19. Chronique histoire des Vosges et d'Alsace : 1915 (Janvier - Mars)

Chronique histoire des Vosges et d’Alsace.

1915 (Janvier - Mars)

 

 

Pour avoir de plus amples informations sur les sources utilisées pour rédiger cette chronique, vous pouvez retrouver les références des ouvrages dans la bibliographie publiée dans cette même catégorie.

 

3 janvier 1915

 

Hartmannswillerkopf. Le commandement allemand décide la conquête et l'occupation du Suddelkopf (1009m) situé à 4000m au nord de l'HWK. (Guelton in 14-18 n°34)

 

4 janvier 1915

 

Hartmannswillerkopf. Deux sections de la 1ere compagnie du 5e BCP appuient le 28e BCA pour reprendre une tranchée perdue à l’Hartmannswillerkopf. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

9 janvier 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Nouvelle attaque allemande menée avec plus de moyens :

  • 4 compagnies du 123e RIR

  • 2 sections du génie

  • 1 section de mitrailleuses ;

  • 2 minenwerfer légers

L'attaque bénéficiera d'une préparation d'artillerie de 40 mm qui se révèle sans effet, les obus explosant dans les sapins ;

Les Français résistent efficacement et sont dégagés par l'arrivée d'une compagnie du 68e BCA qui contre-attaque à partir du Molkenrein.

Les Français perdent 2 tués, les Allemands comptent 34 morts (dont le commandant Sprand qui commandait l'attaque), plus de 70 blessés et 8 disparus.

A la suite de cette attaque, les Français se renforcent au sommet du Vieil Armand en installant une compagnie du 28e BCA et quelques pièces de 65mm. Mais le manque d'effectifs ne permet pas d'organiser un système défensif continu entre le sommet de l'HWK et le col de Silberloch.

Mais « ces deux premiers échecs ont piqué au vif le commandement allemand. La trame de ce qui va devenir, du côté allemand comme du côté français, l'histoire héroïque du Vieil Armand est en train d'apparaître. Les fils d'un drame humain se nouent. L'histoire des combats pour le Vieil Armand sera, pendant un an, celle de l'affrontement de deux volontés, de deux orgueils, le Français et l'Allemand, aucun n'acceptant jamais de céder devant l'autre. » (Guelton in 14-18 n°34)

 

15 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Une fois de plus, nous voici transportés sur un nouveau théâtre d’opérations. Nous avons quitté Chelers le 12 au matin pour nous rendre à Saint-Pol, où nous nous sommes embarqués en deux trains, à trois heures d’intervalle. Nous avons roulé toute la nuit et toute la journée du lendemain, puis encore la nuit suivante, passant ainsi par Noisy-le-Sec, la Grande Ceinture, Nogent-sur-Seine, Provins, Troyes, Chaumont, Epinal, Bruyères, Laveline, pour débarquer enfin hier matin ici vers 10h. Et depuis hier, nous menons ici la vie de caserne (…)

Les officiers logent en ville ; j’ai ma chambre dans un des hôtels du lieu.

Gérardmer semble n’avoir pas souffert de la guerre ; on se croirait en tout autre lieu, si ce n’était les allées et venues continuelles de militaires de toutes armes, convois, autos, fourgons. Les magasins sont ouverts , les rues éclairées. (…) On voit les femmes dans les rues habillées autrement qu’en fuyardes ou en réfugiées ; des enfants passent en galoches, la serviette sous le bras ou le cartable au dos, revenant de l’école. » (Belmont 1916)

 

17 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

«  Il neige sans arrêt depuis hier. Cette fois, c’est l’hiver. (…) Dans les rues, les chasse-neige passent, ramassant la neige sur les côtés. Des gamins s’en vont, tête baissée contre les flocons qui les aveuglent, traînant une luge au bout d’une ficelle. Quelques uns vont se promener en skis. (….)

