Histoire du Christianisme. 2e partie. L'Eglise souffrante et militante.

2e partie. L’Eglise souffrante et militante.

 

Chapitre I. Les Chrétiens et l’empire romain. Claude Lepelley.

 

Durant les 250 premières années, persécutions des Chrétiens par Rome, mais elles ne furent ni permanentes ni universelles. Elles ne deviennent générales qu’à partir du milieu du IIIe siècle. Pour quelles raisons ?

 

I. Aux origines du conflit : les chrétiens et Rome au Ier siècle.

 

1). Saint Paul et le recours à Rome.

 

Vers 115 commentaires de Tacite sur les Chrétiens :

  • « Détestés à cause de leurs abominations. »

  • « Animés par la haine du genre humain. »

  • « Dignes des pires supplices. »

 

« Ainsi, peu de temps après sa naissance, la religion chrétienne inspirait ce jugement violent et féroce à un historien qui était un bon interprète des opinions du monde sénatorial, donc du milieu dirigeant de l’Empire. »

 

Pour sa part, Suétone dans sa « Vie de Néron » estime que la persécution des chrétiens fut une des rares bonnes mesures prise par lui.

 

58 Arrestation de Saint-Paul à Jérusalem.

 

60 Invoque ses privilèges de citoyen pour avoir le droit d’être jugé à Rome par le tribunal impérial. « Bien peu de temps avant la persécution de 64, Saint Paul estimait donc que le pouvoir impérial pouvait être un arbitre impartial et bienveillant dans un conflit avec les autorités religieuses juives (…) Il considérait donc que l’empire romain était un État de droit, supposé, juste (alors que pourtant l’empereur était Néron), et il ne suggérait aucunement que les autorités romaines puissent être à priori mal disposées envers les Chrétiens. »

 

« En préconisant une soumission totale, Paul voulait éviter tout conflit avec l’autorité , conflit qui aurait risqué d’attirer de graves périls sur des communautés bien vulnérables. Surtout, il voulait dissuader les chrétiens de prendre, si peu que ce fût, parti pour les Zélotes juifs, qui entretenaient en Palestine une agitation anti romaine croissante, et dont la frange extrémiste, les sicaires, allait pratiquer un terrorisme qui aboutirait à l’explosion de 66. »

 

A cette époque pas de distinction entre juif et chrétien par les autorités romaines.

 

2). La persécution de Néron.

 

Le grand incendie de 64 à Rome ravage des quartiers entiers et l’opinion cherche des responsables pour ce qui semble être accidentel. Néron est accusé . Il cherche des coupables et désigne les chrétiens.

 

« Le martyre des apôtres Pierre et Paul, advenu à la même époque, est à exclure semble-t-il, de ce massacre collectif. »

 

« Selon Tacite, les chrétiens de Rome avaient été condamnés sous l’inculpation fausse (Tacite le reconnaît lui même) du crime d’incendie volontaire et non pour leurs convictions religieuses. La chancellerie impériale, les préfectures du prétoire et de la ville, possédaient désormais « un dossier sur cette secte obscure, dont l’instruction du procès de Saint Paul avait révélé la séparation d’avec le judaïsme. (…..) Ce fut à partir de cette date (64) que l’autorité romaine considéra le christianisme, de plus en plus distingué de la religion juive, comme un culte illicite dont la pratique était condamnable, même en l’absence d’accusation d’incendie ou de quelque autre crime de droit commun. »

 

3). La naissance de l’antichristianisme.

 

La première épître de Pierre indique clairement qu’une hostilité croissante envers les chrétiens se développe dans l’Empire. Elle est envoyée aux communautés d’Asie mineure.

 

« Ces communautés d’Orient étaient donc confrontées à un entourage malveillant et violent qui les accusait de crimes de droit commun. Si l’Epitre est réellement due à Pierre ou à son entourage, elle est antérieure à 64, elle manifeste la précocité d’une telle haine. »

 

« On peut donc constater qu’à partir des années 60, les communautés chrétiennes ont eu à faire face à l’agressivité de l’opinion publique et, probablement, à une condamnation formulée par les juristes de la chancellerie impériale. »

 

4). L’attitude des autorités romaines face aux affaires religieuses.

 

L’Etat romain passait pour un État tolérant en matière de religion, mais on constate que les chrétiens en étaient exclus.

 

« Pour tenter d’en comprendre la raison et avant d’examiner le cas spécifique de la nouvelle croyance, il est nécessaire de prendre en compte la politique globale de Rome à l’égard des diverses manifestations de la vie religieuse. »

 

Présence dans l’Empire de très nombreux dieux, cultes, rites qui étaient acceptés par l’autorité romaine.

 

« Toutefois cette multiplicité n’était pas fondée sur l’idée de tolérance (…) La multitude des cultes correspondait donc à la multitude des cités et des peuples qui constituaient l’Empire. L’attitude de Rome face aux religions des peuples était très bienveillante (…) Il convenait d’honorer selon les rites ancestraux tous les dieux des peuples de l’empire, pour que ces dieux fussent favorables à Rome : toute impiété à leur égard aurait été préjudiciable aux intérêts de la cité dominante. »

 

Mais des limites à cette tolérance. Elle ne devait pas nuire à l’ordre public, et l’hommage public aux dieux de Rome était obligatoire pour tous les citoyens, le culte des dieux civiques étant le premier devoir.

 

« On ne se convertissait pas à la religion romaine, on naissait fidèle en naissant citoyen ou on le devenait en recevant la citoyenneté. »

 

« Chacun était persuadé que le salut et la prospérité de la cité étaient intimement liés au bon accomplissement des rites du culte public : tout manquement était donc une impiété qui risquait d’attirer sur la cité des calamités en rompant la « paix des dieux », soit l’accord entre la divinité et la communauté humaine garanti par le strict accomplissement des rites. »

 

En conséquence un refus explicite des cultes publics de Rome ne pouvait que faire scandale.

 

« A Rome les conquêtes avaient évidemment favorisé des influences extérieures multiples qui furent longtemps strictement contrôlées. Des prêtres appelés « decemvirs »chargés des choses sacrées autorisaient après examen l’adoption de cultes et de rites nouveaux. »

 

« Un culte nouveau et inconnu, surtout s’il se célébrait en secret entre initiés, était suspect de déchaîner des forces divines obscures et redoutables qui pouvaient menacer toute la cité, d’où la redoutable accusation de magie, qui révélait une crainte comparable à l’obsession de la sorcellerie qui devait affecter bien plus tard la chrétienté occidentale. »

 

« Les cérémonies du culte impérial, en particulier celle qui rassemblait une fois par an les délégués des cités dans les capitales provinciales envers Rome et l’empereur, leur allégeance envers un ordre romain sacralisé. Inciter ouvertement à s’en tenir éloigné, comme le faisaient les chrétiens, devait à coup sûr être vu comme la preuve d’intentions politiques subversives. »

 

5). Une exception : le judaïsme.

 

« Un seul peuple, celui des Juifs, observait un strict exclusivisme, le culte du dieu unique. Pour un juif, toute participation à un acte quelconque du culte païen, sacrifice, prière, serment, invoquant une divinité, équivalait à un reniement de sa foi et de sa loi, à une trahison envers son peuple : le dieu unique n’admettait nul partage (…) La loi obligeait ses fidèles à de multiples pratiques, circoncision, observance du sabbat, préceptes alimentaires etc… qui isolaient les Juifs du reste de la population dans le déroulement de la vie quotidienne (…) Il ne pouvait être question de participer au culte des dieux romains et des dieux des cités, ni au culte impérial. Pourtant l’autorité romaine accepta ce particularisme radical. Les Juifs avaient favorisé la diplomatie romaine en Orient à l’époque de la conquête, et des traités avaient été conclus. »

 

Les Églises chrétiennes désiraient bénéficier du même statut, mais cet espoir fut déçu. « En effet aux yeux des Romains, le judaïsme était la religion d’un peuple particulier (…) La très grande originalité des pratiques juives pouvait surprendre et même choquer, mais leur ancienneté leur conférait une légitimité (…) Les chrétiens ne pouvaient prétendre à une telle légitimité : groupe tout récent, ils se recrutaient parmi des Juifs ou des païens qui abandonnaient les cultes de leurs ancêtres ; pour leurs contemporains païens, en trahissant leurs dieux, ils trahissaient aussi leur cité ou leur peuple. »

 

6). Les conséquences du schisme entre l’Eglise et la Synagogue.

 

Hiver 57-58. Rédaction à Corinthe par Saint-Paul de sa lettre aux Romains. Dans ce texte il exprime sa doctrine. « Le Salut selon lui, était accordé par la foi en Jésus Christ et la grâce divine, non par les Oeuvres, c’est-à-dire les préceptes de la Loi mosaïque que les convertis venus du paganisme n’étaient pas tenus d’observer. Cette doctrine paulinienne, qui devait s’imposer à la grande majorité des Églises durant la génération suivante allait susciter un schisme avec la Synagogue, et donc attirer sur l’Eglise la menace de ne plus bénéficier des privilèges reconnus aux Juifs par Rome. Dans les années qui suivirent la destruction du Temple en 70, ce schisme s’affirma. »

 

« Pour les rabbins qui réussirent dans les vingt dernières années du Ier siècle à reconstituer le judaïsme (…) Le christianisme n’était qu’une secte hérétique dont les membres n’avaient aucun droit à se dire juifs. Ceux qui souffrirent le plus de cette condamnation furent les judéo-chrétiens de Palestine qui voulaient garder la double fidélité (…) Toutefois ces judéo-chrétiens devenaient des marginaux très minoritaires recrutant désormais ses adeptes parmi les païens. »

 

« Un anti judaïsme chrétien parfois virulent commença à répondre aux anathèmes rabbiniques contre les « nazaréens ». Il serait toutefois très excessif d’imputer aux Juifs (…) La responsabilité des persécutions des chrétiens par l’Etat romain (…) Les autorités religieuses juives attirèrent effectivement l’attention du pouvoir romain sur le fait que les chrétiens étaient désormais séparés de leur communauté et ce dès le procès de Saint-Paul à Césarée et à Rome. Imaginer que ce furent les Juifs, qui, par la suite, poussèrent les autorités romaines à sévir contre les chrétiens est une erreur et pour une raison simple : jusque vers 140, les rapports entre les Juifs et les Romains furent le plus souvent exécrables. »

 

« Désormais le christianisme était vu comme une religion particulière. »

 

« Depuis Saint-Paul, les chrétiens recrutaient de plus en plus les nouveaux adeptes de leur foi parmi les païens et, soucieux d’annoncer à tous les peuples la Bonne Nouvelle, ils déployaient ouvertement une action missionnaire intense. Ils incitaient donc leurs prosélytes à abandonner le culte de leurs dieux ancestraux et à s’abstenir du culte impérial, ce qui, dès la fin du Ier siècle, faisait scandale et suscitait à leur rencontre une hostilité lourde de menace. »

 

II. Les persécutions au IIe siècle.

 

1). Les modalités juridiques : la législation par rescrits.

 

La province de Pont-Bithynie s’étendait le long de la mer de Marmara et de la mer Noire.

 

111-112. Le gouverneur Pline le Jeune doit juger des chrétiens qui ont été dénoncés. Après enquête, il est surpris par le nombre important de chrétiens . Hésitant sur la conduite à tenir, il écrit à l’empereur Trajan pour rendre compte et demander des ordres.

 

« Un point restait obscur à ses yeux : Poursuivait-on les chrétiens pour des crimes précis qu’impliquerait la profession de leur religion, ou pour le seul non de chrétien, soit le délit religieux lui-même, en l’absence de crimes de droit commun avérés ? »

 

Après enquête les pratiques religieuses découvertes étaient irréprochables :

  • Veillées nocturnes avec chants « d’hymnes au christ comme à un dieu. »

  • Repas commun à l’aube ou la nourriture était « ordinaire et innocente. »

  • Ils s’engageaient par serment à ne commettre aucune mauvaise action.

 

Mais Pline le Jeune voyait les chrétiens et leurs croyances comme « une superstition déraisonnable et sans mesure. » Il avait en particulier été énervé par leur refus de sacrifier à l’image de Trajan et aux statues des Dieux.

 

Pline avait fait exécuter ceux qui refusaient d’abjurer, sauf les citoyens romains qu’il avait fait conduire à Rome pour y être jugés.

 

« Même si Pline, ici, exagérait quelque peu, on doit constater que ces terres d’Anatolie, qui furent le champ privilégié de la prédication apostolique, étaient le lieu où les chrétiens étaient alors les plus nombreux (…) Sa perplexité prouvait qu’il n’existait pas de loi précise sur la question, mais une simple coutume fondée sur la jurisprudence. »

 

La réponse de Trajan approuve la procédure suivie par Pline. Il estime par ailleurs « qu’on ne doit pas poursuivre d’office les chrétiens ; en conséquence, l’autorité publique n’a pas à les rechercher, et seuls doivent être jugés ceux qui sont traduits par des accusateurs individuels devant le tribunal du gouverneur. Mais aucune dénonciation anonyme ne doit être retenue. Ceux qui accepteront de renier le christianisme et de sacrifier aux dieux seront relaxés ; ceux qui s’obstineront seront condamnés à mort. »

 

« Ce rescrit déterminera l’attitude de l’autorité impériale à l’égard des chrétiens pendant 140 ans. »

 

Vers 125 Hadrien produit un deuxième rescrit. Il prescrivait au proconsul Minucius Fundanus en Asie de « veiller à ce que les dénonciations de chrétiens ne fussent pas des prétextes à une agitation populaire et à des calomnies. Les habitants de la province qui voulaient engager une action contre les chrétiens devaient le faire ouvertement, devant le proconsul lui-même. Ce rescrit protégeait les chrétiens d’actions violentes (….) puisqu’il considérait qu’une action en bonne forme était recevable. »

 

« Ces mesures manifestaient assurément le désir de l’autorité impériale de ne pas ensanglanter l’empire par une persécution systématique (…) Toutefois, il ne faut pas voir là une marque quelconque de bienveillance envers les chrétiens. »

 

« Les chrétiens dénoncés selon les règles et refusant d’abjurer devaient être condamnés à mort. Pour Trajan et Pline, ils devaient servir d’exemple et leur sort devait dissuader les habitants de l’empire d’adhérer à la nouvelle religion. »

 

« Un chrétien, une communauté locale pouvaient fort bien, sous les empereurs Antonins du IIe siècle, vivre paisiblement sans être inquiétés pour leurs convictions. Pourtant, la menace de la persécution était toujours présente (….) Seuls les gouverneurs provinciaux étaient juges en la matière. »

 

Le danger pour les chrétiens pouvait donc venir de la présence d’un gouverneur particulièrement hostile.

 

« L’absence d’une mesure générale antichrétienne, de loi proscrivant le christianisme, ne doit pas surprendre (…) Le principe évoqué par Tertullien, non lice esse christianos « les chrétiens n’ont pas le droit d’exister », était une simple application à un groupe déterminé de personnes des vieilles lois républicaines concernant l’interdiction des religions troublant l’ordre public. »

 

« La persécution n’était fondée que sur la procédure spécifique instituée par Trajan, qui ordonnait une répression limitée mais effective, dont la base juridique était une application au christianisme des lois républicaines contre les cultes prohibés parce que jugés dangereux pour l’ordre public. »

 

2). Les motifs religieux de l’hostilité contre les Chrétiens.

 

« Si personne n’accusa les chrétiens de s’être rendus complices des révoltes juives, ils n’en furent pas moins condamnés comme éléments pernicieux pour l’ordre romain. »

 

« L’histoire des rapports des Juifs et des Romains aux Ier et IIe siècles est profondément paradoxale, car un apaisement et l’établissement d’un modus vivendi succéda à trois conflits d’une violence extrême. »

 

  • 66-70. Qui se termine par la prise de Jérusalem par Titus.

