1942. La 2e Guerre mondiale dans le Rhône

1942. LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE DANS LE RHONE.

 

Janvier 1942

 

Lyon. Arrestation d’Henri COLIN chargé de la diffusion des Cahiers du Témoignage Chrétien. Le 30 octobre 1942, il est condamné à 13 mois de prison. En résidence surveillée du fait de son état de santé, il réussit à s’enfuir en février 1943. (Permezel 2003)

 

3 janvier 1942

 

Lettre adressée au maire de Lyon.

« Les vieux crèvent de faim. Pas suffisamment de pain, pas de lait, pas assez de sucre et de chocolat. Le vin a diminué. Ils ont besoin de manger, accablés par les années de travail …. Un peu plus de vin et de sucre nous aideraient à supporter les malheurs et les queues. Nous avons toujours les raves et les navets. (Aulas 1974)

 

12 janvier 1942

 

Chauffage. Distribution supplémentaire de bois aux malades, infirmes, nécessiteux. (Aulas 1974)

 

13 janvier 1942

 

Lyon. Arrestation et internement de Jean CHANTON membre de Combat. Il est libéré le 13 mai 1942. (Permezel 2003)

 

15 janvier 1942

 

Lyon. Arrestation par la police, au domicile d’Emmanuel MOUNIER directeur de la revue Esprit et de plusieurs agents de Combat :

  • Emmanuel MOUNIER est libéré provisoirement le 21 février mais maintenu en internement administratif à Vals-les-Bains.

  • Pierre CROZIER, diffuseur de Témoignage Chrétien, est condamné par le Tribunal correctionnel de Lyon le 19 octobre 1942 à 10.000 francs d’amende et 1 an d’emprisonnement. Il est libéré au début de l’année 1943 pour raisons de santé. Il décède de mort naturelle le 7 janvier 1944. (Permezel 2003)

 

18 janvier 1942

 

Belleville. Au cours d’une séance de cinéma où sont projetées des actualités d’origine allemande montrant un sous-marin en action dans l’Atlantique, des spectateurs manifestent par des cris de réprobation et des sifflets. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Ravitaillement. Le préfet ANGELI, le maire de Lyon Georges Villiers et le cardinal GERLIER quêtent dans les différents quartiers de la ville pour acheter du blé. (Aulas 1974)

 

20 janvier 1942

 

Chauffage. Distribution par les chantiers de jeunesse du « cadeau de la province Alpes-Jura » qui consiste en 50 tonnes de bois de chauffage pour le familles nécessiteuses. (Aulas 1974)

 

22 janvier 1942

 

Lyon. Arrestation de Jean DEMMACHY membre de Combat. Il est libéré le 27 mars 1942. Jugé le 30 octobre 1942, il est condamné à 6 mois de prison et 6000 francs d’amende. (Permezel 2003)

 

23 janvier 1942.

 

Le fichier général des Juifs de la zone non occupée doit être établi par la statistique générale de Lyon.

« Le fichier général des Juifs résultant du recensement ordonné par la loi du 02/05/1941 devait initialement être établi par vos soins (services de la sûreté nationale)

Des difficultés de différentes natures, en particulier d’absence de locaux appropriés, vous ont amené, sur ma proposition, à confier ce travail au service de la statistique générale, 10 rue des Archers à Lyon.

Cette administration m’informe qu’elle se charge de l’établissement et de la tenue à jour du fichier par des procédés mécanographiques perfectionnés, grâce auxquels nos services trouveront en permanence une base qualifiée pour leurs travaux. Les frais de l’établissement s’élèvent à 400.000 francs. Puisque cette charge aurait été normalement supportée par vos services, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir inscrire cette somme au budget de votre ministère. » (note du CGQJ au cabinet du ministère de l’Intérieur) (KLARSFELD 2019)

 

Lyon. Arrestation par la police française de Simone GOUYOU et de François LANGLADE membres de Combat.

  • Simone GOUYOU est internée jusqu’au 28 mars 1942. Le 30 octobre 1942, elle est condamnée à 2 mois de prison et 2000 francs d’amende. Elle poursuit ses activités de résistante.

  • François LANGLADE est condamné le 19 octobre 1942 à 6 mois de prison et 6000 francs d’amende. Il est interné à Clermont-Ferrand (63) (Permezel 2003)

 

Lyon. 1ere arrestation de Marcel PECK membre de Combat. Il est interné jusqu’au 28 mars puis remis en liberté provisoire. (Permezel 2003)

 

24 janvier 1942

 

Chauffage. La ville de Lyon dispose d’un stock de 13000 tonnes de charbon. (Aulas 1974)

 

Lyon. Arrestation de Mathilde PEYRON agent de Combat. Le 19 octobre 1942, elle est condamnée à deux mois de prison et 2000 francs d’amende. (Permezel 2003)

 

Février 1942

 

Lyon. Découverte d’une grave affaire de vente de faux tickets de pain. L’imprimerie clandestine doit se trouver en zone occupée. « Le commerce a surtout lieu dans les milieux arabes, les feuilles étant vendues entre 150 et 170 francs. » 10 arrestations sont opérées par la gendarmerie. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

1er février 1942

 

Tarare. Découverte de deux inscriptions à la craie sur deux portes boulevard Voltaire. « Suivez bien Pétain si vous voulez crever de faim. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

9 février 1942

 

Espagne. Lucien CLAVREUL arrêté une deuxième fois alors qu’il tentait de rejoindre l’Angleterre par l’Espagne est libéré à nouveau. Il rejoint Lyon, reprend son emploi d’ingénieur à la société des câbles de Lyon et intègre Combat. (Permezel 2003)

 

11 février 1942

 

Givors. Une cinquantaine de ménagères n’ayant rien trouvé sur le marché se rendent en groupe à la mairie pour protester. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

17 février 1942

 

Irigny. Une cinquantaine de femmes se présentent à la mairie pour protester. Reçues par le maire, elles exposent leurs revendications : le rattachement de la commune d’Irigny à l’agglomération lyonnaise en ce qui concerne les avantages du ravitaillement. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

23 février 1942

 

Rapport du chef d’escadron RABOUHAMS, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« A Tarare, les deux seuls producteurs de légumes fréquentant le marché ont dû être assistés chacun, jeudi, par la police et la gendarmerie afin de prévenir le vol de leurs marchandises par la foule des ménagères qui se pressait sur le marché.

A Thizy et à Bourg de Thizy, les municipalités établissent des soupes populaires au prix de 4 francs par jour. Une centaine de personnes les fréquentent et, à la suite de commentaires, une discrimination a été faite pour réserver cette faveur aux plus nécessiteux.

Certains habitants ont trouvé une solution au problème de la réglementation en matière de ravitaillement. Différence de traitement entre les communes rurales et l’agglomération lyonnaise ; c’est ainsi que beaucoup de personnes de la circonscription de Saint-Genis Laval ont fait échanger leurs feuilles de rationnement de février à Oullins et Lyon pour pouvoir bénéficier des suppléments accordés aux habitants de ces cités.

Enfin beaucoup d’hommes non fumeurs ont la carte de tabac et spéculent soit avec celle-ci, soit avec le tabac. Ceci n’est pas sans amener des réflexions , plutôt que des protestations, de la part des femmes qui avaient l’habitude de fumer. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Une inscription est faite à la craie sur le portail de l’école de tissage, cours des Chartreux. « Ménagères réclamez de quoi manger. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

25 février 1942

 

Lyon. Vers 10h30, une trentaine de femmes manifestent devant l’hôtel Carlton où siège une commission allemande d’armistice, dans le but de protester contre le manque de denrées. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

27 février 1942

 

Lyon. Arrestation de Marceau IGOLEN, chauffeur civil au Parc d’Artillerie de Lyon Gerland et membre du Service de Camouflage du Matériel. Il est libéré le 3 janvier 1943, faut de preuves. En juin 1944, il rejoint le maquis du Vercors. (Permezel 2003)

 

28 février 1942

 

Lyon. Arrestation, sur dénonciation, de Marcel CHAPELLE membre du Coq Enchaîné, au moment où il récupère des papiers dans une boite aux lettres. Condamné à être interné au camp de Mauzac (Haute-Garonne), il est remis en liberté après une intervention de son père auprès du maréchal Pétain, ce qui lui permet de reprendre son activité dans la Résistance. (Permezel 2003)

 

Mars 1942

 

Lyon. Sortie du 1er numéro du journal « L’insurgé ». (Permezel 2003)

 

Oullins. Des militants communistes déposent une gerbe devant le monument aux morts à la mémoire de Pierre SEMARD (secrétaire général de la Fédération des cheminots, fusillé par les Allemands le 7 mars 1942 à la prison d’Evreux). (Permezel 2003)

 

18 mars 1942

 

Lyon. La Résistance organise le boycott de l’orchestre philarmonique de Lyon. (Aulas 1974)

 

21 mars 1942

 

Thizy. Des ouvrières de la commune tentent de se rendre en Allemagne pour y travailler. Cette tentative échoue à la suite d’une intervention de la police en gare de Lyon à la formation du convoi. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Avril 1942

 

Lyon. Salle Molière. Lors d’une conférence pro-allemande prononcée par le professeur GRIMM, Edouard BONTOUX membre de Combat lance 3 bombes lacrymogènes provoquant l’évacuation de la salle. (Permezel 2003)

 

21 avril 1942

 

Rapport du chef d’escadron RABOUHAMS commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les Allemands continuent à recruter de la main d’oeuvre malgré les instructions en vigueur. Plusieurs officines existent dans les cafés lyonnais. Elles offrent des avantages exceptionnels qui ne sont pas accordés au moment de la signature du contrat : salaire de 30 à 40 francs l’heure, 900 francs par mis pour la femme restée au foyer et 200 francs par enfant et par semaine.

Les Allemands recrutent également directement par l’intermédiaire des commissions d’armistice, en particulier celle de l’hôtel Carlton. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

28 avril 1942

 

Lyon. Arrestation de Camille LABRUX membre des FTPF. Il est condamné à 10 ans de revaux forcés et transféré au Puy en Velay où il est libéré par un commando FTP en compagnie de deux autres résistants. (Permezel 2003)

 

Mai 1942

 

Département. Création des Comités sociaux dans le Rhône.

Presque toutes les 272 entreprises rhodaniennes concernées en sont dotées. (Aulas 1974)

 

1er mai 1942

 

Lyon. Place Carnot, manifestation d’étudiants et d’ouvriers à l’occasion de la fête du travail. Arrestation de Henri DESCHAMPS, militant de la Ligue des Droits de l’Homme et membre de France-Liberté. Il est interné durant une semaine puis révoqué de l’instruction publique le 20 mai 1942.

Le 25 juin 1942, il est condamné à 15 jours de prison ferme pour avoir crié « vive la République » à l’occasion de la manifestation du 1er mai. A l’occasion de cette manifestation les premiers « Vive De GAULLE sont entendus.

Traqué, il part pour Londres le 16 avril 1943. (Permezel 2003 et Aulas 1974)

 

Lyon.Place Bellecour. Manifestation devant le consulat des USA. (Aulas 1974)

 

Lyon. Des militants communistes dont Henri FAVORITI fixent un drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, sur le câble du bac qui traverse le Rhône. (Permezel 2003)

 

2 mai 1942

 

Marseille. Arrestation sur dénonciation de Jacques BRUNSCHWIG adjoint d’Emmanuel d’ASTIER DE LA VIGERIE pour Libération Sud. Faute de preuves, il est relâché le 19 mai et gagne Lyon jusqu’à l’automne 1942. (Permezel 2003)

 

5 mai 1942.

 

Lyon. Arrestation pour rédaction et diffusion de tracts d’Antoine AVININ membre de Franc-Tireur. Il est incarcéré à Saint-Paul durant 3 mois avant d’être libéré. Il quitte Lyon pour Toulouse. (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation d’Antoine BEROUD, FTPF responsable des jeunesses communistes et de son épouse Jeanne. Emprisonné à Bergerac, il peut s’évader avec 75 autres détenus le 31 juillet 1944. Jeanne pour sa part, est emprisonnée 10 mois à Grenoble. (Permezel 2003)

 

15 mai 1942

 

Lyon. Impression du 1er numéro du journal clandestin « Le populaire. » (Permezel 2003)

 

16 mai 1942

 

Religion. Le Consistoire israélite remercie chaleureusement le « prince de l’Eglise (Cardinal GERLIER) qui exerce avec tant de grandeur la Primatie des Gaules. (Aulas 1974)

 

18 mai 1942

 

Rapport du 21 mai du chef d’escadron RABOUHAMS, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« La société de l’orchestre philarmonique de Berlin est arrivée à Lyon pour y donner le jour même, à 20 heures, un concert à la salle Rameau. Le même jour , à 8 heures, la gendarmerie découvrait un tract dont la copie est donnée ci-dessous.

« Pendant que 1.500.000 des nôtres dépérissent dans les camps allemands

Alors que 200.000 tombes sont à peine couvertes

A l’heure même où l’on fusille encore nos frères

Les bourreaux nous provoquent chez nous

CA LYONNAIS NOUS NE LE TOLERERONS PAS

TOUS SALLE RAMEAU LUNDI 20 HEURES

LES BOCHES NE JOUERONT PAS. 

Les mouvements de résistance. »

A 20h15 la foule se rassemble derrière les barrages de police et commence à manifester contre les Allemands et contre les personnes qui vont assister au concert. A 20h30, la foule se montre de plus en plus pressante et bruyante. Les barrages tenus par les groupes mobiles de réserve des gardiens de la paix paraissent débordés et le commissaire divisionnaire de la Sûreté publique demande l’intervention de la gendarmerie pour dégager les rues et les abords de la place des Terreaux. Des arrestations sont faîtes, en particulier pour refus de circuler et voies de fait.

A 22h40, quelques petites manifestations ont lieu auprès du Consulat des Etats-Unis puis auprès de l’hôtel Carlton, où demeure une commission allemande de contrôle.

A 23h, une légère manifestation a lieu rue de la République, où interviennent les gardiens de la paix et les gendarmes.

Cinquante-neuf arrestations ont été faites. Les cinquante-neuf personnes arrêtées ont été transférées au fort Barreaux 19 mai 1942.

Dans les régions de Lyon et de Givors, les difficultés de ravitaillement sont toujours très grandes. A Lyon notamment, on ne trouve guère sur les marchés que des salades et des épinards, souvent en quantité insuffisante. » (Pontaut/Pelletier 2008 et Aulas 1974)

 

Juin 1942

 

Lyon. Exposition de projets d’embellissement de la ville de Lyon à l’Hôtel Villeroy, 37 rue de la Charité. Le concours proposait 2 sujets différents :

I. L’urbanisme du quartier Saint-Georges, de la place Saint-Jean à la montée de Chouans.

« L’étude de ce projet aurait pour objet d’adapter aux exigences de la vie moderne, tant au point de vue de l’hygiène que de la circulation, ce quartier ancien tout en conservant ce qu’il peut avoir d’intéressant au point de vue archéologique, historique ou simplement touristique. »

M MAITRE est lauréat pour ce sujet.

II. L’amélioration des conditions de circulation et du stationnement à Lyon.

« Le but de cette étude serait de faire ressortir les différentes mesures susceptibles de concourir à l’amélioration des conditions de la circulation et du stationnement. »

M ALBERT est le lauréat pour ce sujet. (Aulas 1974)

 

1er juin 1942

 

Anse. Lors d’un parachutage d’armes, les résistants sur place sont cernés par une soixantaine de gendarmes et agents du SOL. Plusieurs résistants sont arrêtés :

  • Marcel CLAEYS. Il réussit à s’évader de la prison Saint-Paul d’Eyjeaux (87) à sa quatrième tentative ce qui lui permet de reprendre ses activités de résistant.

  • Georges PEZANT, membre du réseau Buckmaster. Le 17 mars 1943, il est condamné à 1 an de prison et transféré à Saint-Paul d’Eyjeaux (87) dont il s’évade le 10 septembre 1943 (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation par la police de Vichy de Maurice JOUFFRAY, membre de Combat. En liberté provisoire, il est condamné par contumace le 30 octobre 1942 à 10 ans de prison et 120.000 francs d’amende. Il décède de la tuberculose durant l’automne 1942 à l’âge de 23 ans. (Permezel 2003)

 

2 juin 1942

 

Rapport du chef d’escadron RABOUHANS daté du 21 juin 1942, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Un parachutiste, qui, jusqu’à preuve du contraire, doit être de nationalité britannique, a été arrêté par la brigade de gendarmerie d’Anse dès son atterrissage. Cinq individus suspects qui semblaient attendre le parachutiste ont été arrêtés le même jour.

Le parachutiste était porteur notamment de la somme de 299.000 francs. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Anse. Parachutage de Robert BOITEUX agent du SOE. Il va s’installer à Lyon, où il fonde le réseau Nicolas, constitué en majorité de membres du coq enchaîné. Il rejoint Londres en août 1943. (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation par la police française de Maître Henri COLLIARD pour activités politiques. Une perquisition à son domicile permet de découvrir des documents trotskistes datant d’avant guerre. Emprisonné dans différents lieux, il passe aux mains des Allemands le 30 juillet 1944. Déporté, il meurt d’épuisement le 8 avril 1945. (Permezel 2003)

 

10 juin 1942

 

Collaboration économique. Une note confidentielle est adressée par le secrétariat d’Etat au travail aux inspecteurs du travail et aux préfets. Cette note invite ces fonctionnaires à faciliter l’installation de bureaux de placement allemands, à apporter leur collaboration effective à ces services, en particulier à leur communiquer, à titre strictement confidentiel, la liste des ouvriers licenciés avec indication de leur spécialité professionnelle et leur adresse pour favoriser la propagande individuelle à domicile. (Aulas 1974)

 

18 juin 1942

 

Préfecture. Le préfet ANGELI déclare que la soudure pour le blé se fera à Lyon jusqu’au 24 juillet. (Aulas 1974)

 

Rapport du capitaine FLOUQUET, commandant la section de gendarmerie de Lyon.

« La population est profondément déçue. Elle espérait une grosse amélioration du ravitaillement avec le retour de la belle saison (…) Peu de personnes sont favorables à la collaboration avec les Allemands. Ils reprochent de n’avoir fait aucun geste permettant un rapprochement. Tous les prisonniers sont toujours dans les camps, la France reste divisée en deux parties. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

19 juin 1942

 

Lyon. Arrestation par la police française de Yves LACAZE membre de Combat. Remis en liberté provisoire, il est condamné par défaut le 21 décembre 1942 à 2 ans de prison et 24.000 francs d’amende. Par la suite, il gagne l’Afrique du Nord et s’engage dans l’armée. (Permezel 2003)

 

20 juin 1942

 

Thizy. Dans la nuit du 20 au 21 juin, des individus non identifiés brisent à l’aide d’une grosse pierre la devanture du quincaillier BRUN. Un portait du maréchal Pétain qui était exposé est en partie déchirée. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

25 juin 1942

 

Daniel CORDIER qui se trouve en Angleterre apprend qu’il va être parachuté près de Montluçon. « Votre mission est d’être le radio et le secrétaire de Georges BIDAULT. Il m’explique ensuite ma mission. Georges BIDAULT dirige une agence de presse clandestine le Bureau d’Information et de Presse. Le nom de code de BIDAULT est donc Bip et le votre Bip W. Si l’un des officiers de liaison avec les mouvements a besoin de vous pour effectuer des opérations de parachutage ou de sabotage, vous serez aussi à sa disposition. » (….)

« Bienvenu (Raymond LAGIER), m’explique que SCHMIDT a préparé notre mission et nous attend ce soir sur le terrai. Il me conduira chez BIDAULT. Auparavant il me présentera à Rex (Jean MOULIN) représentant du général De GAULLE en France et chef des agents du service action en mission. En ce qui concerne mes relations avec le BCRA, c’est à lui que j’obéirai.

Dès votre première rencontre vous lui remettrez en main propre cette grande enveloppe. Elle contient les directives et le budget du mois de juin.

Il me confie à l’un de ses adjoints, qui me désigne, sur une carte d’état-major, le lieu de mon parachutage et me remet une boussole et une carte afin de rejoindre Montluçon par mes propres moyens, dans le cas où les aviateurs manqueraient la cible. Je dois y prendre le train pour Lyon.

Avant de me quitter, il me donne ses dernières recommandations : « Vous ne serez jamais assez prudent. Ne cherchez pas à jouer au héros, ça n’intéresse personne. Votre seul devoir est de durer. Je serais heureux de vous revoir vivant.

Nos équipements sont présentés sur le sol. Une carte de Franc imprimée sur un carré de soie, des plaques en caoutchouc mousse destinées à être placées sur le corps afin d’amortir le choc de l’atterrissage , et au milieu la combinaison bariolée des parachutistes constellée de poches. La plus grande, placée sur la cuisse gauche, contient des repas concentrés permettant de survivre dans la nature ; une autre, sur la cuisse droite, mon revolver, un magnum fascinant comme un jouet neuf ; une poche en longueur, située sur la manche de l’avant bras gauche est destinée à un couteau à cran d’arrêt.

Piquet-Wicks nous remet solennellement une capsule enveloppée de caoutchouc de la dimension d’un gros cachet : elle contient une pilule de cyanure. Nous devrons la conserver sur nous en permanence. Le colonel PASSY m’a révélé que la guerre sans uniforme avait un prix : arrêté je serai torturé. Mon seul courage sera le cyanure. » (CORDIER 2009)

 

30 juin 1942

 

Lyon. Arrestation par la police de Maurice GUERIN membre de Combat. Le 30 octobre 1942, il est condamné à 4 mois de prison et 4000 francs d’amende par le tribunal correctionnel de Lyon. Après sa libération, il reprend ses activités de résistant. (Permezel 2003)

 

Juillet 1942

 

Fons (St). André FALCOZ, membre des FUJP, aidé de quelques camarades organise une manifestation à l’intérieur de l’usine Rhône-Poulenc où il est employé, pour protester contre le travail dangereux et les bas salaires. Il est licencié. Arrêté le 1er mars 1944, il est déporté à Dachau le 29 juin 1944. (Permezel 2003)

 

3 juillet 1942

 

Lyon. Attentat contre le journal collaborateur « L’Effort » dirigé par L.O. FROSSARD. (Aulas 1974)

 

4 juillet 1942

 

Lyon. Arrestation et internement jusqu’au 15 juillet de Jean LAVERGNE militant de Combat.

Il est jugé le 30 octobre 1942 et condamné à 2 mois de prison et 2000 francs d’amende. Après sa libération, il poursuit ses activités de résistance (Permezel 2003)

 

7 juillet 1942

 

Lyon. Arrestation d’Albert ICHARD membre de Combat. Le 30 octobre 1942, il est condamné à 2 mois de prison et 2000 francs d’amende pour participation au journal Combat. (Permezel 2003)

 

Lyon. De retour à Lyon, nouvelle arrestation d’Emmanuel MOUNIER qui est interné au quartier des détenus politiques de la prison Saint-Paul de Lyon. (Permezel 2003)

 

14 juillet 1942.

 

Lyon. Organisation d’une manifestation à l’occasion de la fête nationale.

Quelques résistants dont Jules BOURSIER, Ferdinand RIBIERE et Antonin JUTARD défilent dans le centre de Lyon coiffés d’un chapeau arborant les couleurs nationales. Ils sont appréhendés et emprisonnés quelques jours.

Lors de cette manifestation, arrestation de Vincent ALLEZAIX et de son épouse, tous deux agents du Coq Enchaîné, pour avoir pris la défense d’une jeune fille brutalisée par des GMR. (Permezel 2003)

A l’appel du général De Gaulle, un défilé est organisé de la gare de Perrache à la place des Terreaux (Aulas 1974)

Une manifestation est aussi organisée pour protester contre la prestation du serment de fidélité au maréchal PETAIN par les membres du SOL (Service d’Ordre Légionnaire).

Les cuirassiers de l’armée d’armistice refusent de charger la foule et les pompiers de l’arroser. Il y aurait eu tout de même 80 arrestations.

« A cette époque, on ne saurait parler de « résistance ». Il s’agit plutôt d’un mouvement essentiellement intellectuel de refus de l’ordre nouveau qui regroupe des gens généralement instruits et de diverses tendances philosophiques à l’exception de ce que l’on appelle les « extrêmes politiques opposés. » (Aulas 1974)

 

Rapport du chef d’escadron RABOHAMS sur les événements du 14 juillet à Lyon.

« La mission des différentes forces de police rassemblées était d’empêcher les rassemblements place Carnot, où se trouve la statue de la République, place Bellecour et place de la République notamment. Vers 18 heures, une foule importante de curieux et huit à dix mille manifestants manifestants divisés en plusieurs groupes tentèrent d’approcher des points désignés. Les unités de gendarmerie ont alors été utilisées dans ces quartiers pour disperser les rassemblements. Quelques bousculades sérieuses se sont produites. Ensuite la foule s’est peu à peu dispersée dans les différents quartiers de la ville.

Il y a lieu de signaler que l’intervention des SOL ne fut pas comprise par le personnel de la gendarmerie, qui n’a pu être renseigné sur les principes d’emplois de cette nouvelle formation et leur présence pouvait gêner son action en cas d’intervention énergique. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

22 juillet 1942

 

Alimentation. Prise de mesures pour le contrôle de la circulation du beurre. Les autorités espèrent récupérer 40.000 tonnes sur les 60.000 tonnes qui disparaissent au marché noir. (Aulas 1974)

 

Rapport du capitaine DOUSSOT, commandant provisoirement la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« La relève.

L’allocution radiodiffusée prononcée par le Che du gouvernement le 22 juin 1942 a tout d’abord déconcerté et étonné la population de toutes les classes sociales, à l’exception peut-être des gros industriels, déjà prévenus de l’orientation gouvernementale sur les points traités par le chef de gouvernement.

Nombre d’ouvriers français dirigés sur l’Allemagne : Agglomération lyonnaise : 1265 départs environ.

Dans l’agglomération lyonnaise, il s’agit essentiellement de Nord-africains, manoeuvres sans spécialité, de moralité et opinions mal définies, deux Russes et 47 Français (dont 5 de bonne moralité et réputation sont des spécialistes de Rhodiaceta et des tubes de Bessèges ; les 42 autres sont des métallurgistes et manoeuvres de moralité douteuse et d’opinions variées. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Rapport de la gendarmerie du Rhône.

« Quatre vingt dix neuf individus, la plupart juifs étrangers, sont astreints à résidence forcée dans les cantons de Vaugneray, Saint-Symphorien sur Coise et Saint-Laurent de Chamousset. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

24 juillet 1942

 

Daniel CORDIER. Après plusieurs reports, Daniel CORDIER est finalement parachuté dans la nuit du 24 au 25 juillet 1942.

« Vers 2 heures du matin, la trappe s’ouvre. Le dispatcher nous fait asseoir au bord du trou, tandis que le signal rouge s’allume. (….) Brusquement le rouge passe au vert : le bras du dispatcher s’abaisse. Comme un somnambule, j’accomplis les gestes tant de fois répétés : les mains posées sur le bord du trou, je pousse vers l’arrière et tombe dans le vide.

Happé par un tourbillon d’air chaud je plonge dans le silence étoilé de la nuit. Mon parachute s’ouvre pendant que l’avion s’éloigne. Soudain je suis plaqué au sol. Heureusement j’ai atterri ur une touffe d’ajoncs. » (CORDIER 2009)

 

26 juillet 1942

 

Lyon. Arrestation de Germaine COINDRE, membre de Combat et gérante d’un dépôt de papier d’imprimerie. Elle approvisionnait l’imprimerie clandestine d’André BOLLIER. (Permezel 2003)

 

Daniel CORDIER est toujours à Montluçon.