On forme ici une division de chasseurs sous le commandement du général Blazer. Division indépendante au point de vue des opérations et rattachée au détachement d’armée des Vosges. » (Belmont 1916)

 

18 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

Hier soir « nous avons eu l’incident d’une surprise : vers 8 heures du soir, j’ai reçu l’ordre de partir avec ma compagnie et la moitié d’une autre, avec des outils de terrassiers, pour aller déblayer la voie ferrée du petit tramway de la Schlucht. C’est par ce col que se fait le ravitaillement des troupes qui opèrent dans la vallée de Munster-Colmar. Nous sommes partis en tramway à 10 heures du soir ; arrivés à Retournemer, nous avons commencé à nous égrener le long de la pente, et de minuit à 4 heures les hommes ont fait jouer leurs pioches et leurs pelles. Au matin je les ai rassemblés dans le chalet de Retournemer où on a fait le café. A 6 heures, ils se sont remis au travail, travail assez ingrat parce que la neige, tombant en grande abondance, recouvrait à mesure la portion déblayée. A 9 heures un tramway est monté, emmenant le ministre Millerand avec les généraux Putz et Blazer et tout un monde d’état-major et de presse. Ce n’est qu’après leur retour à 11 heures, que nous avons pu redescendre, et rentrer à pied à Gérardmer, assez fatigués par cette nuit et cette demi-journée de travail. » (Belmont 1916)

 

20 janvier 1915

 

Hartmannswillerkopf. Nouvelles contre-attaques françaises pour essayer de repousser les Allemands qui voient arriver de nouveaux renforts. Mais la garnison française est encerclée au sommet et les attaques françaises restent sans effet.

A la fin de la journée, de chaque côté, on envoie de nouveaux renforts pour reprendre le combat. (Guelton in 14-18 n°34)

 

21 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« On a parlé de constituer au 11e une équipe de skieurs, comme cela existe déjà dans les bataillons qui n’ont jamais quitté les Vosges. Hier, j’ai pu louer une paire de skis et j’ai accompagné ma compagnie à une marche à travers la forêt, magnifique dans sa blancheur. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf. A l'aube reprise des combats par une attaque simultanée de la garnison française et des bataillons de chasseurs pour essayer de briser l'encerclement.

Mais grâce à une corvée humaine de 70 hommes, les Allemands réussissent à amener un minenwerfer qui est installé vers l'Aussichtsfelsen. Le tir commence en début d'après midi.

Le lieutenant Canavy qui commande toujours la garnison est rapidement tué par un obus, puis c'est la réserve de munitions qui explose. Une fois les munitions épuisées, les survivants français n'ont plus que le choix de la reddition qui s'effectue avec les honneurs de la guerre. Ils défileront le lendemain dans les rues de Mulhouse, arme à l'épaule.

Pour ces combats, les pertes françaises s'établissent à 800 morts, 137 disparus et plusieurs centaines de blessés.

Désormais les Allemands occupent une ligne qui passe par le Ziegelrücken et le Jägertannne (prolongement de la cuisse gauche vers le N-E et le N). (Guelton in 14-18 n°34)

 

24 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Presque tous les grands hôtels sont transformés en ambulances de campagne où les femmes d’officiers et toutes celles qui ont offert leurs bonnes volontés sont enrôlées comme infirmières ou dames de la Croix-Rouge. En ce moment, il y a peu de blessés ; on y garde seulement ceux qui ont des blessures ne permettant pas leur transport plus loin ; ou au contraire, ceux qui, n’étant pas très malade, doivent rejoindre bientôt leur corps. » (Belmont 1916)

 

28 janvier 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« En ce moment se livrent en Alsace des combats meurtriers. A l’Hartmannswillerkopf, une compagnie du 28e a été cernée sur un éperon où le 13e a attaqué pour la dégager ; ce dernier a eu de graves pertes dont son commandant. Je ne puis me défendre d’une certaine honte à me sentir ici, à l’abri du froid et des balles, quand mes camarades font là-bas une dure campagne d’hiver. Vraiment cette vie de la ligne de feu a quelque chose de séduisant ; et quand on l’abandonne quelque temps on sent mieux combien elle est attachante, bienfaisante, par ses dangers même.»