 

  • 115-117. Guerre civile entre Juifs et Grecs en Egypte, Chypre et Cyrénaïque noyée dans le sang par l’armée romaine.

 

  • 132-135. Avec pour conséquence une exclusion des Juifs de la Judée et une dispersion dans tout l’empire.

 

« A partir du règne d’Antonin le Pieux (138-161), les Juifs ne se révoltèrent plus, et on peut constater que des relations satisfaisantes s’établirent entre l’Empire et leurs communautés dispersées (…) Ils gardèrent les privilèges jadis accordés par Jules César et Auguste : le droit de vivre selon leurs usages, le libre exercice du culte synagogue et la dispense légale de toute participation aux cultes païens, les prières pour l’empereur à la synagogue tenant lieu de culte civique. »

 

« Les apologistes chrétiens pouvaient aisément attester que les fidèles de Jésus n’avaient livré aucune guerre à l’Etat romain, qu’ils étaient des sujets soumis et loyaux (…) Ils ne demandaient rien d’autre que de bénéficier d’un statut identique aux Juifs. »

 

« Cette assimilation au statut des Juifs leur fut pourtant catégoriquement refusée, car ils ne constituaient pas un peuple particulier. Les Juifs étaient l’un des peuples de l’empire et, malgré leur grande singularité, il était légitime, du point de vue romain, qu’ils adorent leur dieu national et qu’ils restent fidèles à des traditions que leur ancienneté rendait vénérables. »

 

« Les chrétiens se recrutaient dans toutes les nations, dans toutes les cités (…) Leur religion nouvelle ne possédait pas ce caractère vénérable que conférait l’ancienneté aux yeux des Romains (…) L’adhésion à l’Evangile était donc le fruit d’une décision personnelle, d’un choix individuel, qui impliquait de rompre tous les autres cultes, donc avec la cité ou le peuple qui les pratiquaient (….) Ils ne pouvaient donc pas constituer « une troisième race », une troisième sorte d’hommes (tertium genus), distincte des deux premières, les païens et les Juifs, comme ils le demandaient. »

 

La condamnation du christianisme se fondait avant tout sur des motifs religieux, leur reprochant un crime de « lèse-religion romaine. »

 

« Le prosélytisme chrétien paraissait donc saper les fondements mêmes des traditions religieuses de Rome et des diverses cités. »

 

3). Les motifs politiques de la condamnation du christianisme.

 

« Vers 112, Pline le Jeune considérait comme normal de condamner à mort des personnes accusées de christianisme et refusant d’abjurer. Or, ni lui, ni l’empereur Trajan qui approuva ses décisions, n’étaient des païens fanatiques ou des gouvernants sanguinaires. »

 

« Il importe de bien prendre en compte les aspects politiques de la question, surtout si l’on considère que, pour les Anciens on ne pouvait dissocier religion et politique. La religion romaine, en effet, constituait pour l’Empire un élément essentiel d’unification et de cohésion morale, et ceux qui la refusaient étaient considérés comme des opposants potentiels. »

 

« Davantage encore que l’hommage aux dieux de Rome, le culte impérial apparaissait comme un gage de loyalisme, une manifestation d’unité rassemblant les peuples disparates qui constituaient l’empire dans un hommage commun à la majesté impériale divinisée. Refuser cet hommage impliquait évidemment de s’exposer au grave soupçon d’intention subversive. »

 

4). La haine populaire.

 

Dans le peuple augmentation de l’hostilité à cause du développement de rumeurs injurieuses (en particulier repas anthropophagique). « Il s’agit évidemment d’une vision aberrante du rite eucharistique, le partage du pain et du vin, corps et sang du christ. Le secret dont la primitive Eglise entourait l’eucharistie avait pu favoriser l’apparition de cette atroce calomnie. Le culte chrétien avait lieu dans des maisons privées, la nuit du samedi au dimanche. Les fidèles s’appelaient frères et soeurs et ils échangeaient le baiser de paix. Ce fut l’origine des calomnies décrivant ce culte comme une orgie collective accompagnée d’inceste. »

 

Autre rumeur difficile à expliquer. L’adoration d’une tête d’âne ou d’un dieu à tête d’âne (calomnie qui avait déjà frappée les Juifs).

 

« Les chrétiens étaient donc en butte à la haine populaire, et les accusateurs qui les traînaient devant les tribunaux des gouverneurs provinciaux ne manquèrent pas. (…) Pourquoi cette haine à l’encontre de gens paisibles et inoffensifs ? La raison était d’abord l’isolement dans lequel leur foi faisait vivre les chrétiens. Ils refusaient tout contact avec le paganisme ; or celui-ci imprégnait toute la vie quotidienne. Ils furent donc amenés à se tenir à l’écart de leurs voisins, non seulement lors des cérémonies religieuses officielles, mais lors des fêtes et réjouissances collectives : le théâtre (…) les spectacles sanglants (…), les banquets publics, (…) » Par ailleurs, la vie politique des cités était marqué par des sacrifices, ce qui obligeait les chrétiens à rester à l’écart de la vie de leur cité. (…) « Or il était pour la plupart des gens évident qu’une telle impiété risquait de susciter la colère des dieux, et donc d’amener des calamités sur toute la collectivité. »

 

« Tout rituel secret et inhabituel était suspect de pouvoir déchaîner des forces surnaturelles obscures et dangereuses. Le contrôle strict des cultes étrangers dans la vieille religion romaine avait notamment pour but d’empêcher ces influences sacrées maléfiques de menacer la cité. (…). Aux yeux de la multitude, le grand tort des chrétiens était de s’isoler et de se vouloir autres : c’est une tendance habituelle que de haïr ce qui est différent de soi et, dans une collectivité, ceux qui se mettent à l’écart. Les chrétiens eurent à cette époque le rôle peu enviable de boucs émissaires.

 

5). Les martyrs de Trajan à Commode (98 - 192)

 

« les martyrs authentiques ont été assurément plus nombreux que ne le laisserait supposer la seule liste de ceux, qui sont connus par des sources chrétiennes sûres. Tacite dit que les victimes chrétiennes de Néron à Rome furent nombreuses, or aucune n’est connue par son nom, sauf bien sûr les apôtres Pierre et Paul. Le philosophe stoïcien Epictète résida à Nicopolis en Epire (….) Il y mourut très âgé vers 140. Il fut témoin d’exécutions de chrétiens (…) Or on ignore tout de ces martyrs (….) on ne connaît de ceux qui furent mis à mort sur l’ordre de Pline le Jeune en Pont-Bithynie que ce que nous en dit l’écrivain. »

 

« Les sources chrétiennes ont gardé la mémoire de deux martyrs célèbres exécutés sous Trajan. »

 

  • Le vieil évêque Syméon de Jérusalem, crucifié après avoir été dénoncé par des « hérétiques ». Son procès est donc lié à des conflits internes de l’Eglise de Jérusalem.

 

  • Saint-Ignace condamné à l’exposition aux bêtes. Pour cela il fut transféré à Rome où son supplice devait faire partie du programme des jeux.

 

Sous le règne d’Hadrien (117-138), aucune victime n’est attestée, sauf peut-être à la fin de son règne ou au début du règne d’Antonin le Pieux (138-161). Sous ce règne des martyrs mais peu nombreux

 

155-156. Martyr de Saint-Polycarpe de Smyrne. «Très âgé et très vénéré, disciple de l’apôtre Jean dans sa jeunesse, Polycarpe apparaissait comme une figure tutélaire des chrétiens d’Asie Mineure (….) L’autorité avait sévi à la suite d’un violent mouvement populaire antichrétien. Un groupe de chrétiens fut arrêté, torturé et condamné à l’exposition aux bêtes. »

Saint-Polycarpe est finalement condamné à être brûlé vif, mais son supplice est abrégé d’un coup de poignard. Son corps est brûlé mais les chrétiens recueillent ses cendres. « C’est le plus ancien témoignage sur le culte des reliques. »

 

« L’empereur Marc Aurèle (161-180) a laissé le souvenir d’un souverain idéal. Sa haute moralité était liée à son adhésion sans réserve à la philosophie stoïcienne. (….) Pourtant, la persécution des chrétiens s’aggrava sous son règne. (…) Il ne fit rien pour réfréner le déchaînement de la haine antichrétienne en Orient. l’accroissement du nombre des conversions rendait les Eglises plus visibles et leurs ennemis plus virulents. Surtout une succession de malheurs publics amena la population à en imputer la responsabilité aux chrétiens. »

 

  • A partir de 166, les Germains menacent la frontière danubienne et ils purent même envahir les Balkans et la région d’Aquilée en Italie du Nord.

 

  • A partir de 169, une épidémie ravage l’empire.

 

  • Années 170 : Une usurpation en Orient, une famine, une inondation du Tibre.

 

« Pour les responsables de l’administration des provinces, il pouvait en effet paraître opportun de céder à la fureur populaire pour calmer la foule excitée contre les chrétiens. »

 

De nombreux auteurs païens attaquent le christianisme avec force : Lucien de Samosate (en Orient), le rhéteur Fronton (précepteur de Marc Aurèle), l’Alexandrin Celse (vers 180).

 

A cela il faut ajouter le développement de la secte montaniste qui développait un « christianisme exalté et frénétique, et dont les adeptes cherchaient à tout prix le martyre en provoquant les autorités. »

 

Il y eut des martyrs :

 

  • En Grèce : l’évêque d’Athènes Publius.

 

  • En Asie Mineure : Pionus à Smyrne, Carpos et ses compagnons à Pergame.

 

  • A Rome : le philosophe et apologiste Justin condamné avec un groupe d’autres chrétiens (v 163-167)

 

  • A Lyon en 177. « Au début du mois d’août, les délégués des cités des Trois Gaules réunis pour la tenue du conseil interprovincial devaient célébrer près de Lyon, au sanctuaire fédéral de Condate, sur la colline de la Croix Rousse, un sacrifice solennel à Rome et à Auguste. Les chrétiens de Lyon et de Vienne étaient en majorité d’origine orientale et hellénophones, et il est probable que cette origine étrangère ait été l’une des causes de la haine dont ils furent victimes. Ils furent d’abord exclus de tous les lieux publics, tels les thermes ou le forum ; quelque temps avant la fête, ils furent pris à partie par la foule qui les maltraita, et le tribun de la cohorte urbaine stationnée à Lyon fit emprisonner une cinquantaine d’entre eux . (….) le légat de la Gaule lyonnaise (…) mena le procès avec la plus grande dureté, recourant sans mesure à la torture. Certains esclaves païens des chrétiens accusés déclarèrent, par crainte de la torture que leurs maîtres se livraient à l’anthropophagie et à l’inceste. ». Les citoyens romains furent décapités et les autres livrés aux bêtes. Parmi les martyrs se trouvent l’évêque de Lyon, Saint-Pothin qui meurt en prison de mauvais traitement, le diacre viennois Sanctus, l’adolescent Ponticus et l’esclave Blandine.

 

Le fils et successeur de Marc Aurèle, Commode (180-192) « est vu par l’historiographie romaine comme un empereur incapable et brutal. Il semble pourtant avoir une attitude moins défavorable envers les chrétiens. »

 

Mais au même moment, en Afrique, martyre de 12 chrétiens de la scillium.

 

6). Le nombre des victimes.

 

« Il n’y eut donc pas de persécution systématique, ordonnée d’en haut, et les autorités impériales ne firent pas pourchasser les chrétiens. Certes, la seul appartenance à l’Eglise était vue comme un crime capital, mais seuls des procès intentés par des personnes privées pouvaient amener une condamnation de ceux qui refusaient de renier leur foi. Les chrétiens étaient donc à la merci de la malveillance de leurs voisins, laquelle n’a jamais mangé de se manifester, en particulier dans les périodes troublées. Il est impossible d’évaluer le nombre des victimes de cette persécution qui n’était ni universelle ni permanente. (….) La persécution étant restée sporadique conformément à la décision de Trajan, nous ne devons pas imaginer de grands massacres, mais il reste malgré tout certains que plusieurs milliers d’hommes et de femmes ont payé de leur vie leur attachement à l’Evngile, depuis Néron jusqu’aux premières persécutions systématiques au milieu du IIIe siècle. »

 

7). La spiritualité du martyre.

 

« Les récits authentiques de passions de martyrs chrétiens des premiers siècles qui sont parvenus jusqu’à nous sont l’expression de l’un des sommets incomparables atteints par la spiritualité chrétienne et la conscience humaine. La foi inébranlable des martyrs, leur courage dans les supplices, leur fermeté et leur douceur face à leurs ennemis forcent l’admiration. Désarmés, ils défendent leur haut idéal jusqu’au bout, face à une foule haineuse et à des juges tout-puissants. Les écrits chrétiens antiques qualifient le martyre de victoire, et c’est exact non seulement sur le plan spirituel, mais historiquement, car le courage et la foi des victimes révélaient un échec de la politique impériale cherchant à ramener les chrétiens au paganisme par la persuasion et l’intimidation. »

 

« La spiritualité du martyre, au cours de l’histoire du christianisme, est d’abord fondée sur l’exemple du Christ lui-même, condamné à la croix pour avoir refusé de renier sa royauté messianique devant le grand-prêtre et devant Ponce Pilate. Par leur confession de foi et leurs souffrances, les martyrs s’assimilent au christ et ils partagent donc sa gloire. »

 

« Pour les chrétiens qui assistaient aux procès et aux exécutions, le courage des martyrs manifestait outre leur sainteté personnelle, l’action visible de l’Esprit saint. Les Eglises célébraient la mémoire de leurs martyrs en fêtant chaque année auprès de leurs tombeaux l’anniversaire de leur mort, leur « dies natales », le « jour de leur naissance ». C’est l’origine du culte des saints. »

 

« Il est tout à fait abusif de prétendre, comme l’ont fait quelques historiens, que les martyrs (les montanistes et quelques exaltés mis à part) étaient volontaires parce qu’ils pouvaient échapper au supplice en apostasiant et en sacrifiant aux dieux païens. »

 

III. Le christianisme et l’empire sous la dynastie sévrienne et dans la première moitié du IIIe siècle.

 

1). Les mutations de l’époque sévérienne (193-235)

 

Durant cette période, on note à la fois des continuités avec l’époque antonine mais aussi de profondes mutations en cours.

 

L’empereur Septime Sévère et son épouse Julia Domna étaient d’origine africaine et asiatique (Lepcis Magna (Tripolitaine) pour lui et Emèse (Syrie) pour elle). Les grands juristes qui les conseillaient étaient souvent d’origine orientale. « L’attachement de ces nouveaux dirigeants à la religion romaine était assez formel et leur goût pour les religions orientales évident. Septime Sévère (193-211) ne manifesta pour les chrétiens ni hostilité violente, ni faveur. »

 

202. Interdiction par l’empereur du prosélytisme juif et chrétien. Cette mesure était susceptible d’aggraver leur situation.

