22. Chronique histoire des Vosges et d'Alsace : 1915 (Octobre - Décembre)

Chronique histoire des Vosges et d’Alsace.

1915 (Octobre - Décembre)

 

 

Pour avoir de plus amples informations sur les sources utilisées pour rédiger cette chronique, vous pouvez retrouver les références des ouvrages dans la bibliographie publiée dans cette même catégorie.

 

Octobre 1915

 

Rationnement. Dans le département, interdiction de l’abattage des femelles de race bovine, ovine et porcine pour ménager la production. (14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

5 octobre 1915

 

11e BCA. « C’est de Frais, gros hameau d’une dizaine de maisons, que je vous écris ; car nous avons déménagé …

Nous avons débarqué ce matin à Belfort d’où nous sommes repartis quelques instants plus tard pour venir cantonner dans ces deux petits villages de Fontaine et de Frais, presque sur la frontière ancienne du Haut-Rhin. » (Belmont 1916)

 

8 octobre 1915

 

11e BCA. « Encore une fois, nous avons changé de résidence, et nous voilà depuis hier installés dans de respectables tranchées vieilles de plus d’un an, qui serpentent à travers les plaines d’Alsace. » (Belmont 1916)

 

14 octobre 1915

 

« Demain nous partons : nous devons embarquer à Belfort dans la soirée, à destination de Gérardmer. » (Belmont 1916)

 

15 octobre 1915

 

Hartmannswillerkopf. Nouvel assaut allemand mené à l'aide de lance-flammes qui leur permet de gagner une centaine de mètres. Mais les Allemands perdent 93 tués et presque 400 blessés. (Guelton in 14-18 n°34)

 

16 octobre 1915

 

Hartmannswillerkopf. Une contre-attaque menée par le 15e BCP permet de reconquérir le terrain perdu la veille. L'ancienne première ligne française est occupée momentanément mais les chasseurs doivent se retirer. (Guelton in 14-18 n°34 et 14-18 dans le pays de Remiremont 1999)

 

17 octobre 1915.

 

Hartmannswillerkopf.. Le général Dubail estime qu'il faut prendre définitivement le Vieil Armand pour déboucher en direction de Wattwiller et Cernay et élargir la victoire initiale entre Guebwiller et la frontière Suisse et libérer Mulhouse.

La mission est confiée au général Serret qui reçoit en renfort 2 brigades et environ 250 pièces d'artillerie dont 2 pièces de 370.

Le général Maud'huy qui commande la 7e Armée estime que cela est insuffisant. N'étant pas écouté, il démissionne de son poste. (Guelton in 14-18 n°34)

 

« J'ai examiné avec le général Serret les petites opérations possibles dans la région tenue par la 66e division, et, tout compte fait, j'estime qu'il faudra se décider à élargir notre situation à l'Hartmannswillerkopf et à nous y asseoir, pour en finir avec les mouvements périodiques de flux et de reflux. L'opération ne sera pas trop coûteuse et le progrès réalisé favoriserait sensiblement le débouché dans la plaine d'Alsace. » (Rapport du général Dubail commandant la 1ere Armée française). (Guelton in 14-18 n°34)

 

18 octobre 1915

 

Hartmannswillerkopf. Nouvelle attaque française qui permet de prendre et de conserver des éléments de tranchées.

En 3 jours de combat, les Allemands ont perdu plus de 1000 hommes et les Français environ 600. (Guelton in 14-18 n°34)

 

19 octobre 1915

 

11e BCA. « Nous venons d’arriver au camp d’H… au milieu des bois. Nous avons connu ce petit coin par les grandes journées de juin ; aujourd’hui nous les retrouvons tout imprégné d’automne. De bonne heure il faut allumer les bougies dans les abris où on songe déjà à se chauffer. Demain nous irons aux tranchées et ce sera pour longtemps ses doute. » (Belmont 1916)

 

20 octobre 1915

 