 

29 janvier 1915

 

Vosges. Le colonel SERRET promu général prend le commandement de la 66e DI. La 1ere Brigade de chasseurs est commandée par le lieutenant-colonel TABOUIS (Guelton in 14-18 n°34)

 

1er février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Demain soir, le commandant nous reçoit, tous les officiers, pour une Revue préparée en grand secret par deux ou trois d’entre nous, et où chacun aura à avaler sa pilule. Je n’y joue que le rôle modeste mais nécessaire de pianiste. » (Belmont 1916)

 

3 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

«  Je pars demain matin à la tête d’un détachement de gradés du bataillon pour aller reconnaître et étudier le secteur d’avant-poste, de l’autre côté de la frontière, dans la région du lac Blanc où le 11e a soutenu, vers le milieu d’août, un des combats les plus meurtriers. » (Belmont 1916)

 

6 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Nous revenons de notre expédition sur la terre d’Alsace, un peu las, mais très satisfaits.

Partis jeudi matin au nombre de dix, escortés par trois mulets chargés de provisions, nous sommes montés pédestrement le long de la route serpentant à travers les sapins par le col de Surceneux jusqu’au vallon de Rudlin, au pied des dernières pentes avant la frontière. Après notre déjeuner au Rudlin, nous avons franchi le col de Louchpach pour pénétrer en Alsace et monter jusqu’au lac Blanc. Au carrefour, avant de quitter la forêt, nous avons salué avec émotion l’humble cimetière à demi enseveli sous la neige, où de grossières croix de bois, la plupart sans noms, marquent seules les emplacements où dorment côte à côte, inconnues et pêle-mêle , les dépouilles des frères d’armes. (…)

Du point culminant dominant le lac Blanc, en attendant de pouvoir déboucher de la forêt sur la route très repérée où s’abattaient brutalement des marmites boches, nous avons admiré avec des yeux émerveillés le panorama splendide qui, par ce temps limpide, s’étendait vers le sud jusqu’aux cimes des Alpes Bernoises, par dessus le Jura. (….)

Au crépuscule, alors que les neiges des Hautes-Chaumes commençaient à rosir, nous avons pris le sentier du lac Noir, nous espaçant par petits paquets pour ne pas tenter les artilleurs boches toujours à l’affût d’un objectif. Non sans être incommodés par quelques shrapnells qui n’ont pas été loin de nous endommager nous sommes arrivés à l’auberge du Lac, blottie sous la protection d’un éperon boisé, où des officiers du 52e bataillon nous ont offert le plus aimable accueil. A la nuit, is nous ont conduits, par un sentier de chèvres, au minuscule village de Pairis, but de notre étape, où notre surprise a été grande de trouver de jolies maisons intactes, habitées, un cantonnement confortable et un dîner substantiel chez le curé. L’immunité de ce délicieux endroit s’explique par une entente plus ou moins tacite de réciprocité à l’égard du gros bourg d’Orbey que les Boches occupent au bas de la vallée, et que nous n’avons jamais bombardé. (…)

Le lendemain par le même temps ensoleillé de la veille, nous avons employé la matinée à étudier en détail le secteur, ce qui nous était rendu possible par les bois de sapons qui permettent de se promener à portée de fusils boches, sans courir de grands risques. Après cette reconnaissance du terrain, nous rentrions à Pairis où nous avons passé l’après-midi avec plusieurs officiers du 52e dans leur installation très confortable, évitant soigneusement de nous montrer au dehors ; car là-bas, la consigne est rigoureuse : personne dans les espaces découverts le jour, aucune lumière la nuit.

Ce matin, nous sommes repartis à 4 heures pour le lac Blanc et Gérardmer, où nous sommes arrivés vers midi. » (Belmont 1916)

 

10 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Le président Poincaré est venu ce matin à Gérardmer passer en revue le 11e, son ancien bataillon où il a été officier de réserve. A 9 heures, nous étions rassemblés en tenue de campagne lorsqu’un cortège d’automobiles a fait son entrée ronflante dans la cour de la caserne : aussitôt, fanfares clairons, baïonnettes, et le Président a passé devant le front des compagnies figées dans le : « Présentez, armes !… » puis il a remis quelques décorations, médailles militaires.