« Le mari nous apprend le succès des fêtes du 14 juillet en zone libre. Les manifestations organisées par les mouvements de résistance, ont rassemblé des foules énormes : cent mille personnes à Lyon et à Marseille ; quarante mille à Toulouse ; vingt mille à Saint-Etienne. Est-ce vrai ? » (CORDIER 2009)

 

27 juillet 1942

 

Daniel CORDIER. Le train de Lyon part à 8h.

« Après l’arrêt de Saint-Etienne, la porte du compartiment s’ouvre brusquement sur deux policiers en civil, qui réclament les papiers d’identité. Je n’ai pas imaginé que l’épreuve des faux papiers serait aussi proche. Quand le policier prend ma carte, je retiens mon souffle et me répète mon nouvel état civil « Charles DAGUERRE, journaliste, né le 10 août 1920 à Péronne. » Mon seul alibi est à toute épreuve : une journée de vacances chez des amis à Montluçon.

J’ignore en revanche le nom est l’adresse de mon correspondant à Lyon (….)

Pendant que le policier examine ma carte d’identité le temps s’éternise, et je sens ma fin proche. Je suis sûr qu’il lit en filigrane, la vérité sur mes papiers : « Daniel CORDIER, parachuté le dimanche 26 juillet, à 2h du matin près de Montluçon.

Il relève la tête, scrute mon visage et me semble-t-il hésite imperceptiblement. En dépit de mon émotion, je le regarde sans ciller et suis aussi surpris que soulagé lorsqu’il me tend la carte en me remerciant (…)

Nous arrivons à Lyon dans l’après-midi. Claudine (Anne-Marie BAUER), nous conduit à pied sur l’autre rive du Rhône. (CORDIER 2009)

 

29 juillet 1942

 

Daniel CORDIER. « Il fait déjà chaud en fin de matinée, lorsque je me risque hors de l’appartement. De nouveau je suis saisi par l’inquiétude d’être épié de tous côtés. Aussi suis-je rassuré de voir SCHMIDT arriver du pas rapide qui m’est familier. Il fait fonction auprès de Rex (Jean MOULIN) d’officier de liaison avec Libération, un des grands mouvements de la zone libre (….)

Sans transition, il annonce le coup d’envoi de ma mission : « Rex veut te voir. Rendez-vous demain à 2 heures de l’après-midi place Bellecour, sous la queue.

- La queue ?

- Au milieu de la place, la statue équestre de Louis XIV, la queue du cheval.

SCHMIDT ignore l’identité de Rex. Il sait seulement comme moi, qu’il est le représentant du général De GAULLE en France et le chef des agents du BCRA (….)

Sur le plan de Lyon confié par SCHMIDT, Claudine nous désigne le lieu de notre nouvel hébergement. Il est situé sur la rive opposée du Rhône, à hauteur du parc de la Tête d’Or, à la périphérie de la ville. Pour s’y rendre, il faut traverser Lyon dans sa longueur.

Pour les marcheurs aguerris que nous sommes, c’st un court trajet, même chargé de lourdes valises. Notre problème est leur contenu : courrier codé, énormes liasses de francs et dollars, postes émetteurs, révolvers. Afin d’assurer notre sécurité, nous glissons les armes dans nos poches, en dépit de protestations de Claudine. Nous estimons qu’en cas de contrôle, mieux vaut tirer dans le tas et tenter le tout pour le tout plutôt que de nous laisser arrêter. Après tout, si les policiers ne sont pas trop nombreux nous avons une chance d’en réchapper (…)

Après un moment, le parc de la Tête d’or apparaît au loin, sur la rive opposée, avec ses hautes frondaisons. Parvenus à sa hauteur nous quittons les quais et nous engageons dans une suite de larges escaliers, au sommet desquels nous obliquons dans une ruelle déserte, la rue Philippeville (n°7) (…)

L’appartement n’est pas dénué de ressources pour les clandestins. Nos hôtes nous montrent un escalier descendant directement au jardin duquel, une porte ouvre sur une impasse inaccessible à partir de la rue Philippeville. On ne saurait trouver mieux pour s’évader. » (CORDIER 2009)

 

30 juillet 1942

 

Daniel CORDIER. « Dans le tram j’observe les passagers : employés rejoignant leur travail, ménagères allant faire leurs courses. Lyon avec ses grands immeubles et ses rues rectilignes, coupées de vastes places, ne manque pas de noblesse.

Abandonnant le tram à hauteur de l’opéra, nous déambulons dans les rues de la République et de l’Hôtel de Ville que les MORET nous ont indiquées comme les principales artères commerçantes. Effectivement, la foule encombre les trottoirs. Je regarde avec curiosité les passants et les consommateurs aux terrasses des cafés. Les visages fermés, souvent renfrognés, le manque d’exubérance, la retenue générale, la tristesse des vêtements sont-ils dus à la défaite, aux restrictions ou au caractère des habitants ? Les railleries de M MORET à l’égard des Lyonnais rendent crédible cette dernière hypothèse.

Bien que nous soyons en été, le gris et le noir dominent, imprimant à la foule une allure terne. Le contraste avec Londres est total : Comment rivaliser avec une foule de soldats de vingt ans représentant tous les pays d’Europe, gonflés par l’espérance de la victoire (….)

Arrivé en avance, je m’assois sous les platanes qui ombragent un coin de la place immense et déserte. De là tout en guettant l’arrivée de SCHMIDT, j’aperçois Louis XIV, le cheval …. Et sa queue.

Dès que je le vois s’approcher, je me lève et nous nous rejoignons devant la statue. Muet sur notre destination, il me conduit par la rue de l’Hôtel de Ville vers la place des Terreaux. La lumière brûle les yeux. Tout au long du parcours, une odeur nauséabonde monte des caniveaux. Là comme à Bordeaux, les salles de bains et les cuisines déversent les eaux usées directement dans la rue.

Après avoir traversé un square désert, puis longé la rue Imbert-Colones, nous nous arrêtons devant un immeuble vétuste dont il ouvre la porte. Nous montons un escalier de pierre orné d’une rampe en fer forgée (….)

Au deuxième, il sonne 3 coups. A l’intérieur j’entends qu’on ferme une porte, puis des pas étouffés. Une dame aux cheveux blancs ouvre, s’efface sans mot dire et pousse la porte du salon, vaste pièce faiblement éclairée par de nombreuses fenêtres aux volets clos. La fraîcheur de la pénombre contraste avec la canicule extérieure.

Au milieu de la pièce, un homme assis dans un fauteuil. Penché sur une chaise installée devant lui, il consulte un dossier. A notre arrivée, il tourne la tête, se lève et vient vers nous en souriant.

« Je vous présente Bip W » (nom de code de Daniel CORDIER) dit SCHMIDT. Rex, c’est lui, me tend la main.

« Avez-vous fait bon voyage ? »

Surpris par cette question, j’acquiesce, préoccupé par un détail protocolaire. Est-ce un civil ou un militaire ? A tout hasard, je me redresse dans une position voisine du garde-à-vous. Rex est vêtu d’une veste de tweed et d’un pantalon de flanelle grise. Son élégance discrète, son visage hâlé d’un retour de vacances reflètent la joie de vivre. Il tranche avec les personnes côtoyées depuis mon arrivée, dont les traits accusent la fatigue, soucis et privations.

Je sors du dessous de mon pull-over la grosse enveloppe contenant le courrier et l’argent du BCRA.

« Le capitaine Bienvenue (Raymond LAGIER) m’a demandé de vous la remettre en main propre. 

- Si vous êtes libre à diner, rejoignez-moi à 7 heures au Garet, un restaurant dans la rue du même nom, près de l’opéra. Vous trouverez sur le plan. »

Sans doute n’est-ce là que pure politesse. Sans attendre ma réponse, il se tourne vers SCHMIDT en le priant de s’asseoir près de lui. Je comprends que je peux disposer et quitte la pièce tandis que les deux hommes commencent leur entretien. Ma présentation a duré quelques instants à peine. Il n’est pas trois heures. (….)

Avant sept heures, j’entre au Garet, petit restaurant à la devanture peinte en faux bois. Je m’installe sur la banquette de la table jouxtant la porte. En cas de danger, l’évasion sera plus facile. Quelques instants plus tard Rex apparaît. Il me désigne la chaise en face de lui et s’installe sur la banquette.

Détendu, aimable, il me tend un menu. Après l’expérience du déjeuner misérable avec BRIANT, j’ai faim et crains un nouveau repas de théâtre. Rex après avoir commandé des saucisses aux lentilles pour deux, sort sa carte d’alimentation et réclame la mienne pour y découper les tickets.

« Que voulez-vous boire ?

- Je ne bois jamais de vin.

- de l’eau minérale ?

- Du Perrier » Je ne sais pourquoi je réponds ça.

Il me regarde sévèrement. « Il ne faut jais prendre de l’eau gazeuse pendant les repas. C’est mauvais pour l’estomac. »

Puis sans transition, il me pose quelques questions relatives à mon installation à Lyon et me demande à brûle-pourpoint : « Il y a longtemps que vous étiez là-bas ?

- Depuis le 25 juin 1940.

- Vous étiez mobilisé ?

- Non mais le 17 juin après avoir entendu le Maréchal annoncer la capitulation, j’ai décidé de combattre les Boches.

- Mais la guerre était finie.

- Non c’était une trahison. »

Ce mot l’intrigue visiblement. Il me fixe avec curiosité, sollicitant une explication (….) Je lui raconte ma famille royaliste, mon adolescence de militant, mon admiration pour Maurras. Pendant que je parle, il commence à diner tout en m’observant avec bienveillance. Il écoute autant avec ses yeux qu’avec ses oreilles. Une lueur malicieuse éclaire souvent son regard. C’est la première fois qu’un homme de son rang , de son âge approximativement celui de mon père, s’intéresse à mon passé (….) L’attention qu’il me manifeste me fait croire qu’il a peut-être quelque sympathie pour convictions.

Je raconte mon engagement politique à la noël de 1933, à cause du scandale Stavisky. Ma déception le 6 février 1934, après l’échec des camelots du roi pour abattre « la gueuse » (….)

Tout en mangeant, Rex ne me quitte pas des yeux. En même temps, il surveille par dessus mon épaule l’entrée du restaurant. A aucun moment, il ne m’interrompt. Quand j’ai terminé, il garde le silence, me fixe d’un regard attendri, puis me dit, comme en se parlant à lui même. « En vous écoutant, je comprends la chance que j’ai eu d’avoir une enfance républicaine. » Sans attendre de réponse, il enchaîne avec le récit de ses propres souvenirs , stimulé peut-être par le besoin de me rejoindre à travers sa jeunesse. Il me décrit l’éducation rigoureuse et l’exemple civique donnés par son père, ses batailles en faveur de la République et contre le césarisme des Bonaparte et le retour de la monarchie. (….)

Au cours de ce diner, j’éprouve un sentiment nouveau. Rex raconte une autre enfance, d’autres opinions, d’autres engagements, sans que cela m’étonne ou me choque. Peut-être subis-je involontairement son ascendant, un alliage de charme et s’autorité que j’ai ressenti dès l’abord. J’éprouve en tout cas physiquement en sa compagnie la fraternité de notre espérance, qui, en dépit de tout nous lie dans le refus de l’occupation (…)

Il fait nuit lorsque nous quittons le restaurant. Le Rhône est au bout de la rue. Nous longeons les quais en direction de la gare Perrache. A la hauteur de la place Bellecour, nous prenons une rue peu éclairée, parallèle au quai. Il s’arrête devant la porte d’un immeuble, non loin de là.

« Regardez bien le nom de la rue et le numéro de l’immeuble. J’habite au premier étage, chez Mme MARTIN. Venez ici demain matin à 7 heures. Je vous garde avec moi : vous serez mon secrétaire. Bonsoir » (Rex demeure au 72 rue de la Charité). A partir de ce moment Daniel CORDIER travaillera exclusivement pour Jean MOULIN et sera son plus proche collaborateur. (CORDIER 2009)

 

31 juillet 1942

 

Daniel CORDIER. « A 7 heures précises, je sonne trois fois à la porte de l’appartement. Le silence qui suit me paraît interminable. Rex ouvre et me fait entrer dans sa chambre qui donne sur la rue. Au fond de la pièce, dans un coin se dresse un lit-bateau ancien, recouvert d’un édredon bariolé. Entre les deux fenêtres, une table et une chaise jouxtent un fauteuil voltaire. Les fenêtres sont ornées de lourds rideaux à fleurs. En face, de l’autre côté de la rue, on aperçoit un terrain vague et, au-delà le Rhône. »

A la question de savoir s’il a bien dormi, Daniel CORDIER répond que non et explique pourquoi.

« Votre proposition m’a plongé dans la confusion.

- Vous ne voulez pas travailler avec moi ?

- Ce n’est pas la raison, mais on m’a confié une mission, et je n’ai pas le d soit de la modifier sous peine de sanctions ».

Visiblement soulagé, il se met à rire : « Ne vous inquiétez pas, j’en fait mon affaire, je préviendrai Londres. »

Il n’a pas haussé le ton, et bien que fort aimable, je sens que cette phrase met un point d’arrêt à mes états d’âme.

Sur la petite table se trouvent un bloc de papier blanc, quelques crayons et la grande enveloppe que je lui ai remise la veille. Il me la tend. « Elle contient deux millions. Déposez les en lieu sûr, si possible chez des résistants de coeur mais étrangers à l’action. Vous trouverez également des instructions de Londres. Décodez-les. Vous me les rapporterez ce soir à 7 heures. »

Rex me confie alors son code, ainsi que la clef. Comme je note le texte, il ajoute : « Apprenez-le par coeur et brûlez votre papier afin de ne conserver aucune trace » (…) Il précise : « Pour Londres je m’appelle Rex. C’est à ce nom que télégrammes et courriers sont adressés. Mais pour les résistants, mon pseudonyme est Régis. Il faudra que vous en choisissiez un vous-même. Votre nom de code Bip W ne concerne que le service de Londres, et celui figurant sur votre carte d’identité doit rester inconnu de vos camarades. » (….)

Les instructions m’apportent des informations stupéfiantes sur l’autonomie de la Résistance à l’égard de la France Libre. Je découvre que les mouvements ne possèdent ni cohésion, ni discipline. A tel point qu’un certain Nef, alias Charvet (Henri FRENAY), est considéré comme peu sûr et que Rex a toute latitude pour « réduire son appui financier ». J’apprends aussi que le dénommé Bernard souhaite distinguer l’action militaire de « l’action révolutionnaire ». Le BCRa, indécis sur cette question demande à Rex de trancher. Quand à Franc-Tireur, mon service ignore s’il s’agit d’un journal ou d’une organisation militaire (….)

Rex me conduit dans un petit bar sur les quais de la Saône, non loin du pont Bonaparte. Assis sur une banquette, un homme parcourant un journal attend. Rex me présente. Petit, rond, courtois, Georges BIDAULT, alias Bip, est empreint d’une onction ecclésiastique évoquant les dominicains, professeurs de ma jeunesse. Pour la première fois, j’entends prononcer Alain, mon nouveau nom. Je suis étonné du naturel avec lequel Rex l’utilise. (….)

Au cours de la conversation, il repart de De GAULLE et de son « pacte avec la Résistance. Il me confie qu’un certain Francis (Christian PINEAU) a été chargé de le diffuser. Rentrant en France après un séjour à Londres, ce syndicaliste s’est montré très critique envers le caractère « dictatorial » du Général : « Quelle est la vérité sur De GAULLE ? » Pour la première fois depuis mon arrivée, j’entends prononcer son nom. J’essaie de lui faire comprendre ce que j’éprouve, ce que j’ai compris, compte tenu de mes récentes découvertes londoniennes : « Il y a deux blocs en exil : d’une part les soldat du général dont je fais partie, pour qui il est, mieux qu’un chef, un père, et l’état-major londonien, composé en partie d’opposants, qui dénoncent son « fascisme ».

- La France libre et la Résistance cumulent les défauts des minorités révolutionnaires, dont les trotskistes sont le modèle. Elles n’acceptent aucun cadre légal et sont déchirées par des conflits burlesques. Vous connaissez la définition du trotskisme : « un militant, c’est un parti, deux , un congrès, trois, une scission. »

Moins on est nombreux, plus on croit à l’absolu que l’on veut imposer, symbole d’un individualisme outrancier. L’effondrement de l’autorité légitime exacerbe les ambitions. Chacun estime qu’il a autant de chance que son voisin de l’emporter. C’est ce qui se produit entre les chefs des mouvements. Ils veulent tous prendre la tête de la Résistance. » (CORDIER 2009)

 

Août 1942.

 

Taluyers. 1er parachutage d’armes pour la Résistance à Taluyers. (Permezel 2003)

 

1er août 1942

 

Daniel CORDIER. « Ce matin, j’apporte à Rex les plis relevés dans sa boite à lettre de la rue Victor Hugo. La plupart sont rédigés sur le même modèle : nom de l’expéditeur inscrit en haut à gauche de la feuille (de X à Régis), tandis que la date est indiquée sur le côté droit. Le message en style militaire est bref. Il commence et s’achève sans formule de politesse : demande de rendez-vous, présentation du budget, projet de texte, organisation de réunions, envoi de tracts, journaux, etc… (…)

Il m’explique ensuite mes nouvelles fonctions : je dois organiser et maintenir toutes les liaisons avec les responsables des mouvements, les officiers de liaison des zones libres et occupées ainsi qu’avec les différents services (faux papiers, parachutages, etc…) et les opérateurs radio, qui sont le seul lien permanent avec Londres. Il me prescrit en autre de recruter en priorité une dactylo pour taper la correspondance. Elle évitera les erreurs de lecture des télégrammes et des rapports envoyés, tout en protégeant l’anonymat des rédacteurs. (….)

personne ne doit connaître son adresse. Son unique liaison avec l’extérieur sera un courrier que je dois recruter également.

La correspondance s’effectuera par l’intermédiaire des boites. Lyon en est richement pourvu, car les immeubles n’ont pas de concierge. Les propriétaires de ces boites me confieront une clef afin que moi-même ou mon courrier devra être en relation permanente avec ceux des mouvements. Je maintiendrai la liaison avec les chefs des services et les adjoints des chefs des mouvements auxquels Rex me présentera. En collaboration avec eux, je devrai organiser les réunions et transmettre les instructions.

« Vous conserverez les fonds envoyés par Londres chez des gens sûrs et les distribuerez selon mes indications. Tenez-en soigneusement le relevé en indiquant la date, la personne à qui vous les remettez et le destinataire. Tous les mois, vous joindrez ce relevé au courrier de Londres. »

Rex m’indique également les boites des radios et des officiers de liaison, avec lesquels il me demande de prendre rendez-vous immédiatement. Pour ma propre sécurité, je dois en outre trouver une chambre indépendante et quitter au plus tôt les résistants qui m’hébergent. Il ne me cache pas que c’est un véritable tour de force à Lyon, engorgé depuis l’armistice par les réfugiés (…)

« Sur le fonds que vous conserverez, vous prélèverez chaque mois 1200 francs pour votre salaire. » (…)

Profitant de l’évocation de son courrier, je lui demande quand il me présentera aux autres membres du secrétariat.

« Mais mon secrétariat, c’est vous ! »

Cet homme, que le capitaine Bienvenue (Raymond LAGIER) m’a présenté comme le « grand patron », le chef de la Résistance et, en quelque sorte, un De GAULLE Bis, est donc seul pour exécuter les tâches subalternes ! Qu’est-ce donc que la Résistance pour vivre dans une telle précarité ? Et sa sécurité ? Ne dispose t-il d’aucune garde rapprochée ?

Je me hasarde : « Pour protéger les émissions radios ou les réunions, il faut tout de même, selon les consignes des Anglais, un minimum d’hommes armés.

- Il y a deux manières d’envisager la sécurité : soit celle d’un affrontement permanent exigeant des hommes armés en nombre suffisant pour abattre les policiers rarement nombreux ; soit redoubler de prudence et n’voir jamais d’armes sur soi, ni bien sûr de gardes du corps. J’ai choisi la seconde (….) Si vous êtes pris dans une rafle, elles sont en général destinées à lutter contre le marché noir, ou si vous êtes arrêtés au cours d’une réunion, il vaut mieux avoir prévu des issues de secours pour vous enfuir et n’avoir aucun document compromettant sur vous. Une bataille rangée, n’est jamais gagnée d’avance. »

Il ajoute une dernière instruction : Je devrai l’accompagner à chacun de ses rendez-vous muni des documents dont il aura besoin, que je lui remettrai au dernier moment. Il m’indiquera le lieu exact du rendez-vous et je devrai aller chercher la personne pour l’y conduire. « Quand à vous, je vous demande de ne jamais être armé dans vos déplacements. » »

(Après son entretien, disposant d’un peu de liberté Daniel CORDIER va planer en ville)

« J’ai repéré au coin de la place Bellecour la vaste librairie Flammarion (…) ici les vitrines sont dédiées aux nouveautés. Dans l’une d’elles, un gros bouquin tient la vedette : « Les décombres » de Lucien Rebatet. Un panneau de coupures de presse élogieuses annonce que sa parution est un événement ». Il entre dans la librairie et en achète un exemplaire).

« Les décombres se révèlent déterminants dans ma rupture avec les idées maurrassiennes. J’admets pour la première fois les défauts et les erreurs de la doctrine, ainsi que l’anachronisme qui me hante sous une forme nébuleuse : la monarchie est une utopie morte. »

Le soir Daniel CORDIER dîne avec un camarade Londres.

« Nous évoquons nos impressions sur notre retour en France. Pour la première fois, BRIANT est plus catégorique que moi, notamment sur la pauvreté des foules que nous côtoyons : tous les produits sont des ersatz de mauvaise qualité, et partout les gens font la queue devant des magasins à moitié vides. » (CORDIER 2009)

 

2 août 1942

 

Daniel CORDIER. « J’arrive en avance au rendez-vous de 7 heures avec Rex. Pour éviter de flâner trop longtemps dans la gare, je m’assois dans un des cafés de la place Carnot. A l’heure dite, je guette le patron devant la sortie principale (il revient en train à Perrache). Il m’a demandé de le suivre à distance, mêlé à la foule, afin de vérifier qu’il n’est pas suivi (…)

Je le suis avant de le rejoindre à l’intérieur d’un café. Je lui rends compte de ma mission et lui remets le texte corrigé par MENTHON enveloppé dans un journal. Il se lève et me demande de l’attendre tandis qu’il part aux toilettes. Nous rejoignons ensuite Georges BIDAULT au restaurant.

Au cours du diner, je comprends mieux leurs relations. Existent entre eux une sympathie et une complicité évidentes, en dépit de leurs différences de caractère et de culture non moins évidentes. BIDAULT est volubile. Lorsqu’il décoche un trait cruel à l’égard des journalistes, des écrivains ou des hommes politiques , il le fait suivre d’un air contrit digne d’un homme d’Eglise. Parmi ses nombreuses cibles, je suis surpris de reconnaître les chefs des mouvements.

Rex conserve avec lui une courtoisie qui est dans sa manière d’être, tout en manifestant une fermeté catégorique sur certaines questions. BIDAULT ne se départit jamais d’une sorte de déférence à son égard, bien étrangère à la gentillesse qu’il me manifeste. Cela confirme ma première impression. Rex est le patron. » (CORDIER 2009)

 

3 août 1942

 

Daniel CORDIER. Après son rendez-vous du matin, Rex fixe à CORDIER des rendez-vous avec des responsables de mouvements.

Le premier à 2h de l’après-midi, place Carnot avec Frédéric (Henri MANHES) son représentant en zone occupée.

Le deuxième à 4h de l’après-midi, place Bellecour avec Lebailly (Jean-Guy BERNARD) secrétaire général de Combat.

Le troisième avec lui même à 5h de l’après-midi, au coin du pont Bonaparte.

« Frédéric est un homme brusque. C’est le pus âgé des résistants que j’ai rencontré jusqu’alors. On sent le baroudeur : visage buriné, voix catégorique, regard impérieux. Son style est radicalement opposé à celui de Rex. De loin, on pourrait le prendre pour le chef ; de près il est trop agité (…)

Même si Frédéric se montre aimable, je perçois un halo d’insécurité autour de lui : il parle trop fort. Il me demande l’adresse de ma boite et m’informe que les rendez-vous qu’il réclame par écrit se dérouleront toujours dans ce café. Il connaît le patron : « Il est des nôtres ». Durant ses séjours à Lyon, il descend constamment à l’hôtel voisin, où il est également connu. En cas d’urgence, il me donne sa boite à Paris. Il vient à Lyon au moins une fois par mois et me préviendra toujours afin d’organiser ses rencontres avec Rex. « C’est un vieil ami. » Je suis surpris d’une telle confidence et me demande quelles peuvent être les relations entre des personnalités aussi dissemblables.

Je prends congé et me lève. Tandis que je m’éloigne, il lance à haute voix à mon intention : « surtout n’oubliez pas l’adresse de ma boite à Paris » Pour la sécurité c’est réussi ! J’espère ne pas le rencontrer trop souvent. »

Puis CORDIER rencontre Lebailly.

« La jeunesse de ce garçon aux cheveux courts et à la démarche énergique tranche avec l’âge canonique de ceux que j’ai rencontré jusque là. Je me sens rassuré. Je commençais à craindre que la Résistance ne soit un asile de vieillards. »

En fin d’après-midi, CORDIER se rend avec Jean MOULIN chez Paul BASTID, résistant, ancien député radical et membre du C.G.E (Comité Général d’Etudes). Lors de la discussion qui s’ensuit, CORDIER remarque que les opinions de Rex et de BASTID divergent fortement.

« Pour Rex, la situation est simple : après le débarquement, la Résistance devra neutraliser le Maréchal et son gouvernement et contrôler l’administration en changeant les têtes (préfets, directeurs et secrétaires généraux des ministères et des grands services). Après le départ des Allemands, pour prévenir un vide politique et éviter l’anarchie ou les tentatives de prise de pouvoir, les chefs de la Résistance devront constituer un exécutif provisoire. Les forces de la Résistance seront commandées directement par le Général. Ce gouvernement provisoire siègera à Vichy.

Pour BASTID, l’urgence est ailleurs. A la Libération, l’Assemblée nationale devra être convoquée afin de légitimer de GAULLE par un vote de confiance. Il s’oppose donc au projet de Rex et le lui dit. « Les mouvements de Résistance sont un rassemblement d’hommes courageux, mais qui n’ont aucune doctrine. En dépit de ce qu’ils croient, ils n’ont d’autre légitimité que celle de la Libération de la France pour laquelle ils se sont constitués. Le seul qui possède une vision cohérente de l’avenir est Charvet (Henri FRENAY). Mais vous savez comme moi qu’il n’y a pas si longtemps il souhaitait imposer la Révolution nationale sous l’égide du maréchal Pétain, dont il admirait l’idéal politique. C’est donc un homme imprévisible. » (CORDIER 2009)

 

4 août 1942

 

Daniel CORDIER effectue un aller et retour à Royat près de Clermont-Ferrand pour porter une convocation du C.G.E à Alexandre PARODI.

« Ce soir en arrivant à Perrache, j’ai terminé les Décombres (de Lucien REBATET). Dans la dernière partie du livre, de nombreux thèmes m’ont révolté : admiration inconditionnelle des nazis, mépris des anglophiles, propagande en faveur de la collaboration afin de créer une Europe fasciste, etc… » Je n’ai jamais lu un livre aussi malsain, véritable négation de « ma guerre » » (CORDIER 2009)

 

5 août 1942.