 

Caracalla (211-217) « qui a laissé le souvenir d’un empereur brutal et incompétent, ne modifia en rien les règles de procédures appliquées aux chrétiens. On constate au début de son règne une recrudescence de la persécution en Afrique, sous le proconsulat de Publius Julius Scapula. »

 

212. Promulgation par Caracalla de la « constitution antonine » qui accordait à tous les habitants libres de l’Empire la citoyenneté romaine. « Or les considérants qui introduisent le célèbre édit sont de nature religieuse. L’empereur déclarait qu’il voulait, par cette décision, rendre grâce aux dieux de Rome, et qu’en généralisant la citoyenneté romane, il introduisait au nombre des fidèles de ces dieux tous les habitants du monde. Bien entendu, les membres des cités et des peuples de l’Empire restaient fidèles à leurs divinités ancestrales, mais leur qualité de citoyens romains les obligeait, en principe, à rendre également hommage aux dieux romains. On voit poindre ici une notion promise à un long avenir, selon laquelle l’unanimité religieuse des sujets autour de la religion du souverain est indispensable à la cohésion de l’Etat. »

 

« Il s’agissait d’une nouvelle menace pour les chrétiens, mais à long terme, car l’édit émis par l’empereur Décédé en 250, la procédure ne fut pas modifiée et la persécution ne connut aucune recrudescence. »

 

« En réalité, la politique des empereurs de ce temps révélait une profonde mutation religieuse, qui impliquait le déclin de cette religion romaine qu’exaltait encore Caracalla et, globalement, un déclin du système religieux classique (….) Les empereurs du temps et leur entourage n’étaient pas d’origine italienne, et ils étaient peu marqués par l’antique et rigide tradition sénatoriale romaine. »

 

2). Le début de la grande crise (235-250)

 

235. Assassinat de Sévère Alexandre. Il est remplacé par Maximin le Thrace, militaire d’origine humble, mais énergique, brutal et inculte qui, « conscient du très grave danger d’invasion barbare qui menaçait les frontières européennes de l’Empire, mena sur le Rhin et le Danube des campagnes victorieuses. (…) Les chrétiens qui refusaient de servir dans l’armée lui étaient suspects et il ordonna d’arrêter les chefs des communautés. (…) Un coup d’état sénatorial, faisant suite à une révolte de notables et propriétaires fonciers africains, provoqua une guerre civile ou Maximin trouva la mort en 238, et la persécution s’arrêta. »

 

« Mis à part ce bref épisode, cette période fut paisible pour les chrétiens, excepté à l’occasion d’évènements locaux qui n’étaient pas liés à la politique impériale mais à des violences populaires. »

 

  • 222. Emeute qui coute la vie au pape Calliste à Rome.

 

  • 235. Persécutions locales en Cappadoce à la suite d’un tremblement de terre.

 

  • 249. Alexandrie, pogrom contre des chrétiens.

 

« Cette conjoncture favorisait une visibilité toute nouvelle de l’Eglise : les cimetières chrétiens de Rome furent étendus et embellis. »

 

L’empereur Philippe l’Arabe (244-249) originaire de l’actuelle Jordanie, manifesta sympathie et bienveillance envers les chrétiens.

 

250. Edit de persécution émis par le nouvel empereur Dèce. « Ce revirement brutal était lié à conjoncture générale. Depuis les dernières années du règne de Caracalla, l’Empire devait faire face à un dramatique assaut de ses ennemis de l’extérieur. (….) Attaqué sur trois fronts, l’Empire devait rassembler toutes ses forces pur assurer sa survie (…). Etrangers aux traditions romaines et prônant la non-violence, les chrétiens risquaient bien entendu d’être considérés par ces généraux comme des ennemis de l’intérieur, en dépit d’une évolution des mentalités religieuses qui leur était favorable. Durant cette période de profonde mutation, la politique impériale à l’égard des chrétiens fut donc très contrastée. On doit constater que ces contradictions existent aussi à l’intérieur de l’Eglise, comme nous le révèlent les écrits des auteurs chrétiens contemporains sur le comportement proposé aux fidèles à l’égard de la cité terrestre. »

 

3). Cité céleste et cité terrestre : le point de vue des chrétiens intransigeants.

 

« Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux. » Saint-Paul Epitre aux Philippiens.

 

Dans l’apologie à Diognète (Alexandrie fin IIe), l’auteur, anonyme, déclare que les « chrétiens éprouvaient une totale indifférence à l’égard de leur cité terrestre, dans laquelle ils se considéraient comme des étrangers domiciliés. Leur seule participation à la vie de la cité (….) était le paiement de l’impôt. Une telle conception ne pouvait qu’être scandaleuse aux yeux des Grecs ou des Romains pour qui le lien entre le citoyen et sa cité était sacré et primait sur tous les autres. »

 

Dans un traité écrit vers 197, Tertullien constate « que le particularisme religieux des chrétiens les amenait à « lutter contre les institutions des ancêtres, l’autorité des traditions, les lois des maîtres du monde, les argumentations des juristes. » »

 

« L’intransigeance de Tertullien alla croissant, ce qui l’amena à partir de 207 à s’opposer aux évêques qu’il jugeait trop indulgents envers le monde, et à adhérer à la secte montaniste, qui regroupait des chrétiens intransigeants et exaltés. (….) Développant sans limites la formule paulinienne sur « la cité qui se trouve dans les cieux », il présenta l’Eglise comme une contre-cité idéale, s’opposant aux cités terrestres corrompues que les chrétiens devaient fuir. »

 

L’Alexandrin Origène « expire avec bien moins de véhémence dans son Contre Celse un point de vue comparable sur les communautés vues comme des cités idéales, contrastant avec les cités corrompues de ce monde, dont les chrétiens se tenaient à l’écart (….) Pour Origène, l’Empire romain avait été voulu par Dieu, pour assurer la paix au monde et faciliter la diffusion de l’Evangile. Il était donc légitime de défendre cet Empire providentiel contre les attaques de ses ennemis (…) Pourtant selon lui, les chrétiens ne devaient pas prendre les armes, et leur participation à la défense commune devait se limiter aux prières qu’ils adressaient à Dieu pour le salut de l’Empire. »

 

« Le raisonnement d’Origène souffrait cependant de deux faiblesses, liées à la situation de son temps. En premier lieu, on constatait au IIIe siècle une forte multiplication du nombre des chrétiens : était-il légitime que seule une armée exclusivement formée de païens leur permît de bénéficier de la paix romaine et de pratiquer tranquillement leur religion ? Qu’adviendrait-il si, un jour, tous les habitants de l’Empire devenaient chrétiens ? Pour résoudre la difficulté, Origène ne trouvait qu’une échappatoire : ce jour venu, disait-il, Dieu lui même assurerait miraculeusement la protection de l’Empire. D’autre part Origène avait écrit son Contre Celse dans les années 244-249, soit un temps où se multipliaient les attaques sur les frontières, notamment celles des Perses en Orient. Une mobilisation de toutes les forces de l’Empire pour assurer sa survie devenait donc de plus en plus nécessaire, et se fier comme par le passé, pour assurer la sécurité, à une armée de métier aux effectifs limités, devenait illusoire. D’où une question inéluctable : l’idéal chrétien de non-violence n’allait-il pas être assimilé, en particulier par les empereur militaires, à une désertion devant l’ennemi ? »

 

4). Les prodromes de la conciliation.

 

Au IIIe siècle multiplication des conversions qui concernent de pus en plus les membres des catégories sociales supérieures.

 

Dans son traité sur l’idolâtrie, Tertullien « préconise un total repli des chrétiens sur leurs communautés, pour éviter tout contact avec un monde païen abhorré (…) Si le chrétien ne pouvait obtenir une immunité, il devait « devenir magistrat, non sur la terre mais dans les cieux », en recevant la palme du martyre. » »

 

Pour sa part, à la même période, Hippolyte de Rome, disait dans « sa tradition apostolique qu’il fallait exclure du catéchuménat tout magistrat de cité qui refuserait d’abandonner sa fonction. »

 

Tout « ces auteurs préconisaient un retrait absolu du monde, du type de celui que les moines devaient pratiquer à partir du IVe siècle, mais ils voulaient l’imposer à toute la communauté chrétienne, ce qui était très irréaliste. Le fait que leurs écrits aient survécu nous fait privilégier leurs conceptions, que nous pourrions qualifier d’intégristes, mais leurs conflits avec les évêques prouvaient qu’ils étaient loin d’exprimer une opinion unanime et que beaucoup préféraient chercher des compromis. »

 

« Au IIIe siècle, dans certaines régions, comme l’Orient, l’Afrique et Rome, les chrétiens n’étaient plus une infime minorité obscure et très mal connue. Responsables de communautés nombreuses e comprenant des notables, les évêques des villes importantes devaient nécessairement mener des négociations prudentes avec les autorités, et donc réprouver les provocations d’esprits intransigeants et sectaires. »

 

« En bref, l’évolution de l’Eglise dans la première moitié du IIIe siècle, tout comme celle du pouvoir impérial, portait en germe les évènements contradictoires qui allaient advenir ensuite. Le conflit avec l’Empire perdurait, et la crise politico-militaire due aux invasions l’aggravait, ce qui devait provoquer les persécutions générales voulues par Dèce en 250 et par Valérien en 257. Parallèlement progressait la recherche d’un modus vivendi avec cet empire qu’Origine considérait comme providentiel et comme le meilleur des mondes possibles, et où beaucoup de détenteurs de l’autorité avaient cessé de voir dans les chrétiens les « ennemis du genre humain ». C’est ce processus qui devait permettre la longue phase de tolérance et d’entente instaurée par l’empereur Gallien en 260, devant durer jusqu’en 303 et connue sous le nom de « petite paix de l’Eglise ». Par-delà les grandes persécutions, cette évolution annonçait et rendait possible l’instauration, au IVe siècle, de l’empire chrétien. »

 

 

Chapitre II. Hétérodoxie et orthodoxie. Alain Le Boulluec.

 

 

 

Au début du IVe siècle, imposition de la thèse de la pureté originelle de la prédication chrétienne, assurée par la fidélité des apôtres à l’enseignement reçu directement de Jésus, et du caractère tardif des hérésies.

 

 

 

« Puisqu’il en est ainsi, il est évident que par rapport à l’Eglise, la plus ancienne et la plus vraie, ces sectes postérieures, et en outre celles qui les ont suivies dans le temps ont été des innovations de faussaires. » (Clément d’Alexandrie)

 

 

 

« Le préjugé reste fort que la doctrine ecclésiastique, telle qu’elle se dessine à la fi du IIe siècle, serait en accord avec la prédication première, tandis que les courants qualifiés alors d’hérétiques auraient dévié par rapport à la ligne authentique. »

 

 

 

En 1934, pour l’historien Walter Bauer « l’examen des sources l’a conduit à conclure qu’aux débuts du christianisme, en Syrie, en Egypte, en Asie Mineure apparaissait au premier plan ce qui devait ultérieurement passer pour hérésie, et ce qui allait plus tard être reconnu comme orthodoxie était ou bien absent, ou bien minoritaire. (…) Il a mis en garde l’historien contre la tentation de projeter sur le passé l’image d’une Eglise qui est en train d’uniformiser le christianisme au cours du IIIe siècle. Le changement de paradigme introduit par W Bauer devrait même avoir pour conséquence ultime l’abandon des concepts d’hérésie et d’orthodoxie dans l’étude des époques les plus anciennes. »

 

 

 

Par ailleurs la notion même d’hérésie, est une construction tardive. « On ne peut parler de notion « d’hérésie » qu’à partir du moment où un système de représentations se constitue autour de lui, pour condamner et exclure. Ce moment est celui ou Justin compose son « Traité contre toutes les hérésies qui se sont produites » vers 150. »

 

 

 

« La naissance de la notion « d’hérésie » coïncide avec l’affermissement d’une tendante à l’unification qui commence à conférer à une Eglise des traits singuliers au sein d’un christianisme comportant au milieu du IIe siècle trois autres courants majeurs : le marcionisme et son insistance sur la nouveauté absolue de l’Evangile, le mouvement inverse du judéo-christianisme, et le gnosticisme . »

 

 

 

« A l’époque de Justin, il y a encore des degrés d’acceptation et d’exclusion dans les communautés chrétiennes. (…) Il reste que la notion « d’hérésie », forgée pour maitriser, puis exclure les résistances et les oppositions au modèle ecclésiastique, dont cet effort même est l’une des manifestations, ne peut-être pertinente pour la connaissance du christianisme ni à une époque où elle était encore ignorée, ni en des temps où elle n’était pas suffisamment implantée dans les consciences pour être un moyen de définition. »

 

 

 

« Eviter de parler « d’orthodoxie » à propos des débuts du christianisme ne revient pas, au demeurant, à nier l’instauration de règles. (…). La régulation est inhérente à la constitution de toute communauté religieuse, à son identité, et elle se manifeste de maintes manières chez les chrétiens des premiers siècles. L’erreur serait de généraliser ou d’affecter d’une priorité irréductible telle forme particulière de régulation et d’y voir l’anticipation des normes qui ont caractérisé plus tard le type ecclésiastique. »

 

 

 

« En renonçant au terme « hérésie », on se garde donc de répéter le geste d’exclusion accompli au IIe siècle et l’on se donne les moyens de percevoir la diversité des identités chrétiennes de l’antiquité, leurs relations mutuelles, et leur insertion dans le monde ambiant. »

 

 

 

A / Courants judéo-chrétiens. Luigi Cirillo.

 

 

 

1). L’origine juive de la période du second temple et l’origine de la question judéo-chrétienne.

 

 

 

« Pour saisir l’ampleur de la question, il faut partir de cette période de l’histoire juive (538 av J-C - 70 ap J-C) d’où le christianisme est issu. »

 

 

 

1. Du point de vue des évènements :

 

 

 

  • Conquête de la Palestine par Alexandre le Grand (332 av J-C) et l’hellénisation progressive du pays. « La période hellénistique donnera une forte impulsion à la diaspora des Juifs dans les grandes villes du Proche-Orient et du bassin de la Méditerranée, d’où le problème des relations entre le judaïsme de la Diaspora (hellénistique en particulier) et le judaïsme palestinien, et de ses contrecoups sur les relations entre les judéo-chrétiens de la Diaspora et ceux de Jérusalem. »

 

 

 

  • Les faits du temps des Machabé et des Asmonéens (163/162-63 AV J-C). Les conflits politiques et religieux de cette période donnent naissance à trois sectes, trois écoles de pensée, ou « philosophie » selon la tradition grecque, qui marqueront l’histoire du judaïsme ancien :

    • Les pharisiens.

    • Les sadducéens.

    • Les esséniens (Il faut par ailleurs accorder une place à part à la communauté de Qumrân, probablement un groupe séparé et extrémiste d’esséniens.)

 

 

 

  • Romanisation de la Palestine à partir de la prise de Jérusalem par Pompée (63 av J-C).

 

 

 

« La division du peuple en sectes (haireseis) comporte des interprétations différentes de la Torah, chaque groupe (haireseis) ayant son « halakah » (voie), sa manière de vivre. Dans ce contexte, la communauté chrétienne de Jérusalem, aux origines de l’histoire chrétienne, n’était pas autre chose qu’une « secte » du judaïsme. Elle formait « l’hérésie des nazôréens », les disciples de Jésus. »

 

 

 

« La religion juive se ramène à deux points fondamentaux : la foi en un seul Dieu (unité de Dieu ou « monarchie » divine) ; l’élection d’Israël (peuple du Dieu unique. L’élection comporte essentiellement : la séparation entre les membres du peuple élu et les gentils (les nations païennes) ; l’observance des préceptes de la Loi révélée, la Loi mosaïque (la Torah, en particulier le précepte de la circoncision signe visible de l’appartenance au peuple d’Abraham ; une vie conforme à la tradition des Pères. »

 

 

 

« Le judaïsme n’est pas un bloc monolithique. Une grande variété de formes et d’expressions littéraires font du judaïsme antique une réalité très complexe et diversifiée. (…) Une telle situation entraîne une pluralité de formes et d’expressions à l’intérieur du mouvement judéo-chrétien lui-même dès son origine. »

 

 

 

« Parmi ces formes, il importe de relever, tout spécialement, celle qui est influencée par le courant apocalyptique, qui remonte à la révélation d’Hénoch (…) La souillure de l’homme n’est pas l’effet de la transgression d’un précepte, quel qu’il soit, de la Loi, mais la conséquence du péché des anges qui ont contaminé le monde entier. » Péché résultat de la concupiscence charnelle.