Nous avons alors défilé devant lui au son de la Side-Brahim. (…) Poincaré s’est déclaré très satisfait et a félicité chaudement le commandant Foret. Il a ensuite invité à un déjeuner tout intime les commandant de compagnies et deux lieutenants. J’y ai donc assisté, avec plus de curiosité que de véritable plaisir. Déjeuner gai et cordial, bien que le Président et surtout les satellites qui l’accompagnaient (Millerand et plusieurs officiers) soient plutôt de l’espèce des silencieux, ce qui se comprend aisément. J’étais très honoré, puisqu’on m’avait placé à côté du général Blazer, voisin lui-même de Poincaré. » (Belmont 1916)

 

11 février 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Echec d'une attaque française de la 1ere Brigade de chasseurs pour reprendre le secteur du Jägertanne. (Guelton in 14-18 n°34)

 

12 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

Ce soir « a eu lieu à la villa Sans-Souci, chez le commandant, la petite fête, plusieurs fois renvoyée, et qui a fini par être plus cérémonieuse que nous ne le pensions. Le général Blazer, ses officiers d’état-major, les officiers du 11e au complet et même plusieurs dames composaient, dans ce salon luxueux, étincelant de lumières, une assistance quasi mondaine, et on aurait eu peine à croire que nous étions là les mêmes qui revenions il y a un mois, crottés jusqu’aux yeux, des tranchées de Carency. Drôle de guerre tout de même !

Soirée très gaie, très animée ; au programme figuraient quelques morceaux de musique, violoncelle, chants, des monologues, de la fanfare et surtout la petite Revue (…) et qui a paru amuser beaucoup tout le monde, y compris le général et les dames, ces dernières peut-être un peu effarouchées du ton assez libre de certaines plaisanteries. Par le temps qui court, on ne s’épouvante pas pour si peu ! On s’est retiré vers minuit. » (Belmont 1916)

 

15 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

«  On s’habitue vite à vivre confortablement, avec tout le nécessaire et beaucoup de superflu. L’affreuse routine s’insinue sournoisement, elle nous attire peu à peu sous sa domination, et malgré la gravité des temps que nous traversons, nous finissons par vivre ici, a quelques kilomètres de la guerre, avec la même insouciance que si nous étions en pleine paix, à stagner dans une étroite garnison de province. (…)

Presque quotidiennement, nous éprouvons combien les hommes redescendent vite la pente qui mène au vulgaire. La discipline, quand elle ne s’impose pas d’elle-même, leur semble une gêne, une torture détestée. (…) Sans doute, quand ils sont aux tranchées, quand la mort les frôle pendant des jours et des nuits , ou bien quand ils s’en vont la baïonnette en avant à travers les balles, leur personnalité s’oublie, ou plutôt elle s’élargit, s’épure et devient un moment simple et nue. » (Belmont 1916)

 

18 février 1915

 

11e BCA. Gérardmer.

« Nous sommes sur le point de partir ; nous sommes même en train de partir puisque le commandant est déjà parti avec deux compagnies. (…)

Le bataillon va relever le 12e dans le secteur en avant de Sulzern, de l’autre côté de la Schlucht ; c’est donc sur le sol d’Alsace que nous allons nous fixer. » (Belmont 1916)

 

Vendredi 19 février 1915

 

11e BCA. « Il s’agissait, non pas d’une petite attaque isolée, mais d’une sérieuse entreprise dans laquelle les Allemands pensaient vraisemblablement nous chasser de l’Alsace. Ils avaient engagé là quatre ou cinq régiments tout frais sortis des dépôts, composés surtout de très jeunes gens entre 17 et 22 ans, tous équipés à neuf et bouillants d’inexpérience (joli gibier pour nos balles) !

Sous le choc violent, nous perdons du terrain… et du monde. (….)

Ma compagnie m’ayant rejoint, au petit jour on nous a fait monter au Sattel. » (Belmont 1916)

 

Samedi 20 février 1915.

 

11e BCA. Sattel.