 

Rafle anti-juive. Afin de préparer la grande rafle des Juifs en zone libre, Henri CADO (Conseiller d’Etat au Secrétariat général à la Police) sur instruction de BOUSQUET, adresse aux préfets régionaux, une lettre détaillée et confidentielle afin de définir les catégories de Juifs arrêtables et quels Juifs seront exemptés.

« Vous informe que les Israélites allemands, autrichiens, tchèques, polonais, esthoniens, lithuaniens, lettons, dantzigois, sarrois, soviétiques et réfugiés russes entrés en France postérieurement au 1er janvier 1936, incorporés Groupes Travailleurs Etrangers (GTE), hébergés centres Service Social des Etrangers, centres comités privés ou centres UGIF, placés centres de regroupement israélites en application circulaire 3 novembre 1941 et 2 janvier 1942, ainsi que ceux en résidence libre seront transportés en zone occupée avant le 15 septembre à l’exception :

1 vieillards de plus de 60 ans

2 Enfants de moins de 18 ans non accompagnés

3 Individus ayant servi dans l’armée française ou armée ex alliée pendant 3 mois au moins ou ayant pris part à combat durée service. Leurs conjoints, ascendants et descendants bénéficient de même mesure ; celle-ci ne s’applique pas aux prestataires.

4 Ceux ayant conjoint ou enfants français

5 Ceux ayant conjoint n’appartenant pas à une des nationalités ci-dessus énumérées

6 Ceux intransportables

7 Femmes en état de grossesse

8 Pères ou mères ayant enfants de moins de 5 ans.

9 Ceux dont le nom figure sur liste annexée circulaire 20 janvier 1941 et sur listes annexées

10 Ceux qui incorporés ou non dans GTE semblent ne pouvoir quitter emploi sans préjudice grave pour économie nationale.

11 Ceux qui sont signalés par leurs travaux artistiques, littéraires ou scientifiques en enfin ceux qui, à un autre titre, ont rendu des services signalés à notre pays.

Individus bénéficiant exemptions pourront, s’ils le désirent suivre membres de famille non exemptés, parents ayant enfants moins de 18 ans pourront s’ils le désirent le laisser en zone libre.

Me faire savoir en outre cas exceptionnel justifiant au moins sursis ou exemption. M’adresser en double exemplaire avant le 16 août la liste Israélites désignés, avec état civil, nationalité, domicile, profession et situation de famille.

D’autre part les intéressés seront groupés par familles, les noms des membres d’une famille figurant après celui de leur soutien. Un numéro d’ordre devra figurer devant chacun des noms.

Mentionner sur liste annexe, nom et adresse ceux de ces individus ayant parents israélites dans camps étrangers relevant mon département avec indication à ce centre.

Vous référant mon télégramme 18 juillet 1942, vous confirme qu’il convient de suspendre toute émigration étrangère susceptible être remise même pour ceux déjà en possession visa sortie. Suspendre également libérations et mutations Israélites incorporés GTE ainsi que transfert Israélites des centres du SSE et centres de tout organisme privé à l’exception de celles ordonnées à dater de ce jour par mon département. Les instructions ont caractère rigoureusement confidentiel. » (KLARSFELD 2019)

 

6 août 1942

 

Daniel CORDIER retrouve un camarade de combat d’Angleterre (SCHMIDT).

« Afin d’organiser nos liaisons comme l’a prescrit Rex, je l’invite à déjeuner par un billet : « 1 heure, place Bellecour, sous la queue. » A l’heure dite, je le vois arriver. Il semble heureux de me revoir et m’entraîne dans un bistrot place Morand. Le patron nous fait entrer dans une arrière-salle où nous sommes seuls. Décidément, les restaurateurs sont le socle de la Résistance (….)

  • Alors comment trouves-tu la Résistance ? Me demande-t-il ?

  • Je n’y comprends rien.

  • Si ce n’est que ça ! A part Rex, personne n’y comprend rien (….) Réfléchis : si le BCRA nous envoie ici pour organiser la Résistance, c’est qu’elle n’existe pas. D’abord la Résistance, c’est très peu de monde : Ça ressemble à la France libre. En Angleterre, notre armée est squelettique parce que les Français sont indifférents. PETAIN leur répète qu’ils sont battus, mais que l’honneur est sauf. Pourquoi veux-tu qu’ils prennent des risques ? Leurs seuls soucis sont de manger et de survivre (…) Il faut que tu comprennes la situation : beaucoup sont mariés, ont des enfants, un métier. Ils font de la résistance en dehors des heures de bureau. Pour certains, c’est du snobisme. La plupart d’entre eux vivent d’ailleurs sous leur véritable identité.

  • Mais alors comment fais-tu ?

  • J’essaie d’organiser ce foutoir en dehors d’eux, car en plus, ils sont dangereux ! Ce n’est pas facile. Au lieu de penser à la guerre, les chefs et beaucoup de résistants s’occupent de politique. Ce qui les intéresse, c’est d’imprimer des journaux, distribuer des tracts, préparer leur avenir politique. J’ai beaucoup de mal à obtenir des contacts militaires. Méfie-toi. Ce que veulent les chefs, c’est établir un contact avec Londres pour nous court-circuiter et obtenir directement les liaisons, les armes et l’argent (….). Ce ne sont pas des soldats du général, surtout les chefs. Tu t’en percevras rapidement. Ils veulent demeurer les maîtres de leurs troupes.

  • Et pour les locaux, le personnel ?

  • Ils ne te fourniront rien. Un conseil : débrouille-toi tout seul. » (CORDIER 2009)

 

7 août 1942

 

Daniel CORDIER. «  Aujourd’hui, je distribue pour la première fois quelques sommes d’argent. Rex m’a indiqué ce matin les montants et les personnes à qui je dois les remettre : Lebailly (Jean Guy Bernard) pour Combat et Menthon pour le C.G.E (Comité Général d’Etudes). Je suis heureux de constater la diminution du tas de billets cachés derrière le Mirus de ma chambre. En cas de coup dur, c’est toujours ça que la police ne volera pas. » (CORDIER 2009)

 

8 août 1942

 

Rafle anti-juive. Note du Conseiller d’Etat Secrétaire Général à la Police

A MM les Préfets régionaux de Limoges, Toulouse, Lyon, Clermont-Ferrand.

En communication aux préfets de la ligne de démarcation.

« Par télégramme n°11373 du 29/07/1942 et 11743 du 04/08/1942 dont copie ci-jointe, j’ai avisé MM les Préfets de la ligne de démarcation des mesures qu’il y avait lieu de prendre à l’égard de ceux qui franchissent irrégulièrement cette ligne.

Il résulte de ces documents :

1° Que les Israélites étrangers entrés en France postérieurement au 1er janvier 1936 doivent être suivant les cas refoulés ou internés au camp de Gurs, lorsqu’ils appartiennent à certaines nationalités (cf mon télégramme du 29 juillet)

Je vous précise, toutefois, qu’échappent à ces mesures ceux des étrangers pour lesquels une exception est faite dans les paragraphes I à IX de la dépêche que je cous ai adressée sous pli personnel le 4 août 1942, sous le numéro 2765 P Pol 9.

En outre sont exemptés de ces mesures ceux venus en France avant le 1er janvier 1936 ou qui n’appartiennent pas à une des nationalités visée par mon télégramme du 4 août.

De plus, il vous appartiendra de me saisir des cas exceptionnels qui vous sembleraient mériter un examen bienveillant.

Tous les Belges, Hollandais et Luxembourgeois, quelle que soit la date de leur entrée en France bénéficient de la même exemption.

2° Que tous les étrangers à l’égard desquels ne s’appliquent pas les mesures de refoulement ou d’internement sus-visés, qui ont perdu la protection de leur pays d’origine sont, s’ils sont indigents et aptes physiquement, incorporés pour une durée indéterminée dans un groupe de travailleurs ; S’ils sont munis de ressources et aptes physiquement, incorporés pour la période des grands travaux.

En ce qui concerne les Belges, Hollandais et Luxembourgeois dépourvus de ressources, ils doivent être dirigés sur Châteauneuf les Bains, à moins que vous ne jugiez opportun de les utiliser dans votre département comme contrôlés, s’ils sont munis de ressources, il convient de les placer en résidence libre.

3° Que les passagers clandestins, qui ne sont ni refoulés, ni internés, ni incorporés dans un groupe de T.E , sont hébergés par les soins des Préfets intéressés avec l’aide des délégués du Service Social des Etrangers au Commissariat à la lutte contre le chômage.

Cette administration se chargera de l’hébergement collectif des indigents ainsi que de l’hébergement individuel de ceux qui ont des ressources jusqu’à ce que leur sort soit réglé conformément à ma circulaire n°118 Pol 7 et 9 du 26 janvier 1942.

Il conviendra à cet effet de rechercher sur toute l’étendue de votre région, les locaux disponibles permettant d’y installer ces individus. Cotre investigation portera notamment sur les établissements désaffectés relevant de la production industrielle, de la Santé publique et, le cas échéant, de la Direction des Réfugiés, ainsi que sur les hôtels, châteaux et autres propriétés non utilisées. En ce qui concerne ces derniers, vous n’hésiterez pas à utiliser cotre pouvoir de réquisition. Le paiement de ces réquisitions sera imputé sur les crédits du SSE au commissariat à la lutte contre le chômage, Secrétariat d’Etat au travail.

Vous mettrez à la disposition de cette administration tout le matériel de couchage, de chauffage, de cuisine et d’ameublement dont vous pourrez disposer, ainsi que les fournitures nécessaires à l’aménagement de ces locaux et à leur utilisation immédiate. Vous demanderez, à cet égard, l’aide des délégués du Secours National de la Croix rouge française et des comités privés.

Vous voudrez enfin, prendre des mesures en vue d’assurer le ravitaillement et le contrôle sanitaire de ces centres pour lequel le Service médical du Commissariat à la lutte contre le chômage vous apportera son concours. J’attache le plus grand interêt, en raison de la gravité et de l’urgence de ce problème, à ce que vous apportiez le maximum de diligence à le résoudre avec le concours du Service social. Vos services procéderont au criblage des individus qui se trouvent dans ces centres avec l’assistance du délégué du Service social des Etrangers. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER. « Je m’attelle au codage du courrier n°9 (…) Le rapport m’infirme des problèmes militaires auxquels les mouvements sont confrontés et des difficultés rencontrées par Rex avec les chefs. La Résistance paramilitaire est en crise. Les chefs refusent la fusion, qui a pour but de constituer une arme secrète unique soumise à une seule autorité. » (CORDIER 2009)

 

9 août 1942

 

Daniel CORDIER. « Dès l’arrivée de la jeune Alsacienne (Laure DIEBOLD) au déjeuner chez les MORET, je suis conquis. Elle est menue, petite, en dépit de talons rehaussés. Mais son visage expressif, son regard ardent, sa poignée de main énergique, elle respire la franchise et la volonté. Je lui pose quelques questions sur son passé. Elle est mariée et plus âgée que moi. Secrétaire dans une entreprise de Sainte-Marie-aux-Mines, elle a fui sa région occupée par les Allemands.

Je lui explique son travail -dactylographier télégrammes, lettres et rapports, tenir la comptabilité et m’aider à chiffrer et déchiffrer les textes échangés avec Londres - et li promets un bureau dès que Lebailly (Jean Guy BERNARD) me l’aura procuré. Je n’ai plus vraiment d’illusion mais cultive un prestige de chef. « En attendant, pouvez-vous travaillez chez vous ? Elle accepte d’autant plus facilement que son mari, attaché comme elle au service des réfugiés alsaciens est absent toute la journée. » »

Elle prend le pseudo de Mado et percevra 1200 Francs par moi pour son travail de secrétaire (à l’époque, une secrétaire gagne environ 800 francs par mois). » (CORDIER 2009)

 

10 août 1942

 

Daniel CORDIER. « Au sixième étage du 27 rue de la République, je frappe à la porte de Mme BEDAT-GERBAUT, le professeur de piano signalé par Mme MORET. (…) Je lui explique le rôle central des boites aux lettres dans la clandestinité. Elle accepte immédiatement de prêter la sienne. Craignant qu’elle ne soit inconsciente du danger, je précise : arrestation, peut-être torture, déportation. Lucide sur les risques, c’est une femme déterminée. (…) En deux jours, j’ai l’embryon d’un secrétariat : une dactylo et une boîte.

(….) Lors de ma rencontre avec SCHMIDT, il y a quelques jours, je lui ai demandé la boite de Raymond TASSIN, avec qui Rex m’a prescrit d’organiser des contacts rapides. Officier de liaison de Combat peut-être sera-t-il plus bavard sur son mouvement que SCHMIDT sur Libération. (…) Cet homme méticuleux et méthodique est exaspéré par l’ « aventurisme » des résistants. « Tu verras » me lance-t-il rageusement. Effectivement, avec Lebailly (Jean Guy BERNARD), incapable de me fournir quoi que ce soit, j’en ai eu un « aperçu ».

Je lui raconte mes déboires : « Ne perds pas ton temps : débrouille-toi tout seul . » Je commence à connaitre le refrain ; c’était déjà le conseil de SCHMIDT, comme de Rex. Mais fait attention : ils sont dangereux ! Ils ne sont pas du tout préparés à la clandestinité et se croient en temps de paix : ils parlent à tort et travers. Si ton ne te méfie pas, tu n’en n’as pas pour longtemps avant d’être coffré. Depuis six mois que je suis là, c’est une hécatombe autour de moi.

- Mais l’armée clandestine, le Débarquement ? A Londres, on ne parlait que de ça.

- Tu plaisantes j’espère. Le BCRA est loin. Ici, il n’y a que des brouillons de projets, des parlotes, et rien d’autre. Nous vivons au milieu d’une France au mieux indifférente, au pire hostile. Les gens qui nous entourent ont peur. Tu t’en apercevras rapidement. Ils ne veulent pas d’histoires. Nous héberger pour une nuit les empêche de dormir pendant une semaine. Quant à l’installation d’un poste de radio, c’est comme si nous leur demandions de mettre un drapeau anglais à la fenêtre. (…)

Les mouvements (…) Ce sont des patriotes qui bravent le danger pour tenter e faire quelque chose ensemble. J’ai la chance de m’occuper du plus fort et du mieux organisé de tous : Combat. Quand je constate le bordel qui y règne, je plains sincèrement Schmidt de s’occuper de Libération. Pour couronner le tout, Charvet (Henri FRENAY), le chef de Combat, est un militaire que je soupçonne d’être fasciste. Heureusement il s’oppose à Libération, qui est carrément une annexe du Front populaire. » (CORDIER 2009)

 

14 août 1942.

 

Rafle anti-juive. Cable de Henri CADO au préfet de Lyon, pour l’informer de sa décision de transférer en zone occupée le 23 août les travailleurs des GTE de Ruffieux (Savoie) et de Savigny (Haute Savoie) correspondant aux catégories déterminées le 5 août.

Il précise que c’est le Commissariat à la lutte contre le chômage qui dressera les listes des personnes dont ces internés sont le soutien et qui devront « être comprises dans opération générale de regroupement. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER. « Ce soir, j’accompagne Rex chez Georges, à côté de Perrache. Nous dinons avec Georges BIDAULT. Les restaurants où il m’entraîne d’habitude sont des bouchons lyonnais sympathiques, intimes et exigus. Celui-ci, sans être luxueux, déploie un vaste espace au décor démodé et au plafond art déco. Nous nous installons à l’écart des quelques voyageurs encombrés de valises.

L’objet de la rencontre est la coexistence des mouvements rivaux : Libération, Combat et Franc-Tireur dont les chefs sont respectivement Bernard (Emmanuel d’ASTIER de la VIGERIE), Charvet (Henri FRENAY) et Lenoir (Jean-Pierre LEVY) (….)

Rex se montre soucieux d’institutions pour canaliser cette anarchie de courage : les mouvements doivent-ils être coordonnés ou unifiés,, et sous quel statut vis à vis de la France libre ? La question est posée dans un télégramme d’André PHILIP que j’ai déchiffré ce matin, annonçant à Rex son intention de créer un Comité directeur des mouvements composé de leurs représentants et dont Rex serait le président. (….)

Quand j’observe leur conduite lors de nos réunions informelles, je redoute de leur conférer un caractère institutionnel. Ils n’ont aucune pratique du débat démocratique, ni du respect de certaines règles protégeant l’efficacité. C’est l’individualisme du tous contre tous. Seul leur importe le triomphe des ego, pas les résultats. Tous les éléments sont réunis pour une tragédie. (…)

Du point de vue de la sécurité, Rex estime dangereux l’organisme préconisé par PHILIP. Il revient à sa préoccupation centrale : l’étape décisive est la fusion des éléments paramilitaires dans une même armée secrète. » (CORDIER 2009)

 

17 août 1942

 

Daniel CORDIER. «  Rex sort d’une réunion avec les chefs des principaux mouvements de la Résistance. « Après un moment de silence il explose : « Ils sont irresponsables ! Chaque minute, nous risquons d’être arrêtés. Malgré ça, ils discutent interminablement de faux problèmes, alors que les solutions sont de bon sens. Ça ne peut plus durer ! J’en ai assez ; assez ! » (….)

Me prenant à témoin, il se déchaîne : « Depuis des semaines la discussion s’engage par un tour de table sur l’ordre du jour : la fusion des organisations paramilitaires. Chacun exprime son point de vue sur les nouvelles structures, l’organisation de l’état-major, le rôle du commandement, les avantages et les inconvénients de telle ou telle formule. Tant bien que mal nous parvenons à un accord. Charvet (Henri FRENAY), qui est malin, prend des notes, pendant que Bernard (Emmanuel d’Astier de la Vigerie) fume cigarette sur cigarette et que Lenoir (Jean-Pierre Levy) répète mot à mot ce que tout le monde a déjà compris. Quand tous les arguments sont épuisés et que la réunion touche à sa fin, Charvet, propose un texte qu’il a rédigé au cours de la séance. Bernard, accroché à sa cigarette, n’a pris aucune note et déclare qu’il n’a pas d’objection à faire mais qu’il ne peut signer sans l’avoir soumis à son Comité directeur. « Libération, dit-il en regardant Charvet, est un mouvement démocratique ». Celui-ci blessé par l’allusion, se rebiffe : « Vous voulez dire que Combat ne l’est pas ? ». Brusquement la tension monte. Je m’efforce de clamer l’antagonisme caractériel des deux hommes. Inutilement, d’ailleurs, puisque l’ordre du jour est épuisé. Bernard confirme son accord de principe et annonce qu’il apportera la réponse définitive à la prochaine réunion. Quelques jours plus tard, la séance s’ouvre par une déclaration de Bernard, toujours la même : son comité refuse le projet. La discussion reprend alors au point où elle avait commencé à la séance précédente. Cette fois, c’est fini ! J’en ai assez de cette comédie. Je ne veux plus discuter avec eux. Je vais les expédier à Londres et le Général se débrouillera. » (…)

Plus tard, il ajoute « Il faut que vous compreniez les causes de mes difficultés. Dans toute guerre de coalition, la solidarité doit être sans faille. Des politiques antagonistes, des stratégies contradictoires, des chefs en désaccord, et c’est la déroute assurée. Pour une fois, le Maréchal a raison : « Français vous avez la mémoire courte. »

« Je comprends mieux le rôle de Rex : à la fois ambassadeur, arbitre et patron. » (CORDIER 2009)

 

18 août 1942

 

Daniel CORDIER « Parmi les projets exposés par Rex, l’un répond à une question du BCRA et m’intéresse personnellement : l’organisation « de l’action révolutionnaire et des cellules révolutionnaires ou professionnelles ». Il est d’accord sur les équipes spéciales, chargées de faire de « l’action terroriste dès à présent de façon très étudiée et dans un but de propagande. » Pour une fois les chefs de Combat et de Libération approuvent.

J’apprends l’existence à Libération de cellules, ou dizaines professionnelles, composées le plus souvent d’éléments syndicalistes actifs et sûrs. Elles sont destinées à maintenir l’esprit syndicaliste, agir comme organe recruteur, faire acte de propagande et, le cas échéant, participer à des opérations révolutionnaires de caractère militaire. D’où la nécessité d’orienter les militants vers deux organismes différents : ceux menant une action politique et ceux jouant un rôle militaire, comme occuper ou détruire l’intérieur d’une centrale téléphonique ou d’une usine d’armement. Ceux-là seront versés dans une organisation militaire et devront « se soumettre à la stricte discipline ». En conséquence, Rex demande aux mouvements d’organiser ou de renforcer des équipes spéciales d’action terroriste. » (CORDIER 2009)

 

19 août 1942

 

Daniel CORDIER « A l’occasion de l’expédition et de la réception des câbles de Rex, je découvre le dysfonctionnement du réseau radio : il ne ressemble nullement à l’efficacité imaginée lors de mon apprentissage en Angleterre. (…)

Je m’informe auprès de Rex des causes de ce désordre. Il l’ignore et me demande d’enquêter afin de lui proposer des solutions. Comment se fait-il qu’il n’a jamais eu de radio personnel, comme il me l’apprend, alors que le BCRA en a attribué un à BiIDAULT, qui n’est pas le « grand-chef et à Salm (Jacques SOULAS), simple agent politique et qui l’utilise fort peu ? Mais voici le pire : deux radios destinés, l’un à FASSIN, l’autre à BIDAULT sont indisponibles. (…)

Conséquence immédiate du débarquement de Dieppe, BARTHELEMY, le ministre de la Justice de Vichy, a fait approuver un projet de loi par lequel seront punies « de la peine de mort les personnes utilisant des appareils d’émission radio britannique à des fins contraires à l’intérêt national. » Cela complique la prospection et le recrutement d’opérateurs, dont je suis chargé.

Selon les prescriptions de Rex, je dois impérativement quitter les MORET. Depuis mon arrivée, j’ai cherché en vain une chambre et désespère d’en trouver, lorsque la chance me sourit. Après les festivités du 15 août, M MORET, toujours débrouillard, me montre une annonce pour une petite chambre, rue Sala. Indépendante de l’appartement du propriétaire, la porte ouvre directement sur un palier de l’immeuble. L’affaire et conclue à 500 francs de loyer par mois. La pièce est située à égale distance de la gare de Perrache et de la place des Terreaux, périmètre de mes activités, et à quelques enjambées de la Chambre de Rex, rue de la Charité. (…) »

Après son déménagement Daniel CORDIER « passe à ma boite relever le courrier. J’y trouve un mot de Paul BASTID m’invitant à venir chez lui à 6 heures. Comme toujours c’est urgent.

A 6 heures, je pénètre dans le grand salon, un de mes premiers souvenirs de la Résistance. Je retrouve avec lui cette politesse gourmée qui m’a tant surpris après deux ans de vie militaire. Il a une information urgente à transmettre à Rex : le CGE a été choqué par les déclarations d’un envoyé de la France libre, Rondeau (Philippe ROQUES). « Il nous a déclaré qu’il était le seul représentant politique du général de GAULLE en France, que Rex avait usurpé un titre qui lui appartenait à lui seul et que la création du CGE était contraire aux ordres du Général. Le saviez-vous ? » Je l’ignore parce que Rex lui même l’ignore.

« Le Comité souhaite connaître la mission exacte de ROQUES auprès de la Résistance et ses relations avec Rex. De toute façon, nous souhaitons que cette déclaration intempestive cesse immédiatement. Cette agitation est nuisible à la cohésion si difficile de l’ensemble. » (CORDIER 2009)

 

20 août 1942.

 

Rapport du commissaire principal, chef du service des Renseignements généraux à Monsieur le préfet du Jura.

« Par contre les départements voisins, où sont moins surveillés les équipes de passeurs, laissent filtrer jusqu’à Lyon de nombreux Israélites qui arrivent dans cette ville grâce à la complicité de taxis qui, par des routes de campagne, évitent les grosses agglomérations. La somme payée à ces taxis est de l’ordre de 10.000 francs par voyage. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER. « Léo, l’inconnu que Rex m’a demandé d’aller voir, m’a fixé rendez-vous à la sortie de la gare des Brotteaux. Signe de reconnaissance : Le Temps. Quelle n’est pas ma surprise de voir arriver le caporal-chef Yvon MORANDAT, de Delville Camp. (..)

Le but de notre rencontre est d’établir le contact entre Jean HOLLEY, son radio, et la Home Station. (….)

A Table, nous oublions son radio. Connaissant sa faconde, je sais que, sans poser de questions, je serai bientôt au courant de tous les secrets de la Résistance.

J’apprends effectivement que Bernard s’appelle Emmanuel d’ASTIER de la VIGERIE et qu’il est le chef de Libération, alias Liber. Ancien officier de marine, journaliste, il a été maurrassien et antisémite, avant d’évoluer vers le socialisme. Nef est un autre pseudo du capitaine Charvet, de son vrai nom Henri FRENAY, officier d’active et Chef de Combat, dont le nom de code est Lifra. Quant au chef de Franc-Tireur, ou Tirf , il s’appelle Jean-Pierre LEVY et a pour pseudonyme Lenoir.

Je m’étonne que Libération ait deux officiers de liaison : SCHMIDT et MORANDAT lui même. « Mais je ne suis pas officier de liaison. En tant qu’ancien syndicaliste, j’ai obtenu de Londres une mission auprès des syndicats de zone libre pour les rallier à de GAULLE. (…)

Après son parachutage à l’automne de 1942, ses camarades syndicalistes d’avant-guerre l’ont mis en relation avec d’ASTIER de La VIGERIE. Celui-ci lui a proposé d’entrer au Comité directeur de son mouvement, parce que Libération est constitué, en grande partie, de syndicalistes CGT tendance JOUHAUX, avec d’ASTIER avait négocié un accord pour rallier ses troupes.

Il a également traité avec le CAS, le Comité d’Action Socialiste clandestin, qui regroupe des membres de l’ancien parti SFIO. (…)

Je suis déconcerté de constater qu’un mouvement de résistance entier est constitué de rouges du Front populaire, responsables de la débâcle. Sans doute cette réflexion muette se lit-elle sur mon visage. Il s’interrompt : « Je me souviens de tes opinions d’avant-guerre. J’espère que tu as évolué. En France, c’est le peuple qui résiste, et le peuple est à gauche. » (….)

Changeant brusquement de sujet, je l’interroge sur les mouvements : « Pourquoi tant de désaccords ?

- Mais parce que, politiquement, ce sont des adversaires. » (….)

MORANDAT est impitoyable envers FRENAY : « Pour moi, c’est un fasciste. Certes, c’est le fondateur d’un des premiers mouvements de résistance, mais n’oublions pas qu’il appartenait au Deuxième Bureau de l’état-major de Vichy et qu’il a recruté ses premiers adhérents parmi les membres de l’armée d’armistice. De nombreux cadres de la Résistance le soupçonnent de continuer de travailler avec le Deuxième Bureau. Cette méfiance s’est transformée en certitude lorsqu’on a appris, au début de 1942, qu’il avait rencontré Pierre PUCHEU à Vichy. Beaucoup de militants ont rompu avec lui, même à l’intérieur de son mouvement. D’ASTIER de La VIGERIE a crié à la trahison et abandonné les pourparlers en vue de la coordination des deux mouvements. Moi même, j’ai refusé de lui serrer la main pendant des semaines ». (….)

- Et la guerre dans tout ça ?

