occupée ni par eux ni par nous. Les tranchées adverses se font face à courte distance sur la croupe arrondie qui forme la ligne de faîte. Entre ces deux lignes, le terrain est devenu un charnier. Des corps de chasseurs tombés au cours des attaques successives, des corps d’Allemands tués par nos fusils dans les dernières contre-attaques gisent étendus dans toutes les positions, au milieu des fils de fer tordus et des sapins abattus. A certains moments, l’air soulève des odeurs atroces.

Ma compagnie se trouve à l’extrémité de cette crête, sur une pente escarpée et rocheuses qui s’abaisse rapidement. Là, on a édifié une sorte de mur -rempart en pierres et en sacs de terre -. On y a pratiqué des créneaux, on est parvenu à tendre quelques fils de fer en avant, et c’est derrière cette muraille que les chasseurs se tiennent prêts jour et nuit à recevoir et à repousser les attaques que les Allemands tenteraient de prononcer contre nous.

Cette situation est intéressante ; elle est, à tous points de vue, plus agréable que celle des secondes et troisièmes lignes, d’abord parce qu’on voit ce qu’on a devant soi, et aussi parce que nous échappons presque complètement aux bombardements, qui ne peuvent nous atteindre à contre-pente et si près des tranchées allemandes.

Ce qui, en revanche, nous dédommage, ce sont les fusillades, les torpilles et surtout les pétards. J’avoue que cela ne ressemble pas au calme des soirs au bord du lac de Gérardmer. Hier soir, le concert a commencé vers 20h30 et n’a guère duré qu’une demie-heure, mais pendant ce temps, c’était infernal : une pluie de pétards et de grenades ininterrompues dont les fumées obscurcissaient l’air en traînant sur le sol ; dans cette atmosphère opaque pareille à un brouillard dense, les détonations se multipliaient ; chaque éclatement jetait une lueur presque terne dans ce nuage ; et à travers ce rideau le crépitement des fusillades, le claquement des balles s’écrasant sur les cailloux, les miaulements des ricochets et par moment le sifflement des rafales du 65 qui nous rasaient la tête avant d’éclater sur les blockhaus allemands.

Mais le bruit n’était pas tout ; pour achever le fantastique de la séance, les fusées lumineuses, saillies de tous les points de la ligne, montraient vers le ciel en tous cens, décrivaient, par-dessus la tête des pins, des courbes entre-croisées et descendent dans le bois en globes éblouissants, striant les fumées blanches de traînées lumineuses ; à leur lumière, le bois s’éclairait presque sans intervalles d’un jour invraisemblable, lactescent, fantastique. » (Belmont 1916)

 

18 août 1915

 

11e BCA. Lingekopf.

« Il est une heure de l’après-midi. Dans un peu plus d’une heure, nos canons vont se déchaîner sur la tranchée allemande qui nous domine, sur la crête ravagée du Linge dont on aperçoit, depuis nos créneaux, les sacs à terre verdâtres.

A 6 heures, l’artillerie se taira : ce sera notre tour, et il faudra monter là-haut à travers les arbres coupés, les fils de fer tordus et les rochers disjoints, nous emparer de ces blockhaus ennemis et y rester.

Nous sommes prêts. Les hommes ont rempli leurs cartouchières, accrochés leurs outils au ceinturon, garni leur musette de grenades. »

(Lettre du 20 août). « J’avais demandé une préparation d’artillerie aussi minutieuse, aussi consciencieuse que possible. Les artilleurs ont répondu à ce désir et nous ont magistralement préparé la besogne : de 15 heures à 18 heures, le blockhaus et la tranchée boche qui couronnent le Linge ont tremblé sous les 65, les 75 et les effroyables marmites du rimailho.

A 18 heures, la 6e compagnie, en ligne, est partie à l’assaut de cette crête ravagée : difficilement, en escaladant les rochers et les obstacles, les baïonnettes scintillantes et résolues, le corps ceint de chapelets de pétards ; j’ai vu, avec l’émotion que vous pensez, mes braves poilus grimper au blockhaus, atteindre la crête, sans recevoir un coup de fusil, et la dépasser. Une autre compagnie la suivait par derrière, chargée d’outils, de gabions, de sacs à terre pour organiser immédiatement la ligne conquise. (…)

C’était trop beau, hélas ! A peine la ligne boche était-elle occupée, à peine les travailleurs, protégés par les lanceurs de pétards, commençaient-ils à entasser la terre dans leurs gabions que des marmites boches, avec une précision mathématique, s’abattaient sur la position, écrasant en une minute une section de la 4e compagnie, dont un officier est tué, l’autre blessé. En même temps, deux fourneaux de mine explosaient sous la tranchée et le blockhaus, faisant voler en l’air des gabions, des sacs, des armées, des morceaux d’étoffe bleue et …. Des membres !