11e BCA. « Journée très calme pour notre retour à la vie de tranchées. Les Boches sont tout près ; mais ils ont peur de nous, bien que nous ayons troqué le béret contre le casque ; et ils semblent vouloir éviter de s’attirer des ennuis. » (Belmont 1916)

 

21 octobre 1915

 

11e BCA. « Nous voici depuis cette nuit tapis dans les antres du Schratzmaennelé, non loin de ce Linge, qui n’est qu’un contrefort de la même crête. Ce sont bien des antres qui nous abritent, de véritables cavernes creusées à quatre ou cinq mètres sous terre et que les marmites allemandes auront de la peine à défoncer. (Belmont 1916)

 

27 octobre 1915

 

11e BCA. « Ce matin, en sortant de ma tanière, j’ai trouvé le sol gelé et l’air piquant. » (Belmont 1916)

 

31 octobre 1915

 

11e BCA. « Je viens d’être interrompu par une aventure originale : les Boches qui occupent la crête géographique du Schratz, à faible distance de nos lignes, ont jeté une boîte en carton, lestée d’un caillou, qui est venu tomber dans notre tranchée. La boite portait une étiquette d’envoi avec l’adresse d’un soldat boche. Cette étiquette avait été soigneusement grattée, mais sur un des côtés extérieurs de la boite étaient écrits en grosses lettres, au crayon bleu, ces mots : « Hast du sein, kugel mener ? » (Est-ce que tu n’as plus de balles ?) L’explication de ce message peu banal est simple : dans l’après-midi des hommes de la section la plus rapprochée des Boches s’étaient amusés (on s’amuse comme on peut !)à envoyer des pierres à ces messieurs avec des frondes faites d’un bout de toile et de deux ficelles. Les Teutons ont voulu répondre à cette attention délicate. D’ordinaire, ce sont surtout des pétards ou des boites à mitraille qu’ils nous expédient ainsi par la voie des airs ; aussi cet objet anormal a-t-il excité au plus haut point l’intérêt et la curiosité des chasseurs qui se sont empressés de m’apporter le corps du délit.

Comme une politesse en vaut une autre, j’ai renvoyé la même boîte pleine de journaux français se rapportant à nos dernières victoires en Champagne, en y joignant un billet sur lequel j’ai écrit en Allemand : « Viens seulement, et tu verras si les Français n’ont plus de balles pour les Allemands ! » et au-dessous : « Vive la France ! » Si ce petit jeu les amuse, je me propose de correspondre le plus souvent possible en envoyant des papiers roulés autour des cailloux. On se distrait comme on peut au Schratz. » (Belmont 1916)

 

6 novembre 1915

 

11e BCA. « Boue, neige, brouillard, c’est ce que nous avons trouvé ce matin en venant reprendre possession du Schratz, de « notre Schratz ». Nous nous sentons en pays connu maintenant quand nous revenons, après quatre jours de deuxième ligne, à notre villégiature haut placé. Le sommet du Schratz, dont nous ne sommes pas éloignés de plus de 50 mètres, a un millier de mètres d’altitude ; il n’est donc pas étonnant que la neige y ait fait son apparition. (…)

C’est bien, en effet, un cimetière que ce terrible Linge (…) De temps en temps, au cours de travaux de sape, la pioche déterre un cadavre enfoui. On ne parvient pas toujours à savoir s’il s’agit d’un Allemand ou d’un Français : ce n’est plus qu’une pourriture, une chose sans nom. Cependant quelquefois non peut encore essayer une identification. (Belmont 1916)

 

14 novembre 1915

 

11e BCA. « C’est à travers la blancheur toute neuve de la neige que nous avons quitté nos abris de deuxième ligne pour revenir à nos tranchées du Schratz. Ce n’était pas un grand voyage : deux ou trois cents mètres de boyaux grimpants qu’on suit lentement en se cognant aux pierres, aux racines, à la terre mouillée qui en forment les parois. (…)

Malheureusement, tout n’est pas aussi magnifique, et cette première chute de neige molle a pour effet d’imprégner d’eau subitement le sol sablonneux ou rocheux, très perméable, dont est bâtie cette montagne ; et alors dans les sapes, sous terre, des infiltrations se sont produites, des gouttières ont commencé à pleurer par tous les pores du grès, par les fentes des murs de planches. » (Belmont 1916)

 

23 novembre 1915

 

11e BCA. « Nous allons quitter très prochainement le Schratz. Notre brigade irait occuper le secteur voisin, au nord de celui-ci, à savoir, la région des lacs Noir et Blanc, de Pairis et de la tête de Faux. Le 14e, qui nous a précédés ici, nous y succèdera. » (Belmont 1916)

 

29 novembre 1915

 

11e BCA. Pairis.