- Mais c’est « ça » la guerre ! Les résistants ne sont pas des soldats qui se battent pour libérer le territoire, ce sont des citoyens, c’est-à-dire des hommes libres. Ils ne sont au garde-à-vous avant personne. La majorité d’entre eux veulent faire la révolution et liquider Vichy. » (…)

Avant de nous quitter, nous évoquons le problème de Jean HOLLEY. MORANDAT me révèle les raisons de son silence, non avouées à Rex : depuis son arrivée, il a perdu son schedule. Il faut donc en obtenir un nouveau de Londres, ce qui prend du temps. » (CORDIER 2009)

 

20 au 21 août 1942

 

Lyon. Dans la nuit, organisation par la police lyonnaise d’une rafle anti-juive. Entre 3000 et 4000 personnes sont arrêtées et dirigées sur le camp de Vénisiseux puis au fort du Paillet. (Aulas 1974)

 

23 août 1942.

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les départs d’ouvriers Français pour l’Allemagne ne donnent même plus lieu à de nombreux commentaires. Cependant, la cérémonie organisée à Compiègne lors de la encontre du train d’ouvriers partant pour l’Allemagne avec celui des prisonniers rapatriés a produit une certaine impression.

Néanmoins l’opinion publique s’est étonnée de ce que le nombre de prisonniers libérés n’ait pas été publié et a conclu que ce nombre n’était sans doute pas en rapport avec celui des ouvriers partis en Allemagne.

Les ouvriers, eux, manifestent quelques inquiétudes à la pensée que si le nombre des volontaires n’est pas suffisant des désignations d’office, peut-être seront faites. Au cours du mois, le nombre de départs a été de 545 en 3 convois. A part quelques exceptions, tous ces ouvriers venaient de Lyon. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Enfin, il y a lieu de signaler qu’une mesure d’épuration a été faite dans le département du Rhône à l’initiative de la préfecture qui a fait regrouper et diriger sur le camp de Rivesaltes, où ils sont actuellement internés, sept groupes de nomades (cinquante personnes) qui étaient fixées en plusieurs points du département. Cette mesure a été très favorablement accueillie par la population. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« A titre de fait particulier, il y a lieu de signaler que le maire de Vaugneray, qui avait pavoisé sa maison particulière aux couleurs anglaises et américaines le 14 juillet, a été révoqué de ses fonctions. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Rafle anti-juive. Pour le convoi de ce jour d’ultimes exemptions sont signalées aux GTE.

Primo. Anciens combattants s’étant particulièrement signalés, blessés, cités prisonniers évadés sont à retirer des listes de départ.

Secundo. Veillez strictement règle nationalité. Hongrois et Roumains partis à tort premier convoi. Prenez toutes dispositions assurer exécution immédiate. Rendre compte. »

Le 5e Groupement GTE est situé 21, rue Puits Gaillot à Lyon. (Klarsfeld 2019)

 

Lyon. Séance du Consistoire central.

« La séance est ouverte à 14h15 sous la présidence de Mr Adolphe CAEN, vice-président du Consistoire central.

Présents : MM CAEN Adolphe, le Grand Rabbin Isaie SCHWARTZ Grand Rabbin de France, le docteur André BERNHEIM, Pierre GEISMAR, le Grand Rabbin Jacob KAPLAN, René MAYER, Jacques MEYER, Léon MEISS, OLCHAMSKI, René WORMS, Georges WORNSER.

Excusés : MM Jacques HELBRONNER, David OLMER, André WEILL.

I. Mr Le Président.

Fait l’historique des tristes événements qui motivent cette réunion extraordinaire de la Section permanente ; avant de donner la parole à Mr MEISS pour exposer en détail les modalités des arrestations et des déportations et à M KIEFE pour qu’il rende compte des deux démarches spontanément décidées par le bureau et qu’il a déjà faites à Vichy, il ajoute : un problème angoissant va se poser à nos consciences cours de cette séance dont la gravité et la solennité doivent exprimer à la fois la douleur et l’indignation que nous éprouvons comme Français et comme Israélites, et que nous sommes conscients que l’heure que nous vivons est peut-être une des plus tragiques qu’ait connue le Consistoire central au cours de son histoire.

Mr MEISS expose dans tous leurs détails les conditions dramatiques dans lesquelles ont eu lieu les arrestations et les déportations, et fournit à la Section des renseignements nombreux et précis sur les mesures projetées pour leur continuation.

Mr le Président.

Félicite et remercie M MEISS des initiatives heureuses qu’il a prises pendant qu’il assurait la permanence du consistoire avec nos collègues M LEVY-BRUHL, OLCHANSKI et le Grand Rabbin KAPLAN.

Mr KIEFE

Rend compte des entretiens qu’il a eu avec Directeur du Cabinet du chef du Gouvernement.

Mr J MEYER

Exprime le voeu que Mr HELBRONNER S’efforce d’obtenir le plus tôt possible une audience de Mr LAVAL.

Mr René MAYER et OUALID se déclarent d’accord sur ce point.

Mr KAPLAN.

Donne connaissance de son rapport sur le passage d’un convoi de déportés en gare de Lyon-Perrache et des nombreuses démarches qu’il a faites.

Mr J MEYER

Donne lecture de divers documents émanant de très hautes personnalités.

II. Rédaction de la motion de protestation contre les déportations.

Après un échange de vues prolongé sur le texte proposé par le Secrétariat général, l’Assemblée décide de confier la mise au point de cette rédaction à une commission réduite. L’assemblée décide que cette motion sera remise au chef du Gouvernement par une délégation présidée par Mr le Grand Rabbin de France. (Klarsfeld 2019)

 

24 août 1942.

 

Télégramme n°12896 du Ministère de l’Intérieur à Préfet régional Lyon, Intendance de police.

« Vous confirme départ convoi gare de Vénissieux 29 août 7h10. Effectif à embarquer : 1000 personnes en provenance centre regroupement Vénissieux. Convoi franchira ligne de démarcation à Chalon sur Saône à 10h33.

Escorte comprendra 1 officier de paix, 2 brigadiers-chefs, 7 brigadiers, 64 gardiens GMR. Votre région suivant accord réalisé avec Inspection générale Sécurité publique qui vous donnera ordre de détail.

Convoi sera composé : 3 voitures voyageurs réservées femmes, enfants malades à l’exclusion toute personne sexe masculin adulte et valide. 1 voiture voyageurs destinée à escorte, 27 voitures à bestiaux aménagées, 4 fourgons à bagages.

Remettre avant départ chaque partant 2 jours de vivre et chaque gardien 1 jour. Ministère ravitaillement alerté par mes soins donne ordre et autorisations nécessaires à son service régional. Prière vous mettre en rapport avec ce service.

Aménager wagons à bestiaux avec paille couchage à prélever sur quantité débloquée pour votre région.

Assurer installation chaque wagon voyageurs et bestiaux récipient eau potable et pour chaque wagon à bestiaux seau hygiénique ou récipient tenant lieu. Ce matériel est à acheter ou réquisitionner sur place. Il sera laissé dans le train au passage ligne démarcation et sera récupéré à l’arrivée.

Inutile de prévoir moyen éclairage, convoi devant arriver à destination zone occupée avant la nuit. » (Klarsfeld 2019)

 

Télégramme n°12898

Police nationale - Sécurité publique

à Monsieur le Préfet régional

Intendance de Police de Lyon

« Suite instructions Direction Personnel et Administration Police 2e Bureau, vous informe que escorte train transportant Israélites refoulés sera assurée de Vénissieux à Châlon sur Saône (ligne de démarcation) par GMR de votre région.

Effectifs à fournir : 2 brigadiers, 16 gardiens pour garde de 3 wagons à compartiments voyageurs, soit 6 gardiens par wagon, plus 5 brigadiers et 54 gardiens pour surveillance 27 wagons aménagés à raison de 2 gardiens par wagon plus 12 hommes de réserve. Au total 7 brigadiers, 84 hommes plus commandement officier de paix assisté 2 brigadiers-chefs.

Départ train de Vénissieux 29 août 7h10.

Arrivée Chalon sur Saône 10h30.

Personnel escorte ramené de Chalon sur Saône à Lyon par train spécial.

Vivres de chemin de fer. Une journée.

Tenue. Casque, manteau. Armement. Révolver. »

PERRIER. Inspecteur général. (Klarsfeld 2019)

 

Note de service du chef d’escadron BARIOD commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’une opération de regroupement des Juifs étrangers établis dans le département du Rhône aura lieu le 26 août 1942.

Le regroupement des Juifs sera réalisé par la police lyonnaise ; la gendarmerie constituera une force supplétive chargée de prêter main forte à la police.

Attitude à adopter à l’égard des individus regroupés :

  • Les traiter avec humanité, les fouiller minutieusement et retirer toutes les armes, éviter à tout prix les évasions et les suicides.

  • Recommander aux intéressés de prendre une ou deux couvertures, du linge de corps, chaussures, savon, couverts (couteau excepté), vivres de réserve, tickets d’alimentation, 50 à 60 kg de bagages autorisés.

  • Les clefs des appartements, étiquetées seront déposées selon le cas au commissariat de police, à la gendarmerie ou à la mairie.

  • Prendre toutes les précautions nécessaires et faire surveillances voulues pour qu’il n’y ait pas de pillage dans ces logements.

  • Agir sans brutalité mais avec fermeté et très rapidement.

  • En cas de situation exceptionnelle (maladie grave, grossesse caractérisée) on peut surseoir à l’internement .

Les Juifs regroupés sont à conduire directement au fort du Paillet, où ils devront arriver le plus tôt possible dans la matinée et au plus tard avant midi. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon.Séance du Consistoire central.

« La séance est ouverte à 9h30 sous la présidence de M Adolphe CAEN, vice-président du Consistoire central.

Présents. Les mêmes qu’à la séance précédente.

Mr le Président.

J’ai téléphoné hier soir à Mr le Président HELBRONNER, mais je n’ai pu entrer en communication qu’avec sa femme. Celle-ci m’a dit que le Président approuvait par avance ce que ferait la Section permanente. Elle a ajouté que Mr HELBRONNER déplorait de ne pouvoir aller à Vichy en raison de son état de santé. Je demande à Mr OUALID de faire partie de la délégation qui s’y rendra en même temps que le Grand Rabbin de France, le dr BERNHEIM, Mr MEISS et moi même.

Mr Jacques MEYER.

Estime qu’il y aurait lieu de diffuser le plus possible la protestation qui va être votée, en l’adressant à des personnages importants ainsi qu’aux communautés. Chaque Délégué Régional devra assurer le tirage des exemplaires destinés aux membres du Consistoire, des rabbins et des présidents de communautés.

Mr le Président.

Il est donc entendu qu’en plus ce document sera tiré à 50 exemplaires et remis

1) à tous les membres du consistoire par l’intermédiaire des délégués régionaux. Les secrétaires régionaux seront convoqués à cet effet pour le 1er septembre (chaque délégués régional devra avoir les noms et adresses des membres.

2). Aux Présidents de communautés, aux rabbins.

3). Au Maréchal, au nonce du Pape, au pasteur BOEGNER, au président de la Croix Rouge, aux prélats, ministres, préfets et journalistes ainsi qu’a Mr JARBLUM et FISHER.

La séance extraordinaire est suspendue à 9h55.

La séance ordinaire est ouverte à 10h.

Deuxième séance extraordinaire.

La section permanente se réunit à nouveau en séance extraordinaire à 14h30 pour poursuivre l’étude de la protestation à adresser au Chef du Gouvernement concernant les déportations d’étrangers israélites livrés aux Allemands.

Après différentes observations de MM René MAYER, Georges WORMSER, Jacques MAYER, ce texte est adopté.

Mr le Président.

Avant de nous séparer, je tiens à vous remercier de la tenue que vous avez donné à ces longues et tristes séances.

L’émotion qu’a manifesté ce matin, un de nos collègues, au cours d’une de ces interventions, toutes si élevées, si éloquentes, si précises et si convaincantes est l’expression de ce que nous avons tous ressentis, de ce que nous avons éprouvé pendant la discussion du douloureux problème posé à nos consciences. Nous avons peut-être vécu en ces heures, un moment des plus angoissants de toute l’histoire du Consistoire central. Que Dieu qui nous juge non seulement dans nos actes, mais dans nos intentions fasse que soit atteint le double résultat que nous avons recherché : atténuer les souffrances auxquelles hélas nous ne pouvons soustraire nos frères étrangers, épargner de nouvelles épreuves à nos coreligionnaires français.

La prochaine réunion de la Section permanente est fixée au lundi 28 septembre.

La séance est levée à 17h. » (Klarsfeld 2019)

 

Le préfet régional de Lyon ANGELI, reçoit un avertissement de la Résistance.

« Monsieur le Préfet.

Veuillez voir dans cette lettre l’expression de la pensée d’un nombre considérable de Lyonnais qui n’entendent point laisser impunément ce qu’on prépare.

Nous savons que sur l’injonction des Allemands, Vichy vous a donné ordre de procéder le mercredi 26 à partir de 4h du matin à une rafle monstre de malheureux réfugiés juifs étrangers, qui sont destinés à être déportés en Allemagne. Nous savons que cet acte révoltant dont le gouvernement lui même a honte, vous a été donné par téléphone et confirmé par télégramme. Nous savons que la police de Lyon, qui n’est pas nazie mais française, répugne à livrer aux bourreaux du Reich de nouvelles victimes. Nous savons que vous en êtes réduits à vous occuper vous même de l’établissement des listes de traqués.

Tout Lyon est déjà prévenu du déshonneur que l’on veut infliger aux fonctionnaires et aux policiers en les forçant à livrer aux Allemands des innocents dont beaucoup sont engagés volontaires, légionnaires, mutilés. Tout Lyon s’indigne à la pensée que vous vous jugez contraint d’appliquer d’ignobles consignes dictées par l’occupant et qui, par exemple, font séparer sans espoir de retour, des enfants de leurs mères.

Monsieur le Préfet nous vous plaçons devant vos responsabilités de Français et d’homme. Vous n’avez pas le droit d’aller contre le sentiment profond et unanime de toute la ville, contre le dégout manifesté par tous vos collaborateurs et par la police. Vous n’avez pas le droit de prêter votre concours, de donner force de loi aux meutes de gangster que les Allemands veulent introduire à Lyon. On vous en demandera compte et croyez bien qu’il ne s’agit pas là de menaces, mais d’une simple prévision d’avenir.

Monsieur le Préfet vous n’avez point juré fidélité à l’Allemagne : votre serment de fonctionnaire ne vous force pas à trahir tout ce que les Français respectent : l’honneur, le droit d’asile, la pitié pour les failles et les innocents, la générosité, la solidarité envers les étrangers qui furent des frères d’armes. Pas un Français, pas un chrétien ne pardonnera à ceux qui auront été les exécutants apeurés ou complices de la barbarie allemande.

Monsieur le Préfet nous comptons encore sur un sursaut de votre part. L’opinion alertée par nous, veille. Nous espérons encore que la prochaine nuit de Lyon ne retentira pas, par votre faute des cris, des sanglots, des appels des malheureux qu’on vous invite à livrer comme du bétail. Nous espérons qu’un préfet français ne se fera pas pourvoyeur des bagnes hitlériens.

Mercredi, Lyon saura si Monsieur le Préfet ANGELI est Français ou serviteur des boches. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER « Les télégrammes et les rapports que je reçois prouvent que la fusion des mouvements avance. Le dernier obstacle tient au choix d’un commandant en chef. Henri FRENAY, avec son caractère, sa compétence et ses gros bataillons, en revendique la direction, mais les autres chefs s’y opposent. Pour résoudre ce problème, il faut un chef extérieur aux mouvements.

Rex a d’abord pensé au général de LATTRE de TASSIGNY, qui commande la région militaire de Montpellier. Il m’avait envoyé à Antibes chez le commandant VAUTRIN, une de ses relations et ami du général, afin de lui apporter un message oral : Pouvait-il organiser une rencontre entre Rex et de battre en vue de lui offrir le commandement de l’armée secrète. VAUTRIN approuva son choix : « Ce serait un formidable coup de fouet pour l’armée clandestine, mais aussi pour de GAULLE. »

Lorsque je revins le voir quelques jours plus tard à Antibes, VAUTRIN déchantait. Il me demanda de transmettre à Rex le refus de De LATTRE : «  Il obéit au chef de l’armée française, qui est le maréchal PETAIN. Si un jour il passe à la Résistance, ce sera sur son ordre. De LATTRE représente l’esprit de l’armée d’armistice. C’est un leurre de croire qu’elle bougera tant que le Maréchal n’en n’aura pas donné l’ordre. »

VAUTRIN me demande d’attirer l’attention de Rex sur un point important à ses yeux : « De LATTRE se montre extrêmement critique à l’égard des mouvements, dont l’esprit lui semble trop politisés : en clair trop à gauche. C’est un soldat, il refuse tout engagement politique. » Quand je communiquai à Rex le message et le commentaire de VAUTRIN, il se montra déçu, mais pas du tout surpris.

Après cet échec, FRENAY proposa de sonder le général GIRAUD . Deux membres de Combat qui le connaissaient personnellement, MENTHON et Lorrain (Claude BOURDET), lui rendirent visite séparément. Ce fut un échec : GIRAUD refusait de commander l’armée clandestine « gaulliste » ; son projet était de prendre la tête d’une insurrection militaire nationale à l’occasion du Débarquement allié en France.

Quand j’apportai à Rex le mot de François de MENTHON, il lâcha laconiquement : « C’est l’opération La Laurencie qui recommence, en plus dangereuse. » (Le général de La LAURENCIE avait été nommé ambassadeur de Vichy à Paris. Après avoir démissionné à la fin de 1940, il s’était tourné vers la Résistance et avait accepté l’aide financière des Américains. C’est ainsi qu’il avait entrepris de rallier FRENAY et d’ASTIER de La VIGERIE à son projet de fédération d’une Résistance hors de contrôle de De GAULLE. Ceux-ci refusèrent à l’automne de 1941)

A la suite de ces échecs répétés, FRENAY soumit à Rex le nom du général Charles DELESTRAINT. A la suite de quoi, il décida de m’envoyer en reconnaissance à Bourg en Bresse, où il habitait. »

Daniel CORDIER se rend donc à Bourg en Bresse pour prendre contact avec le général DELESTRAINT.

« Je lui explique le but de ma visite : organiser un rendez-vous avec Rex le 28 août prochain, à Lyon. . Il accepte aussitôt et me demande de venir le chercher, après déjeuner, au buffet de la gare Perrache ; je le conduirai alors au rendez-vous, dont j’ignore encore le lieu. » (CORDIER 2009)

 

Passage à Lyon d’un train spécial de déportés Juifs en provenance du Portet Saint-Simon (Haute-Garonne) à destination de Drancy.

Arrivée à Lyon Brotteaux à 19h15. Départ à 19h25

Arrivée à Saint-Germain au Mont d’Or à 19h52. Départ à 20h02. (Klarsfeld 2019)

 

25 août 1942.

 

La radio de Londres annonce que 640 Juifs doivent être arrêtés le lendemain à Lyon. (Klarsfeld 2019)

 

Publication de la Protestation solennelle rédigée la veille par le Consistoire Juif de France.

« Le Consistoire central des Israélites de France, conscient du devoir de solidarité religieuse qui lui incombe, exprime au Chef du Gouvernement, l’indignation que lui inspire la décision prise par le Gouvernement Français de livrer au Gouvernement Allemand des milliers d’étrangers de diverses nationalités, mais tous de religion israélite, résidant en zone non occupée et qui s’étaient réfugiés en France avant la guerre pour fuir les persécutions dont ils étaient victimes.

Le Consistoire central proteste de toute son énergie tant contre cette atteinte portée au principe du droit d’asile que contre les conditions inhumaines dans lesquelles cette mesure a commencé d’être exécutée par les Autorités de la zone non occupée.

Le Consistoire central ne peut avoir aucun doute sur le sort final qui attend les déportés, après qu’ils auront subi un affreux martyre. Le chancelier du Reich n’a t-il pas déclaré dans son message du 24 février 1942. « Ma prophétie suivant laquelle au cours de cette guerre, ce ne sera pas l’humanité aryenne qui sera anéantie, mais les Juifs qui seront exterminés s’accomplira. Quoique nous apporte la bataille et qu’elle qu’en soit la durée, tel sera son résultat final. » Ce programme d’extermination a été méthodiquement applique, en Allemagne et dans les pays occupés par elle, puisqu’il a été établi par des informations précises et concordantes que plusieurs centaines de milliers d’Israélites ont été massacrés en Europe orientale ou y sont morts après d’atroces souffrances, à la suite des mauvais traitements subis. Enfin le fait que les personnes livrées par le Gouvernement Français ont été rassemblées sans aucune discrimination quant à leurs aptitudes puisque parmi elles figurent des malades, des vieillards, des femmes enceintes, des enfants, confirme que ce n’est pas en vue d’utiliser les déportés comme main d’oeuvre que le Gouvernement allemand les réclame, mais dans l’intention bien arrêtée de les exterminer impitoyablement et méthodiquement .

Les citoyens français que nous sommes ne peuvent constater sans révolte que le Gouvernement Français pour la première fois dans l’histoire, viole délibérément le droit d’asile dont le respect par une tradition séculaire, a toujours été considéré dans notre pays comme un principe sacré.

Les Israélites sont d’autant plus fondés à souligner le caractère sacré du droit d’asile que c’est leur loi religieuse, qui dans les temps bibliques, l’avait expressément institué ; le Christianisme a repris la même tradition et l’Eglise en a constamment imposé le respect aux Autorités laïques tout au long de notre histoire.

Toutes les circonstances qui ont entouré cet abandon le rendent encore plus révoltant. Les malheureux déportés ont été traités de la façon la plus inhumaine, des leur embarquement en zone occupée ; ils ont été entassés dans des wagons à bestiaux hommes, femmes, enfants, vieillards, malades, tous mêlés sans vivres, sans que les précautions d’hygiène les plus élémentaires aient été respectées ; ces sinistres convois n’ont pu être ravitaillés à leurs arrêts dans certaines gares de la zone non occupée, ou un service d’ordre rigoureux et brutal a interdit l’accès aux quais à des organisations charitables et à des ministres du culte, qui tentaient de venir apporter à ces condamnés les secours ultimes de la religion. Les membres du Consistoire central, presque tous anciens combattants croient devoir signaler au Gouvernement que parmi les personnes aujourd’hui menacées de déportation, figurent des étrangers qui, au cours de la guerre se sont engagés dans l’armée française et ont combattu sous les plis de ses drapeaux. Aujourd’hui, la France les livrerait sans défense, ce serait un fait si grave, que le Consistoire central est assuré qu’il lui suffira de le signaler au Gouvernement pour que soit évitée une mesure propre à scandaliser tous les anciens combattants à quelque confession qu’ils appartiennent.

Le Consistoire central Israélite de France, renouvelant les protestations antérieures aux termes desquelles il n’a cessé de demander que les Juifs étrangers fussent traités en tous points sur un même pied d’égalité que les autres étrangers, adjure le Gouvernement de bien vouloir réfléchir aux incalculables conséquences morales des mesures qu’il a ordonnées ; lui rappelle que les traditions les plus hautes de la France et qui se sont constamment maintenues, interdisent la livraison à un Gouvernement étranger des malheureux voués à la mort, uniquement parce qu’ils sont coupables d’appartenir à une religion déterminée ; lui demande au moins pour le cas ou il ne serait pas possible d’obtenir la révocation de l’ensemble de l’ensemble de ces mesures, de maintenir la totalité d’exceptions qui avaient été appliquées aux premiers convois, et notamment d’en exclure tous les anciens combattants et volontaires étrangers avec leurs familles, les enfants de moins de 18 ans isolés, et en tout cas les jeunes filles pour que ces déportations risquent d’avoir les conséquences les plus révoltantes.

Demande également de décider que les parents d’enfants âgés de moins de 3 ans ne soient pas déportés, ainsi que toutes les femmes enceintes.

Insiste enfin pour qu’un traitement humain soit accordé à ceux qui resteraient condamnés à prendre le chemin de la déportation. » . (Klarsfeld 2019)

 

Rapport du commandant LEFEBVRE, commandant le Groupe Mobile de Réserve d’Aquitaine.

à

Monsieur le Préfet régional de la Haute-Garonne.

«En gare de Lyon-Brotteaux, je reçus la visite de Mr le commissaire de police BUSCAYRET qui me remit une note émanant de Mr le commissaire principal des Renseignements Généraux de Lyon me demandant suivant les instructions du Ministère de l’intérieur de renvoyer avec leur escorte sur leur camp respectif les détenus ci-après :

Camp des Milles

  • Joseph ARNABAL

  • Samuel KATZ

  • Manfred KATZ

Camp de Gurs.

  • Rosa ROZENSWEIG

  • Gatterherr MOSER

  • Oda LATER

Je remis à M le commissaire BUSCAYRET les internés ci-dessus mais me refusais à les faire escorter par les gendarmes ou gardiens comme le prescrivait cette note ; je ne pouvais, en effet, distraire le moindre élément de surveillance.

Mr le commissaire BUSCAYRET le comprit et assuma lui même la prise en charge de ces six internés. » (Klarsfeld 2019)

 

26 août 1942

 

En zone libre, déclenchement à travers tout le territoire de la gigantesque rafle préparée par BOUSQUET, par la Direction de la police nationale et par les préfectures régionales et départementales.

Résultat à 15h30 pour le Rhône :

Prévues : 2600 ; Réalisées : 160 (Klarsfeld 2019)

 

« Plus de cent Juifs en résidence libre sont internés au fort de Chapoly à Lyon, surtout des femmes et des enfants arrêtés n’importe comment. Le colonel TAVERNIER, bien placé pour observer et recueillir les impressions de ses chefs de groupement à travers toute la zone libre, note que les opérations « ont été empreintes d’un désordre absolu. Les instructions étaient freinées ou très aggravées. » TAVERNIER et ses cadres tentent cependant de sauver un certain nombre de travailleurs arrêtés alors qu’ils auraient dû être exemptés. (Klarsfeld 2019)

 

Bilan de la rafle.

Région de Lyon : 2000 à 2900 à arrêter ; 1016 arrêtés

595 maintenus sur les 1016 arrestations ; 544 partis à Drancy sur les 595 arrêtés.

Centre de rassemblement régional :

  • camp de la main d’œuvre indigène à Vénissieux.

  • GTE 927e et 581e au fort de Chapoly

  • GTE 22e à Grigny.

Centres de rassemblement : fort du Paillet et camp de Vénissieux. 781 arrestations prévues, 310 effectuées, 124 maintenus. (Klarsfeld 2019)

 

Lyon. Arrestation dans les locaux de l’imprimerie Juhan de :

  • A JUHAN.

  • Louis BESSEY.

  • Edouard EHNI. Après avoir passé 17 mois à Montluc, il est mis en résidence surveillée à Saint-Georges des Hurtières (73) (Permezel 2003)

 

27 août 1942

 

Vénissieux. « L’intendant est venu lundi à 11 heures pour le criblage qui a duré jusqu’à 2 heures de l’après-midi. D’après moi, je crois que l’intendant ne demande pas mieux que les gens soient libérés, c’est-à-dire qu’il semblait favorable à la libération. Il ne faisait pas trop de difficultés, il demandait surtout des vérifications. Comme il a vu que notre délégué intervenait de la même façon pour chaque interné, il disait : « cela ne peut plus aller, j’ai des ordres de Vichy et je dois les exécuter. Si une personne est payée par un gouvernement quelconque, elle est obligée d’accomplir et exécuter les ordres transmis par le gouvernement qui la paie. Sinon celui qui ne le fait pas, est un salopard. » (Klarsfeld 2019)

 

28 août 1942

 

Législation travail. Décret potant unification du syndicalisme. (Aulas 1974)

 

Daniel CORDIER « Je retrouve le général DELESTRAINT à 2 heures et demie au buffet de Perrache. (….) Arrivés devant l’immeuble de Mme BEDAT-GERBAUT, je lui indique l’escalier et l’étage et le laisse rejoindre Rex » (….)