 

 

 

« L’école sacerdotale, représentée principalement par le livre du Lévitique, considérait les lois de la pureté comme un aspect essentiel de l’alliance mosaïque et une condition pour la continuité de la nation juive, en tant que peuple de Dieu. (….) Deux points de cette problématique ont conditionné l’histoire du mouvement judéo-chrétien : les lois alimentaires (aliments purs et impurs, permis et interdits) et la fréquentation des païens (considérés comme des êtres impurs). (…) Mais d’après le courant apocalyptique, la question de l’impureté se pose tout autrement, étant donné que l’impureté de l’homme ne dépend pas de la transgression d’une loi ou d’un précepte. L’homme naît dans le péché.

 

 

 

6 ap J-C. Romanisation de la Palestine et création de la province de Judée gouvernée par un procurateur. Cela conduit à la naissance des Zélotes qui seront responsables des première (66-70) et seconde révoltes (132-135) contre le pouvoir romain.

 

 

 

« La catastrophe de l’an 70 vit la fin du judaïsme de la période du second temple, la naissance du judaïsme rabbinique et la séparation de l’Eglise et du Judaïsme. »

 

 

 

« Désormais, des questions théologiques profondes sépareront les deux religions. Du côté chrétien, on développait les postulats de la théologie de la promesse : Jésus est le Messie et le Sauveur universel. Les païens sont pleinement acceptés par la Grande Eglise. Du côté juif, en revanche, on développait la théologie de l’élection : le salut est réservé à la race hébraïque ; il se réalise uniquement par l’observance de la Loi. »

 

 

 

L’Assemblée de Yabneh (80-90) insère la « Birkat ha-mimin » (bénédiction des hérétiques, en fait une malédiction) dans le Shemoneh Esreh. Cela signifie l’excommunication des nazôréens. « La malédiction des nazôréens devait se manifester par leur exclusion de la synagogue (….) L’exclusion des nazôréens représentait la séparation entre le judaïsme et la forme la plus ancienne du christianisme. Ce rejet coïncide (…) avec le début d’un processus qui aboutira également à la marginalisation des nazôréens par l’Eglise chrétienne et à la formation des grands courants de l’histoire judéo-chrétienne. »

 

 

 

II. Définition du judéo-christianisme ancien.

 

 

 

L’historien allemand F.C Baur a ouvert, en 1831, la discussion scientifique sur le judéo-christianisme.

 

 

 

Sur la base des Epitres pauliniennes aux Corinthiens, il relève l’existence à Corinthe de deux fractions radicalement opposées :

 

 

 

  • Le parti de Céphas (le « parti du Christ »). Il regroupe les chrétiens de tendance judaïsante qui sont hostiles au message de Paul, car il provenait d’un faux apôtre , de quelqu’un qui n’avait pas vécu avec le Christ, qui n’avait pas été son disciple.

 

 

 

  • Le parti de Paul et d’Apollos. Il regroupe les chrétiens de mentalité hellénistique.

 

 

 

Cette interprétation de Baur, « nous met en pérenne de deux éléments constitutifs de la question judéo-chrétienne : ce sont l’idée de la continuité entre le judaïsme et le christianisme et l’antipaulinisme, l’opposition contre l’apôtre Paul . Ces deux éléments sont strictement liés entre eux. En effet la continuité entre le judaïsme et le christianisme, idée fondamentale des adversaires de Paul, s’oppose à la conception paulinienne du christianisme, en tant « qu’une nouvelle création. »

 

 

 

« Depuis la publication du traité de Baur, les efforts des chercheurs en vue d’une définition du phénomène judéo-chrétien se sont multipliés, mais aucun accord n’a pu être trouvé. »

 

 

 

Récemment J.D Kaestli a résumé les différents critères qui sont à la base des différentes définitions dans l’histoire de la recherche :

 

  • L’origine ethnique.

  • L’observance juive.

  • Les catégories de pensées.

  • Les doctrines.

 

 

 

1). Le critère basé sur l’origine ethnique.

 

 

 

C’est le plus ancien et le plus naturel et d’après ce critère, les judéo-chrétiens sont des chrétiens d’origine juive. Cette définition s’applique avant tout aux membres de l’Eglise de Jérusalem.

 

 

 

« Le judéo-christianisme ancien est représenté par des Juifs qui ont reconnu la messianité de Jésus, mais qui continuent à observer la Loi. Il faut relever toutefois (….) que le critère de l’origine juive, à lui seul, induit en erreur. D’une part, en effet, un personnage comme l’apôtre Paul, « Hébreux, fils d’Hébreux » serait un judéo-chrétien, bien qu’il soit historiquement « l’ennemi » des judéo-chrétiens, dénoncé comme un « apostat de la Loi ». D’autre part, il faut tenir compte du nombre des païens qui furent convertis au christianisme par des missionnaires judéo-chrétiens et qui, en régime chrétien « judaïsaient » (….) Etant donné le succès de la mission juive dans le recrutement des prosélytes, la notion de « judéo-christianisme » recouvre un domaine plus étendu que le sens ethnique : elle s’applique également à tous ceux qui vivaient d’après les coutumes des Juifs.

 

 

 

2). Le critère basé sur l’observance juive.

 

 

 

« D’après ce critère, les judéo-chrétiens sont tous ceux, qui dans le christianisme, observent les prescriptions de la Loi mosaïque, qu’ils soient d’origine juive ou d’origine païenne. (….) Concrètement, le critère de l’observance nous permet de distinguer, d’une part, les chrétiens d’origine juive (comme Saint-Paul), qui se sont éloignés de l’observance des préceptes de la Loi et, d’autre part, les païens convertis qui ont judaïsé. (….) En fait, on verra que l’observance juive caractérise tous les courants judéo-chrétiens de l’histoire. »

 

 

 

« La question qui se pose à ce sujet est celle de la dose d’observance requise pour qu’un chrétien puisse être appelé un judéo-chrétien. » Pour cela il faut un minimum d’observance des pratiques juives (interdiction des viandes des sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de la « porneia », c’est-à-dire probablement des unions illégitimes. » Le judéo-chrétien est celui qui ira au-delà de ce minimum d’observances et se soumettra à d’autres préceptes de la Loi rituelle. 

 

 

 

3). Le critère des catégories de la pensée juive et des doctrines.

 

 

 

Pour Jean Daniélou l’expression « judéo-christianisme » peut se comprendre de trois manières différentes :

 

 

 

  • Une expression pour désigner la pensée des ébionites.

 

 

 

  • Le christianisme de la communauté de Jérusalem, présidée par Jacques, le frère du Seigneur.

 

 

 

  • Une forme de pensée chrétienne qui n’implique pas de lien avec la communauté juive, mais qui s’exprime dans des cadres de pensée empruntés au judaïsme.

 

 

 

Jean Daniélou cite le cas des ébionites qui « ne croyaient pas à la naissance surnaturelle de Jésus et à sa divinité, mais ils acceptaient son titre messianique. Schoeps pense que la communauté chrétienne de Jérusalem et son chef, Jacques, le frère du Seigneur, professaient un type de christianisme « ébionite » »

 

 

 

« Le troisième sens de « judéo-christianisme » correspond à un système doctrinal chrétien, structuré selon les idées et les formes de la pensée sémitique. Cette notion de judéo-christianisme n’implique pas nécessairement un lien avec le peuple juif. »

 

 

 

« Cette présentation du judéo-christianisme a été critiquée par les historiens du christianisme ancien pour de multiples raisons :

 

 

 

  • A / Etant donné qu’à l’origine, le christianisme s’exprimait en catégories juives, le judéo-christianisme s’identifierait au « christianisme primitif » tel quel.

 

 

 

  • B / On ne comprend pas pourquoi les catégories de la pensée juive s’arrêteraient au milieu du IIe siècle. Il faut rappeler aussi que la distinction faite habituellement entre le corpus des livres néotestamentaires et le recueil des textes des Pères apostoliques est d’ordre conventionnel ; certains textes (la Lettre aux Corinthiens de Clément de Rome) sont plus anciens que les derniers livres du canon du Nouveau Testament.

 

 

 

  • C / L’apocalypse n’était pas la catégorie fondamentale du « judaïsme tardif », mais l’une de ses catégories.

 

 

 

  • D / On ne peut pas parler d’un judéo-christianisme orthodoxe, séparé d’un judaïsme hétérodoxe ; cette distinction est faite d’après la conception hérésiologique ; on ne peut pas dire non plus que la théologie de l’Eglise de Jérusalem ait été « parfaitement orthodoxe », selon le dogme des grands conciles.

 

 

 

En conclusion, le judéo-christianisme tel qu’il nous est proposé par Jean Danielou n’est pas une réalité historique : il s’agit plutôt d’un produit qui a été construit artificiellement. Il faut admettre toutefois, que Jean Daniélou a élargi le champ de la recherche sur le judéo-christianisme, grâce aux sources nouvelles qu’il a indiqué. Ce qui manque précisément est la démonstration que ces sources tirent de leur origine d’un milieu judéo-chrétien historiquement identifiable. »

 

 

 

III. L’Eglise de Jérusalem.

 

 

 

1). Les membres de l’Eglise de Jérusalem.

 

 

 

Ils sont tous issus de la nation hébraïque, vivent à l’intérieur de la société juive et sont soumis à la juridiction du Sanhédrin. Cette communauté s’agrandit rapidement grâce aux premières conversions (des prêtres (les sadducéens), des pharisiens et peut-être d’autres membres de sectes de la société juive), ont rejoint cette Eglise.

 

 

 

La première manifestation de sa division interne est le contraste qui oppose les « Hellénistes » et les « Hébreux ». « Hellénistes et Hébreux ne formaient pas seulement deux groupes linguistiques différents dans la communauté chrétienne, et deux réalités culturellement distinctes, ils représentaient aussi deux attitudes religieuses divergentes. Les Hellénistes du groupe d’Etienne, solidaires des idées de leur chef, représentaient une forme de judéo-christianisme très particulière : malgré leur origine juive, ils se sentaient libres par rapport aux institutions (à la liturgie du Temple) et aux « coutumes » que l’on faisait remonter jusqu’à Moïse, c’est-à-dire les parties cultuelles et rituelles de la Loi mosaïque. Ainsi, ils professaient des idées radicalement opposées à celles des Hébreux, des judéo-chrétiens conservateurs. C’est pourquoi, les « récriminations » des Hellénistes contre les Hébreux ne devaient pas se limiter au service quotidien des tables. »

 

 

 

« Expulsés de Jérusalem par les autorités juives, à cause de leurs idées, les Hellénistes devinrent les premiers missionnaires de la tradition chrétienne. Ils prêchaient, conformément à leurs idées, un message dégagé des observances juives. »

 

 

 

Peu avant sa mort, pour faire plaisir aux Juifs; Hérode Agrippa Ier (41-44) fait exécuter l’apôtre Jacques, le frère de Jean et emprisonner Pierre. « Mais les historiens discernent mal la raison véritable de ces faits. »

 

 

 

« Cette persécution marque un tournant dans la direction de l’Eglise de Jérusalem. Pierre, à sa sortie de prison, fait annoncer à Jacques et à toute la communauté sa libération, puis quitte Jérusalem. Il semble qu’à ce moment-là Jacques, le frère du Seigneur, second après Pierre, s’est engagé, en l’absence de Pierre à prendre la direction de la communauté. »

 

 

 

Parallèlement à ces faits, dans les provinces romaines de Syrie et de Cilicie, première activité missionnaire de Paul et de Barnabas, comme envoyés d’Antioche.

 

 

 

2). L’Assemblée de Jérusalem et la dispute d’Antioch entre Paul et Pierre.

 

 

 

Certains missionnaires, anonymes, s’étaient rendus en Galatie dans le but de « renverser l’évangile » que Paul avait prêché. Ce but était atteint : les Galates était passé à un « autre évangile ». »

 

 

 

La version de Paul.

 

 

 

Paul, Barnabas et Tite se rendent à Jérusalem. « Au cours d’un entretien particulier, Paul expose aux autorités de Jérusalem « son évangile », l’évangile qu’il a prêché aux païens. Les trois colonnes, Jacques, Céphas et Jean (…) n’imposent pas la circoncision à Tite qui est un Grec (un parano-chrétien). Cette attitude manifeste leur intention de ne pas prescrire la circoncision aux chrétiens provenant du paganisme. (…) Les trois autorités serrent la main de Paul et de Barnabas. Enfin, elles répartissent les deux domaines de la mission, la mission judéo-chrétienne et la mission pagano-chrétienne. La prédication aux païens sera dégagée de la Loi juive, tandis que la prédication aux Juifs ne renoncera pas aux exigences de la Loi. »

 

 

 

La dispute d’Antioche.

 

 

 

Antioche est une communauté mixte. « Pierre, suivi par Barnabas et par les judéo-chrétiens de la communauté « mangeaient » avec les païens. Mais à l’arrivée des gens de l’entourage de Jacques, Pierre, gêné, s’est tenu à l’écart « par crainte des circoncis ». Barnabas et les autres judéo-chrétiens de la communauté l’ont suivi. »

 

 

 

« Très probablement , le but des envoyés de Jacques était de contrôler le comportement des judéo-chrétiens en ce qui concernait la communauté de table avec les pagano-chrétiens. (….) Or, ce contrôle ne se comprend que si l’on admet que l’Assemblée de Jérusalem n’avait encore rien décidé à propos de la communauté de table. (….) En se séparant des païens, Pierre, Barnabas et les autres judéo-chrétiens montrent qu’ils approuvent la demande des « circoncis » venus de Jérusalem. (….) De la part de Paul, il ne s’agissait pas uniquement de soutenir la liberté des païens vis-à-vis de la circoncision, mais aussi d’admettre que la Loi, avec tous ses préceptes, n’était plus en vigueur. »

 

 

 

La version de Luc.

 

 

 

« La question de la circoncision des païens, posée à l’Eglise d’Antioche, est née à Jérusalem. Mais les gens qui s’étaient rendus à Antioche n’étaient pas de l’entourage de Jacques ; il s’agissait de pharisiens convertis. »

 

 

 

« Pour résoudre la question de l’Eglise d’Antioche, une délégation, guidée par Paul et Barnabas, est envoyée à Jérusalem. (…) La question de la circoncision est posée par les pharisiens devenus membres de la communauté chrétienne. (…) Le problème est résolu par Pierre, qui adopte le principe qu’il avait suivi à Césarée : Dieu a purifié le coeur des païens par la foi, leur impureté (qui faisait obstacle à leur baptême) a été éliminé ; il ne faut pas imposer aux païens le « joug » de l’observance de la Loi. L’Assemblée approuve la décision de Pierre. »

 

 

 

« Actes 15, 13-21 contient la décision de Jacques. Il accepte la thèse de Pierre, mais les problèmes pratiques, qui naîtront dans les communautés mixtes, l’inquiètent. Il ne faut pas que les judéo-chrétiens aient à craindre de souillure légale, lorsqu’ils fréquentent les pagano-chrétiens. (…..) Jacques propose donc à l’Assemblée sa décision (un compromis en fait) et enjoint qu’elle soit notifiée aux païens par lettre. Il faut que les païens observent un minimum de préceptes juifs, qu’ils s’abstiennent donc des souillures des idoles, de la « porneia », les unions illégitimes, de la viande étouffée et du sang. »

 

 

 

La lettre des apôtres, des presbytères et de la communauté.