« Depuis cette nuit, nous sommes les hôtes d’un nouveau domaine dont tout le monde se déclare enchanté. C’est en effet un fort joli coin que cette vallée de Pairis qui descend du lac Noir vers Orbey (….). Maintenant tout est désert (…) De toutes ces jolies maisons aux murs propres, aux grands toits de chaume et d’ardoise, il n’en est plus guère qui ne soient éventrées, transpercées ou minées. Tous les habitants sont partis l’été dernier. (…) Malgré cette désolation, malgré les trous qui s’ouvrent dans leurs toits et leurs murs, les maisons offrent encore des ressources précieuses ; on y fait la cuisine, on en utilise encore les quelques pièces respectées en attendant qu’elles soient, à leur tour, frappées. Presque toutes ont de bonnes caves qui servent de cantonnement ; si bien que les hommes, en sortant du Schratz, se trouvent ici en paradis ; d’autant plus que les tranchées sont bien aménagées, pourvues d’abris confortables et relativement éloignées de celles des Boches, où règne d’ailleurs un calme invariable. (…)

Je commande un sous-secteur comprenant trois compagnies du 11e, dont la mienne, et deux compagnies de territoriaux. Mon sous secteur est très étendu et son parcours me demandera trois jours pour le voir de prés et en détail. » (Belmont 1916)

 

9 décembre 1915

 

11e BCA. « Sur cette partie du front, les lignes sont assez éloignées et séparées par un vallon entièrement neutre. Aussi n’avons-nous aucun contact avec les Boches, bien que leurs patrouilles et les nôtres circulent assez souvent dans ce vallon. Il reste même, entre les lignes, quelques maisons habitées. Les gens ne se montrent jamais dans la journée et sont ravitaillés, depuis Orbey, pendant la nuit. C’est tout de même assez curieux ! Du moment que les Boches les ont laissés là, c’est que leur présence ne leur était pas nuisible et même probablement, qu’elle leur servait à quelque chose. Aussi, tout me porte à considérer ces gens comme suspects, et j’ai vivement engagé la compagnie devant laquelle se trouvent ces habitations, à ramener ces indigènes dans nos lignes s’ls peuvent les cueillir. » (Belmont 1916)

 

12 décembre 1915

 

11e BCA. Pairis. « Je viens de me promener une partie de l’après-midi sous un déluge. Heureusement, nous avons à Pairis une cave spacieuse, aménagée confortablement par ces excellents officiers de territoriale qui nous accueillent ici avec une cordialité parfaite. Songez que dans cette cave, nous sommes éclairés « a giorno » par l’électricité ! A quelques centaines de mètres des Boches ; c’est admirable ! » (Belmont 1916)

 

14 décembre 1915

 

11e BCA. Pairis. « Dans notre cave, nous vivons gaiement ; la meilleure humeur règne à la table autour de laquelle se groupent toujours une dizaine de convives ; car Pairis est fréquenté par de nombreux visiteurs qui savent y trouver bon accueil. La nuit nous dormons comme des loirs dans cette vaste cave qui est décidément, un des endroits les plus exquis que j’ai connus. En somme, nous menons une vie parfaitement agréable.. » (Belmont 1916)

 

15 décembre 1915

 

11e BCA. Pairis. « Lutte d’artillerie assez vive ; beaucoup d’avions aussi qui tournent en ronronnant dans le bleu, poursuivis par les shrapnells blancs. » (Belmont 1916)

 