Daniel CORDIER profite de la réunion pour effecteur des courses

« J’en profite pour exécuter une demande du BCRA, qui a réclamé à Rex d’expédier à Londres les discours du Maréchal, ainsi que quelques ouvrages de propagande de Vichy. Le centre de propagande du Maréchal est installé dans un grand magasin désaffecté, précisément face au café de la République. (…) Le lieu est désert, à l’exception des vendeuses. (…) Ma solitude dans ce magasin me réjouit : elle est la preuve que le régime et sa doctrine ne soulèvent pas l’enthousiasme des foules. L’empressement des vendeuses témoigne de leur désoeuvrement. Le contraste est saisissant avec la librairie Flammarion, bondée en permanence, où les vendeurs, harcelés, se montrent plutôt désagréables. » (….)

Après avoir retrouvé Rex qui se moque de lui pour ses achats « Bravo pour vos emplettes ! Grâce à vous, nous allons faire une propagande efficace ! » (….)

« Ayant déjà réglé ma consommation, je me lève pour le suivre ; c’est une règle qu’il m’a apprise : payer immédiatement afin de pouvoir quitter les cafés à la moindre alerte. (….)

Son entrevue avec DELESTRAINT est une réussite : il accepte le commandement des organisations paramilitaires des mouvements, sous réserve d’un inventaire de la situation et de l’accord personnel du général De GAULLE.

Par ailleurs, il envisage de créer une double organisation, l’une consacrée au noyautage de l’armée d’armistice, l’autre à l’organisation des groupes militaires des mouvements. Bien qu’il s’agisse d’un homme de Combat. Rex soutient sa nomination, à condition qu’elle soit effectuée par de Gaulle : «  Il serait souhaitable que le général de GAULLE, s’il est d’accord sur la personnalité de Vidal (DELESTRAINT), désigne lui-même, en fixant ses attributions, ce général comme chef des organisations militaires et paramilitaires des Forces françaises combattantes dans la zone non occupée. » (CORDIER 2009)

 

30 août 1942

 

Daniel CORDIER. « Bien que Mado (Laure DIEBOLD) soit devenue la pierre angulaire de mon secrétariat, mes voyages deviennent une surcharge insupportable à mesure que les rendez-vous se multiplient à Lyon. Je perds des heures dans le train pour transporter un pli, attendre une réponse ou transmettre une consigne orale. Est-il indispensable d’être un officier de la France libre pour accomplir une telle besogne ? (….)

Chaque jour, sauf le dimanche, je me lève à 6 heures et commence par relever les boites de Rex et la mienne. Au retour, j’achète les journaux, pain ou biscottes pour son petit déjeuner et, à 7 heures, je sonne chez lui. Selon l’importance du courrier, nous travaillons une heure ou plus. Puis il organise sa journée selon ses rendez-vous ou ceux que j’ai pris pour lui. Il n’en note aucun et compte sur ma mémoire : je suis son agenda.

Quand je le quitte, commence la noria des rendez-vous, qui s’échelonnent jusqu’au soir : officier de liaison (SCHMIDT, FASSIN, MORANDAT), radio (BRAULT), adjoints des chefs de mouvements (Lorrain (Claude BOURDET), Brun (Jacques BRUNSCHWIG-BORDIER) , Lebailly (Jean-Guy BERNARD), Claudius (Eugène CLAUDIUS-PETIT), membres du CGE (BASTID et MENTHON en particulier). Il y a aussi des plis en plus, des résistants de la zone nord, des syndicalistes, etc. S’y ajoutent les distributions d’argent, l’organisation des rendez-vous d’argent, l’organisation des rendez-vous ou des réunions, etc… Tout cela à pied ou en tramway. Je déjeune et dîne avec l’un de mes interlocuteurs ou avec Rex, selon ses ordres. En rentrant chez moi, dans la soirée ou la nuit, je travaille au codage et au décodage. J’en ai pour jusqu’à minuit ou plus tard, selon les volumes des documents reçus ou à expédier. » (CORDIER 2009)

 

Arrivée à Drancy du 7e convoi de la zone libre. Il est constitué de 544 Juifs (322 hommes et 222 femmes) en provenance de la région de Lyon. Pas d’enfants de moins de 15 ans sauf 1 car les Amitiés chrétiennes les ont soustraits pendant le criblage au « camp de la main d’oeuvre indigène » à Vénissieux ». 47 transférés en provenance de l’Ardèche d’où ils étaient partis à 137, 109 de l’Isère, 69 de Savoie (dont une trentaine de Montmélian), 60 de Haute-Savoie : manquent les chiffres précis pour l’Ain, la Drôme, la Loire, le Jura, la Saône et Loire et le Rhône qui totalisent 259 transférés.

Le convoi quitte la gare de Saint-Priest à Lyon le 29 août. Retardé, il devait arriver à Drancy le même jour à 20h33, mais il n’y est parvenu que dans la matinée du 30 août via Chalon sur Saône. Ce retard provoque l’inquiétude de la police nationale qui l’impute « à une mauvaise organisation opération préparatoire départ » et qui prévient les préfets concernés par les prochains départs que « leur responsabilité personnelle sera engagée » si l’horaire n’est pas respecté. » (Klarsfeld 2019)

 

31 août 1942

 

Note de service du chef d’escadron BARIOD commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« J’ai l’honneur de vous faire connaître que suivant les instructions verbales reçues de monsieur le Préfet régional (Intendant de police), les opérations de regroupement des Juifs étrangers commencées dans la journée du 26 août 1942 doivent être poursuivies. Les recherches toutefois seront faites sur des bases différentes, en ce sens que les brigades, au lieu de rechercher exclusivement les Israélites dont la liste leur a été communiquée, devront identifier tous les Israélites de leur circonscription en vue de saisir ceux qui sont de nationalité allemande et qui sont venus en France depuis 1936 (depuis 1933 pour les célibataires)

Le terme « Israélite allemand » doit être entendu dans le sens le plus large correspondant à l’ensemble des territoires actuellement conquis par le Reich et comprend, outre les Allemands proprement dits, les ex Polonais, Dantzigois, Tchécoslovaques, Autrichiens, Lituaniens, etc... les Israélites des pays alliés de l’Allemagne ne sont pas justiciables des présentes mesures.

EXCEPTIONS. Sont exemptés les Israélites allemands.

  • Agés de plus de 62 ans.

  • Les enfants de moins de 2 ans et leur famille ;

  • Les femmes en état de grossesse apparente ;

  • Les malades hospitalisés ;

  • Les femmes ayant un conjoint ou un enfant français.

  • Les anciens combattants décorés de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre.

Tous les Israélites regroupés seront conduits au fort du Paillet (prés de Lyon) d’où ils seront ensuite dirigés par convois sur le camp de Rivesaltes. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Communiqué de la radio de Londres.

« Le général de Saint-Vincent limogé.

Le général de Saint-Vincent, commandant la 14e Région du Gouvernement militaire de Lyon, recevait vendredi 29 août 1942 de l’Intendant de police MARCHAIS la requête suivante : « Prêtez-nous quelques escadrons de la garnison, ce sera pour maintenir l’ordre pendant l’embarquement de 650 Juifs que nous envoyons en zone occupée. » Le général refusa net. « Jamais je ne prêterai ma troupe pour une opération semblable. »

L’Intendant fit immédiatement son rapport à Vichy. Quarante-huit heures après, le général de Saint-Vincent était admis à faire valoir ses droits à la retraite. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER. « Je découvre parfois dans mes boites des journaux clandestins, dont le nombre augmente en cette fin d’août. Je reconnais les exemplaires photographiés dans la France libre : leur format (une feuille de papier machine) les fait ressembler aux revues des collégiens. » (CORDIER 2009)

 

Août 1942 (fin).

 

Lyon. Arrestation de Louis BESSEY qui imprimait de la presse clandestine. (Permezel 2003)

 

Septembre 1942.

 

Taluyers. 2e parachutage d’armes pour la Résistance à Taluyers. (Permezel 2003)

 

1er septembre 1942

 

Bilan des arrestations de personnes juives dans le Rhône.

  • Israélites recensés en 1942 : 2000

  • Arrestations le 26 août : 1016

  • Israélites retenus après criblage : 595

  • Ramassage effectué après le 26 août : 60 (Klarsfeld 2019)

 

Rapport mensuel pour le mois d’août du préfet régional de Lyon.

« La situation du Gouvernement par rapport à l’opinion publique s’en serait trouvée améliorée, si le départ de convois de Juifs étrangers à destination de l’Allemagne n’avait apporté à la propagande gaulliste un sujet qu’elle exploite avec vigueur et habileté. Dans la région de Lyon, ceux-ci ont pourtant été extrêmement réduits. Tous criblages faits, 545 individus seulement sont partis mais il en serait parti 100.000 que le bruit fait autour de leur départ n’aurait pas été plus grand. Ce départ n’a cependant suscité aucune curiosité. Il serait même passé inaperçu de la masse si les Amitiés chrétiennes, soutenues par le clergé, n’avaient quelque peu exploité la situation. Un rapport vous a été adressé à cet égard, à la suite de l’envoi en résidence surveillée de leur directeur, le RP CHAILLET, professeur à l’Institut catholique de Lyon. Alors que le Ministère de l’Intérieur, à la demande de S.E le Cardinal GERLIER avait accepté de reconsidérer la question de l’envoi en Allemagne de certains enfants juifs laissés par leurs familles ; ceux-ci ont été dissimulés et mis en lieu sûr par les Amitiés chrétiennes sans même attendre cette décision. L’attitude des dirigeants de l’Association se refusant même après la décision ministérielle à donner l’adresse des enfants, mettant ainsi en échec, sous prétexte d’obligation morale, la volonté du gouvernement, demandait un acte d’autorité. Je l’ai accompli. Il a pu se produire quelque émotion dans certains milieux, mais je suis convaincu qu’il portera ses fruits. » (Klarsfeld 2019)

 

Daniel CORDIER « Ce soir je dîne avec Paul SCHMIDT. Je lui dit sans tarder ce que j’ai sur le coeur : « Ça fait un mois que je suis en France, et je suis sidéré par les imprudences dont je suis quotidiennement le témoin. Les résistants sont fous ! Nous finirons tous en caisse. Si le BCRA savait ce qui se passe, il n’enverrait plus aucun agent.

- Tu as mis un mois à t’en apercevoir ?

- Non, j’avais peur à chaque rendez-vous, mais je n’osais pas en parler.

- Et maintenant tu fais comme tout le monde, comme moi ! Le prudents ne « rentrent » pas dans la clandestinité. Crois-tu que nous n’étions pas fous pour nous engage, en juin 1940, avec De GAULLE ? C’est parce qu’il n’y a personne dans ce que l’on appelle pompeusement la Résistance que nous sommes tous imprudents. »

Il a raison, je me conduis comme les autres militants : tous mes rendez-vous se tiennent place Bellecour ou place des Terreaux, comptant sur la démesure de la place pour me rendre invisible (….)

Dès le retour du patron, nous dînons avec Georges BIDAULT, qui m’avait réclamé un rendez-vous d’urgence avec Rex : « C’est très grave ». Les propos de BIDAULT justifient l’urgence. Depuis le début du mois d’août , et tout récemment encore, les 23 et 24 août des Juifs d’origine étrangère sont arrêtés et expédiés en Allemagne. A Lyon même, des évènements se déroulent, sans que j’en reçoive le moindre écho.

Selon ses correspondants à Vichy, l’opinion, dans la mesure où elle est informée par le bouche-à-oreille ou les radios étrangères, commence à s’émouvoir. (…)

BIDAULT signale à Rex l’action du père CHAILLET, qui, avec d’autres religieux, n’hésite pas à prendre tous les risques pour sauver les enfants. Ce jésuite est le fondateur du journal clandestin « Témoignage chrétien ». Il a recueilli des centaines d’enfants, qu’il a placés dans des couvents ou des établissements charitables. Le préfet du Rhône, ANGELI, hostile à ce sauvetage, a menacé CHAILLET d’emprisonnement. L’affaire a pris des proportions nationales, puisque le cardinal GERLIER archevêque de Lyon, primat des Gaules, est intervenu auprès du chef de cabinet de BOUSQUET , secrétaire général de la police à Vichy. L’adhésion du cardinal GERLIER au maréchal PETAIN lui confie une autorité qu’on ne peut négliger. En réponse à sa requête, le préfet ANGELI a envoyé le père CHAILLET en résidence forcée à Privas.

Rex écoute attentivement. Aux noms d’ANGELI et de BOUSQUET, qu’il semble connaître, il réagit : «  Rassurez-vous, le courage des lâches à des limites. Même dans l’administration. Compte tenu des relations privilégiées de l’Eglise avec le régime, je ne crois pas qu’ ANGELI fasse arrêter le père CHAILLET. Le scandale serait public et les raisons injustifiables, vis à vis d’une opinion jusqu’ici indifférente, mais troublée par les rumeurs et finalement hostiles à ces arrestations. N’oublions pas que les Français sont certes antisémites, mais modérément. » (....)

« Ce soir Rex demeure songeur. Je sais qu’il pense aux Juifs. Après un moment, faisant allusion aux bourreaux, il ne peut s’empêcher de lâcher : « Quels salauds ! » C’est la première fois que j’entends un gros mot dans sa bouche. Comme je ne sais que répondre, il reprend : « Vous joindrez les lettres pastorales (de l’archevêque de Toulouse et de l’évêque de Montauban) au prochain courrier. Il faut tout faire pour répandre la vérité sur ces crimes. Il faudrait une lame de fond pour réveiller l’opinion et arracher ces malheureux à leur sort. Hélas, que pouvons-nous ? C’est dans une telle occasion que la Résistance révèle son impuissance. » (CORDIER 2009)

 

2 septembre 1942

 

Communiqué de son éminence le cardinal GERLIER archevêque de Lyon, qui devra être lu en chaire le dimanche 6 septembre et auquel ne devra être ajout aucune autre parole.

« L’exécution des mesures de déportation qui se poursuivent actuellement contre les Juifs donne lieu sur tout le territoire à des scènes si douloureuses que nous avons l’impérieux et pénible devoir d’élever la protestation de notre conscience. Nous assistons à une dispersion cruelle des familles où rien n’est épargné, ni l’âge, ni la faiblesse, ni la maladie. Le coeur se serre à la pensée des traitements subis par des milliers d’êtres humains et plus encore en songeant à ce que l’on peut prévoir. Nous n’oublions pas qu’il y a pour l’autorité française un problème à résoudre, et nous mesurons les difficultés auxquelles doit faire face le gouvernement.

Mais qui voudrait reprocher à l’Eglise d’affirmer hautement en cette heure sombre et en présence de ce qui nous est imposé, les droits imprescriptibles de la personne humaine, le caractère sacré des liens familiaux, l’inviolabilité du droit d’asile et les exigences impérieuses de cette charité fraternelle dont le Christ a fait la marque distinctive de ses disciples. C’est l’honneur de la France de ne jamais abandonner de tels principes. Ce n’est pas sur la violence et la haine qu’on pourra bâtir l’ordre nouveau. On le construira et la paix, avec lui, que dans le respect de la justice, dans l’union bienfaisante des esprits et des coeurs, à laquelle nous convie la grande voix du Maréchal Pétain, et où refleurira le séculaire prestige de notre Patrie.

Daigne Notre-Dame de Fourvière, nous aider à en hater le retour. » (Klarsfeld 2019)

 

Extraits du journal du pasteur Marc BOEGNER.

« Passé la journée à Montauban. Accueilli Madeleine BAROT à l’arrivée du train de Vichy. Nous avons pu nous entretenir à loisir (…)

(Parlant des Juifs cachés). A Lyon, ils le sont surtout dans les maisons religieuses (…)

Madeleine BAROT m’a raconté ensuite ce dont elle a été témoin à Lyon, en particulier au camp de Vénissieux. L’abbé GLASBERG et le père CHAILLET ont lutté avec elle jour et nuit. Scènes d’une tristesse infinie lorsque les parents se sont séparés de leurs enfants confiés aux oeuvres. » (Klarsfeld 2019)

 

3 septembre 1942

 

Daniel CORDIER « Presque tous les soirs, je rencontre SCHMIDT ou FASSIN pour régler des questions de travail : argent, courrier, parachutages, répartition des hommes, difficulté avec les mouvements, etc…

Un soir SCHMIDT me demande de loger pour la nuit un aviateur anglais abattu dans le nord de la France. Grâce à une chaîne d’évasion, il gagne Perpignan afin de traverser à pied les Pyrénées. Je marque mon étonnement : « Tu sais bien qu’il est interdit de mélanger les activités. Les chaînes d’évasion, c’est une chose, notre mission en est une autre. Je ne peux pas prendre de risques avec les gens traqués.

- D’accord, mais on ne peut laisser crever les gens dans la rue sous prétexte de consignes de Londres, qui ignore tout de nos conditions de vie. A Lyon, les gens ont per et refusent de les héberger. Ce sont nos camarades, quand même ! Nous avons des devoirs envers les Anglais : qu’aurions-nous fait sans eux, en 1940 ? »

SCHMIDT ajoute : «  Ils sont trois : j’en ai pris un, j’ai réussi à caser l’autre chez Claudine (Anne-Marie BAUER) ; pour le troisième, je n’ai personne. Il est 7 heures, et je n’ai que toi. »

Mécontent de cette entorse aux règlements - que, dans d’autres domaines, je viole chaque jour sans scrupule -, j’accepte de mauvaise grâce. Héberger un aviateur anglais, c’est un risque maximal : facile à repérer en cas d’arrestation, il risque de livrer ses hôtes. » (CORDIER 2009)

 

4 septembre 1942

 

Daniel CORDIER « Rex m’a demandé de lui trouver une nouvelle chambre, la sienne étant « brûlée ». Faute de lieu de rendez-vous depuis plusieurs mois, il y a reçu des responsables de la Résistance, dont souvent Georges BIDAULT. La multiplication des rendez-vous et des réunions est de plus en plus périlleuse. Pendant des semaines, les chefs des mouvements lui ont promis un local et des boites, sans donner suite, bien entendu. Il s’est donc décidé à leur révéler la boîte de sa propriétaire, ainsi que le nom sous lequel il a loué sa chambre : Joseph MERCIER.

Le plus imprudent est la divulgation de son adresse. Depuis lors, il a trouvé la nouvelle boite qu’il m’a donnée. Mais certains résistants continuent de lui déposer des lettres à l’ancienne. Un jour j’ai recueilli une lettre carrément adressée à Rex ! Il inventa ce jour-là pour sa propriétaire une explication plus ou moins crédible : un surnom affectueux utilisé par ses intimes. » (…)

« Après plusieurs jours de recherches débouchant sur des échecs répétés, je commence à désespérer (….) devant mon impuissance. Un jour d’abattement, la chance me sourit. Pour la énième fois, je rends visite à une petite agence, non loin du pont de la Guillotière, dont la directrice me signale une « perle rare » (….) « Elle n’a qu’un défaut, me dit-elle : la personne demande 500 francs. C’est beaucoup plus cher que les autres.

- Ne vous inquiétez pas, mon patron est un artiste. Si ça lui plaît, il paiera. »

Officiellement je suis le secrétaire de M Joseph MARCHAND, artiste peintre décorateur. Rassurée, elle me conduit à un immeuble situé à l’angle du square Raspail et de l’avenue Gambetta. Il possède deux entrées : l’une sur la place, l’autre sur l’avenue. Elles desservent plusieurs escaliers. L’aspect labyrinthique de l’intérieur me rassure. L’appartement est au deuxième étage à gauche ; la chambre à louer est celle de la propriétaire, Mlle LABONNE. Cette dernière conserve pour elle le salon, où elle vit et travaille (…) La chambre, en longueur, ouvre directement sur l’entrée commune et les commodités. Lumineuse, ensoleillée, elle surplombe le vieux pont de la Guillotière et le Rhône. » (CORDIER 2009)

 

5 septembre 1942

 

Vichy. Le ministère de l’Intérieur confirme le chiffre de 595 Juifs partis de Lyon le 29 août. (Klarsfeld 2019)

 

6 septembre 1942

 

Déportation. Allocution lue en chaire par tous les curés du Rhône.

« L’exécution des mesures de déportation qui se poursuivent actuellement contre les Juifs donnent lieu sur tout le territoire à des scènes si douloureuses que nous avons l’impérieux et pénible devoir d’élever la protestation de notre conscience. Nous assistons à une dispersion des familles où rien n’est épargné, ni l’âge, ni la faiblesse, ni la maladie. Le coeur se serre à la pensée des traitements subis par des milliers d’êtres humains et plus encore en songeant à ceux qu’on peut prévoir. Mais qui voudrait reprocher à l’Eglise d’affirmer hautement en cette heure sombre et en présence de ce qui nous est imposé, les droits imprescriptibles de la personne humaine, le caractère sacré des liens familiaux, l’inviolabilité du droit d’asile et les exigences impérieuses de cette charité fraternelle dont le Christ a fait la marque distinctive de ses disciples. » (Aulas 1974)

 

7 septembre 1942

 

Note du chef d’escadron BARIOD commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les Juifs regroupés seront conduits non pas au fort du Paillet, mais au petit dépôt de la Sûreté à Lyon, rue Saint-Jean. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Daniel CORDIER « Depuis mon arrivée, j’ai maigri de quelques kilos ; je vis sur les nerfs. Le marché noir est trop cher pour ma mensualité. Je survis grâce à CHEVEIGNE, qui se moque gentiment de moi : « Tu attends quoi, d’être mort pour en parler ? Il ne te mangera pas. »

Ce soir, je traverse la place Bellecour avec Rex, qui , justement m’interroge : « Comment se porte votre équipe ?

- Pas très bien.

- Pourquoi ?

- Parce que notre budget est insuffisant. Le marché noir est hors de prix. De plus, mes camarades ont besoin d’un vestiaire, en particulier de chaussures, et surtout Germain (Hugues LIMONTI) ».

Rex ne me laisse pas achever et reprend sa marche : « Prenez chaque mois ce dont vous avez besoin pour vivre. Nous ferons les comptes à la fin pour voir ce que vous dépensez. » (CORDIER 2009)

 

9 septembre 1942

 

Alimentation. Autorisation d’accords entre citadins et producteurs, sans liens familiaux, à condition que ces derniers aient satisfait aux impositions. (Aulas 1974)

 

Lyon. Dans la nuit explosion de deux bombes. Dans les deux cas, il n’y a que quelques dégâts matériels.

  • Une au siège de la Légion français des Combattants, avenue Berthelot.

  • Une au siège de la Légion, place Jean Macé. (Garcin 1944)

 

11 septembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (23h30 et 23h40) explosion de deux bombes au siège du journal « Le Pays Libre », 13 rue Emile Zola. Des dégâts matériels mais aussi 4 blessés. Une jeune femme est blessée par des éclats de vitre (Mlle Antonia SAVAREILLE âgée de 33 ans). (Garcin 1944)

 

15 septembre 1942

 

Lyon. Découverte dans les couloirs de la caserne de gendarmerie de Lyon-Brotteaux, d’un tract intitulé « Lettre d’un groupe de gendarmes et d’agents de police patriotes à tous leurs collègues de France et des colonies. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

19 septembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit à 2h20, explosion de deux bombes au siège du Parti Populaire Français (PPF), 5 place des Cordeliers. A la suite des explosions, un incendie se déclare. Pas de blessés. (Garcin 1944)

 

Daniel CORDIER. « Depuis que Rex m’a demandé de rencontré Salm (Jacques SOULAS), il m’a fallu plus d’un mois pour organiser le rendez-vous, bien que tous deux soient des agents du commissariat à l’Intérieur, habitent la même ville et soient reliés à André PHILIP par radio. En réalité, ils ne se connaissent pas, non plus qu’ils ne savent quelle est la mission de l’autre. Le commissariat à l’Intérieur , après quelques mois d’existence, avait jugé que la mission de Salm était sans intérêt. Du moins, telle qu’il l’accomplissait. C’est pourquoi le 14 août 1942, PHILIP avait proposé à Rex de mette Salm sous ses ordres.

Afin de préparer cette rencontre, le même télégramme réclamait d’urgence une adresse et un mot de passe pour organiser la prise de contact. Du fait de la saturation du trafic, ce télégramme n’arriva que trois semaines plus tard, le 5 septembre. Trois jours auparavant, le 2, je reçus un télégramme répétant celui du 14 août et rappelant que Salm possédait un « bon radio », en contact permanent avec la Home Station. Il proposait donc de le mettre au service de Rex.

Après avoir déchiffré le câble, mon premier mouvement fut d’avouer à Rex que j’avais retrouvé Salm W (Maurice de CHEVEIGNE) depuis un mois et que nous déjeunions ou dînions ensemble plusieurs fois par semaine. Par son intermédiaire, il pouvait donc rencontrer immédiatement Salm son patron. Cependant par crainte de sanctions, je préférai garder le silence, redoutant que cet aveu ait des conséquences imprévisibles pour nous deux. (…)

De telles péripéties rythment quotidiennement, à tous les niveaux, l’existence des résistants, dont la difficulté majeure est de communiquer entre eux et avec Londres

Finalement Rex rencontre Salm ce 19 septembre. Après le rendez-vous, il me remet un câble :

Me suis mis d’accord avec lui (Salm) pour utiliser son radio EEL (Salm W, alias CHEVEIGNE) afin de soulager Sif.W. EEL très mal installé dans chambre garnie où il loge et émet, pour émission prolongée, a besoin installation sérieuse.

Rex m’ayant demandé d’organiser un contact quotidien avec CHEVEIGNE, je lui révèle enfin notre amitié d’Angleterre. Rex me donne l’ordre de lui trouver rapidement un local pour ses émissions : « Veillez sur lui, nous en avons grand besoin. » Je me garde de lui avouer que je n’ai pas encore trouvé de bureau pour Mado (Laure DIEBOLD), ni de local pour héberger les agents de passage, ni même pour préparer mes propres émissions » (CORDIER 2009)

 

20 septembre 1942.

 

Lyon. Arrestation par la Section spéciale d’une vingtaine de membres du « coq enchaîné » :

  • Henri CHEVALIER, imprimeur. Il est libéré le 14 octobre 1942. (Permezel 2003)

 

Lyon. Interdiction de la rencontre internationale d’athlétisme France / Suisse au motif que des manifestations commémorant le 150e anniversaire de la victoire de Valmy étaient annoncées à plusieurs endroits dans la ville.

De même tous les grands cafés et cinémas du centre de Perrache aux Terreaux doivent fermer de 14h à 21h. (Garcin 1944)

 

21 septembre 1942

 

Lyon. Formation par les FTPF de la 1ere compagnie FTPF de Lyon, jour anniversaire de la bataille de Valmy. (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation de Georges DUNOIR membre fondateur du mouvement Le Coq Enchaîné. Condamné par la Section Spéciale du tribunal d’Etat, il est transféré à la prison centrale d’Eysses et subit le sort de tous les déportés après la mutinerie du 19 février 1944. Déporté, il est rapatrié en 1945. (Permezel 2003)

 

22 septembre 1942

 

Instruction publique. Par l’intermédiaire de son secrétaire, le maréchal PETAIN remercie l’abbé MAURY, secrétaire du cardinal GERLIER pour la lettre envoyée par les instituteurs libres du diocèse de Lyon.