 

 

 

Cette lettre adressée aux chrétiens d’Antioche et des Eglises de Syrie et de Cilicie concerne la décision de l’Assemblée. « Les auteurs désavouent ceux qui ont troublé les fidèles d’Antioche. Ils demandent aux destinataires d’observer les quatre clauses du compromis de Jacques, ce que l’on appelle le « décret apostolique » »

 

 

 

Paul ignore ce « décret apostolique » et ne l’apprend que lorsqu’il se rend à Jérusalem. (….) « On peut donc admettre que le décret a été émis après l’Assemblée, en l’absence de Paul et à la suite du conflit d’Antioche, pour empêcher justement que des conflits de ce genre se répètent dans le futur. Très probablement Luc a incorporé le décret dans le récit de l’Assemblée apostolique et l’a présenté comme une décision de celle-ci. »

 

 

 

3). L’accord de Jérusalem et la tendance antipaulinienne.

 

 

 

« Les autorités de Jérusalem avaient officiellement reconnu Paul en sa qualité d’apôtre des païens et dégagé les chrétiens issus du paganisme de l’obligation de la circoncision. Cette décision ne fut pas respectée par les judéo-chrétiens intransigeants. (….) Ils menèrent donc une contre-mission dans les Eglises fondées par Paul dans le but de les « judaïser » »

 

 

 

L’activité de ses adversaires est attestée en Cilicie de différentes manières :

 

  • Prêche de la nécessité de la circoncision en tant que moyen de salut.

  • Présentation d’un autre évangile par rapport à celui de Paul.

  • Contestation du mandat apostolique de Paul.

 

 

 

Par ailleurs, il existait une autre mission antipaulinienne en Grèce, dans la communauté de Philippes, qui présentait des analogies avec la contre-mission de Galatie.

 

 

 

4). La rencontre de Paul et de Jacques à Jérusalem.

 

 

 

A sont retour à Jérusalem, Paul est accueilli très franchement par Jacques (devenu le chef de l’Eglise) et les presbytres. On l’informe que des bruits l’accusent « d’apostasie » vis-à-vis de « Moïse » (La Loi mosaïque), « c’est-à-dire le refus de la circoncision de leurs enfants et l’abandon des coutumes juives. Jacques et les presbytres suggèrent à Paul un expédient qui devrait montrer aux fidèles son attachement à la Loi. Puis ils lui citent les clauses du décret apostolique émis pour les pagano-chrétiens, conditions que Paul n’a pas remplies. Le texte de Luc semble confirmer que c’est seulement à cette occasion que Paul apprend l’existence de ce décret. Les événements qui suivent annoncent la fin de Paul. La révolte soulevée par les Juifs d’Asie entraîna son arrestation alors qu’il se trouvait dans le Temple. (….) Apparemment, Jacques et les presbytes ne font rien pour lui. Le durcissement des autorités de Jérusalem en matière d’observance est probablement lié à la crise provoquée par les zélotes.

 

 

 

5). La mort de Jacques et la migration de la communauté à Pella.

 

 

 

Jacques est condamné à mort par le grand prêtre sadducéen Ananus durant la période d’anarchie régnant à Jérusalem après la mort de Festus en 62 et avant l’arrivée de son successeur, Albinus. « Le grand prêtre Ananus, en supprimant Jacques entendait sans doute rendre service à Rome ; il devait estimer que Jacques cédait à l’influence zélote. »

 

 

 

Après la mort de Jacques mais avant la guerre juive de 66, la communauté quitte Jérusalem pour allers s’installer à Pella. « La valeur historique de l’évènement n’est cependant pas reconnue par tous les historiens. Pour certains, la migration à Pella serait une construction d’Eusèbe. »

 

 

 

IV. Les judéo-chrétiens aux alentours de la seconde révolte juive contre Rome.

 

 

 

La source littéraire relative à cette période est celle de Justin dans son dialogue avec Tryphon. « L’auteur témoigne d’une grande activité des judéo-chrétiens au temps de la révolte menée par Bar Kochéba (132-135) (….) Justin parle de l’activité des judéo-chrétiens de son temps dans l’oeuvre de proslétytisme envers les pagano-chrétiens et distingue à ce sujet , deux classes de judéo-chrétiens » :

 

 

 

  • Ceux qui croient que Jésus est le Messie et observent tout ce qu’ils peuvent des préceptes, mais sans chercher à les imposer aux chrétiens issus du paganisme. Ceux-là seront sauvés.

 

 

 

  • Ceux qui croient au Christ, mais cherchent par tous les moyens à contraindre les chrétiens provenant du paganisme à vivre selon la Loi mosaïque, et dans les faits, vivent séparés d’eux quand il s’agit de la vie religieuse de la communauté. Ceux-là seront condamnés.

 

 

 

Justin distingue aussi deux groupes chez les pagano-chrétiens :

 

 

 

  • Ceux qui se laissent convaincre de vivre selon la Loi et qui, en même temps, continuent à proclamer que Jésus est le Messie. Ils peuvent être sauvés car il n’existe pas d’incompatibilité entre l’observance juive et la foi christologique.

 

 

 

  • Ceux qui après avoir confessé le Christ, se mettent à vivre selon la Loi mais ne reconnaissent plus qu’il est le Christ (ils tombent dans le judaïsme). Ils ne seront pas sauvés à moins qu’ils ne se repentent avant de mourir.

 

 

 

Justin fait aussi remarquer que pour ce qui concerne les Juifs de son temps, « ceux qui vivent selon la Loi, ils ne seront pas sauvés si, avant la fin de leur vie, ils ne croient pas au Christ. »

 

 

 

« Dans ces textes de Justin, on voit clairement la variété des groupes de judéo-chrétiens, leur activité et le fait que ces judéo-chrétiens n’étaient pas exclus, officiellement de la communauté chrétienne. On en déduit qu’avant le milieu du IIe siècle, aucun jugement d’hérésie n’est intervenu à leur sujet. Ce jugement a dû se faire au cours de la seconde moitié de ce siècle, avant la rédaction du premier livre de l’Adverses haereses d’Irènée. C’est dans cet ouvrage, en effet, que les judéo-chrétiens, sous le nom « d’ébionites », sont recensés, pour la première fois, parmi les hérétiques, en tant qu’une secte gnostique. »

 

 

 

V. Les courants judéo-chrétiens d’après la tradition hérésiologique.

 

 

 

« A partir de la fin du IIe siècle, les judéo-chrétiens sont cités au rang des hérétiques sous ces noms : ébionites, hébreux, nazôréens (nazaréens), elkasaiites, symmachiens. »

 

 

 

1). Les ébionites.

 

 

 

La première attestation de la secte.

 

 

 

« Le nom de la secte devait être courant vers la fin du IIe siècle, une forme grecque tirée de l’hébreu « ebyomîn » qui signifie étymologiquement les « pauvres » (au sens religieux) ; c’était un titre d’honneur dont on ne connaît pas l’origine. La relation avec « les pauvres » de Jérusalem parait improbable ; en effet, on ne peut pas démontrer que les premiers chrétiens s’appelaient « les pauvres ». Le titre « d’ébionites » pourrait avoir une relation avec les disciples du Christ, appelés « les pauvres » (….) Le titre, disparu au moment de la séparation du judaïsme et du christianisme, fut repris au cours du IIe siècle pour ces chrétiens désireux de mettre en évidence leur origine juive. »

 

 

 

« Les ébionites rejetaient la doctrine de la conception virginale du Christ sur la base de la traduction grecque du verset d’Isaïe faite par Théodotion et Aquila et également par Symmaque : les ébionites croyaient que Jésus était né d’une jeune fille et non d’une vierge. »

 

 

 

Ils avaient leur propre évangile l’évangile « selon Matthieu ».

 

 

 

Une des caractéristiques principales des ébionites était l’antipaulinisme. Ils appelaient l’apôtre Paul « l’apostat » de la Loi.

 

 

 

Elenchos.

 

 

 

Cet auteur rattache la doctrine des ébionites à celle de Cérinthe et de Théodote.

 

 

 

Origène.

 

 

 

Origène les présente comme des Juifs qui croient en Jésus.

 

 

 

« Les ébionites vivent selon la Loi juive, ils pensent qu’il faut garder la circoncision, ils interprètent, à la manière des Juifs, les lois du Lévitique et du Deutéronome au sujet des aliments purs et impurs. (….) Ils célèbrent la fête de Pâques d’après le calendrier juif selon l’exemple du Christ. »

 

 

 

Eusèbe de Césarée.

 

 

 

Dans son histoire ecclésiastique, Eusèbe cite trois fois les ébionites et les classe en deux catégories :

 

 

 

  • Ceux qui admettent que le Christ est né à la manière de tous les autres hommes et qui sont devenus juste par le progrès de sa vertu.

 

 

 

  • Ceux qui admettent la naissance virginale du Christ.

 

 

 

« Cependant, même en admettant la conception virginale, ils se refusaient de croire que le Christ fut préexistant, « en étant Dieu, Verbe et Sagesse , et ainsi, « ils revenaient à l’impiété des premiers »

 

 

 

« Les deux groupes d’ébionites, d’après Eusèbe, avaient les mêles caractéristiques suivantes : l’observation des prescriptions de la Loi, le rejet de l’apôtre Paul et de ses lettres, l’observance du sabbat, d’après l’usage des Juifs, et la célébration des dimanches, selon la tradition chrétienne. Les ébionites se servaient uniquement de l’évangile appelé « selon les Hébreux. »

 

 

 

2). Les Hébreux.

 

 

 

« L’évangile selon les Hébreux » était rédigé en grec et devait être l’expression de la foi d’un groupe de judéo-chrétiens des environs d’Alexandrie, appelés les « hébreux ».

 

 

 

« En parlant de l’existence dans la même région, en Egypte, de deux évangiles l’Evangile selon les Hébreux et l’Evangile des Egyptiens (….) Bauer admet la présence de deux différentes collectivités dans les environs d’Alexandrie : une communauté judéo-chrétienne, appelée « des hébreux », et une communauté pagano-chrétienne de tendance encratite (chrétien des premiers siècles qui, faisant profession d'une rigide continence, rejetait le mariage comme immoral, et s'abstenait de l'usage de la viande.), vivant justement selon les principes de l’Evangile des Egyptiens. »

 

 

 

3). L’hérésie des nazôréens : un tournant de l’hérésiologie judéo-chrétienne.

 

 

 

« Epiphane, moine palestinien devenu évêque de Constantia dans l’île de Chypre et auteur d’un grand ouvrage contre les hérésies, le Panarion, rédigé entre 374 et 376, parle pour la première fois d’une secte judéo-chrétienne, appelée des nazôréens et distincte de la secte des ébionites. »

 

 

 

« D’après Epiphane leur unique défaut était leur origine juive; l’observance de la Loi rituelle et la pratique de la circoncision. C’est pourquoi la mise en place de l’hérésie des nazôréens apparaît artificielles. »

 

 

 

« Pour comprendre l’origine des nazôréens d’après Epiphane, il faut partir des « thérapeutes », les ascètes juifs décrits par Philon dans son traité De Vita contemplativa. Or, d’après l’interprétation qu’en avait donné Eusèbe, les thérapeutes étaient des chrétiens. La conversion des ces ascètes au christianisme était l’oeuvre de Marc, le premier qui ait prêché l’Evangile à Alexandrie. Mais, d’après la prédication de Marc « certains », bien que disciples des apôtres, « se retirèrent » (c’est-à-dire de la communauté chrétienne) parce qu’ils étaient des juifs, attachés à la Loi et à la pratique de la circoncision. Ils s’appelèrent eux-mêmes « nazôréens », d’après le nom de la ville où était né Jésus. Ils se différenciaient, à la fois des naziréens et des nasaréens. »

 

 

 

Les caractéristiques des nazôréens.

 

 

 

« Les nazôréens possèdent les livres du Nouveau Testament et aussi les livres de l’Ancien Testament, selon le canon juif des Ecritures (la Législation, les Prophètes et les Ecrits), qu’is lisent en hébreu.

 

Ils vivent d’après la Loi, mais ils croient au Christ. Ils admettent la résurrection des morts et la création divine de toute chose. Ils déclarent qu’il y a un seul Dieu et que Jésus-Christ est son fils. Ils se distinguent donc des juifs, en raison de leur foi chrétienne, et des chrétiens, en raison des observances juives. Les nazôréens croient à la conception virginale du Christ. »

 

 

 

Pour Epiphane, les nazôréens se trouvent en trois endroits :

 

  • Dans le territoire de Bérée en Célésyrie (actuellement plaine de la Bekaa)

  • Près de Pella dans la Décapole. (Macédoine centrale)

  • Dans le village de Chochaba (Chochabé) en Basanitide (Sud de la Syrie vers le Golan).

 

 

 

« Les nazôréens ont leur propre évangile, rédigé en hébreu et appelé « selon Matthieu ». L’Evangile des nazôréens, par rapport à celui des ébionites, qui avait le même titre était complet, et il n’était, de plus, ni falsifié, ni mutilé. Etant donné que le seul évangile écrit en hébreu était, d’après la tradition de Papias, l’Evangile de Matthieu, Epiphane n’avait de ce texte une connaissance directe : il ne savait pas, en effet, si le livre contenait les généalogies du Christ. »

 

 

 

4). Les nazaréens selon Jérôme.

 

 

 

Jérôme est le principal témoin de la vie des nazaréens (nazôréens) de Syrie. Il déclare que l’original hébreu de l’Evangile de Matthieu était conservé dans la bibliothèque de Césarée, organisée par Pamphile, et que les nazaréens de Bérée, ville de Syrie, qui utilisaient ce texte lui avaient permis de le copier. Il y a correspondance entre ces informations et celles d’Epiphane.

 

 

 

« Mais en ce qui concerne la copie de l’évangile, que les nazaréens auraient permis à Jérôme de prendre, ainsi que la traduction en grec et en latin que Jérôme dit avoir fait de cet évangile, rien n’est moins assuré. Tout au plus Jérôme aurait-il copié et traduit quelques passages de ce texte, ceux qui lui paraissaient plus caractéristiques, se projetant de compléter le travail en une autre occasion. »

 

 

 

Par ailleurs Jérôme indique qu’en Palestine et en Syrie (vraisemblablement), les deux appellations ébionites et nazaréens étaient couramment employées, c’est-à-dire que ces deux termes sont pratiquement synonymes. Par contre pour Epiphane dans son Panarion, ce sont bien deux sectes distinctes.

 

 

 

« D’après Jérôme, ces judéo-chrétiens simulent la foi chrétienne. D’une part, en effet, ils observent la Loi juive et, d’autre part, ils croient que le Christ est le Fils de Dieu, qu’il a été engendré virginalement, qu’il est mort et qu’il est ressuscité. Ils sont pour ainsi dire, à mi-chemin entre le judaïsme et le christianisme. »

 

 

 

5). Les ébionites d’Epiphanie, Panarion, Hérésie XXX.