18 décembre 1915

 

11e BCA. « Demain soir, dans la nuit, nous dirons adieu à Pariris (…..) Nous remonterons de suite au lac Noir d’où nous repartirons après-demain pour aller cantonner à Saulxures du côté de Remiremont. » (Belmont 1916)

 

21 décembre 1915

 

11e BCA. « Aujourd’hui, c’est d’un pays nouveau pour nous que je vous écris, de Zainvillers, près de Vagney, à 12 km de Remiremont et à 18 km de Gérardmer ; c’est un petit village où on n’entend ni marmites, ni pétards, ni rien de boche. Malgré l’habitude que nous avons acquise de vivre un peu partout, hors des conditions ordinaires de l’existence à notre époque, malgré l’incontestable saveur et le pittoresque des installations improvisées en plein bois ou dans la montagne, nous éprouvons une certaine satisfaction à passer ainsi quelques jours loin de nos ennemis les Boches. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf.. A 9h, début d'une préparation d'artillerie en vue d'une offensive française. Il y a une pièce d'artillerie pour 13 m de front allemand.

Le dispositif d'attaque français est le suivant :

Au Sud face à l'Hirtzstein, la 6e Brigade de chasseurs (27e BCA, 28e BCA, 7e BCA) plus le 67e BCP qui doit prendre l'Hirtzstein en attaquant droit vers l'Est.

Au Nord face au sommet du Vieil Armand, la 81 Brigade (15e BCP, 152e RI, 5e BCP) plus le 68e BCP qui doit prendre le Rehfelsen (15e BCP) et progresser le long des deux cuisses avec 2 Bataillons en tête et 1 en réserve (152e RI) et un flanc garde à gauche (5e BCP)

A 14h15 début de l'attaque française.

A droite, à la nuit tombée, le 28e BCA a atteint et dépassé l'Hirtzstein.

Au centre le 15e BCP progresse légèrement en direction du Rehfelsen mais ne peut le prendre.

152e RI. Le 1er Bataillon progresse sur la cuisse droite, le 2e Bataillon progresse sur la cuisse gauche.

Le 1er Bataillon prend les deux premières lignes mais enregistre des pertes importantes.

Le 2e Bataillon atteint le Bischofshut.

Le 3e Bataillon progresse dans l'intervalle laissé par les 2 premiers bataillons mais perd son chef blessé dès le début du combat. Il est ralenti par des tirs de mitrailleuses qui seront réduits par le 1er Bataillon.

Peu après les 1er et 3e bataillons font leur jonction, le 2e bataillon atteignant ses objectifs un peu plus tard.

Mais le 152e ignore qu'il n'a plus en face de lui qu'un petit contingent d'environ 80 soldats allemands en état de se battre.

A gauche le 5e BCP s'empare du Doppelkopf et va assurer la liaison avec le 2e Bataillon du 152e RI. En fin de journée le succès est éclatant avec en particulier la capture d'environ 1400 prisonniers.

Mais les Allemands ne restent pas inactifs et dès le début de l'attaque française font venir des renforts (1 bataillon de Chasseurs) qui sont sur zone en début d'après-midi et se déploient sur la 3e ligne de défense.

En fin de journée la situation est la suivante. « Les Français sont partout victorieux, mais ils ne reçoivent pour ainsi dire ni renfort, ni ravitaillement, ni recomplètement significatif en munitions, grenades et explosifs. De leur côté les Allemands ont été partout battus. Leur effondrement est même possible, mais les renforts affluent. » (Guelton in 14-18 n°34)

 

22 décembre 1915

 

11e BCA. « Le village qui nous héberge (Zainvillers) est morne ; on ne rencontre presque jamais personne au dehors. Les femmes, occupées aux travaux d’intérieurs, sortent peu, les hommes sont presque tous à la guerre ; seuls, les enfants animent un peu les rues quand ils passent en ondes bruyantes au retour de l’école. Les chasseurs qui cantonnent ici pour la première fois, ont été l’objet d’un intérêt immense pour cette jeune France. » (Belmont 1916)

 

Hartmannswillerkopf.. A partir de 5h30, contre-attaque allemande qui a détecté un vide entre le Bastion et le Rocher cardinal (droite du 1er Bataillon du 15-2).