Dix minutes après, les survivants des deux compagnies étaient redescendus à la ligne de départ. Une foule de casques à pointes grouillaient de nouveau sur la crête. Barrage d’artillerie, vacarme assourdissant, appels irrités au téléphone. Je reçois l’ordre de recommencer l’attaque. Pour éviter de nouvelles et vaines hécatombes, je prends sous ma responsabilité de ne pas essayer de nouveau. Je ne m’en suis pas repenti une minute.

Et nous sommes toujours là ! Et le 11e est en ruines et attend avec résignation qu’on le relève.

Pauvre 11e ! Il me reste à peu près 70 hommes en ligne. Ce Linge est bien le tombeau des chasseurs. (Belmont 1916)

 

21 août 1915

 

11e BCA. Lingekopf.

« Nous sommes toujours au Linge. Les Boches ne nous gênent pas trop. Je ne sais pas quand on nous relèvera ; nos poilus sont en loques, les godillots bâillent, les pantalons sont encore bien plus inquiétants. De se laver, il n’est pas question. Les hommes n’ont pas pu changer de linge depuis un mois, et quand il ne fait pas trop froid ils se distraient en faisant la chasse à leurs poux. » (Belmont 1916)

 

26 août 1915

 

11e BCA. « Nous sommes arrivés ce matin au repos, après une nuit de marche. Quelle béatitude de pouvoir se laver, se baigner, se reposer, se mettre à neuf.

Nous attendons prochainement des renforts importants pour boucher tous les trous qu’ont faits les dernières semaines de combat. On reparle de permissions et je pose ma candidature. (Belmont 1916)

 

28 août 1915.

 

11e BCA. Le capitaine Belmont part en permission. (Belmont 1916)

 

8 septembre 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« J’ai débarqué hier soir à Gérardmer après une longue journée de chemin de fer.

Je pars à ,l’instant pour rejoindre mon bataillon à P…, à une vingtaine de kilomètres de Gérardmer. » (Belmont 1916)

 

9 septembre 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Attaque allemande visant à sécuriser le système défensif de la cuisse gauche. L'opération commence à 4 heures du matin par une préparation d'artillerie.

A 5h30 début de l'assaut mené, pour la première fois, à l'aide de 8 lance-flammes. Malgré une forte résistance, les Français du 213e RI sont obligés de capituler. Ils perdent 5 officiers et 85 hommes (presque tous prisonniers). (Guelton in 14-18 n°34)

 

10 septembre 1915

 

Hartmannswillerkopf. Echec d'une contre-attaque menée par le 15e BCP. (Guelton in 14-18 n°34)

 

12 septembre 1915

 

11e BCA. « Nous avons quitté hier soir, à l’improviste, par une nuit splendide, notre camp du lac Noir. Nous sommes descendus à Plainfaing, que nous avions quitté deux jours plus tôt, pour arriver à 2 heures dans le village endormi. (…)

Le village, bien que proche des lignes du Bonhomme, a très peu souffert ; c’est à peine si quelques maisons portent des traces d’obus sur leurs murs. Les usines fonctionnent ; tout le monde vit comme si de rien n’était. » (Belmont 1916)

 

14 septembre 1915

 

11e BCA. Corcieux.

« Nous sommes depuis hier matin installés à Corcieux(…) Corcieux est un des principaux centres d’aviation de la VIIe armée.

A chaque instant des avions passent au-dessus des maisons, s’élevant pour partir en reconnaissance, ou descendant du ciel en vol plané avec des interruptions caractéristiques de leur moteur, au retour d’une randonnée en Alsace. Beaucoup d’officiers très pimpants, dont quelques-uns sont de notoriété sérieuse. (…)

Nous allons, pendant notre séjour ici, faire l’exercice à forte dose pour remettre en main le bataillon et teinte en diables bleus les renforts hétéroclites qu’on nous a donnés. (Belmont 1916)

 

20 septembre 1915

 

Hartmannswillerkopf. Les 2e et 3e compagnies du 15e BCP attaquent l’Hartmannswillerkopf pour reprendre des positions perdues. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

27 septembre 1915

 

11e BCA. Corcieux.

« Depuis hier, nous sommes en alerte, prêts à partir au premier signal. (…)

Hier, pour tenir compagnie à des camarades, je suis allé jusqu’à Saint-Dié (…) La ville est gaie, animée ; les habitants paraissent peu se soucier de la guerre, ou du moins n’y voir qu’une aventure qui vaut la peine d’être vécue. Les moeurs y semblent légères et la vie facile. La guerre, qui traîne avec elle tant de soucis et tant de deuils, sème aussi beaucoup d’insouciance. » (Belmont 1916)

 

 

Date de création : 11 septembre 2023

2e modification : 26 décembre 2023



01/11/2023
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