 

 

 

« Les ébionites d’Epiphane sont des judéo-chrétiens de Transjordanie, où ils se sont implantés au temps de la migration de l’Eglise de Jérusalem à Pella. Epiphane reconstruit l’origine des ébionites à partir d’un éponyme légendaire appelé « Ebion » et localise sa demeure primitive à Kokaba près de Karnaim et Ashtarot, dans la Basanitide. »

 

 

 

« L’hérésie XXX montre deux caractéristiques de la communauté ébonite : l’évolution de sa pensée sous l’influence des elkasaites et certains de ses ouvrages. »

 

 

 

« Epiphane fournit une documentation indispensable pour la connaissance des ébionites en citant leurs écrits. »

 

 

 

  • L’évangile selon Matthieu. Il s’agit du même texte que celui cité par Irénée . Cet Evangile des ébionites était rédigé en grec et se distinguait de l’Evangile des nazôréens parce qu’il était abrégé, mutilé et corrompu. Ils l’appelaient l’Evangile selon les Hébreux, un titre correct d’après Epiphane, parce que Matthieu seul écrivit un évangile en hébreu et en lettres hébraïques. Cet évangile mettait en évidence la collégialité des douze apôtres et le rôle particulier qu’avait Matthieu dans le groupe. Le texte était basé essentiellement sur les trois Evangiles synoptiques de la tradition canonique ce qui permet de date sa composition vers la moitié du IIe siècle.

 

 

 

  • Les voyages de Pierre écrits par Clément. Il s’agit d’une oeuvre qui a une relation étroite avec les écrits du corpus pseudo-clémentin, les Homélies et les Reconnaissances.

 

 

 

  • Les Anabathnoi Jakobou (les Montées de Jacques) représentent un sujet particulier de l’histoire des apôtres selon les ébionites. Elles parlaient des montées de Jacques au temple de Jérusalem et de ses exposés contre la liturgie sacrificielle ; Jacques prêchait notamment contre le feu et l’autel. Une autre partie de ce même ouvrage était marquée par l’antipaulinisme.

  •  

  • Des livres publiés sous le nom de Jacques, Matthieu, Jean et d’autres disciples. En fait on ignore l’identité exactes des auteurs de ces ouvrages.

 

 

 

6). Les évangiles judéo-chrétiens.

 

 

 

L’Evangile des nazaréens.

 

 

 

« L’existence de cet évangile est fondée sur le témoignage d’Hégésippe. L’évangile selon les Hébreux et l’évangile syriaque, évangile écrit en araméen, sur celui d’Origène. »

 

 

 

Jérôme, contre les pélagiens dit clairement que l’évangile était écrit « en langue araméenne et syriaque mais avec des lettres hébraïques » ».

 

 

 

Mais ce qui nous reste de cet évangile se réduit à des petits fragments cités par Eusèbe de Césarée et surtout par Jérôme. « Sur la base des fragments transmis, l’Evangile des nazaréens n’avait rien qui fut contre la doctrine de la Grande Eglise. Ce texte était une sorte de targum (explication) araméen de l’Evangile grec, canonique, de Matthieu. »

 

 

 

La datation de cet évangile remonte au milieu du IIe siècle.

 

 

 

L’Evangile selon les Hébreux.

 

 

 

« Il est évident qu’il s’agit d’un évangile d’une communauté d’Hébreux devenus chrétiens, localisée vraisemblablement dans les environs d’Alexandrie. Ce texte était rédigé en grec, la langue de tous les Hébreux (dans un sens ethnique et non linguistique) qui vivaient en Egypte »

 

 

 

« Par ce texte, les Hébreux établissaient la primauté de Jacques sur Pierre et certifiaient que le Christ lui-même avait désigné Jacques en tant qu’évêque de la Sainte Eglise des Hébreux qui est à Jérusalem . »

 

 

 

L’Evangile des ébionites.

 

 

 

On ne connaît que sept fragments de cet évangile cité par Epiphane qui pour l’instant est le seul témoin de cet évangile.

 

 

 

Il ne contenait pas le récit de l’enfance de Jésus et le récit évangélique commençait par a présentation de Jean-Baptiste.

 

 

 

7). Les Elkasaïtes.

 

 

 

« Les elkasaïtes représentent une branche particulière du judéo-christianisme, la branche baptiste syncrétiste. Ils sont appelés ainsi d’après le livre Perdu de la révélation d’Elchasaï, qui est à l’origine de leur courant. »

 

 

 

La tradition chrétienne.

 

 

 

L’Elenchos.

 

 

 

« L’Elenchos contient le plus ancien et le plus important témoignage sur les elkasaïtes. Le point de départ de la notice est la doctrine du pape Callixte qui avait permis aux pécheurs d’être ré-inntroduits dans l’Eglise. Callixte est accusé de laxisme. Il est, d’après l’auteur de l’Elenchos (qui est un rigoriste), le précurseur de l’hérésie elkasaïte qu’un missionnaire, appelé Alcibiade et venant de la ville d’Apamée en Célésyrie, est venu prêcher à Rome. »

 

 

 

« Alcibiade annonçait « une nouvelle rémission des péchés, qui avait été proclamée la troisième année du règne de Trajan » et qui s’obtenait par un baptême spécial. » Cette révélation a eu lieu dans le royaume des Parthes, en Mésopotamie, territoire caractérisé par une forte présence de communautés juives. »

 

 

 

La rédaction de ce livre peut être placée avant la mort de Trajan (118) et aux alentours de la bataille de Ctésiphon (116).

 

 

 

L’auteur de l’Elenchos résume les doctrines d’Alcibiade, les points fondamentaux de sa prédication romaine :

 

 

 

  • Une conduite morale conforme à la Loi

 

 

 

  • La circoncision des croyants.

 

 

 

  • Une christologie basée essentiellement sur le retour cyclique du Christ dans le monde. « Il (Alcibiade) dit que le Christ fut un homme comme tous les autres, que ce n’est pas la première fois qu’il est né d’une vierge, mais qu’il est né aussi dans le passé ; c’est bien des fois qu’il est né et qu’il naît, qu’il s’est manifesté et qu’il a grandi, allant d’une naissance à l’autre et passant d’un corps à l’autre. »

 

 

 

  • La possibilité de connaître le futur par l’astrologie, la pratique de la magie des incantations, des formules magiques pour ceux qui ont été mordus par un chien, pour les possédés et autres malades. 

 

 

 

Un baptême est prévu pour le pardon des péchés sexuels (homosexualité, inceste, adultère, fornication). Ce rite est un second baptême, administré « au nom du Dieu grand et très-haut, et au nom de son Fils, le Grand Roi. » Le baptême est scellé par le témoignage des Sept témoins sacrés, dont les noms sont écrits dans le livre : le Ciel, l’Eau, les Esprits saints, les Anges de la prière, l’huile, le Sel, la Terre. »

 

 

 

Il existe un autre rite baptismal contre la morsure d’un « chien enragé et furieux, possédé par un esprit de destruction. » Il s’agit d’un symbole évoquant « la morsure de la concupiscence. »

 

 

 

Origène.

 

 

 

Entre 244 et 251, arrivée dans la région de Césarée de Palestine d’un autre missionnaire anonyme venant prêcher le message d’Elkasaï (témoignage d’Origène dans un fragment de son Homélie sur le psaume.

 

 

 

Origène met en évidence quatre points de la doctrine elkasaïte :

 

 

 

  • Le rejet de certains passages de l’Ecriture, de ce que l’on appelle habituellement les fausses périscopes, les faux textes, introduits subrepticement dans la Bible.

 

 

 

  • L’antipaulinisme qui se concrétise par un rejet total de l’apôtre Paul et de ses épitres.

 

 

 

  • La permission d’apostasier en temps de persécution, mais par un reniement feint qui venait de la bouche et non du coeur.

 

 

 

  • Un livre qu’ils croient être tombé du ciel et la foi en ce livre, en tant que condition essentielle pour recevoir la rémission des péchés.

 

 

 

Epiphane.

 

 

 

« D’après la tradition d’Epiphane, la secte des osséens provenait des régions de Nabatée, Iturée, Moabitide, Ariélitide, situées au-delà de la mer Morte. Ce sont approximativement les mêmes régions qui sont mentionnées à propos des disciples d’Elxaï et des sampséens. »

 

 

 

« La secte des osées recoupait la secte des nasaréens ; ensemble elles constituaient un schisme par rapport aux autres sectes juives, car elles ne se conformaient pas à la conduite juive. (….) Or, il n’est pas certain que les nasaréens aient réellement jamais existé. En revanche, leurs caractéristiques : le rejet des livres du Pentateuque, dans la mesure où ces livres ne contiennent plus la législation primitive donnée par Moïse ; le rejet des sacrifices sanglants et l’abstention de la viande d’animaux correspondent à celles des osséens. »

 

 

 

« Cela nous permet de penser que les elkasaïtes de la tradition d’Epiphanie relèvent d’un milieu juif transjordanien, appelé les « observants », un milieu elkasaïte différent de celui où prend origine la tradition transmise dans l’Elenchos. »

 

 

 

Epiphane disposait de deux sources :

 

 

 

  • Une source orale : des informations sur les sampséens (communauté baptiste de Transjordanie, première moitié du IVe siècle, en relation étroite avec les anciens elkasaïtes). « Pour la recherche sur les elkasaïtes d’Epiphanie, il faut partir de la tradition des sampséens, ses contemporains . Les sampséens sont un reste des osséens, auxquels, d’après Epiphane, se serait joint Elxaï. Les sampséens utilisaient le livre d’Elxaï. »

 

 

 

  • Une source écrite : un livre apocalyptique, appelé Elxaï. Dans cette source on trouve des citations plus nombreuses et plus variées que dans l’Elenchos.

    • Les Témoins sacrés du baptême.

    • L’exhortation au mariage et le rejet du célibat.

    • Le comportement en temps de persécution : il est permis de renier extérieurement sa foi.

    • Quelques notes de christologie.

    • L’orientation de la prière (Qibla) vers Jérusalem, ainsi que le refus de la liturgie du Temple.

    • Le refus de la viande dans l’alimentation (usage végétarien).

    • Les dimensions apocalyptiques du Christ et de l’Esprit.

 

 

 

« Epiphane nous donne la signification du mot « Elxaï ». Ils imaginent d’appeler cet homme « puissance cachée », parce que El signifie « puissance » et xai « caché ». Il s’agit d’une transcription grecque des deux mots araméens : d’un nom hyl (puissance) et d’un participe ksy (caché). (….) Il apparaît ainsi que les sampséens, parmi lesquels se trouvaient les membres de la famille d’Elxaï, formaient, en Transjordanie, le centre de la diffusion des doctrines elkasaïtes. »

 

 

 

Par contre on ne connaît pas la signification du mot « sampséens ». Deux interprétations possibles : « baptistes », « serviteurs de Dieu ». « Or les sampséens, qui étaient un reste des osséens, constituaient un schisme avec les nasaréens. Ils ne se conformaient pas à la Loi juive officielle et, en outre, ils observaient d’autres prescriptions en dehors de celles qui étaient dans la Loi. »

 

La tradition manichéenne : les baptistes de Mani.

 

 

 

Pattek père de Mani, quitte Hamadan (Babylonie) pour se rendre à al-Madaïm quartier de Ctésiphon. Un jour alors qu’il était dans le temple des idoles il entend une voix lui dire : « Pattek ne mange pas de viande, ne bois pas de vin, tiens-toi loin des femmes (abstiens-toi de tout rapport sexuel) » Cette fois se fait entendre à plusieurs reprises et pour réaliser cet appel, Pattek se joint à un groupe appelé « al-mughtasila »

 

 

 

L’entrée de Pattek dans ce groupe s’effectue alors que sa femme est enceinte de Mani et à sa naissance son père l’emmène dans cette communauté ce qu’il fait que Mani est élevé selon la religion des Mughtasila.

 

 

 

Ceux-ci pratiquent l’ablution comme un rite et lavent tout ce qu’ils mangent. Leur chef est appelé « al-Khasayh », le fondateur de la secte identifié avec Elkasaï.

 

 

 

« Ils pratiquent une religion inspirée d’une forme de dualisme d’ordre moral ; ils séparent les êtres en deux catégories les bons et les mauvais, qui sont représentés respectivement par un principe « mâle » et un principe « femelle »

 

 

 

« Les éducateurs de Mani sont donc des baptistes de la branche elkasaïte. (….) Les baptistes de Mani sont des judéo-chrétiens de la tradition sirop-mésopotamienne. (….) Il s’agit d’une communauté de « héméro-baptistes », parce qu’ils lavent (purifient) chaque jour leur corps et les aliments qu’ils mangent . (….) Ils pratiquent sans doute le baptême chrétien. »

 

 

 

« Avec les baptêmes, ils suivent l’ascèse encratite. En cela, ils se rapprochent de la tradition ascétique de Marcion, de Tatien et des Actes de Thomas. »

 

 

 

8). Les symmachiens.

 

 

 

Ils sont attestés en Afrique et en Italie par des auteurs latins des IVe et Ve siècles.

 

 

 

« L’appellation de « symmachiens » vient de Symmaque, l’un des traducteurs avec Aquila et Théodotion de la Bible hébraïque en grec, en dehors des Septante. (….) Mais il ne semble pas que Symmaque ait fondé sa propre secte. »

 

 

 

Symmaque vivait à la fin de IIe siècle. Pour Epiphane c’est un contemporain de Septime Sévère (193-211).

 

 

 

« On ne connaît pas la nature exacte des « commentaires » de Symmaque. Il pourrait s’agir ou d’une interprétation polémique de l’Evangile de Matthieu, pour soutenir les doctrines ébionites, ou bien d’un écrit dirigé contre l’Evangile canonique de Matthieu, sur la base de l’évangile ébonite selon Matthieu. »

 

 

 

« Probablement les symmachiens furent-ils appelés ainsi parce qu’ils professaient les principes de l’hérésie ébonite, surtout en matière de christologie, en se fondant sur certains textes de la traduction de la Bible faite par Symmaque. »

 

 

 

« D’après Saint Augustin, les symmachiens, appelés aussi nazaréens, affirment que Jésus n’est pas venu abroger la Loi. En conséquence, ils observent les préceptes de la Loi, tels la circoncision, le repos du samedi, l’interdiction de la viande de porc et d’autres choses, ainsi que l’ordonne la Loi juive. »

 

 

 

VI. Les pseudo-Clémentines.

 

 

 

« Au sens strict, on désigne par cette appellation un corpus d’écrits apocryphes anonymes qui contiennent un récit fictif de la vie de Clément de Rome et de ses voyages à la suite de l’apôtre Pierre. La matière pseudo-clémentine ne peut pas être omise ici, étant donné qu’elle contient un nombre considérable de doctrines qui proviennent du patrimoine culturel et religieux des courants judéo-chrétiens . »

 

 

 

1). La composition et la question des sources.

 

 

 

Les Pseudo-Clémentines nous sont parvenues en deux rédactions différentes :

 

 

 

  • Les Homélies, rédigées en grec, divisées en 20 livres. Leur rédaction remonte sans doute à la fin du IIIe siècle, voire au début du IVe.

 

 

 

  • Les Reconnaissances, rédigées en latin dans une traduction de Rufin d’Aquilée, divisée en 10 livres. D’après sa préface, son travail fut exécuté peu de temps avant l’an 406, sur la base d’un texte original en grec. Mais ce texte est perdu.

 

 

 

« Actuellement la plupart des chercheurs se rallient à la thèse selon laquelle les deux éditions dépendent d’un même texte primitif, appelé « Ecrit de base » ». Ce texte a été composé après 222 et avant la rédaction des Homélies, en tout cas existait à la fin du IIIe siècle.

 

 

 

« L’activité des auteurs de ces trois textes se situe probablement en Syrie (Célésyrie), où les traditions des judéo-chrétiens devaient être bien connues. Le texte des Ecrits de Base contenait notamment l’itinéraire de Pierre dans les villes côtières de Phénicie et de Syrie et la réfutation de Simon le Magicien par Pierre. »

 

 

 

2). La réfutation de Simon le Magicien par Pierre.

 

 

 

Le thème central des Ecrits de Base repris dans les deux autres récits est la réfutation de Simon le Magicien. « Or, le « Simon » des Pseudo-Clémentines est un personnage polyvalent. (….) Simon est la manifestation du Dieu inconnu de la tradition gnostique appelé « Ho Hestôs », « celui qui tient debout. »

 

 

 

Les idées de Simon sur Dieu sont celles de Marcion.