« Le Maréchal a été très sensible à l’émouvante expression de la reconnaissance et du dévouement patriotique des instituteurs libres ; il me charge de les en remercier et de leur dire qu’il compte sur leur fidélité. »

Cette lettre disait.

« Comme ils l’ont fait jusqu’ici, les instituteurs libres prieront et feront prier leurs enfants pour que Dieu vous éclaire et vous soutienne au milieu des difficultés sans nombre que vous rencontrez chaque jour - Puisse-t-il vous donner la joie de voir bientôt vos efforts couronnés de succès. » (Aulas 1974)

 

Fons (St). 32 avenue Jean Jaurès, découverte d’une bombe non explosée contre la devanture du magasin d’électricité de Martial DUHAY (38 ans), chef de secteur de la Légion française des Combattants. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Daniel CORDIER. «  SCHMIDT me demande d’héberger une nouvelle personne pour la nuit. Je me rebiffe : « Une fois suffit : c’est non ! » Il m’explique qu’il s’agit d’un Juif. Depuis quelques jours, il est sollicité par des camarades qui ne savent que faire d’hommes traqués et à bout de ressources. SCHMIDT a besoin de moi, au moins pour une nuit : «  Les Juifs sont encore plus difficiles à caser que les aviateurs. »

Ai-je le droit de refuser ? Que valent les règles de sécurité face au devoir ? Je finis par fixer notre rendez-vous loin de ma chambre, à l’arrêt du tram n°7, devant Perrache. Comme toujours, je choisis L’Action française comme signe de reconnaissance. Je demande à SCHMIDT que ce dangereux locataire me suive sans m’aborder, d’abord en montant seul dans le tram qui nous déposera près de chez moi, puis jusqu’à ma chambre. Cette précaution déjouera peut-être une éventuelle filature. » (CORDIER 2009)

 

23 septembre 1942

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les mesures de regroupement prises à l’encontre des Israélites d’origine allemande se sont déroulées dans des conditions assez difficiles et ont provoqué diverses réactions dans l’opinion.

L’opération en soi n’a atteint qu’un nombre infime d’Israélites. Malgré les précautions prises pour assurer le secret, la plupart des Israélites de Lyon et des villes environnantes savaient qu’ils allaient être rassemblés (la date même était chuchotée) et se sont enfuis. Ils ont d’ailleurs bénéficié de nombreuses complicités, non pas que la population manifeste de l’attachement à leur égard. Le Juif est toujours considéré comme l’être cupide qui, abondamment pourvu d’argent, n’hésite pas à se servir du marché noir pour s’assurer le ravitaillement qu’il convoite, voire même pour chercher à s’enrichir davantage.

Mais la nouvelle des traitements inhumains qui ont été infligés à ceux appréhendés par les autorités allemandes en zone occupée, et la perspective de voir abandonner au même sort, malgré les précautions prises par le gouvernement français, ceux provenant de la zone non occupée ont donné naissance à un profond mouvement de pitié à leur égard.

Le clergé a d’ailleurs pris parti ouvertement : lettres pastorales et dans certains cas, aide effective aux Israélites auxquels il a été accordé refuge.

A Francheville, des Israélites sur le point d’être appréhendés par les gendarmes s’étaient enfuis, se sont réfugiés dans la chapelle du Châtelain, maison de retraite du missionnaire, où les gendarmes à leur poursuite les ont découverts. Le supérieur de l’établissement, au nom du droit d’asile, s’opposa à ce que les gendarmes accomplissent leur mission, ce qui entraîna une démarche du préfet du Rhône auprès du cardinal-archevêque de Lyon. Finalement l’autorité ecclésiastique s’inclina devant un mandat de perquisition régulièrement établi.

Je dis ajouter, au moment de l’exécution du mandat, un religieux demanda à l’officier de gendarmerie qui dirigeait l’opération l’autorisation de dire quelques mots aux Israélites, autorisation qui lui fut accordée. Les paroles prononcées par le prêtre, uniquement inspirées par des sentiments de miséricorde et de charité chrétienne, furent absolument dégagées de toute allusion politique. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

24 septembre 1942.

 

Lyon. Arrestation de l’inspecteur Charles BASSAUER Suspecté d’être membre de la Résistance. Il est relâché 2 jours plus tard, faute de preuves. (Permezel 2003)

 

25 septembre 1942

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie de Lyon.

« Le placement de la gendarmerie sous les ordres directs du chef du gouvernement à d’une façon générale très affecté les autorités militaires, qui non seulement regrettent de ne plus pouvoir commander la gendarmerie, mais aussi ont exprimé leurs craintes que l’arme soit à la longue transformée en une police civile, ce qui équivaudrait à sa perte. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Dans la nuit (22h20), explosion d’une bombe au siège du journal « Jeunesse » 13 boulevard des Brotteaux. Une passante Mme veuve Joséphine CHALIER (73 ans) est blessée par des éclats de verre. Les dégâts sont importants. (Garcin 1944)

 

26 septembre 1942

 

Relève. Le ministre du travail de Vichy informe les inspecteurs du travail de Lyon qu’ils ont été désignés pour assurer les opérations de relève. (Aulas 1974)

 

26 septembre au 4 octobre 1942

 

Foire de Lyon.

6 nations étrangères participent à la foire de Lyon.

  • Espagne.

  • Finlande.

  • Hongrie.

  • Roumanie.

  • Suède.

  • Suisse. (Aulas 1974)

 

27 septembre 1942.

 

Lyon. 2e arrestation de Charles BASSAUER sur ordre du préfet. Il est relâché peu après. (Permezel 2003)

 

28 septembre 1942

 

Daniel CORDIER. « J’ai fait la connaissance hier de Salard (Pascal COPEAU), personnage extraordinaire. Second de d’ASTIER de la VIGERIE, il remplace Brun (Jacques BRUNSCHWIG-BORDIER) avec lequel j’assure d’ordinaire la liaison avec Libération. (….)

Dès le premier mot du premier rendez-vous, il m’a tutoyé : c’était la première fois qu’un résistant me parlait de la sorte, même parmi les plus âgés. Entre Français libres, c’est la règle depuis le premier jour, mais avec les résistants, même les plus jeunes, cela m’aurait semblé incongru. Jamais je n’ai tutoyé aucun des membres du secrétariat. J’étais d’autant plus indisposé par sa familiarité qu’il était âgé - la trentaine. Je le vouvoyai donc. » (CORDIER 2009)

 

29 septembre 1942

 

Relève. Réunion des inspecteur du travail du Rhône à la Préfecture de Lyon pour leur communiquer les consignes concernant la mise en place de la Relève. (Aulas 1974)

 

Lyon. Arrestation par la police française de André BUSCH, ancien international de natation, rédacteur au Progrès de Lyon. Membre de Combat, il fait partie des Groupes francs. Il est condamné à une peine de prison avec sursis. (Permezel 2003)

 

Lyon. 4, rue d’Ainay. Arrestation par la police française de membres de Combat :

  • Jean NOUAT. Il est condamné le 15 mai 1943 à 15 jours de prison et 5000 francs d’amende.

  • Roger NATHAN. Interné, il est ensuite déporté. Au moment de la Libération, il réussit à s’enfuir et à regagner les lignes américaines. (Permezel 2003)

 

30 septembre 1942

 

Rapport de la Section d’Enquête et de Contrôle, SEC Lyon.

« Une vive opposition s’est manifestée au lendemain des premières rafles effectuées dans la ville ou la région lyonnaise. Elle n’a pas été sanctionnée dans un sens logique par les pouvoirs publics. En effet les prélats peuvent de par les devoirs de leurs charges et suivant leurs conceptions chrétiennes, faire entendre leurs voix, ils ne peuvent en aucun cas, outrepasser les droits qui risquent d’affaiblir l’autorité préfectorale. Les messages de certains ecclésiastiques ont transposé le problème juif sur le plan politique. C’est un écart regrettable qui jette le discrédit sur les organismes chargés des questions juives.

Sur le plan national.

Les aryens considèrent qu’il s’agit, dans la majorité, des mesures d’exception exigées par les Autorités d’occupation.

Pour beaucoup les méthodes employées ne correspondent pas aux nécessités du moment, car elles ne semblent pas prises d’une façon équitable et rationnelle. Certains procédés ont engendré la pitié et les Juifs commencent à faire figure de martyrs dans toutes les classes de la société française.

La désapprobation est très nette dans la bourgeoisie catholique et protestante. Les libres penseurs se joignent à elles pour qu’une …. grande active et souvent déformée plaide la cause juive. » (KLARSFELD 2019)

 

Septembre 1942 (fin).

 

Lyon. Guet-apens des Bains douches de la rue des Remparts d’Ainay organisé par la police française.

Arrestation de Rodolphe BERTHAUD membre de Combat et chef de secteur à Villeurbanne. Jugé le 1er octobre 1943, il est condamné à 1 an de prison par la cour d’appel de Lyon pour propagande antinationale, dépôt d’explosifs, destruction d’édifices à l’aide d’explosifs, fausse carte d’identité et non dénonciation de criminels. Il est libéré à l’issue de sa peine et rejoint le maquis du Grésivaudan. Il prend part aux combats de Villeurbanne. (Permezel 2003)

 

Octobre 1942.

 

Lyon. Henri BARDIN et Jean SIMON, membres de Libération, pénètrent dans les locaux de La Relève pour y jeter des grenades incendiaires afin de détruire les dossiers. (Permezel 2003)

 

1er octobre 1942

 

Rapport de l’Aumonier Général (Rabbin René HIRSCHLER) sur les déportations et l’activité de l’Aumônerie (août-septembre 1942)

« A Vichy où il séjourne les 23 et 24 juillet, l’Aumônier Général n’obtient aucun éclaircissement. Il comprend néanmoins des conversations qu’il eût avec certains fonctionnaires, que si les renseignements obtenus à Marseille n’étaient pas peut-être exacts, il n’en n’était pas moins vrai que le principe d’une déportation d’Israélites étrangers paraissait décidé. De Vichy, l’Aumônier Général se rend à la réunion de la Commission Sociale du Consistoire Central à Lyon et informe les membres de cette commission de ces renseignements.

Mr le Président du Consistoire (J HELBRONNER) à qui il en parle directement, le rassure en lui déclarant que d’après ses renseignements, de telles mesures n’étaient pas à craindre en zone libre (…)

La question des enfants se posa à nouveau dès que commença cette 3e étape des déportations (…) Par contre aux Milles, à Vénissieux, à Rivesaltes, en d’autres lieux encore, on fut intraitable.

A Lyon, 90 enfants menacés disparurent alors, et l’on sait qu’un prêtre fut poursuivi de ce fait. (….) L’intervention personnelle du cardinal GERLIER auprès de l’Intendant de Police qui en référa au Ministère de l’Intérieur donna un résultat favorable pour les enfants de Lyon. » (Klarsfeld 2019)

 

Lyon. A 7h du matin, arrestation, à son domicile, de l’ancien maire de Lyon Edouard HERRIOT. Il est conduit en résidence surveillé à sa villa de Brottel près de Crémieu (38). (Garcin 1944)

 

Lyon. Arrestation pour propagande anti-allemande d’un certain nombre de policiers :

  • Mr GAUCHE, commissaire de police de Perrache.

  • Mr MARRAUD, ancien commissaire de police d’Oullins.

  • Jules HOTTIN capitaine de Gardiens de la Paix, agent de Combat et du NAP-Police.

  • Un certain nombre de gardiens de la Paix. (Garcin 1944, (Permezel 2003)

 

2 octobre 1942

 

Lyon. A 12h30, explosion d’une bombe au phosphore à l’Alliance cinématographique Européenne, 37 rue Duquesne. (Garcin 1944)

 

4 octobre 1942

 

Oullins. Dans la nuit (vers minuit), explosion d’une bombe dans les locaux de la Légion Française des Combattants, 140 Grande-Rue. Il n’y a que des dégâts matériels. (Garcin 1944)

 

6 octobre 1942

 

Lyon (81 rue Garibaldi). Dans la nuit, explosion d’une bombe au bureau de placement allemand qui cause d’importants dégâts (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Vaulx-en-Velin. Dans la nuit, explosion de deux bombes qui endommagent un pylône, au pont de la Sucrerie, de la ligne électrique Cusset - La Boisse. (Garcin 1944)

 

8 octobre 1942

 

Antisémitisme. Article du journal collaborationniste « Au Pilori ».

« Je réclame la tête de GERLIER, cardinal talmudiste délirant, traitre à sa foi, à son pays, à sa race. » (Aulas 1974)

 

Lyon. Dans la nuit, explosion d’une bombe incendiaire dans les locaux du Bureau de l’Office régional de placement, 20 quai Victor Augagneur. Les dégâts sont importants, des documents détruits. (Garcin 1944)

 

Vénissieux. Dans la nuit,, explosion d’une bombe dans une chambre à huile aux usines S.I.G.M.A. Il n’y a que des dégâts matériels. (Garcin 1944)

 

Daniel CORDIER. « A la fin du mois d’août, Londres a accepté la venue d’Emmanuel d’ASTIER de la VIGERIE, Henri FRENAY et Jean-Pierre LEVY et demandé à Rex de se joindre à eux. D’ASTIER et FRENAY sont partis le 17 septembre en sous-marin. Depuis lors, LEVY et Rex espèrent leur départ sur des terrains successifs, dont les opérations finissent toutes par être annulées.

Jusqu’au 30 septembre, ils ont attendu leur envol pour Londres au Goujon friand, une auberge isolée proche de Mâcon, non loin de la Saône. L’opération ayant échoué, ils sont partis à la fin du mois sur la Côte d’Azur , où un sous-marin devait venir les prendre dans la nuit du 3 au 4 octobre. Après quelques jours d’attente vaine, une autre opération aérienne fut montée dans nord, avant d’être elle aussi annulée.

Resté seul durant cette période, j’étais responsable de toutes les liaisons. Heureusement, après deux mois de rodage, mon travail est devenu une routine, même si ce mot n’est sans doute pas approprié à la Résistance, où les conditions et le rythme du travail sont continuellement bouleversés par les malentendus, la surcharge de besogne et les arrestations. L’expérience m’a appris la difficulté de maintenir des contacts radios avec l’Angleterre aussi bien que des liaisons avec Paris ou la province, les services et les mouvements à Lyon et dans la zone libre. La tâche consistant à obtenir l’accord des chefs sur n’importe quel sujet et simple dans ses objectifs, mais laborieuse dans sa réalisation.

A mon retour de Toulouse, le 27 septembre, j’avais trouvé dans ma boite quantité de papiers et télégrammes adressés à Rex. Il m’avait prescrit de ne le refonde que pour des affaires urgentes. Dans ce cas, je devais lui apporter les informations au Goujon friand. C’était le cas d’un télégramme que je décodai ce matin-là :

Demander par personne sûre - HERRIOT - qu’il adresse à André PHILIP qui sera octobre Amérique lettre où affirme solidarité avec De GAULLE. Lettre en sera montrée qu’au seul président ROOSEVELT. »

Daniel CORDIER part donc retrouver Rex au Goujon Friand.

« L’exigence du Comité national l’agaçait d’autant plus qu’il semblait avoir « une dent » contre Edouard HERRIOT : « J’ai peu d’espoir de le décider à partir. C’est un velléitaire. Pour lui la parole vaut l’action. Quant il aura trouvé une formule brillante pour soutenir le général, il s’estimera quitte. Il n’a jamais été gaulliste. Il y a peu de chance qu’il le devienne . Je comprends les raisons pour lesquelles le Général a besoin de lui : c’est une caution républicaine vis à vis des Alliés. Mais il n’a pas renoncé à son ambition politique : il prépare son rôle pour la Libération. » (CORDIER 2009)

 

9 octobre 1942

 

Daniel CORDIER. « Georges BIDAULT n’était pas venu au rendez-vous. Peut-être n’avait-il pas relevé sa boite ou n’était-il pas disponible. Ce n’est que ce soir que nous nous retrouvons à son bistrot du pont Bonnaparte.

Après avoir lu le câble et la lettre de Rex, il sourit : « J’ai reçu tout à l’heure un télégramme du BCRA me demandant également de prévenir HERRIOT. Je fais le nécessaire, mais il est difficile de communiquer avec lui : il est surveillé. Quant à le décider à partir, ce ne sera pas aussi facile que l’imagine le Général. » (CORDIER 2009)

 

13 octobre 1942

 

Lyon. Albert CHIFFLOT, employé SNCF et membre des FTP lance un mot d’ordre de grève pour bloquer un train de détenus livrés aux Allemands. (Permezel 2003)

 

Oullins. Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône sur la grève d’Oullins.

« A 10h, début de la grève aux ateliers de la SNCF d’Oullins. Les ouvriers cessent le travail à l suite de l’affichage d’une liste de 37 ouvriers désignés pour aller travailler en Allemagne. Dans la journée, le mouvement gagne les dépôts à Lyon, La Mouche, Vaise et Vénissieux. 5000 ouvriers sont en grève. » (Pontaut/Pelletier 2008)

Des arrestations sont opérées. (Aulas 1974)

« Une grève aux ateliers de la SNCF à Oullins. Le travail a été brusquement interrompu à 15h aux ateliers de la SNCF, machines et voitures, à Oullins, à la suite de la désignation de 37 ouvriers, qui doivent partir pour l’Allemagne. Il s’agit d’une grève fermée. Les ouvriers ont chanté La Marseillaise. Le mouvement s’est étendu aux gares de Vaise, de Saont-Paul et de Perrache, qui sont gardées par la police. La plupart des trains n’ont pu partir. Dans la nuit la police a procédé à de nombreuses arrestations. (Garcin 1944)

 

Vaise. Dans la nuit, explosion d’une bombe au siège de la Légion Française des Combattants. Il n’y a que des dégâts matériels. (Garcin 1944)

 

Daniel CORDIER. « En dépit de l’interdiction de Rex, je décide d’effectuer quelques émissions afin de soulager mes camarades BRAULT et CHEVEIGNE. C’est après tout conforme aux ordres du BCRA qui continue de réclamer ma mise en service. »

Après réflexion pour éviter de transporter son poste radio, malgré les dangers, Daniel CORDIER décide d’émettre directement depuis sa chambre. (….)

« A l’heure prévue, je frappe mon indicatif, puis passe sur réception. J’éprouve comme à Manchester, une sorte de vertige en entendant le crépitement des « titis-tatas » plus ou moins rapides, dansant au milieu de la sphère sonore. Mon cerveau est incapable de reconnaître aucun signal identifiable. Une nouvelle fois, j’envoie mon indicatif « en l’air », c’est-à-dire sans avoir établi de liaison avec la Home Station, et retourne en mode réception.

Le chaos sonore semble s’organiser. Je commence à distinguer des indicatifs différents, sans toutefois reconnaître parmi eux celui de Station. Inquiet de son silence, je crois à une erreur de ma part, je vérifie l’heure de la vacation, la longueur d’onde, mon indicatif, puis repasse sur émission en lançant à tout hasard un troisième appel. Peut-être suis-je tombé sur un opérateur absent ou ensommeillé ? Une nouvelle fois, je passe sur écoute. Stuppeur : faiblement, mais distinctement, la Station me répond. Instant prodigieux : je suis au « front », aux côtés des combattants de tous les pays. La guerre commence enfin.

Dans l’allégresse, je passe mes câbles et en reçois un de Londres. (…)

En son absence (il parle de Rex), Raymond FASSIN a été désigné comme représentant de la France libre. Il centralise toutes les opérations aériennes et a autorité sur tous les agents du BCRA. De son côté Georges BIDAULT est responsable des questions politiques et du renseignement. Je dois le rencontrer tous les jours. » (CORDIER 2009)

 

14 octobre 1942

 

Lyon. 2 rue Celu. Dans la nuit (0h30, explosion d’une bombe au magasin d’alimentation tenu par les époux PETIT. (Garcin 1944) et Aulas 1974)

 

Oullins. Suite de la grève.

« Le dépôt SNCF de Givors Badan rejoint le mouvement. 270 grévistes sont expulsés des chantiers par la gendarmerie et la police. Une soixantaine d’arrestations ont lieu dans le personnel cheminot de Lyon et Givors.

En plus de nombreuses petites entreprises la grève touche aussi :

  • Berliet : 1000 grévistes sur 5800 ouvriers.

  • Sigma : 700 grévistes sur 800 ouvriers.

  • Somua : 750 grévistes sur 900 ouvriers.

  • Aciéries de Longwy : la totalité des 115 ouvriers. (Pontaut/Pelletier 2008 et Aulas 1974)

 

Vénissieux. Pour protester contre la désignation d’ouvriers qui doivent partir pour l’Allemagne, des grèves éclatent aux :

  • Usines SIGMA

  • Usines SOMUA

  • Ateliers de Longwy.

Les ouvriers chantent La Marseillaise et les usines sont occupées par la police. (Garcin 1944)

 

15 octobre 1942

 

Alimentation. Le gouvernement de Vichy décide de créer des tickets spéciaux pour les villes. Les très grandes villes recevront directement des suppléments attribués par le ministère lui même. (Aulas 1974)

 

Caluire. Place Castellane. Arrestation en pleine émission radio de l’opérateur radio Gérard BRAULT membre du BCRA. Emprisonné à Castres, il réussit à s’évader le 29 juin 1943 et à rejoindre l’Angleterre. (Permezel 2003)

 

Lyon. Interpellation par la police française de Maurice DREYFUS membre de Libération. Il réussit à s’échapper lors de la perquisition de son appartement en sautant par la fenêtre du 1er étage. Mais blessé dans la chute, il est repris. Il est condamné à 2 ans de prison, mais est libéré par une action commando à l’hôpital Grange Blanche où il est soigné. (Permezel 2003)

 

Oullins. Manifestation de femmes de la commune en soutien aux cheminots grévistes du 13 octobre. (Aulas 1974)

 

Vénissieux. Aux usines Berliet à la a suite de la désignation de 450 ouvriers à Vénissieux et de 120 ouvriers à Montplaisir devant partir pour l’Allemagne, des grèves éclatent à 10h dans les deux usines concernées. Les grévistes chantent la Marseillaise et la police occupe les lieux. (Garcin 1944) (Aulas 1974, considère qu’il s’agit de grèves de solidarité avec les ouvriers d’Oullins)

 

Daniel CORDIER. « BIDAULT m’annonce que des grèves ont éclaté hier dans la banlieue de Lyon : aucun train n’est parti de la gare Saint-Paul, et les grèves s’étendent aux ateliers d’Oullins, ainsi qu’au dépôt des machines de la Mouche. Elles ont été provoquées par l’affichage d’une liste d’ouvriers réquisitionnés pour partir travailler en Allemagne. BIDAULT me confie le câble annonçant cette extraordinaire information, que je transmets aussitôt à Maurice de CHEVEIGNE.

La grève s’étend aujourd’hui hors de Lyon. BIDAULT souhaite rencontrer MORANDAT pour connaître la position du MOF (Mouvement Ouvrier Français) afin de diffuser ses consignes dans la presse clandestine et à la BBC. Malheureusement je suis sans nouvelle de lui depuis quelques jours. Compte tenu de la gravité de la situation, BIDAULT me demande de tenter de le joindre immédiatement. Il insiste également pour que je demande à Rex de rentrer d’urgence à Lyon. Je lui explique qu’il attend son départ pour Londres depuis des semaines et qu’il ne peut négliger ce dernier espoir.

Tout à son projet, BIDAULT ne m’écoute pas. Au contraire, il cherche à me convaincre de la gravité des événements. Les grèves prennent un tour insurrectionnel à la suite des arrestations de nombreux ouvriers. L’absence de mot d’ordre de la part des mouvements est périlleuse pour les grévistes, d’autant que les chefs sont absents. (…)

Cet après-midi j’ai prévu une nouvelle vacation. J’en profite pour expédier les derniers télégrammes de BIDAULT. En retour, j’en reçois un, que je déchiffre aussitôt :

Raison échec opération maritime retardons votre venue lune novembre pour éviter croiser Nef (FRENAY) et Bernard (d’ASTIER). Ceux-ci seront accompagnés par envoyé spécial du Général qui vous apportera instructions complètes.

A la suite, le BCRA informe Rex de l’accord entre les deux chefs sur les directives établies par la France libre. L’opération maritime du 19 est donc annulée, et MORANDAT rentre à Londres en novembre avec un Lysander. Le télégramme conclut :

(…) lui rappelons que reçoit ordre de vous.

J’ai enfin une raison irréprochable pour réclamer le retour de Rex à Lyon. Je rédige aussitôt un billet, que je remets le soir même à Claudie (Jean CHOQUET) : « Votre départ est annulé. Tout le monde a besoin de vous ici pour contrôler une situation chaotique. Rentrez d’urgence. » (CORDIER 2009)

 

16 octobre 1942

 

Caluire. Grève de solidarité aux usines C.R.E et aux usines Fontvieille qui occupent environ 300 ouvriers. La grève début à 14 heures. Après négociations avec la direction, il est décidé que la reprise du travail aura lieu le 19 octobre. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Lyon. Visite du ministre des communications GIBRAT qui menace les cheminots, s’ils poursuivent leur mouvement de grève, de représailles allemandes « sur les camarades de la zone nord » (Aulas 1974)

 

Lyon. Croix-Rousse. Grève de solidarité aux usines Marrel qui occupent une centaine d’ouvriers. Le mouvement débute à 17 heures.

Avenue Joannes-Masset, grève aux usines Pinguely (70 ouvriers)

Montplaisir. Grève aux usines Calor (150 ouvriers)

Gerland. Grève aux usines Câbles de Lyon. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Daniel CORDIER. « Ce matin le courrier de Rex m’apporte la réponse : « Attendez-moi ce soir 16 octobre comme d’habitude. » Il s’agit du train de Nice arrivant à 7 heures à Perrache. (…)

Un autre billet, de MORANDAT celui-là, répond enfin à ma demande de rendez-vous : « D’accord le 16 à 10 heures près de la poste. »

Après avoir expédié mes rendez-vous du matin, je cours le rejoindre. Dès qu’il m’aperçoit, il m’entraîne vers les quais du Rhône, qui lui semblent plus sûrs pour parler : « Ça barde ! Je crois que tout va sauter. Les Boches sont foutus ! » Excité, il lance alentour des regards circonspects : « Il faut que je me planque ; j’ai les flics aux trousses ! » Il m’explique qu’il a été arrêté il y a une quinzaine de jours et qu’il évite de revenir à Lyon : « Une bêtise ; j’ai été pris dans une rafle du marché noir. Heureusement, je n’avais rien sur moi. Mais il faut que je fasse attention. » (….)

Il m’explique qu’il a été informé des grèves sur son terrain d’opération et qu’il est rentré précipitamment à Lyon, où il a aussitôt organisé des réunions avec les meneurs syndicalistes et les seconds des mouvements. Il a fait imprimer des tracts, lancé des mots d’ordre, etc… MORANDAT m’expose ensuite un plan assez confus. Son obsession est la grève générale. (….)

BRAULT a été arrêté hier en pleine émission. Douze agents de la Gestapo escortés de trois policiers français ont cerné et investi son immeuble, à Caluire. Averti par sa propriétaire, il a conservé son calme, fidèle à lui même. N’ayant aucune issue pour fuir, il a émis en clair le mot « police » (….)

En fin de journée, Daniel CORDIER retrouve Rex et rencontrent ensemble BIDAULT.

BIDAULT commence à raconter les évènements d’Oullins, du moins ceux dont il a connaissance. (….)