« J’ai fait, sans grand résultat, une contre-attaque sur le Reichakerkopf. (…) Les hommes, éreintés par la marche, fourbus, avancent tant bien que mal, et nous prenons pied sur une partie du piton. Mais là, retour offensif des Boches, qui me tuent un officier, trois chasseurs et m’en blessent plusieurs. Pour éviter des pertes plus sérieuses sans profit, je replie ma compagnie sur le Sattel où nous restons jusqu’au 26, organisant les lisières creusant des trous, tuant quelques Boches trop audacieux sur la lisière ennemi face et souffrant pas mal du froid assez vif qui m’a fait perdre quelques hommes par pieds gelés. » (Belmont 1916)

 

Mercredi 24 février 1915

 

11e BCA. Sattel.

« Nous sommes engagés depuis le 20 et avons eu quelques affaires assez chaudes ; c’est même la seule chaleur que nous ayons pour le moment.

Nous sommes dans les bois du Sattel, au-dessous de Stosswihr (région de Munster). Les Boches ont attaqué fortement dans toute cette région où nous venions pour relever tranquillement le 12e bataillon. Les Boches ont gagné du terrain. Nous leur avons tué beaucoup de monde ; mais ils nous ont fait du mal aussi. (….)

(Depuis le 20 février), nous sommes sur la lisière du bois, retranchés pour empêcher les Boches d’aller plus loin. Depuis hier, ils ont l’air de se calmer, et une nouvelle attaque de leur part a échoué.

Le pauvre 11e a souffert ces jours-ci. Certaines compagnies ont eu beaucoup de mal. (…)

Il fait froid, il neige, mais le moral reste bon. » (Belmont 1916)

 

Vendredi 26 février 1915

 

11e BCA. Sattel.

« La situation est moins tendue - nous rentrons peu à peu dans le calme. Le froid, encore vif, nous éprouve suffisamment. Pas mal de pauvres diables ont les pieds gelés.

Nous avons eu des journées dures ; elles l’ont été aussi pour les Boches ; aussi ils n’ont pas insisté davantage.

Nous sommes tous d’une saleté qui nous ferait peur si nous n’étions pas tous pareils et sans terme de comparaison. »

« Au soir, on nous envoie rejoindre le bataillon qui, éparpillé et éprouvé depuis six jours, se reforme tant bien que mal dans les bois de Bischstein. J’y retrouve le commandant, lui-même éreinté, malade, affligé des épreuves des jours précédents, mais toujours inébranlable et maître de lui. » (Belmont 1916)

 

Samedi 27 février 1915

 

11e BCA. « Une journée de demi-repos dans les sapins ; et le même jour, le 27, nous allons occuper une petite crête au-dessus de Sulzern où il fait très froid et où nous restons grelottants. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf.. Nouvel échec d'une attaque française sur le secteur du Jägertanne. Elle est précédée d'une préparation d'artillerie de plus de 3000 obus du 65 au 220mm. Cette préparation est totalement inefficace. (Guelton in 14-18 n°34)

 

Dimanche 28 février 1915

 

11e BCA. « Une compagnie du 12e vient nous relever à la nuit, car nous devons prendre part à une attaque le lendemain. Mais les Boches nous devancent, et au milieu de la nuit attaquent violemment Sulzern. Ils sont mal reçus et laissent pas mal de monde sur le carreau. Nous sommes de nouveau engagés, suivant la nécessité du moment ; il neige, il fait un temps affreux. Malgré cela, les hommes quoique déprimés ne se comportent pas trop mal et, dans cette nuit, un sergent de ma compagnie prend, à lui tout seul, en patrouille, une maison que les Boches occupaient et où il en démolit, coup sur coup, trois dont deux à la baïonnette et un avec une balle, à bout portant. » (Belmont 1916)

 

Lundi 1er mars 1915

 

11e BCA. Sattel.

« Toujours sur le qui-vive ! Les Boches nous en veulent et ne sont pas encore calmés. Mais la nuit dernière ils ont été très mal reçus et ont laissé par là beaucoup des leurs. (….) Le temps est assez pénible ; il a neigé sans arrêt depuis hier. »

« Les hommes ramassent tout un butin sur les cadavres boches qui sont un peu partout. » (Belmont 1916)

 

Mardi 2 mars 1915

 

11e BCA. « Au soir, on nous relève. » (Belmont 1916)

 

Mercredi 3 mars 1915

 

11e BCA. Col de Bischstein.