 

 

 

3). L’antipaulinisme.

 

 

 

« L’auteur des Homélies a poussé jusqu’au bout la polémique antimarcionite des Ecrits de Base, en montrant que les erreurs qui dépendent d’une fausse interprétation de la Loi mosaïque, à travers Simon-Marcien, remontent jusqu’à Paul lui-même. (….) Ainsi l’opposition est établie entre l’enseignement de Pierre, interprète de la tradition de Moïse (tradition judéo-chrétienne) et Paul (le paulinisme) qui est suivi par les pagano-chrétiens. La démarche visant à transformer les paroles de Pierre par des interprétations artificieuses, en faveur de l’abolition de la Loi, remonte au vivant même de Pierre. Elle tourne autour de ce qui se passa à Antioche d’après la Lettre aux Galates, et notamment les mots de reproche que Paul adressa à Pierre (…) Quelques uns ont tenté de falsifier l’enseignement de Pierre, comme si la doctrine exprimée par Paul avait été aussi celle de Pierre, doctrine que Pierre cependant, n’aurait pas osé prêcher ouvertement (….) Tout fait donc penser à une polémique qui (dans la lettre de Pierre à Jacques) se déroulait entre un auteur de tendance judéo-chrétienne (les prédications de Pierre représentent la règle de la vérité) et les pagano-chrétiens, certains maîtres marcionistes se fondant sur l’enseignement paulinien. »

 

 

 

B / Courants gnostiques. Madeleine Scopello.

 

 

 

I. Le gnosticisme dans le creuset intellectuel des premiers siècles.

 

 

 

« Aux premiers siècles de notre ère, à l’intérieur des frontières de l’Empire romain, les grandes métropoles, Rome, Antioche, Edesse, Athènes, Alexandrie sont agitées par des ferments intellectuels divers. Point de rencontre de races et de théories les plus variées, c’es dans ces villes que l’on élabore de nouvelles constructions intellectuelles visant à proposer des solutions concernant le problème de l’homme, du monde et de Dieu. »

 

 

 

« Les trois grandes religions, judaïsme, christianisme et paganisme, marquent l’époque de leur sceau. Mais elles ne sont pas les seules dans le paysage religieux de leur temps. A leurs côtés prolifèrent les religions à mystères, les cultes d’Isis et de la Grande Mère Cybèle, surtout suivis par les femmes, ainsi que les mystères de Mithra, fort appréciés par les militaires. (….) A toutes ces formes de religiosité s’ajoutent les pratiques magiques, qui séduisent aussi bien les couches humbles de la population que les classes les plus aisées, jusqu’à pénétrer à la cour impériale. »

 

 

 

Cet univers des premiers siècles est particulièrement porté sur la réflexion religieuse. L’homme cherche, à des niveaux différents, un contact direct avec la divinité, que ce soit par des procédés théurgiques (forme de magie qui permet à l'homme de communiquer avec les « bons esprits » et d'invoquer les puissances surnaturelles aux fins louables d'atteindre Dieu), destinés à attirer le dieu pour en obtenir une aide circonstancielle, ou par une spéculation exclusivement intellectuelle qui met l’homme et son dieu en face à face. »

 

 

 

En pays grec, de nombreux juifs se détachent de la stricte observance synagogale « pour adhérer à une interprétation plus spiritualisée de leur religion. Des païens traditionalistes se laissent à leur tour tentera des cultes d’allure mystique d’origine orientale, et transforment les personnages leur panthéon en des entités de plus en plus abstraites.

 

 

 

Le gnosticisme est un mouvement de pensée à la richesse multiforme qui « s’est nourri de différentes traditions, tout en gardant toujours sa spécificité intellectuelle et son originalité existentielle : la recherche et la réalisation d’une connaissance (gnôsis) qui est illumination directe du dieu dans l’homme. »

 

 

 

1). Qu’est-ce que le gnosticisme ?

 

 

 

« Par « gnosticisme » on désigne un mouvement de pensée, centré autour de la notion de connaissance (gnosis), qui se développa au IIe et IIIe siècle de notre ère, à l’intérieur des frontières de l’Empire romain. Par « gnose » en revanche on désigne des tendances universelles de la pensée qui trouvent un dénominateur commun dans la notion de connaissance. Le manichéisme, le mandéisme, la kabbale peuvent être considérés comme des formes de gnose. »

 

 

 

2). Les sources.

 

 

 

Les adeptes de ce courant de pensée sont connus de deux manières :

 

 

 

  • Les documents très nombreux de leurs adversaires, les Pères de l’Eglise.

 

 

 

  • Les documents qu’ils ont eux-mêmes rédigés mais peu nombreux car ayant fait l’objet d’une destruction systématique des la part des autorités ecclésiastiques qui considèrent le gnosticisme comme une hérésie.

 

 

 

Les sources indirectes.

 

 

 

« A partir de la fin du IIe siècle de notre ère, la réaction de l’Eglise contre les gnostiques s’organise sous la forme littéraire des « Réfutations ». Il s’agit d’ouvrages savants, souvent malveillants, toujours polémiques. Jugeant le gnosticisme comme une interprétation erronée de la doctrine chrétienne, les Pères ont concentré leurs efforts de théologiens et de pasteurs d’âmes dans la mise par écrit de réfutations très documentées de cette pensée. »

 

 

 

Irénée de Lyon (v 130 - 208).

 

 

 

Natif de Smyrne en Asie mineure, Irénée a écouté dans sa jeunesse les sermons de l’évêque Polycarpe.

 

 

 

Après un séjour à Rome, il est élu évêque de Lyon en 177 au moment où se développent les persécutions contre les chrétiens. Il succède à Pothin, mort martyr, sous le règne de Marc Aurèle (161-180)

 

 

 

Entre 180 et 185, il écrit en grec, sa « Dénonciation et réfutation la gnose au nom menteur. « Le problème était d’actualité, car de nombreux adeptes d’écoles gnostiques se trouvaient dans la vallée du Rhône où ils opéraient de nombreuses conversions. »

 

 

 

Cet ouvrage est avant tout « l’oeuvre d’un évêque soucieux de protéger sa communauté des infiltrations d’idées étrangères et de sauvegarder l’unité de l’Eglise. »

 

 

 

Son but est double :

 

 

 

  • Dénonciation des théories des adeptes du gnosticisme.

 

 

 

  • Réfutation critique de leurs points de vue. Dans cette optique, il passe en revue les principaux maîtres gnostiques de son époque et d’avant : Ptolémée et Marc le Mage, élèves de Valentin, Simon le Magicien (Ier siècle), Ménandre, Saturnin, Basilide (IIe siècle), Carpocrate, Cérinthe, Cerdon, Marcion, mais aussi les sectes et les communautés, barbéliotes et Ophites.

 

 

 

Tout au long de sa controverse contre les gnostiques, il s’attache à démontrer que ceux-ci se situaient en dehors de la tradition des apôtres.

 

 

 

« S’appuyant sur les Ecritures, Irénée conteste les différentes doctrines, et fait de l’accord profond entre l’Ancien et le Nouveau Testament, accord nié par les gnostiques, la clef de voûte de sa démonstration. »

 

 

 

Pseudo-Hippolyte de Rome (v 170 - 235).

 

 

 

« C’est à un écrivain anonyme, identifié par certains au prêtre romain Hippolyte, que l’on attribue la Réfutation de toutes les hérésies (Philosophumena) rédigée en grec au début du IIIe siècle. Il s’agit d’un catalogue de fausses doctrines organisé en dix livres (sept livres conservés). Trente trois hérésies y sont décrites dont trente sont gnostiques. Aux yeux du controversiste, la pensée gnostique s’est constituée à partir de la philosophie grecque , des religions à mystères, des sciences de l’astrologie. (…) Rien, en revanche, ne serait dû à l’influence des Ecritures bibliques. Le Pseudo-Hippolyte échafaude un réseau de parentés, le plus souvent artificiel, entre tel maître gnostique et tel philosophe grec. »

 

 

 

Le mérite de cette oeuvre est d’avoir transmis plusieurs extraits d’écrits gnostiques perdus par ailleurs.

 

 

 

Tertulien (v 150 - 223/225).

 

 

 

Tertulien est un avocat païen de Carthage converti au christianisme. Il agit contre eux par le biais de plusieurs traités, « en utilisant son bagage de rhétorique juridique. (….) Ces traités abordent des points particuliers de la doctrine des gnostiques (la nature de l’âme, le problème de l’incarnation du Christ…) (….) A leurs théories, dont le caractère récent prouve à lui seul l’inconsistance, Tertullien oppose la solidité de la tradition de l’Eglise fonde sur son ancienneté, et affirme que seule dans son sein est autorisée l’interprétation des textes sacrés. »

 

 

 

Clément d’Alexandrie (v 140/150 - 211/215) et Origène (?? - 253/254).

 

 

 

« Clément développe la théorie d’une « vraie gnose », qui s’épanouit au sein du christianisme et qui peut-être vécue par le spirituel parfait. » Il cite et commente de nombreux extraits d’oeuvres gnostiques.

 

 

 

Origène pour sa part cite « au coeur de son commentaire sur l’Evangile de Jean, des extraits d’une oeuvre de caractère allégorique sur le quatrième Evangile composée par le Valentinien Héracléon au milieu du IIe siècle. »

 

 

 

Chronologie des maîtres gnostiques.

 

 

 

  • Simon le Magicien appelé aussi Simon de Samarie. Cité dans les Actes des Apôtres. Il a vécu sous le règne de l’empereur Claude (41-54) selon les informations de Justin le Martyr (décédé en 167). Il est considéré comme le premiers des penseurs gnostiques par les hérésiologues.

 

 

 

  • Ménandre. Originaire de Samarie c’est un disciple de Simon dont il diffuse les idées à Antioche. Il aurait vécu jusqu’en 80.

 

 

 

  • Saturnin. Probablement originaire d’Antioch, il y fonde une école. Les Pères font dépendre sa doctrine de celle de Ménandre. On situe son activité vers 120-130, sous le règne d’Hadrien (117-138).

 

 

 

  • Cérinthe. Originaire d’Asie Mineure, il est contemporain de Polycarpe (mort en 156)

 

 

 

  • Carpocrate et Epiphane. Le premier, originaire d’Asie Mineure, a vécu sous le règne d’Hadrien. Il diffuse ses doctrines également en Egypte. Son fils Epiphane, y aurait fondé une école. Carpocrate aurait eu des disciples à Rome, dont une femme, Marcellina (vers 160)

 

 

 

  • Basilide. Il vécut à Alexandrie sous le règne d’Hadrien puis d’Antonin le Pieux (138-161). Il fonda une école dont on entend encore parler au IVe siècle. A sa mort, sa succession est assurée par Isidore.

 

 

 

  • Cerdon. Il vécut à Rome sous le pontificat d’hygin (136-142).

 

 

 

  • Valentin. Né vers 100 dans le delta du Nil, il étudia à Alexandrie. Il se rend à Rome vers 140, où il faillit être nommé évêque vers 143, mais ses idées, de plus en plus hétérodoxes, l’éloignèrent de cette charge. Il quitte Rome au moment de l’épiscopat d’Anicet (154-165) et se réfugie à Chypre, semble-t-il.

 

 

 

  • Les disciples de Valentin. L’hérésiologue Hippolyte distingue l’école valentinienne en deux branches :

 

 

 

    • L’école occidentale ou italienne avec Ptolémée et Héracléon. Ptolémée est contemporain d’Irénée qui réfuta ses doctrines (seconde moitié du IIe siècle) ; Héracléon vécut à la même période. Selon Clément d’Alexandrie, il est le représentant le plus important de cette école. Ces deux penseurs sont alexandrins de naissance, mais Ptolémée répandit son enseignement à Rome.

 

 

 

    • L’école orientale ou anatolienne avec Marc le Mage et Théodote. Le seul renseignement connu sur Marc est qu’il était natif d’Asie Mineure. Des disciples de Marc font propagande en Gaule au temps de l’épiscopat d’Irène (à partir de 177). Quant à Théodote, des extraits de son oeuvre sont conservés par Clément d’Alexandrie.

 

 

 

Les sources directes.

 

 

 

« Il s’agit de documents écrits par les auteurs gnostiques eux-mêmes. Ces textes furent originairement composés en grec, la plupart dans le courant du IIe siècle. Cependant, ils n’ont été conservés qu’en copte, langue de l’Egypte chrétienne. Les traductions coptes remontent au IVe siècle. » On divise ces sources en deux groupes :

 

 

 

  • Quelques manuscrits retrouvés aux XVIIIe et XIXe siècle.

 

 

 

  • La bibliothèque gnostique découverte à Nag Hammadi en Haute-Egypte.

 

 

 

Les manuscrits de Londres, d’Oxford et de Berlin.

 

 

 

    • Le codex de Londres est un codex en parchemin écrit en copte. Il contient un long traité de 356 pages qui relate les dialogues secrets de Jésus et de Marie-Madeleine.

 

 

 

    • Le manuscrit d’Oxford est un codex sur papyrus (156 pages). Il contient deux traités qui transmettent des enseignements secrets de Jésus et qui sont imprégnés de théologie négative.

 

 

 

    • Le codex de Berlin, découvert en 1900 en Haute-Egypte. Il est composé de quatre traités, tous rédigés, dans leur original grec perdu au IIe siècle : L’Evangile selon Marie, Le Livre des secrets de Jean, la sagesse de Jésus, L’Acte de Pierre. La traduction en copte a été, effectuée au IVe siècle.

 

 

 

La bibliothèque de Nag Hammadi.

 

 

 

« C’est une des découvertes majeures de notre siècle. Elle nous a légué un nombre important de documents écrits par les gnostiques eux-mêmes. Ces documents constituent un ensemble cohérent de textes qui traduisent un même idéal de vie, une même attitude face au monde et un même but qui se réalise dans la connaissance. »

 

 

 

Cette découverte a eu lieu par hasard en 1945 par des fellahs d’un village de Haute-Egypte, près de Nag Hammadi. Les codex étaient contenus dans une jarre.

 

 

 

Chaque codex contient entre trois et sept traités. Le nombre total des traités, écrits en copte langue de traduction derrière laquelle on devine un original grec, est de 52. L’ensemble de ces documents a été identifié comme étant de nature gnostique. La plupart de ces textes furent rédigés en Egypte dans le courant du IIe siècle et dans les premières décennies du IIIe siècle.

 

 

 

« Ces traités forment un véritable ensemble d’écritures sacrées » : Evangiles attribués aux apôtres et qui ne furent pas retenus par le canon du Nouveau Testament, des actes, des lettres édifiantes et des apocalypses.

 

 

 

« Les documents de Nag Hammadi sont généralement anonymes. Les quelques attributions fournies par les textes sont fictives. »

 

 

 

3). Qu’est-ce qu’un gnostique ?