Il évoque les tracts édités à cette occasion par les mouvements, consignés par le parti communiste et le Front national. Rex écoute attentivement, puis demande : « Pourquoi le Comité d’action socialiste est-il absent ?

- Je l’ignore. Tout est anarchique. Il semble que ce soient des initiatives de la base, s’opposant au départ en Allemagne des ouvriers désignés, qui aient tout déclenché. A partir de là, aucun représentant des mouvements ne s’est manifesté, aucun plan n’a été concerté. (…)

De la masse des informations qu’il a reçues, BIDAULT extrait quelques éléments qui lui semblent essentiels : le mouvement de grève n’a pas de meneur « homologué », mais la réaction de solidarité des cheminots est unanime. Un orateur ouvrier, après avoir rappelé que la grève a toujours été un mode de libération de la classe ouvrière, a proclamé qu’elle était maintenant « l’instrument de la libération nationale. » Les gardes mobiles ont enfoncé les portes de l’usine, mais bien que menotté, l’orateur a continué : « Pour vous prouver que les temps ont changé, je demande aux gardes mobiles qui viennent d’arriver de se mettre au garde-à-vous pendant que vous camarades, chanterez la Marseillaise .» Ce qui fut fait sur commandement du capitaine des gardes mobiles.

« Un détail va vous amuser, continue BIDAULT. Le préfet ANGELI est venu sur place pour rechercher les meneurs. Un cri général lui a répondu : « Il y a mille deux cents meneurs. » (….) Le représentant de Vichy est venu pour calmer le jeu. On lui a demandé la libération des cents cheminots arrêtés, la cessation des convois pour l’Allemagne et l’augmentation des rations de pain. Il a tout promis, ce qui risque de démobiliser les cheminots. » (CORDIER 2009)

 

17 octobre 1942

 

Lyon. La ville compte 10.000 grévistes. 211 d’entre eux sont arrêtés, notamment chez Calor. 61 grévistes sont conduits au fort Barraud et 150 au fort du Paillet (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Daniel CORDIER. « Depuis le premier jour, je suis frappé de l’attention palpable avec laquelle Rex lit le moindre papier : il ne laisse rien passer. Cette fois, la note sur la radio le concerne directement. Nous y signalons entre autres, les câbles arrivant avec un retard de deux à quatre jours, parfois plus, et réclamons un trafic plus rapide. Nous mentionnons également les négligences dans le trafic : retards ou absences dans les prises de contact ; temps morts entre le signal de fin de message et la reprise de contact ; malentendus dans la prise de nouveaux rendez-vous et les heures de travail.

J’insiste sur l’urgence de changer tous les indicatifs « poste » et « personnel » ayant été repérés par la gonio : « J’espère qu’après l’arrestation de Kim W (BRAULT), nos réclamations inciteront nos correspondants à prendre nos critiques au sérieux. » J’ajoute un avertissement plus général : « Les radios en ZO (zone occupée) demandent que tous ceux avec lesquels ils travaillent se souviennent des conditions très particulières de leurs correspondants et qu’ils évitent dans la mesure du possible négligences, lenteurs, retards etc… »

Rex me rend la note : Vous la joindrez au prochain courrier. J’espère qu’ils vont en tenir compte. Le seul remède est l’envoi de matériel pour organiser un circuit de postes fixes permettant d’organiser une rotation des émissions. C’est la seule manière de diminuer la durée de chacune et de protéger la sécurité des opérateurs. Les radios ne risqueront plus les arrestations au cours du transport de leur poste. » J’admire qu’il comprenne vite la difficulté des liaisons radio, lui qui n’y connaît rien. »

Après son travail, Daniel CORDIER rejoins son ami CHEVEIGNE pour déjeuner dans leur restaurant préféré chez Colette.

« La patronne est transformée : un homme partage sa vie. (….) Colette nous apprend qu’il est inspecteur de police. Elle peut donc se livrer en toute impunité au marché noir et nous servir à gogo des steaks ou des pâtisseries, qui, en ces temps de pénurie, sont non seulement hors de prix, mais hors la loi.

Du coup, nous sommes nous aussi protégés des vérificateurs du marché noir, toujours dangereux : la police qui les accompagne embarque généralement tous les clients. Yvon MORANDAT vient d’en être la victime. Nous estimons que notre allure d’étudiants décontractés est notre meilleure protection. Nous sommes conscients néanmoins que nous devons redoubler de prudence. »

Le soir Daniel CORDIER assiste à une réunion entre Rex et Robert LACOSTE.

« L’absence des mouvements dans les grèves en cours et l’initiative des communistes pour récupérer les militants l’exaspèrent. Comme souvent c’est BIDAULT qui lui a appris ce qu’il sait de cette affaire. LACOSTE accuse MORANDAT d’incompétence. Celui-ci étant sur le départ, je comprends qu’il cherche déjà un remplaçant. (…)

« Que pensez-vous de la situation ? » demande Rex.

« Explosive et imprévisible » (…) Rex demeure impassible. «  Vous savez peut-être qu’à l’heure où nous parlons se tient une réunion entre divers représentants des mouvements et du parti communiste pour lancer un appel à la grève générale. Je ne sais ce qui sortira de ces palabres. »

Rex me semble écouter avec une attention plus soutenue qu’hier. Pourtant, à quelques mots près, le diagnostic est identique. LACOSTE est un homme de terrain : il a le pouvoir de modifier le cours des événements. Je sens entre Rex et lui un accord muet. LACOSTE explique l’opposition entre les syndicalistes et les mouvements, les premiers refusant d’être dirigés par les seconds. Le défaut du MOF (Mouvement Ouvrier Français) est, selon lui, d’avoir créé un nouveau syndicat en éliminant les anciens syndicalistes. Son échec (car pour lui c’en est un) tient avant tout au manque de liaison avec les état-majors des mouvements. Ce discours rejoint les critiques de Rex à l’encontre de MORANDAT. Mais Rex ne commente pas.

Robert LACOSTE propose une solution : former avec les syndicalistes une section autonome de la Résistance, soumise directement à l’autorité du Comité national de Londres. En leur nom, il entend rester maître de son action, mais obtenir des moyens qui ne soient pas ridicules. Il insiste sur la nécessité de maintenir le contact entre les ouvriers partis en Allemagne, victimes de Vichy, et ceux demeurés en France. (…)

LACOSTE présente son projet à partir de la situation actuelle qui n’est pas brillante : peu de cadres syndicaux et des ouvriers physiquement fatigués par la sous-alimentation. Son programme consiste à étoffer les cadres, scruter des militants, des jeunes en particulier et chercher dans les mouvements ceux qui peuvent s’intéresser à la vie syndicale. Je découvre que derrière le bouillonnement révolutionnaire de ces derniers jours, tout reste à faire et que MORANDAT masque le néant de son action derrière le lyrisme de ses déclarations. LACOSTE, ennuyeux, affronte, lui, une situation concrète. Pour accomplir la tâche qu’il se fixe, il souhaite la création de journaux et de tracts afin de maintenir une liaison, à l’imitation des communistes : informer, mais d’abord éduquer.

Après l’avoir écouté, Rex expose son point de vue : lui aussi à un projet. Il propose la création d’un organisme léger, spécialement consacré à la Relève, au-dessus des mouvements, des syndicats et des partis : en quelque sorte un état-major qui dirigerait les opérations de solidarité et les initiatives.

Ce projet apporte une nuance de taille aux espérances des mouvements et, sans doute, des syndicats : «  Il ne s’agit pas de subventionner les grèves, mais de secourir ceux qui en sont les victimes directes. Dans certains cas particuliers, il fut apporter des secours temporaires à ceux qui désirent se soustraire par leurs propres moyens à la réquisition. » Ce subside peut sembler dérisoire à ceux qui attendent tout de De Gaulle ; il correspond hélas aux maigres, très maigres finances de la France libre.

Je perçois une certaine déception chez Robert LACOSTE. Imperturbable, le patron poursuit en souhaitant un « comité directeur, composé d’un représentant du MOF, dirigeant les débats, et d’un représentant de chacun des mouvements » (Combat, Franc-Tireur, Libération et le parti communiste). « Naturellement ajoute-t-il avec un sourire engageant, si ce projet vous intéresse, vous serez le représentant du MOF et la seule autorité reconnue qui tranchera en dernier ressort. »

LACOSTE semble satisfait : «  Je serais heureux de vous apporter mon concours si vous croyez que je peux vous être utile. » En dépit de divergences évidentes, il souhaite clairement un accord avec Rex : ce dernier a vu juste. On est loin de l’affolement provoqué quelques jours auparavant par l’explosion anarchique de la grève et par la mainmise des communistes. Il est vrai que FRENAY et d’ASTIER de la VIGERIE, les deux « trublions » de la Résistance, sont à Londres ; de ce côté-là, Rex a la paix.

Plus j’observe mon patron dans ses relations avec les responsables, plus je constate l’emprise de son autorité. Elle consiste en un mélange de curiosité, de gentillesse et de respect des convictions de ses interlocuteurs, prouvant qu’ils sont compris. Je crois que ce mélange de simplicité et de compassion fait tout son charme. » (CORDIER 2009)

 

18 octobre 1942

 

Lyon. Arrestation de Pierre GAISEMBAND, membre de France d’Abord et adjoint du colonel SCHWARZFELD. Jugé, il est acquitté le 19 décembre 1942 faute de preuves à charge. Il quitte alors Lyon, puis après un passage par les maquis de Savoie, il rejoint les FFL et participe au débarquement de Normandie. (Permezel 2003)

 

Daniel CORDIER se présente comme tous les matins chez Rex.

« L’essentiel des papiers que je lui présente concerne l’Armée secrète (AS). Il en prend connaissance avec cette attention particulière qui donne à son regard une consistance étrange, comme si les mots défilaient dans ses yeux avant de s’imprimer dans son cerveau. C’est la première fois qu’il reçoit des rapports aussi détaillés sur l’AS. Deux d’entre eux sont rédigés par Méchin (François MORIN), le chef d’état-major. Ils concernent la nature de l’organisation et les problèmes de l’AS. Le second est un état statistique des troupes. Les chiffres correspondent à l’impression que je ressens depuis mon arrivée : l’AS est squelettique et non opérationnelle, faute de volontaires, d’organisation, d’armement. (….)

Les grèves des cheminots m’exaltent ; j’admire le courage des manifestants. Pourtant, ce n’st pas à mes yeux la « vraie » Résistance, laquelle est militaire. Néanmoins, il s’agit de la première protestation civile et publique contre Vichy et les Allemands. »

CORDIER retrouve Rex et BIDAULT le soir.

« Rex lui fait part de sa rencontre avec MORANDAT ce matin : « Il est débordé par les événements. Comme d’habitude, il vibrions, et tout le monde ignore ce qui s’est réellement passé. » Le mécontentement de Rex porte sur un point précis : il a financé le MOF pour regrouper et diriger la Résistance syndicaliste. Or le MOF est absent des grèves.

Au-delà de cet échec, Rex s’inquiéte du retour en force du parti communiste et de son épigone, le Front national. (….)

Après dîner, nous rentrons à pied. Je profite de sa décontraction pour lui communiquer un projet que je muris depuis quelques temps : acheter une bicyclette, ce qui me ferait gagner beaucoup de temps dans mes déplacements. J’estime le coût à 3000 francs, plus du double de mon ancien salaire. Rex me donne aussitôt son accord et me félicite de cette excellente idée. » Daniel CORDIER achète donc sa bicyclette qu’il se fait voler dans la semaine qui suit. Magnanime Rex l’autorise à en acheter une autre. (CORDIER 2009)

 

19 octobre 1942

 

Lyon. Jusqu’au 24 octobre, procès devant le tribunal correctionnel de Lyon de 48 agents du réseau Combat.

  • Emmanuel MOUNIER est acquitté. (Permezel 2003)

 

Priest (Saint). Des inconnus font sauter un pylône électrique ce qui provoque des arrêts de travail dans plusieurs usines de la région. (Garcin 1944)

 

Oullins. Fin de la grève. Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« A l’occasion de ce mouvement de grève, le premier à proprement parler depuis la guerre, les ouvriers se sont montrés hésitants. A part une minorité qui pensait revivre les jours de 1936, la plupart se rendaient bien compte de la gravité de leur geste. Mais on sentait également qu’ils hésitaient à désobéir aux mots d’ordre qui leur avaient été donnés. L’attitude de fermeté qui a été adoptée, en l’occurence par les autorités responsables et par la force publique a été la seule qui convenait pour éviter une plus grave extension des mouvements (200 arrestations non maintenues et 61 internements à Fort Barreaux). » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

20 octobre 1942

 

Syndicalisme. Réaction de l’Union locale CFTC du Rhône, sous la plume du président DELORME contre le décret du 28 août 1942 sur l’unification du syndicalisme.

« Les syndicats auront à faire connaître dans le délai d’un mois leur existence à la commission provisoire d’organisation de la famille professionnelle, à laquelle ils appartiennent. Dans le délai de trois mois, ils auront à la saisir de propositions en vue de leur intégration dans les nouveaux syndicats dont la création sera envisagée.

Nos organisations syndicales ayant déclaré à maintes reprises, après l’étude approfondie, que l’unification syndicale consacrerait en fait dans les conjonctures actuelles, la disparition pure et simple du syndicalisme, il est probable qu’une grande partie des syndicats chrétiens n’effectueront pas les formalités prévues.

Nous tenons à bien préciser qu’il ne s’agit pas d’une opposition mais d’une abstention vis à vis des syndicats uniques qui ne pourraient qu’être, sinon soumis à l’influence communiste, du moins placés sous l’autorité de l’Etat. Or, les travailleurs n’accorderont leur confiance qu’à des organisations ayant à leur base un minimum d’indépendance.

C’est pourquoi nous sommes toujours disposés à apporter notre concours loyal à une application de la Charte du Travail à la condition que les organisations syndicales actuelles conservent leur personnalité et soient seulement réunies les unes aux autres par un Comité d’Entente permettant une représentation unique de l’ensemble des salariés intéressés. Nous estimons que cette formule est la seule qui puisse actuellement donner les résultats et promouvoir la paix sociale. » (Aulas 1974)

 

24 octobre 1942

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« A la suite des mesures de regroupement prises par le gouvernement à leur égard, à la fin du mois d’août 1942, certains Israélites étrangers sont passés en Suisse, souvent munis de fausses cartes d’identité, et guidés par des « passeurs » leur faisant franchir clandestinement la frontière. Parmi ces fausses cartes d’identité ainsi employées, on en a découvert qui portaient le cachet du commissariat de l’hôtel de ville de Lyon et un cachet de la préfecture du Rhône. Une enquête menée par la section de gendarmerie de Lyon a mené l’arrestation de deux individus, mais l’auteur principal a pu s’enfuir.

On signale que des fausses cartes d’identité auraient été vendues 5000 francs l’une et que les passeurs dans la région d’emmenasse demanderaient 10.000 à 15.000 francs pour chaque individu franchissant la frontière. 

Les mesures de recrutement de la main d’oeuvre ont eu pour résultat immédiat de décider un grand nombre de jeunes gens des milieux les plus divers (ouvriers, cultivateurs, étudiants) à contracter un engagement dans l’armée (..)

Le voyage hebdomadaire du chef de famille ou de la famille même en bicyclette ou par chemin de fer pour trouver du ravitaillement à l’extérieur est devenu une pratique courante. Certains s’impoent en fin de semaine un trajet à bicyclette de 100 à 150 km pour trouver les produits les plus divers (légumes, fromages, pommes de terre)

L’esprit de collaboration n’a fait aucun progrès, au contraire. Et la crainte qu’ont toutes les familles, non seulement dans le monde ouvrier, mais dans l’ensemble de la population, de voir un des leurs contraint de partir en Allemagne accentue le sentiment d’hostilité à l’égard de ce pays, qui, à l’heure actuelle, a moins de sympathie que jamais.» (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Feyzin. Interpellation de Blanche CHARLET, membre du réseau Buck Greenheart en même temps que son chef Brian STONEHOUSE.

Blanche CHARLET qui doit être internée à la prison d’Avignon réussit à s’évader durant son transfert. (Permezel 2003)

 

Lyon. 6 place des Jacobins. Arrestation chez les PEJOT de membres de Franc-Tireur :

  • France PEJOT, qui est en train de taper un tract à la machine à écrire, est condamnée à 3 mois de prison, mais est libérée sur l’intervention d’une personne dont elle ignore le nom. Plus tard, de nouveau arrêtée à Paris par la Gestapo, elle est déportée à Ravensbruck. Elle est rapatriée en 1945.

  • Jean-Pierre LEVY, membre dirigeant de Franc-Tireur. Il est libéré, l’un de ses co-inculpé ayant pris tout ses torts à sa charge.

  • Noël CLAVIER réussit à retrouver la liberté.

  • Micheline EUDE, secrétaire de Jean-Pierre LEVY. Interpellée en plein travail, elle réussit à cacher les documents compromettants qu’elle détient. Après 20 jours de détention préventive, elle est condamnée à 15 jours d’internement. Après sa libération, elle poursuit ses activités mais doit se cacher.

  • Pierre EUDE, père de Micheline. Il est aussitôt relâché faute de preuves. (Permezel 2003)

 

25 octobre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (22h30), explosion au siège du journal pro-allemand « L’union française » installé au 24 rue du Plat. Un gardien de la paix qui se trouvait à proximité est commotionné. (Garcin 1944)

 

Daniel CORDIER. Rex n’ayant pas levé l’interdiction des émissions radio à Lyon, toutes les opérations aériennes et maritimes du mois d’octobre sont annulées. MORANDAT n’a donc pas pu partir comme prévu. Aucun courrier n’est expédié, et nous ne recevons ni directives, ni argent, ni armes.

En discutant avec FASSIN et SCHMIDT des difficultés rencontrées par les opérateurs au cours de leurs émissions, je leur ai suggéré d’établir un rapport complétant celui que j’ai rédigé avec CHEVEIGNE. J’ai bon espoir que l’autorité d’un chef opérations, pour qui le trafic radio est vital, brisera l’indifférence de Londres.

FASSIN me remet son rapport aujourd’hui. (….) Il dénonce la carence des services, qui n’ont pas été capables, après plusieurs mois, de mettre en route Jean HOLLEY alias Léo W, et s’insurge contre la consigne de bloquer le trafic sur un seul opérateur, facilitant ainsi le repérage des voitures gonio. Il insiste sur la difficulté d’utiliser pour ce travail des résistants, c’est-à-dire des personnes sans profession : « Ceux qui se trouvent sans situation définie sont aujourd’hui traqués et exposés à l’envoi en Allemagne. » Il ajoute : « Un emplacement pour les postes est difficile à trouver et délicat à utiliser. Il y a parfois des voisins curieux, que les allées et venues inquiètent. Il y a aussi des enfants, des malades. Nous ne sommes pas installés en pleine nature, dans un endroit idéal et choisi par des techniciens comme vous pouvez l’être. »

La Home Station est ensuite visée : l’inexpérience des opérateurs, manque de ponctualité aux rendez-vous : « C’est inadmissible ! Que nos tables soient indéchiffrables, cela se conçoit, car ils sont rédigés très souvent dans des conditions dont vous n’avez pas idée, dans des salles d’attente de gare, les W.C des trains etc.. Que des gens assis dans des bureaux et ayant à côté d’eux le téléphone pour communiquer leurs ordres ou en recevoir fassent les mêmes erreurs , nous le comprenons difficilement. De plus les fautes d’orthographes et les lettres ratées fourmillent.

La conclusion est celle de tous les radios : « Les transmissions ne marchent pas, et cela vous est presque entièrement imputable. » Cette responsabilité s’étalait déjà dans un télégramme reçu par BRIANT il y a quatre jours : après une semaine, le BCRA ignorait encore l’arrestation de BRAULT et les consignes de sécurité données par Rex.

Ce câble « très urgent » demandait à Jean AYRAL (Pal), seul à posséder un radio en contact, de monter une opération pour assurer le retour de FRENAY et d’ASTIER et l’enlèvement du général François d’ASTIER de la VIGERIE et de Jean-Pierre LEVY. Enfin, le service donnait des ordres irréalistes :

Accélérez prise de contact des nouveaux postes de Sif et de Léo au besoin par Bip W (Daniel CORDIER)

Cela fait maintenant deux mois que Rex a signalé qu’il m’utilisait comme secrétaire…. Rex est exaspéré par ce genre de directive du BCRA ne correspondant à aucune réalité : « Cela ressemble au « cadavre exquis » surréaliste : chacun ajoute un projet en ignorant celui de son partenaire. » (CORDIER 2009)

 

26 octobre 1942

 

Daniel CORDIER. « Parmi les papiers que Rex me confie ce matin pour les faire taper, il y en a un qui concerne la nouvelle organisation de la radio : « Pour rétablir un trafic à peu près normal. » Il prévoit l’organisation de six réseau, dont un pour lui. Dans ce chaos traqué dans lequel se débattent les radios, ce serait un miracle : je doute de son fonctionnement, car je ne vois pas où se trouvent les opérateurs capables de faire marcher l’ensemble, encore moins les postes dont nous manquons. La fin de la note est précédée du titre « très important ». Le premier paragraphe s’adresse aux membres du BCRA :

1 En raison de la restriction apportée dans le trafic, il est indispensable que vos messages ne soient pas continuellement surchargé par des questions secondaires. Trop de vos câbles, notamment, ne concernent que des erreurs commises par nos services dans le numérotage, ce qui implique des rectificatifs multiples qui d’ailleurs ne présentent aucun intérêt.

Les deuxième et troisième paragraphes sont destinés aux Anglais, dont je souhaite ardemment qu’ils « comprendront ».

2 Il est capital que les opérateurs chargés de la réception en Angleterre soient strictement exacts aux heures de contact prévues. Des retards inadmissibles de l’ordre de 20 à 30 minutes se produisent trop souvent.

3 N’utilisez que des manipulants très expérimentés ce qui est loin d’être le cas. Tout ce qui précède a pour but de réduire au minimum les délais pendant lesquels nos opérateurs sont exposés. Il ne faut jamais perdre de vue les conditions difficiles et dangereuses dans lesquelles ils travaillent.

En me remettant la note, Rex me dit : « J’espère que les Anglais vont finir par admettre la honte de leurs radios et qu’ils prendront des mesures. » (CORDIER 2009)

 

27 octobre 1942

 

Lyon. Arrestation du gardien de la Paix Charles LASSINAT, membre de l’AS pour complicité dans la fuite d’un détenu administratif chef de la Résistance. Il est révoqué par la police et emprisonné jusqu’au 2 février 1943. (Permezel 2003)

 

30 octobre 1942

 

Lyon. Le tribunal de Lyon condamne Henri FRENAY à 10 ans de prison et 120.000 francs d’amende pour participation au mouvement Combat. (Permezel 2003)

 

Lyon. Prison Saint-Paul. En compagnie de 33 codétenus, Georges GONNET membre de Combat tente une évasion collective. C’est un échec. Georges GONNET est condamné à 2 ans de prison dont 1 an ferme. Au moment de sa libération le 30 juillet 1943, il sera arrêté par la brigade antiterroriste puis dirigé sur un camp d’internement administratif dont il s’évadera au bout de 8 jours. Il reprend aussi son action dans la Résistance. (Permezel 2003)

 

Daniel CORDIER. « Rex prépare la commémoration du 11 novembre. Il espère qu’après celles du 1er mai et du 14 juillet, le souvenir de la Victoire aura une résonance exacerbée dans la France humiliée de 1942. Il ne doute pas que les anciens combattants se joindront aux résistants pour manifester leur hostilité à l’Allemagne en souvenir de la mort aussi héroïque qu’inutile de leurs camarades.

Il a eu à ce sujet de nombreux entretiens avec les responsables des mouvements et des syndicats afin de déterminer, dans les villes de la zone libre, l’emplacement de chaque manifestation et de préparer le texte commun qui doit être lu à la BBC.

Aujourd’hui ce texte est prêt. (…)

14 juillet, 11 novembre, fêtes de la Liberté et de la Victoire.

En masse, il y a quatre mois, vous avez célébré le 14 juillet, en masse vous célébrerez le 11 novembre contre l’ennemi et les traîtres.

La France s’affirmera ce jour-là contre le Boche, contre Vichy, avec De Gaulle dans le souvenir de la Victoire, dans la certitude de la Victoire.

Patriotes, le 11 novembre, à partir de midi, sur les lieux habituels du rassemblement, vous prononcerez la volonté unanime de la France. » (….)

Rex a invité Robert LACOSTE à dîner ce soir, car la première réunion du Comité central de la Résistance ouvrière (CCRO), dont la création a été annoncée il y a quelques jours en remplacement du MOF, est prévue demain. Dans cette perspective, Lacoste propose que le CCRO impose des mots d’ordre se substituant aux directives anarchiques des mouvements. Il souhaite que, seul, il soit qualifié pour lancer les consignes générales d’action contre la Relève.

Dans ce but, il propose à Rex de créer un comité de cinq membres : un représentant de l’ancien MOF pour diriger le comité, un de chacun des mouvements (Combat, Franc-Tireur, Libération) et un du parti communiste. Cette proposition doit être identique dans les organismes régionaux, départementaux et d’entreprises. Ils constitueront des bureaux de résistance ouvrière (BRO), dont la tâche, précise et limitée , sera d’assurer l’exécution stricte des consignes du CCRO. LACOSTE a prévu de créer sept BRO régionaux en zone libre. Leur secrétariat sera confié à un représentant du MOF.

Rex donne son accord au projet. Néanmoins, une discussion s’engage sur les organisations représentées dans le comité. Il s’inquiété de l’absence des socialistes. « Dans la mesure ou Libération a passé un accord avec eux, répond LACOSTE, et où André PHILIP, Violette (Pierre VIENOT), et moi-même faisons partie du comité directeur, notre présence équilibrera la prééminence des communistes sur les socialistes. » (…)

LACOSTE fixe deux objectifs au CCRO pour combattre la Relève : l’action et la solidarité, tout autre activité lui étant interdite. (…)

Rex joue une partie importante. Il a réussi à éliminer MORANDAT, dont le retour à Londres est programmé pour la prochaine lune. Robert LACOSTE est désormais seul à la tête du CCRO. Fort du million de francs que je lui ai remis sur ordre de Rex, il peut mettre sur pied la direction du nouvel organisme.

Rex poursuit ainsi sa politique de contrôle des mouvements ouvriers par les syndicalistes eux-mêmes. Le CCRO régénéré devra s’imposer comme la seule organisation de lutte contre la Relève. L’opération est délicate dans un milieu syndical divisé par la scission CGT-CGTU, provoquée par le pacte germano-soviétique. » (CORDIER 2009)

 

Novembre 1942

 

Lyon. La police tend une souricière dans les locaux des Bains douches de la rue des Remparts d’Ainay. De nombreux membres du mouvement Combat sont arrêtés dont :

  • Lucien JATHIERE. Il est incarcéré à la prison Saint-Paul. (Permezel 2003)

 

2 novembre 1942

 

Bron. Dans la nuit (4h20), destruction à l’explosif d’un pylône de la ligne de Grenoble, situé dans un champ à 200m de la route nationale de Bron. (Garcin 1944)

 

Vaulx-en-Velin. Dans la nuit (23h), destruction à l’explosif d’un pylône, supportant des fils à haute tension de la ligne des Alpes, situé près du pont de la sucrerie. (Garcin 1944)

 

3 novembre 1944

 

Lyon. Dans la nuit (2h), explosion d’une bombe dans un local de la Légion française des Combattants situé 5 rue des Capucins. (Garcin 1944)

 

6 novembre 1942

 

Lyon. Première arrestation, par la Sûreté nationale, de Georges COTTON fondateur du mouvement France d’Abord, de son épouse Marcelle DUTHEIL et de sa soeur Marguerite COTTON. (Permezel 2003)

 

9 novembre 1942

 

Lyon. 9 rue Camille. Arrestation, en pleine émission, de l’opérateur radio Pierre LECHENE. Transféré à la Gestapo, il est déporté après interrogatoire. Il est rapatrié en 1945. (Permezel 2003)

 

10 novembre 1942

 

Lyon. « Au cours de la nuit et dans la journée, les troupes françaises ont, presque toutes, quitté Lyon pour se rendre en Ardèche et en Savoie. On attend l’arrivée des troupes allemandes d’un moment à l’autre.