« Au petit jour nous sommes venus nous ressaisir ici où est installé le poste de commandement et où nous sommes abrités tant bien que mal dans des gourbis construits en plein bois avec des troncs d’arbres et de la terre. » (Belmont 1916)

 

Jeudi 4 mars 1915.

 

11e BCA. Col de Bischstein.

« Aujourd’hui notre situation est meilleure, et le temps aussi. Beaucoup d’hommes sont un peu malades : toux, bronchites, pieds endoloris ou gelés : mais tout cela commence à aller mieux. Les Boches ont dû réfléchir après leur dernière attaque, qui leur a coûté cher ; ils se contentent de semer leurs marmites un peu partout du côté de la Schlucht. De notre côté on se retranche en hâte, on s’accroche, on s’organise, on se hérisse de fils de fer, d’abatis, on étudie des positions de deuxième ligne.

Le terrain perdu par nous sous le premier choc donne aux Allemands l’avantage de pouvoir bombarder à loisir toute cette vallée et la route de la Schlucht à Sulzern. » (Belmont 1916)

 

Vendredi 5 mars 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Nouvelle attaque française qui parvient à conquérir le flanc Nord du Vieil Armand et une partie du secteur du Jägertanne (Guelton in 14-18 n°34)

 

 

Samedi 6 mars 1915

 

11e BCA. « J’ai eu à engager deux compagnies dont la mienne, dans des conditions difficiles et pénibles (…) Il s’agissait d’une attaque dirigée sur les lignes allemandes des faubourgs de Stosswihr. Nous n’avons, d’ailleurs, pas pu atteindre l’objectif désigné et nous avons eu assez de mal par les balles et les obus. (….)

A la nuit, nouvelle mission offensive avec un objectif différent. La nuit a été ingrate ; notre mouvement faisait partie d’un programme plus vaste qui n’a pas pu être rempli. » (Belmont 1916)

 

Dimanche 7 mars 1915

 

11e BCA. « La journée (…) a été assez dure. Le soir nous prenions les avant-postes à Ampferbach jusqu’à 3 heures du matin. » (Belmont 1916)

 

Lundi 8 mars 1915.

 

11e BCA. « Relevés, nous rentrions ici (col de Bischstein)où nous construisons des abris de Robinsons. C’est fini pour le moment. » (Belmont 1916)

 

Mercredi 10 mars 1915

 

11e BCA. Col de Bischstein.

« Nous sommes encore en plein hiver ; il neige abondamment, il fait très froid et il faudra encore longtemps avant que ces forêts aient retrouvé l’aspect qu’elles avaient au début de la guerre. (….)

Les derniers combats dans cette vallée de la Schlucht à Munster, nous ont coûté pas mal de monde. Une fois de plus, je me trouve seul officier dans ma compagnie. Heureusement, nous venons de recevoir un renfort de 300 hommes dont j’ai absorbé pour ma compagnie 57 hommes et quelques gradés. » (Belmont 1916)

 

Vendredi 12 mars 1915

 

11e BCA. Col de Bischstein.

« Peu à peu, après les agitations des dernières semaines, nous revenons à la vie monotone et routinière des tranchées.

Voici bientôt cinq mois que nous ne faisons presque pas d’autre guerre. » (Belmont 1916)

 

Dimanche 14 mars 1915

 

11e BCA. Col de Bischstein.

« Nous avons retrouvé dans toute sa monotone splendeur la vie des tranchées. Les seuls incidents sont les bombardements quotidiens du village de Sulzern et de celui d’Ampferbach ; ou bien des fusillades plus ou moins prolongées sur le Reichakerkopf où la situation reste assez critique, bien qu’à notre avantage.

Notre activité consiste surtout dans l’organisation de nos positions ; mais cette besogne est un peu fastidieuse depuis le temps qu’elle est pareille à elle-même, et les hommes n’y manifestent plus beaucoup de goût (… )

Dans le nombre, il en reste pourtant quelques uns des bons, des dégourdis, rescapés du commencement qui ont promené leur peu jusque là. Quelque fois en croisant une autre compagnie, je suis abordé par un homme qui, tout heureux de revoir une des figures de la première heure (car elles sont rares maintenant !) vient me rappeler que nous avons marché ensemble tel jour, il y a longtemps, au 51e ou dans notre première campagne des Vosges. (…..)