Cette attaque prend à revers 3 compagnies du 15-2 (6e, 7e, 8e) qui sont battues . Le vide s’agrandit et les Français n'ont plus assez de réserves pour le combler, alors que les Allemands concentrent sur ce secteur leurs réserves qui arrivent.

Attaqué de toute part, vers midi, le 15-2 cesse d'exister en tant qu'unité combattante. (Guelton in 14-18 n°34)

 

24 décembre 1915

 

11e BCA. Moosch. « Avant-hier, alors que nous commencions à nous installer à Zainvillers,, nous avons reçu l’ordre de nous tenir prêts à partir dans la soirée. Un peu après 8 heures, des auto-camions nous enlevaient et nous transportaient jusqu’à Cornimont où nous sommes arrivés à 10 heures, sous une pluie battante et dans une boue impitoyable d’eau et de neige fondante. Après une nuit de repos à Cornimont, nous sommes repartis hier après-midi pour venir dans ce petit village alsacien de Moosch, dans la vallée de la Thur.

Nous n’avons pas d’ordre pour aujourd’hui, mais tout nous porte à croire que nous ne resterons pas longtemps à Moosch. Beaucoup de monde, beaucoup de mouvement dans ce petit pays où tous les habitants sont demeurés , où s’entre-croisent, dans des giclements de boue, les fourgons de ravitaillement, les camions pleins d’obus, les voitures civiles, les troupes de toutes armes et de toutes tenues. Il y a du travail du côté de l’Hartmannswillerkopf depuis quelques jours. Hier soir le ciel était illuminé d’éclairs de canons de ce côté d’où venait un sourd grondement. » (Belmont 1916)

 

25 décembre 1915

 

11e BCA. « Journée de Noël peu banale ! Partis par alerte hier soir de Moosch, nous avons marché toute la nuit par des routes fangeuses, pour arriver à 4 heures du matin dans les sapins sur les pentes est du Vieil-Armand, où nous nous sommes casés, tant bien que mal, dans des trous et des abris qui n’ont rien de fastueux. Comme tout le monde était fatigué, on s’est étendu sur les couches qu’on a trouvés pour dormir en attendant.

Les marmites n’ont à peu près cessé de tonner toute la nuit. Ce matin, le vacarme a augmenté, de tous côtés c’est un concert ininterrompu de canons. Ca tape dur vers le sud, du côté de la plaine d’Alsace, on entend un formidable grondement. Comme disent les troupiers : ça barde !

Cette nuit, en contournant les pentes de l’Hartman, nous avons eu le spectacle des lumières de Mulhouse papillonnantes dans la grande plaine ; et plus loin, les alignements lumineux des quais de Bâle. Quel spectacle impressionnant !

Ma compagnie, détachée du reste du bataillon, est ici prête à renforcer la ligne au cas où les Boches menaceraient de tourner les positions conquises par le 28e Bataillon, sur les pentes de l’Hartman. » (Belmont 1916)

 

26 décembre 1915

 

11e BCA. « Nous sommes toujours au même endroit, dans les sapins d’un petit vallon, au sud de l’Hartmann. Les abris que nous occupons, et qui, à vrai dire, méritent à peine cette appellation, sont envahis par l’eau et l’humidité et ont, en outre, l’inestimable avantage d’être très recherchés par les marmites boches. (…..)