D’autre part, d’importantes mesures de police sont prises pour empêcher les manifestations annoncées pour commémorer l’armistice du 11 novembre » . (Garcin 1944)

 

11 novembre 1942.

 

Arrivée des Allemands à Lyon. « Aux premières heures du jour, on apprenait que les Allemands avaient franchi la ligne de démarcation. En effet, ils commençaient d’arriver à Lyon un peu après 9 heures. De 10h à midi, des convois ont passé rue de la Barre et toute l’après-midi, il est descendu le long des quais du Rhône et de la Saône, en direction du Midi. Des éléments stationnent à la Préfecture, place des Terreaux, à l’Hôtel de Ville, place Bellecour et à divers autres endroits. Tout le centre de la ville est « neutralisé » et a été interdit à la circulation. Les tramways sont supprimés ou détournés de leurs lignes normales. La plupart des cinémas et des grands cafés sont fermés. Aucune manifestation ne s’est produite. On ne signale aucun incident. » (Garcin 1944)

 

Amplepuis. Une centaine de personnes se regroupent devant le monument aux morts où une gerbe de fleurs est déposée. Les personnes présentes chantent la Marseillaise puis crient « vive la liberté, vive De Gaulle, vive Giraud. »

Elles se réunissent ensuite devant l’appartement de monsieur L chargé de la propagande pour la légion. Quelques injures sont lancées.

Arrestation des nommés FRIZON, VOUILLON, GIRAUD, BERTHOLLIER, industriels et commerçants de la commune. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Ile-Barbe et La Mulatière. Pierre DUBOEUF membre de Combat, récupère dans le Beaujolais, de la dynamite, de la félinité et de la cheddite pour essayer de détruire les barrages de l’Ile-Barbe et de La Mulatière. Mais lancés loin des objectifs, les explosifs arrêtés par le fond de la rivière explosent ailleurs sans faire de dégâts. (Permezel 2003)

 

Lyon. Dans la soirée, Henri AMORETTI, chef des services de la rédaction du quotidien « Le Progrès de Lyon », reçoit du censeur plusieurs dépêches à publier obligatoirement sous peine d’interdiction du journal. Émanant de Washington, elles font état d’un soi disant projet et de dépouillement de la France par les Américains en cas de victoire alliée.

Au cours d’une réunion de direction à laquelle participent Emile BREMOND, Hélène BREMOND, Henri AMORETTI, Yves FARGE, Georges ALTMAN, René ROURE, Pierre CORVAL, le directeur Emile BREMOND met aux voix la décision de publier ou pas. La décision de ne pas publier est prise à l’unanimité moins une voix.

Plus tard Henri AMORETTI participe avec Hélène BREMOND et Yves FARGE à la création du Comité National des Journalistes, Bureau de liaison pour la presse clandestine zone sud. (Garcin 1944 et Permezel 2003)

 

Lyon. Le journal Paris-Soir annonce qu’il suspend sa publication en raison de l’occupation de Lyon par les Allemands. Son numéro est saisi. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Lyon. Au moment de l’invasion de la zone libre par les Allemands, le général FRERE ancien gouverneur militaire de Lyon entre août 1940 et juillet 1941, passe dans la clandestinité et prend le commandement de l’ORA. (Permezel 2001)

 

Vaulx en Velin. Joseph BLEIN, cultivateur maraîcher dans la commune cache dans ses bâtiments toutes les fiches du service démographique lyonnais relatives à la mobilisation des renforts de l’armée. (Permezel 2003)

 

12 novembre 1942

 

Lyon. Arrivée à Lyon de Klaus BARBIE.

23 octobre 1913. Naissance à Bad Godesberg de Nikolaus BARBIE fils d’un couple d’enseignants catholiques. « Sil est très attaché à sa mère, il entretient avec son père, revenu de guerre mutilé et moralement brisé en 1918, des rapports empoisonnés par la peur, aggravés par un alcoolisme croissant (…) Sa perte de confiance dans l’autorité paternelle suscite très tôt chez lui l’attente passionnée d’un leader politique. Ce besoin sera le terreau qui préparera son endoctrinement idéologique. »

Son désir de revanche est aussi augmenté par l’occupation française de la Rhénanie, son père rejoignant lui même la résistance allemande.

1925. Klaus BARBIE quitte la maison familiale pour entrer au lycée Friedrich-Wilhelin de Trèves.

1929. Son père bénéficiant d’une retraite anticipée s’installe à Trèves. Klaus retrouve la maison.

Printemps 1933. « La famille se disloque brutalement avec le décès de son frère et de son père. Le lycéen trouve un soutien et une reconnaissance dans le puissant soulèvement national qui l’a admis comme membre actif parmi les partisans du Führer. La mutation de BARBIE s’accomplit durant ces années là. Le jeune homme, jusqu’ici catholique timide et réservé, devient un fanatique politique un défenseur militant de l’idéologie national-socialiste. »

« Des enquêtes récentes auprès d’anciens camarades de classe de BARBIE font cependant soupçonner qu’il servi pendant des années d’espion aux nazis dans son école en livrant des informations sur ses professeurs et les élèves. Il aurait été l’un des informateurs nazis les plus importants de la ville. Les nazis visaient le lycée, car, le considérant comme un point d’opposition, ils entretenaient un réseau d’espionnage pour le contrôler. »

26 avril au 31 octobre 1934. S’engage dans le Service du Travail du Reich à Niebüll, dans le Schleswig-Holstein. A la fin de son service, ne trouvant pas de travail, il s’engage bénévolement au Parti nazi de Trèves et dans la jeunesse hitlérienne.

1er février 1935. Devient l’aide de camp de Karl HORMANN, chef nazi de Trèves-Centre qui le met ensuite en contact avec le SD, service de renseignement SS.

25 septembre 1935. BARBIE qui est considéré comme un membre fiable par ses supérieurs devient membre titulaire du SD et donc automatiquement de la SS.

« L’enfance et la jeunesse de BARBIE sont celles d’un ambitieux humilié, marqué par des souffrances individuelles et collectives mû par un besoin de reconnaissance, qui saisit l’occasion de faire ses preuves dans le sillage du puissant soulèvement national en devenant un membre actif. BARBIE incarne aussi l’élite idéologique prête à agir. »

Octobre 1935 - octobre 1937. BARBIE suit une formation au SD à la section de lutte contre l’opposition. Il apprend les rudiments de la bureaucratie d’investigation des services secrets et de la persécution policière des ennemis de l’Etat, Juifs, Communistes, homosexuels, témoins de Jéhovah, prostituées. Il effectue différents stages dans les commissariats de Berlin, suit des cours à l’école du SD à Bernau, le cours spécial des cadres du SD à Berlin-Charlottenburg.

Octobre 1937. Sa formation terminée est muté au SD Ouest basé à Dusseldorf.

27 septembre 1939. Fusion de la police de Sécurité (Sipo) et du SD au sein du RSHA. La section à laquelle appartient BARBIE devient la section des régions de peuplement allemand, sous la direction du colonel SS Otto OHLENDORF. BARBIE devient chef adjoint de l’antenne SD de Dortmund, chargée de l’opposition sociale, démocrate et communiste.

20 avril 1940, Est promu sous-lieutenant SS.

Après l’offensive du 10 mai 1940, l’unité de BARBIE est envoyée à Dunkerque puis à La Haye. Il se consacre surtout à la recherche des émigrés allemands, des francs-maçons et des Juifs.

9 novembre 1940. Est promu lieutenant.

Mai 1942. BARBIE prend son premier commandement d’unité à Gex (antenne de Dijon) sous les ordres du colonel SS Helmut KNOCHEN, chef de la police de sûreté et du SD (Sipo SD) en France occupée.

« Gex à la réputation d’être un nid d’espions. C’est là que la ligne de démarcation entre la zone française occupée et la zone libre rejoint la frontière suisse. Le rôle de BARBIE, qui opère à ce moment sous le nom de code BERGER, est d’observer les mouvements clandestins et de monter un réseau d’agents chargés d’activités spéciales de renseignement. »

Dans les jours qui suivent le SD installe une section spéciale, un Einsatzkommando dans les 60 pièces de l’Hôtel Terminus près de la gare de Perrache. (Hammerschmidt 2016)

 

13 novembre 1942

 

Lyon. Refusant de publier le « document américain », le Progrès suspend sa parution. (Aulas 1974) (Garcin 1944 donne pour sa part la date du 14 novembre indiquant que cette suspension durera jusqu’à la fin des hostilités ou du moins le retrait des Allemands de Lyon)

 

Lyon (Rue Stella). A 23h45 une bombe détruit une automobile allemande. Deux passants sont grièvement blessés.

  • Monsieur Alphonse PALLEAU.

  • Madame Marie RICHELET. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

15 au 20 novembre 1942.

 

Lyon. Grâce à la complicité de Jean ALLAROUSSE, concierge au parc de la Tête d’Or, le mouvement Franc Tireur peut cacher 8 tonnes d’armes dans les serres du parc. (Permezel 2003)

 

17 novembre 1942

 

Lyon. A 4h du matin, démobilisation de l’armée. Occupation de la ville par les troupes allemandes. (Aulas 1974)

 

20 novembre 1942

 

Rapport du capitaine FLOUQUET, commandant la section de gendarmerie de Lyon.

« La population est foncièrement hostile à tout rapprochement avec l’Allemagne. Elle approuve l’attaque de l’Afrique du Nord par les Anglo-saxons, comptant sur eux pour la libération du territoire (…) Elle est restée extrêmement digne au moment de l’occupation de la zone libre. Elle a fait preuve de beaucoup de calme. Le passage de grands chefs militaires dans le camp anglo-américain, et en particulier du Ministre de la Défense nationale l’amiral DARLAN, a jeté le trouble dans l’esprit de beaucoup de personnes pondérées et dévouées au maréchal PETAIN. Elle ne sait pas très bien où en est leur devoir. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

21 novembre 1942

 

Parachutage de Georges DENVIOLET agent du BCRA pour être le radio de Joseph MONJARET chargé de former des opérateurs radio pour l’organisation des liaisons radio avec Londres. Il sera arrêté le 11 juin 1994 et déporté. (Permezel 2003)

 

24 novembre 1942

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les militaires de l’armée d’armistice éprouvent les sentiments les plus pénibles depuis l’occupation allemande. L’obéissance aux ordres a exigé beaucoup d’abnégation de la part de nombreux officiers qui estiment que leur devoir était tout autre dès l’instant que les troupes allemandes ont franchi la ligne de démarcation, au mépris des clauses de la convention d’armistice. Tous ressentent une humiliation déprimante à la pensée de l’inaction forcée dans laquelle ils sont tenus. De plus tous sont inquiets sur leur situation future. Ils pensent que le gouvernement allemand ne saurait tolérer longtemps l’existence de la force armée française sur les arrières des troupes allemandes postées face à la Méditerranée. Et beaucoup parlent déjà d’une dissolution possible de l’armée d’armistice. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Dans la nuit (23h45), explosion d’une bombe à la boulangerie de Mr Henri FAIVRE. Les dégâts sont assez importants. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Lyon. A 0h10 et 1h10, explosion de deux bombes dans le jardin du poste de brouillage des émissions radiophoniques situés rue du Repos. (Garcin 1944)

 

Lyon. Dans la nuit (vers 1h), une bombe est lancée contre le siège de l’organisation du Pays Libre, situé 33 rue de l’Hôtel de ville, causant des dégâts assez importants. (Garcin 1944)

 

25 novembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (22h30), explosion d’une bombe au siège de la Légion française des Combattants, 35 rue Imbert Colomes. Le local est inutilisable. (Garcin 1944)

 

26 novembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (22h40), explosion d’une bombe dans la boucherie BRESSAU, située à l’angle du Cours Lafayette et de la rue Pierre Corneille. Les dégâts matériels sont importants. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

27 novembre 1942

 

Démobilisation de l’armée à Lyon.

« A la suite de l’ordre de démobilisation de l’armée française donné par Hitler, les troupes françaises ont dû évacuer les casernes vers 4h du matin pour céder la place aux troupes allemandes. Des incidents se sont produits.

A Bron, une sentinelle près des avions , M Marcel DEFRANCE, âgé de 19 ans, qui exécutait ses consignes a été tué d’une balle dans le dos. Un autre soldat, venant d’Istres, qui dormait dans sa camionnette a été grièvement blessé. Il est mort peu après à l’hôpital Desgenettes, où il avait été transporté. » (Garcin 1944 et Permezel 2003)

AD 69. Mémorial de l’oppression 2003, en plus du nom de Marcel DEFRANCE, cite le nom de deux autres victimes de blessures : Marcel ABRARD et Louis THIEBAUD. (AD 69. Mémorial de l’oppression 2003)

 

Lyon. Arrestation de Charles GUILLAUMONT membre fondateur du Coq Enchaîné. Il est torturé puis déporté. Il réussit à s’évader lors d’un bombardement. (Permezel 2003)

 

28 novembre 1942

 

Lyon. Le journal Paris-Soir reprend sa parution qui avait cessée le 11 novembre. Le journal ne fournit aucune explication à ces faits. (Garcin 1944) et Aulas 1974)

 

Lyon (rue Victor Hugo, angle rue François Dauphin). A 18h, un soldat allemand est blessé d’un coup de feu à la cuisse. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Lyon. La police arrête 30 jeunes gens qui avaient déjà été arrêtés le 14 juillet au cours de la manifestation pour avoir chanté « La Marseillaise ». Ils sont de ce fait, soupçonnés de gaullisme et considérés comme suspects. (Garcin 1944)

 

30 novembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit, double explosion. Dans les deux cas les dégâts sont importants :

  • A 23 heure, 26 quai de Retz, au restaurant Tony, dont le patron appartient au groupe « collaboration » et qui est fréquenté par des officiers allemands.

  • A 23h30, 18 rue Romarin, devant le magasin de bas de soie Paris-Vogue, appartenant à Mr GIROUDON. (Garcin 1944 ; Aulas 1974 et Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. « Le nommé VANTORHOUDT, surveillant à la maison d’arrêt de Lyon, a tenté de favoriser l’évasion d’une trentaine de détenus anglais, dont le capitaine SCHEPPARD, officier arrêté au mois de juillet 1942 à Anse, après atterrissage par parachute. VANTORHOUDT avait déjà réussi à carotter un autre surveillant, mais l’intervention d’autres surveillants a fait échouer cette tentative d’évasion. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Décembre 1942

 

Lyon. Arrestation, par la police française, de Jean MEYGRET membre de Combat. Lors de son jugement, il est défendu par maître Jean FAUCONNET. Condamné à 8 mois de prison pour menées antinationales, il est libéré le le 16 décembre 1943.

Il sera de nouveau arrêté, par les Allemands, en même temps que 8 autres résistants, le 16 décembre 1953 au Pic de Grain. Déporté, il décède à Dora. (Permezel 2003)

 

1er décembre 1942

 

Alimentation. Le préfet du Rhône rend obligatoire l’sage de la carte de contrôle des achats de fruits et légumes frais qui s’applique à l’ensemble des fruits et légumes achetés frais, sauf les pommes de terre et les petits légumes tels que les condiments. (Aulas 1974)

 

2 décembre 1942

 

Lyon. « Mr CHASSIGNET, commissaire de police de permanence a été prévenu à 20h45 que Mr BAUDOIN, dépanneur à Jonage venait de découvrir un engin explosif à l’intérieur d’un transformateur situé 17 rue Francis de Pressensé près des établissements Gendron. Il se rendit aussitôt sur les lieux, mais peu après son arrivée la bombe faisait explosion. Il a été assez sérieusement blessé, ainsi que Mr BAUDOIN et le brigadier GUINET. » (Garcin 1944)

 

4 décembre 1942

 

Lyon. La police allemande arrête deux soldats allemands qui s’étaient rendus coupables de plusieurs agressions (vols et coups et blessures) à l’encontre de civils français ces dernières nuits. C’est la police française qui a signalé ces faits aux autorités allemandes. (Garcin 1944)

 

5 décembre 1942

 

Lyon. Arrestation de Victor MAUPEU membre de France d’Abord. Il est condamné à 2 ans de prison et 24.000 francs d’amende. Il est libéré le 30 mai 1943 pour raisons de santé. Il poursuit son activité en hébergeant un résistant recherché par la Milice et en fabriquant de fausses cartes d’identités. (Permezel 2003)

 

Lyon. Explosion au bureau de la Légion française des Combattants, rue Paul Bert. (Pontaut/Pelletier 2008)

 

9 décembre 1942

 

Lyon. Tentative d’incendie au cinéma Palace, rue de la République à la veille d’une séance réservée aux familles d’ouvriers partis en Allemagne pour la relève. Le veilleur de nuit découvre 3 foyers d’incendie distincts à 2h30 et à 5h du matin. Les dispositifs de mise à feu découverts sont d’origine anglaise. (Garcin 1944 et Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Une opération des Groupes Francs permet de délivrer de nombreux résistants de la prison Saint-Paul. (Aulas 1974)

 

11 décembre 1942.

 

Lyon. Arrestation de Henri BLADIER agent de Combat. Jugé, il est condamné à 5 mois de prison. Il est libéré le 17 mai 1943 et poursuit ses activités dans la Résistance jusqu’à la Libération. (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation par la Gestapo de Jean FOUSSERET membre du Coq Enchaîné. Déporté il est rapatrié en 1945. (Permezel 2003)

 

Lyon. A proximité de la passerelle Saint-Vincent sur le quai de Saône, Simon FRID, membre du FTPF Bataillon Carmagnole, dirige la première opération du groupe consistant au lancement d’une grenade sur une voiture allemande. Défectueuse, elle n’explose pas. (Permezel 2003)

 

12 décembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (20h30), une explosion détruit un transformateur situé 8 Bis quai Saint-Vincent qui alimentait la Manutention Militaire. Deux personnes sont légèrement blessées :

  • Mme Louise NERY (41 ans)

  • Mme Antonia GIRAUD (33 ans) (Garcin 1944)

 

Villeurbanne. Décès de Pierre GARNIER membre des FTP alors qu’il plaçait un détonateur destiné à faire sauter le transformateur de l’usine Gendron. (Permezel 2003)

 

13 décembre 1942.

 

Lyon. Alors qu’il achemine, en compagnie d’André BOLLIER, une grosse quantité de journaux du mouvement Combat, Fernand BEUCLER a un accident avec un tramway. Il prend la fuite poursuivi par deux gendarmes. Ils sont arrêtés mais réussissent à retrouver la liberté. (Permezel 2003)

 

Lyon. Deux soldats allemands volent une bicyclette à Mr Alexandre MAKARCHINE (46 ans). La bicyclette a été volée devant le cinéma Rexy situé 30 rue Garibaldi. (Garcin 1944)

 

14 décembre 1942

 

Lyon (Place Le Viste). A 5h du matin, un officier allemand est blessé à coups de couteau (blessures à l’annulaire droit et à l’avant-bras. . Il a été pris en charge par des policiers français qui l’ont fait soigner dans une pharmacie. Cet officier était ivre et n’a pas donné d’explications sur les origines de ses blessures. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

Mulatière (La). Arrestation de Stéphane DECHANT membre du réseau Le Coq Enchaîné et Buckmaster-Nicolas chez qui sont trouvés 36 cartouches d’explosifs, 30 pains d’explosifs, des détonateurs et des crayons allumeurs. Le 26 mai 1943, il est condamné à 18 mois de prison et 5000 francs d’amende. Interné, il est ensuite déporté à Buchenwald et décède à Léan le 6 janvier 1945. (Permezel 2003)

 

15 décembre 1942

 

Oullins. Dans la nuit, à 22h, quatre soldats allemands pénètrent dans un débit de boisson, 84 Grande-Rue pour y consommer. La propriétaire ayant déclaré qu’elle n’avait rien à vendre, les soldats descendent dans la cave et volent 29 bouteilles de liqueurs diverses qui avaient été bloquées par la Régie. (Garcin 1944)

 

17 décembre 1942

 

Lyon. Arrestation de Xavier FONTOYNANT membre e Combat. Condamné à 8 mois de prison, il est libéré le 23 juin 1943. Il rejoint les maquis à partir du mois d’août. (Permezel 2003)

 

18 décembre 1942

 

Lyon. Arrestation de Camille DUCRET, membre de Combat. Libraire, il assure la fonction de boite à lettre et entrepose dans son magasin des revues, des tracts et des armes. Condamné le 7 mai 1943, il est relâché une semaine plus tard. (Permezel 2003)

 

20 décembre 1942

 

Lyon. Arrestation, sur dénonciation, de Robert NAMIAND, membre de Combat. Il est jugé par la section spéciale du tribunal d’Etat le 20 mars 1943 qui le condamne à 4 ans de détention. Transféré à Eysses, il est déporté après la révolte des détenus. Il est rapatrié en 1945. (Permezel 2003)

 

22 décembre 1942

 

Fontaines-sur-Saône. Coups et blessures de la police allemande à l’encontre de François DEFFET et arrestations de Maurice JEANLAI, Charles MAGNIN et Mme MAGNIN. (AD 69. Mémorial de l’oppression 2003)

 

Bron. Dans la nuit du 22 au 23, André BOLLIER membre de Combat, accompagné de 7 autres résistants, réussit à faire évader Berty ALBRECHT de l’asile du Vinatier. Participent à cette évasion.

  • Jean CHANTON

  • Jean JOLY

  • Robert NAMIAND. ???? (Permezel 2003 le donne arrêté le 20 décembre 2042)

  • Fernand BEUCLER (Permezel 2003)

 

23 décembre 1942

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« Les éléments simplement suspects, en dehors des militants et propagandistes communistes et gaullistes (…) se tiennent toujours sur la plus grande réserve ; ils ne se livrent à aucune activité concertée, la seule dangereuse pour le maintien de l’ordre public. Malgré cela, des cas assez nombreux d’internements administratifs sont à relever au cours du mois à l’égard des étranger.

  • 22 pour la section de gendarmerie de Lyon.

  • 7 dans l’arrondissement de Villefranche sur Saône.

  • 4 à Givors.

Ces étrangers sont transférés au camp du Vernet (hommes) et à Brens (femmes).

Une vaste affaire de trafic de cartes d’identité, falsification de pièces d’état-civil et passage clandestin de la frontière franco-suisse par des Israélites étrangers a été découverte et deux « passeurs », le juif algérien NAKACHE et le nommé VELLA sont arrêtés ainsi qu’un intermédiaire, le juif polonais SELIGNAMA. Deux autres passeurs sont identifiés, mais ils sont en fuite. Les personnes qui ont procuré les cartes d’identité n’ont pu être découvertes, mais il a été prouvé que l’appariteur de la mairie de Caluire le nommé MONNUREL, avait fait délivré quelques fausses cartes d’identité. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Rapport du chef d’escadron BARIOD, commandant la compagnie de gendarmerie du Rhône.

« La démobilisation de l’armée d’armistice imposée à la hâte a été un nouveau coup porté à la fierté des Français. De plus l’absence de préparation a provoqué dans les villes de garnison, à Lyon notamment, un désordre momentané mais pénible et le spectacle affligeant de jeunes gens livrés à la rue sans ressources et sans directives. Les autorités administratives ont fait heureusement organiser avec rapidité l’aide et les secours indispensables, groupement dans les centres d’accueil, délivrance d’une petite somme d’argent (50 francs) et de tickets d’alimentation par les mairies de Lyon dès le premier jour de la mobilisation.

La perte de certains privilèges comme la détention d’armes de chasse alimente les rancoeurs des Français. Le retrait des armes et des armes de chasse notamment, prévu par la loi du 3 décembre 1942, est symptomatique à cet égard. De nombreux hommes n’ont livré leur arme qu’à grand regret et avec émotion. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. « Une enquête pour trafic de tickets de pain et de cigarette a permis d’inculper à ce jour six personnes et de prouver que les cigarettes étaient vendues à raison de 80 francs le paquet et les tickets de pain pour 50 francs le kilo dans différents quartiers de la place du Pont et de la rue Moncey. » (Pontaut/Pelletier 2008)

 

Lyon. Réunion du jury devant attribuer le Grand prix littéraire de Lyon. Il attribue deux prix :

  • Pour l’année 1939 à Jean-Pierre Le LYONNAIS pour « le polisson, sabotier des bois ».

  • Pour l’année 1942 à M J TORRIS pour Narvik.

Dans un premier temps, la censure interdit aux journaux du soir de parler de ces prix puis ne maintien cet ordre que pour Narvik. La raison évoquée est que ce livre, édité à Paris et validé par la censure allemande, possède une courte préface du général BETHOUARD qui vient de passer à la dissidence. (Garcin 1944 et Aulas 1974)

 

24 décembre 1942

 

Alimentation. Le préfet du Rhône considérant les difficultés de l’approvisionnement de Lyon en lait et les nécessités d’une répartition aux détaillants permettant de donner satisfaction aux consommateurs dans le cadre strict du rationnement, arrête la création pour l’ensemble de l’agglomération lyonnaise d’un bureau central urbain.

Celui-ci sera responsable de la distribution et de la répartition du lait, placé sous la direction du Groupement interprofessionnel du lait et sous le contrôle de l’Intendant préfectoral. (Aulas 1974)

 

Lyon. 13 rue Mercière. Deuxième arrestation de Jean-Pierre LEVY membre dirigeant de Franc Tireur. Il réussit à prendre la fuite lors de la perquisition de son appartement. (Permezel 2003)

 

26 décembre 1942

 

Lyon. Dans la nuit (3h), explosion d’une bombe au siège de la Légion Française des Combattants situé rue de Bonnel angle rue de Créqui. Les dégâts sont importants. (Garcin 1944)

 

27 décembre 1942

 

Villeurbanne. Première réunion du comité de coordination de la Résistance. Y participent :

  • Jean MOULIN.

  • Le général DELESTRAINT.

  • Henri FRENAY.

  • Emmanuel d’ASTIER de la VIGERIE.

  • Jean-Pierre LEVY.

 

28 décembre 1942

 

Lyon. Alors qu’il regagnait son domicile Marcel METRAL, âgé de 28 ans, peintre-plâtrier, ancien secrétaire général du Parti communiste pour le Rhône et ancien rédacteur en chef de la « Voix du Peuple » est assassiné d’une balle de révolver dans le dos par un inconnu. (Garcin 1944)

 

31 décembre 1942

 

Résistance. Lancement d’un mandat d’arrêt contre Jean-Pierre LEVY identifié comme chef de Franc-Tireur. (Permezel 2003)

 

Lyon. Arrestation d’André BOLLIER membre de Combat par la police française. Mais il réussit à s’évader deux jours plus tard et entre dans la clandestinité. (Permezel 2003)

 

 

Date de création : 17 octobre 2019

37e modification : 21 juin 2022

 

 



29/10/2019
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