Nous avons trouvé sur plusieurs Allemands blessés ou tués de petits tubes ou flacons d’éther qui, étant tous du même modèle, ont dû leur être distribués dans leurs unités et non envoyés de chez eux ou achetés individuellement. Beaucoup avaient aussi des flacons d’alcools divers dans leurs sacs, cognac, eau de vie, etc…. Il est donc possible qu’on leur recommande et qu’on leur facilite l’usage de ces drogues. Mais, du moins en ce qui me concerne, je n’a jamais eu devant moi les bandes désordonnées et ivres dont parlent les journaux. Ce qui m’a frappé cependant lors de leurs premières attaques de février, c’est l’indifférence que certains manifestent pour les balles, venant se risquer tout près de nos fusils, sans paraître s’inquiéter, ni même se rendre compte des balles que nous leur envoyions. J’avais cru pouvoir attribuer cette attitude précisément à leur inexpérience du combat, car c’est un fait que nous avons tous constaté, que la première fois on n’a pas nettement la sensation du danger. » (Belmont 1916)

 

Lundi 15 mars 1915

 

11e BCA. Col de Bischtein.

« Outre les fusillades, le canon fait beaucoup de vacarme ces jours-ci. Les Boches utilisent les positions dominantes qu’ils nous ont prises, pour abrutir sous les obus les malheureux villages d’en bas, Sulzern et surtout Ampferbach et ses hameaux. Malgré ce bombardement systématique, les habitants sont presque tous restés et se tapissent dans les caves tout le jour. Je me suis demandé pourquoi on n’avait pas évacué sur l’arrière depuis longtemps la population civile de ces villages où elle n’a rien à faire si près de l’ennemi. (….)

Un jeune officier du 12e m’a raconté que, dans le village de Metzeral, les chasseurs fréquentaient volontiers une certaine femme dont les allures ont paru suspectes peu de temps avant les attaques allemandes, et sur laquelle on a trouvé à ce moment un carnet où figuraient, à côté des jours de rendez-vous avec des sous-officiers allemands, toutes sortes de renseignements sur nos troupes, sur les bataillons et leurs numéros, sur l’âge et l’aspect des chasseurs, et je ne sais quoi encore. Cette femme a été arrêtée par nous. » (Belmont 1916)

 

Mercredi 17 mars 1915

 

Hartmannswillerkopf. Nouvel assaut des 13e et 7e BCA en contrebas de la Cuisse droite. Les Allemands ne reculent pas et le 13e BCA perd une centaine d'hommes.

Trop éprouvé par les combats menés depuis le 19 janvier, le 13e BCA est relevé par le 152e RI. (Guelton in 14-18 n°34)

 

20 mars 1915

 

11e BCA. « Un violent combat annoncé par un bombardement intense s’est engagé sur le Reichkerkopf. Les Allemands qui avaient reçu d’importants renforts , ont attaqué énergiquement la position, en appuyant leur attaque par une raillerie considérable. Le combat a commencé vers 3 heures de l’après-midi et a duré jusque vers 6 heures, extrêmement violent. De nos positions, nous pouvions suivre l’action par les éclatements ininterrompus d’obus boches auxquels, hélas ! Les nôtres ne répondaient guère. Quel vacarme et quel enfer ! Le résultat …. ! hélas, je crois bien que depuis le soir le Reichakerkopf n’est plus à nous. Ce matin, nos batteries arrosaient son sommet et ses lisières : c’est donc que nous n’y étions plus. (…) Mais réellement, l’artillerie ne nous aide pas assez ici. C’est à croire que chez nous on manque de munitions. » (Belmont 1916)

 

21 mars 1915

 

11e BCA. Près de Sulzern.

« Une belle journée de printemps, ciel pur, grand soleil généreux qui réchauffe et qui fait scintiller la dernière neige accrochée aux pentes.