Le temps abominable a entravé les opérations commencées le 21 décembre. Hier et aujourd’hui, canonnades violentes. Hier dans l’après-midi, peu s’en est fallu que nous encaissions un bel obus de 130 (article sérieux). Nous étions trois officiers de la compagnie et moi, dans un abri vaguement blindé, en attendant la fin du bombardement qui rendait la circulation à l’air libre tout au moins pittoresque. Deux marmites, coup sur coup, sont venues tomber à quelques mètres de l’abri ; quelques minutes après, une troisième a frappé le bord de l’abri, qui a fléchi sans s’obstruer ; nous avons été fortement secoués et complètement abrutis pendant quelques secondes dans une atmosphère de fumées âcres. Heureusement personne n’avait de mal, et nous avons été quittes tous les quatre pour une bonne commotion sans importance et des bourdonnements d’oreille qui ont disparu peu à peu. Nous avons sauté dans un abri voisin, et le bombardement s’est calmé ou déplacé dans la soirée. Nous l’avons échappé belle pour le jour de Noël.

Ce matin, les marmites ont été moins précipitées. La journée n’est pas finie ! Les communiqués ont dû vous apprendre qu’on avait fait une forte avance sur les pentes nord et est de l’Hartmann. Préparée par une formidable artillerie, l’attaque a été, paraît-il, menée avec un entrain admirable par plusieurs corps. Un régiment vosgien de glorieuse réputation (le 152e) a gagné très vite beaucoup de terrain. Malheureusement, insuffisamment soutenu, très avancé par rapport aux troupes voisines, il a été tourné le lendemain. (Plusieurs lignes censurées)

Quand au 28e chasseurs, dont l’attaque a enthousiasmé tous les témoins, il a enlevé en quelques minutes et avec des pertes presque insignifiantes une forte position, la roche de Hirtzstein, en y faisant 150 prisonniers. Jusqu’ici il a tout gardé, malgré une contre-attaque poussée avant-hier par les Boches. Ceux-ci se contentent en ce moment de bombarder fortement, avec des pièces de gros calibre, les premières lignes, les deuxièmes et les boyaux d’accès : c’est ce qui nous a valu d’être ainsi malmenés depuis que nous sommes ici. (….)

Cela manquait au 11e de n’avoir pas connu le Vieil-Armand. Maintenant nous y sommes. » (Ce sont les derniers mots adressés par le capitaine Belmont à ses parents). (Belmont 1916)

 

28 décembre 1915 

 

Hartmannswillerkopf. Le général SERRET est grièvement blessé dans le ravin du Faux Sihl. (Guelton in 14-18 n°34)

 

11e BCA. à 4 heures du matin, dans les environs du Hirtzenstein, sous le Hartmannswillerkopf Ferdinand Belmont est blessé au cours d'un violent bombardement, par un éclat d'obus qui lui sectionne le bras droit un peu au-dessus du coude. Il meurt en fin de journée, des suites de l'hémorragie, à Moosch dans la vallée de Thann. Il était titulaire de la croix de guerre 14-18 avec trois palmes.

Lettre du Lieutenant Verdant aux parents du capitaine Belmont. « C’et avec un profond respect et le coeur bien serré que j’accomplis la tâche pénible dont m’a chargé monsieur votre fils, Ferdinand Belmont, mon capitaine.

Au combat du 28 décembre dernier, à 4 heures du matin, pris sous un violent bombardement, monsieur votre fils, avec quelques agents de liaison et moi, était blotti sous un abri quand un méchant obus vint frapper le bras droit de mon malheureux capitaine.

De suite, avec un courage digne de tout éloge, il s’est vu frappé mortellement. Son bras était presque sectionné au-dessus du coude.

Alors, avec un sang froid admirable, il m’a chargé de la pénible mission de vous prévenir du nouveau malheur qui allait encore frapper ses chers parents, déjà tant éprouvés par la guerre.

Il m’a chargé de vous dire, monsieur, que sa dernière pensée était pour ses parents, qu’il regrettait le chagrin que sa mort allait leur causer, mais qu’il était heureux d’avoir accompli sont devoir jusqu’au bout.

C’était un brave et loyal garçon, bien aimé de ses chefs et surtout de ses subordonnés. Les officiers et les hommes de sa compagnie avaient pour lui une véritable vénération. Pour sa compagnie et pour moi, à qui il en a passé le commandement, c’est une perte irréparable. » (Belmont 1916)

 

Date de création : 11 septembre 2023

2e modification : 26 décembre 2023



01/11/2023
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