Nous sommes toujours au même endroit, sur cette crête rocheuse. (…) Les journées sont tièdes ; sur l’herbe encore fanée et jaune, entre les rocailles grisâtres tachées de lichens, les chasseurs lézardent et se baignent dans cette douce lumière qui ranime leur sang, ralenti par ce long hiver. » (Belmont 1916)

 

23 mars 1915

 

11e BCA. Avant-postes de Sulzern.

« Encore une alerte ce matin. Vers 9 heures, on m’envoyait l’ordre de me tenir prêt à marcher pour 10 heures, sans autre indication.

Il paraît qu’on devait essayer de reprendre le Reichakerkopf. Mais, en réalité, notre rôle, très secondaire, se bornait à neutraliser et à distraire par des feux de salve intenses les lignes allemandes pendant qu’on poussait l’offensive là-haut. Les Boches ont répondu à notre fusillade par un arrosage d’artillerie qui ne nous a pas fait de mal.

Quand à l’action principale au Reichakerkopf, je ne sais ce qu’elle a donné. Notre artillerie a préparé l’attaque un assez long moment avec du 120, du 75, et du 65. Puis l’infanterie a commencé son mouvement, trahi par les feux de mousqueterie, mais tout s’est calmé relativement vite. J’ai toujours l’impression qu’il n’y a rien de changé là-haut. (….)

Ce qui fait l’importance de cette position, c’est qu’elle domine et commande parfaitement Munster et toute la vallée de la Fecht. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf. Nouvel assaut français vers le sommet du Vieil Armand qui est mené par le 152e RI et le 7e BCA. L'assaut se déroule sur un front de 350m et il est précédé d'une préparation d'artillerie en 2 temps.

Dans un premier temps, elle s'effectue sur les tranchées de première ligne vides de leurs occupants allemands retirés vers l’arrière. Puis elle s'arrête laissant présager l'assaut français.

Dans un deuxième temps elle reprend et surprend les Allemands qui sont en train de réoccuper les tranchées de première ligne. Les pertes allemandes sont sensibles.

L'assaut qui est ensuite lancé progresse lentement. Les Français approchent du sommet et font 200 prisonniers. Les Allemands lancent des contre-attaques qui échouent toutes. (Guelton in 14-18 n°34)

 

24 mars 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Nouvelles contre-attaques allemandes qui échouent toutes. (Guelton in 14-18 n°34)

 

25 mars 1915

 

11e BCA. « Nos journées restent calmes. Au Reichakerkopf on n’entend plus rien depuis la petite contre-attaque d’avant-hier. Toute la nuit, des fusées éclairantes partent d’un côté ou de l’autre illuminant toute la montagne. Visiblement, ni les Allemands ni nous ne songeons pour le moment à une offensive sérieuse. Il faut se garder de croire que nos ennemis soient à bout de ressources et de moyens ; mais il ne faut pas se lamenter non plus de la longueur de la guerre, de l’infériorité des troupes actuelles comparativement à ce qu’elles étaient au début. C’est une tendance fâcheuse qu’on a toujours eue en France de pronostiquer, de discuter, de s’abandonner à des considérations à perte de vue, à tort et à travers.

Surtout, nous sommes tous des esprits trop critiques. Une des grandes différences entre le soldat boche et le français est que le premier exécute les ordres sans plus, tandis que le second les apprécie d’abord. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf.. Nouvelles contre-attaques allemandes qui échouent toutes. (Guelton in 14-18 n°34)

 

26 mars 1915

 

Hartmannswillerkopf.. Reprise de l'attaque française. Elle est menée par les 152e RI, 7e et 53e BCA.

Le 152e RI monte à l'assaut avant la fin de la préparation d'artillerie et repousse les Allemands jusqu'à une ligne Nord du Bischofshut – Aussichtsfelsen – Rehfelsen.

Le sommet du Vieil Armand est aux mains des Français qui sécurisent leurs positions en s'assurant la possession, définitive, des Rochers Sernet et Mégard et temporairement du Bischofshut. Pour la première fois les Français peuvent bombarder la ligne de chemin de fer Colmar -Mulhouse et ainsi perturber le système logistique allemand. (Guelton in 14-18 n°34)

 

 

Date de création : 11 septembre 2023

2e modification : 26 décembre 2023.



01/11/2023
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