 

 

 

« Les adeptes du gnosticisme sont appelés couramment « gnostiques ». Il n’est toutefois pas du tout certain que les « gnostiques » s’appelaient ainsi entre eux. (…..) Cette dénomination était en revanche utilisée par leurs adversaires en religion, les hérésiologues. (….) Les Pères étiquetaient aussi les gnostiques par des noms forgés sur ceux des fondateurs présumés de leurs courants : simoniens, valentiniens, ménandriens, ou encore par des dénominations qui calquaient l’être mythique honoré dans le mouvement : c’est le cas des séthiens (Seth) ou des naassènes (naas, serpent). A vrai dire, les gnostiques - du moins ceux qui se situaient dans la mouvance chrétienne et, compte tenu des textes conservés, il s’agirait de la plupart d’entre eux - se disaient chrétiens, les seuls vrais, les seuls à avoir hérité des paroles du Christ les plus secrètes, les seuls aussi à en avoir donné la véritable interprétation. »

 

 

 

« Aux yeux des Pères, en effet la pensée gnostique n’a pas été autre chose qu’une interprétation hérétique du christianisme. Son danger est multiforme : elle mine les fondements de la vie et du message du Christ sur terre, met en cause la succession apostolique et l’autorité de l’Eglise et risque, enfin, de déstructurer les communautés chrétiennes. »

 

 

 

4). Gnose et hérésie.

 

 

 

« Plusieurs raisons font que la pensée gnostique a été taxée d’hérésie, la plus menaçante aux yeux des controversistes, celle ayant le plus d’attaches dans les milieux cultivés, la plus apte à séduire les classes proches du pouvoir, à convaincre des intellectuels de bord différent. Revêtue de la finesse de la pensée grecque, parcourue par des vagues de spéculation orientales, fondée en premier lieu sur une recherche existentielle profonde, la gnose reprenait à son compte des éléments juifs et chrétiens, mais en les vidant de leur premier contenu et en les lisant d’une façon aussi bien polémique que personnelle. »

 

 

 

Plusieurs raisons qui expliquent les attaques des écrivains ecclésiastiques :

 

 

 

  • L’infini mépris des gnostiques pour la création. « Le responsable de cette création défectueuse est un dieu second, un démiurge malhabile, envieux de l’homme. L’homme garde en effet en lui, en son moi le plus intime, une trace de lumière céleste. Une telle vision du monde ne pouvait que heurter la sensibilité chrétienne pour qui un dieu infiniment bon s’attela à une création qu’il fit parfaite. »

 

 

 

  • « Pour les gnostiques, le dieu de la création, un dieu du mal qui veut la perte et non le salut de l’homme, est souvent identifié au dieu de l’Ancien Testament. »

 

 

 

  • « L’attitude méprisante envers le dieu biblique entraîne, cela va de soi, le rejet des écritures vétérotestamentaires, inspirées, nous disent-ils, par ce même dieu méchant, jaloux des origines divines de l’homme qui lui échappent totalement. Les gnostiques se sont souvent consacrés à l’analyse détaillée des livres de la Loi et surtout de la Genèse. Exégètes habiles, ils donnèrent du fil à retordre aux Pères de l’Eglise. » Cette attitude obligea les chrétiens à affiner leurs méthodes d’exégèses, jusqu’à les ériger en science. »

 

 

 

« La contestation du Dieu de l’Ancien Testament et de son enseignement impliquait non seulement un bouleversement total et inacceptable au niveau théologique, mais aussi des conséquences pratiques graves, capables de porter atteinte, à long terme, à la communauté des chrétiens. La conception négative du monde débordait en effet sur une condamnation absolue du corps et de la chair : corps de mal, agencé par le démiurge et sa cohorte d’archontes, à l’image du monde dans lequel il se meut. 

 

La mélothésie, c’est-à-dire la correspondance entre une partie du corps et le démon qui a présidé à sa mise e place, utilisée par les astrologues afin de montrer la sympathie qui régit l’univers, est volontiers reprise par les gnostiques lors de la création du corps d’Adam. Celui-ci est à l’image du démiurge imparfait, chef des archontes. »

 

 

 

« Les spéculations sur les rapports en miroir entre microcosme et macrocosme fondent cette vision qui ne laisse aucune place à l’espoir. L’univers, tout comme le corps de l’homme, est régi par le destin oppressant et immuable, l’eimarmene, que le démiurge a mis en place et qui enchaîne l’homme à tout jamais. Dans le carcan du destin, réglé par le temps et dominé par les archontes planétaires, l’humanité consume son angoisse. »

 

 

 

Une des conséquences de cette conception du monde est le refus de la procréation. « La parole biblique « Unissez-vous et multipliez-vous », devient l’objet du dédain du gnostique, replié sur lui-même. »

 

 

 

« Une approche tellement négative de la sexualité ne se rencontre que dans le corpus qumranien et, plus tard, dans les écritures manichéennes. (….) Du refus du corps et de l’impossibilité de son salut découle une vision docète du Christ. La chair étant souillée, le Christ n’a pas su s’incarner dans un corps de femme. Si le docétisme n’a pas été une invention des gnostiques, c’est par eux qu’il a été porté à son expression la plus accomplie. »

 

 

 

« De la négation de l’incarnation découle une interprétation particulière de la passion du Christ : celle-ci n’a été qu’apparence, tragique mise en scène pour tromper les archontes régisseurs du monde. »

 

 

 

« Ces raisons étaient amplement suffisante pour provoquer la réaction de l’Eglise chrétienne. On peut en ajouter une autre (…) La conception élitiste du gnosticisme. »

 

 

 

5). Tous n’ont pas droit au salut.

 

 

 

La tournure d’esprit gnostique : « Le salut n’est pas pour tous, il est réservé à des élus. Ceux-ci ont reçu le don d’une étincelle de connaissance et ont entrepris le chemin de la recherche intérieure pour parvenir à se connaître, par la même démarche, le dieu qui est en eux. Quant aux autres, ils restent enlisés dans la torpeur, l’ivresse et le sommeil, symboles de l’ignorance perpétuelle. (….) De plus, cette connaissance réservée à une élite doit être gardée secrète. »

 

 

 

« On comprend donc aisément à quel point cette religion gnostique pouvait paraître arrogante, avec ses prétentions élitistes, aux yeux des responsables ecclésiastiques de l’époque. Le christianisme se voulait une religion pour tous. Le Salut est proposé à tous un chacun dans la prédication de l’Evangile. La religion gnostique, en revanche, ne se veut que pour un public restreint : on ne choisit pas d’être « connaissant », on l’est depuis toujours, par un insondable choix divin. Il n’y a pas, du moins en théorie, de conversion au gnosticisme. »

 

 

 

Concernant l’interprétation du personnage du Christ, « les gnostiques se prétendaient les seuls véritables héritiers de son message. Eux seuls, disaient-ils, avaient eu accès aux véritables parles du Sauveur, prononcées entre le moment de la Résurrection et celui de l’Ascension au ciel. Ces paroles, communiquées à des disciples privilégiés, Thomas, Jacques, Philippe ou Marie-Madeleine, prenaient la tournure de révélations qui devaient être gardées secrètes. Cette raison, peut-être encore plus que les autres, incita les Pères à engager le combat contre les théologiens de la gnose. »

 

 

 

« Convaincus également de leur haute valeur culturelle, les gnostiques n’hésitaient pas à taxer de « simples » les représentants de la Grande Eglise. Ceux-ci ne posséderaient que la pistes, la croyance, à laquelle s’oppose la gnôsis des élus de Dieu. »

 

 

 

« La conscience de former une élite, qui émane de la littérature gnostique conservée et des réfutations de ses ennemis, implique le mépris du monde et de la création et, somme toute, une indifférence extrême vis-à-vis de la société. C’est ce sentiment « d’être à part » qui a également dicté aux gnostiques une éthique placée sous le signe du détachement, qui se résout le plus souvent dans un ascétisme extrême. »

 

 

 

« Le rejet du mariage et de la procréation est l’aspect le plus spectaculaire de la volonté du gnostique de ne pas se compromettre avec la création, de ne pas collaborer à consolider la chaîne des générations et des naissances qui retiennent les âmes dans la prison du monde. (….) Cependant, ce rejet ne pouvait ps être poussé à l’extrême, sous peine de faire disparaître, en quelques générations, toute communauté de foi gnostique. Un jeu subtil se noua alors entre prosélytisme et repliement du groupe sur lui-même. »

 

 

 

II. L’hydre à mille têtes.

 

 

 

« Cette expression d’Irènée, concernant les écoles de Valentin, est symptomatique de la vision plus générale que les hérésiologues avaient de l’ensemble des mouvements gnostiques : multiples, variés, insaisissables, s’engendrant l’un de l’autre et s’articulant en un chaîne ininterrompue, toujours renouvelée. (….) L’expression vise, à nos yeux, deux aspects caractérisant le gnosticisme : d’un côté, la variété d’influences de pensée qui ont pu déterminer l’un ou l’autre maître et la multitude de sources, païennes, juives, chrétiennes, qui l’ont inspiré dans la création de son système ; de l’autre, la multiplicité des courants -multiplicité artificiellement accrue par les hérésoliogues eux-mêmes aux fins de la polémique. »

 

 

 

1). Les différents apports culturels.

 

 

 

« Les maîtres gnostiques et les courants qui en sont issus se sont nourris d’écritures et traditions diverses, qu’ils ont réutilisés, le plus souvent de façon polémique et originale, dans leurs propres systèmes. (….) Tous ces penseurs ont étoffé leur message en adoptant, selon les cas, des traditions appartenant aux grands mouvements religieux de l’époque, dans lesquels ils étaient eux-mêmes enracinés. L’intégration dans leurs systèmes de ces apports leur permit de mieux véhiculer la doctrine de la gnose, en la revêtant de thèmes et métaphores déjà familiers au public auquel ils s’adressaient. Le recours à de telles références n’excluait toutefois pas une relecture, souvent radicale. »

 

 

 

Il existe un fil conducteur commun à tout ces penseurs : « l’idéal d’une connaissance qui marque l’homme comme d’un sceau. »

 

 

 

Ces penseurs viennent de nombreux horizons : Palestine, Syrie, Egypte, Asie Mineure.

 

 

 

Voyageurs et missionnaires, ils ont diffusé leur message d’une région à l’autre de l’Empire :

 

 

 

  • Valentin enseigne à Alexandrie, puis à Rome et enfin à Chypre.

 

 

 

  • Marc le Mage natif d’Asie Mineure a de nombreux disciples dans la vallée du Rhône ce qui inquiété l’évêque de Lyon, Irénée vers 180.

 

 

 

Gnosticisme et judaïsme.

 

 

 

« Les gnostiques furent maîtres dans l’art de la réinterprétation : les rapports qu’ils entretinrent avec les Ecritures juives le montrent tout particulièrement. Il y eut des gnostiques nés au sein du judaïsme » : Simon, Ménandre se livrèrent à une critique féroce de leurs propres traditions.

 

 

 

« Plusieurs écrivains de Nag Hammadi sont des commentateurs subtils et ils s’adonnent à l’interprétation de la Bible hébraïque et grecque avec une finesse hors pair. Ceci présuppose une longue fréquentation des textes et une connaissance des différentes sortes d’exégèse pratiquées. »

 

 

 

Gnosticisme et paganisme.

 

 

 

L’emprunt le plus considérable a été à la philosophie grecque et plus particulièrement à la pensée platonicienne « telle qu’elle a été réinterprété au IIe siècle par les courants du moyen-platonisme ». On peut aussi noter de nombreuses références à la mythologie grecque.

 

 

 

Plusieurs de ses maîtres ont été éduqués dans les écoles alexandrines, où l’on étudiait la pensée de Platon.

 

 

 

« Une des caractéristiques principales du mouvement que l’on désigne habituellement par « moyen-platonisme » fut la mise en place d’une théologie dite négative : le dieu inconnu ne peut-être défini d’aucune façon. Le langage humain doit se contenter de dire qu’Il n’est pas, car aucun attribut forgé par l’homme ne peut convenir à Dieu. »

 

 

 

« Pour Plotin, la connaissance de Dieu est le fruit d’une longue recherche intellectuelle ; pour nos auteurs, en revanche, cette connaissance provient d’une révélation divine réservée à des élus. »

 

 

 

« Si l’on se tourne maintenant vers les Pères, on constate que de nombreux extraits gnostiques qu’ils ont cités sont imprégnés aussi bien de théories philosophiques que d’éléments païens. »

 

 

 

« La dette envers le paganisme ne se résume pas à l’adoption de thèmes et motifs de la philosophie grecque. Des traditions de la mythologie païenne se retrouvent également dans les écritures gnostiques » (commentaires de citations de poètes grecs et d’Homère).

 

 

 

Gnosticisme et christianisme.

 

 

 

De très nombreux gnostiques se situent dans la mouvance du christianisme et une grande partie de la littérature retrouvée met en scène les héros de l’histoire sacrée chrétienne, avec en particulier l’entourage de Jésus et Jésus lui-même. Des genres littéraires typiques du monde chrétien sont repris par les gnostiques issus de cette culture religieuse. Plusieurs évangiles sont attestés dans la bibliothèque de Nag Hammadi.

 

 

 

« La doctrine qui se fait jour dans tous ces textes porte la marque certaine du gnosticisme : elle rappelle d’une façon quasi obsessionnelle que le monde est mal et que l’homme doit s’en détacher ; que le vrai Dieu est inconnu, que le Christ est son envoyé. »

 

 

 

«  Un autre concept fondamental du christianisme a été emprunté par les gnostiques : celui d’Eglise. Toutefois, à l’Eglise officielle se substitue l’Eglise gnostique, seule véritable, fondée sur une tradition et une autorité secrète qui n’est pas celle de Pierre. Cette Eglise ne s’encombre pas d’une lourde hiérarchie : elle n’est pas de ce monde. »

 

 

 

L’Eglise gnostique se perçoit elle-même comme une communauté d’élus, de spirituels.

 

 

 

«  L’influence du christianisme sur le gnosticisme est également évidente en ce qui concerne les rites et les sacrements. Si nombre d’entre eux sont présents dans le culte gnostique, l’interprétation qu’ils reçoivent est toutefois fort différente de celle de l’Eglise. Ces sacrements, dans la plupart des cas, semblent se dérouler à un niveau exclusivement spirituel. (….) Aux sacrements pratiqués dans l’Eglise, ils en ajoutent un qui leur est propre et qui est le couronnement de tous les autres, celui de la chambre nuptiale. (…) Ce rite a soulevé les critiques et les railleries des Pères qui voyaient en lui un signe de débauche sexuelle et de prétexte à des pratiques libertines. La lecture des textes de première main montre en revanche qu’il s’agissait d’un accomplissement symbolique et mystique de l’union entre l’âme et son double céleste.

 

 

 

2). La multiplicité des courants.

 

 

 

« L’hydre à mille têtes (….) ne visait pas uniquement la multitude des influences culturelles, mais aussi la multiplicité de courants dans lesquels, selon les Pères, se ramifiait la pensée des gnostiques. Les germes de cette multiplicité se trouvent dans une chaîne, dont chaque maillon est représenté par un maître. Cet enchaînement, totalement artificiel, est une création hérésiologique et ne correspond pas à une véritable filiation d’un système gnostique à l’autre. »

 

 

 

« La chaine hérétique ainsi constituée s’oppose en miroir à la chaîne apostolique. A la diadoké de la vérité, seule autorisée, seule dépositaire de la vérité chrétienne, fait face la diadoké de l’erreur. »

 

 

 

La diadoké de l’erreur.

 

 

 

« Dans le montage hérésiologique, la dérivation de la doctrine d’un maître de celle de son prédécesseur vise à souligner le manque d’originalité de la pensée du maître en question, et aboutit souvent à formuler à son égard l’accusation de plagiat. »

 

 

 

« Aux yeux des Pères, l’influence néfaste de la philosophie est renforcée par l’inspiration diabolique de l’hérésie, dont le dessein est de miner l’auctoritas de l’Eglise. Cette inspiration se déclare à partir du premier maillon la chaîne : Simon le Magicien. »

 

 

 

« L’énumération des hérésies permet à l’auteur ecclésiastique de présenter, en opposition, l’unicité  de la véritable Eglise et la règle de vérité sur laquelle elle se fonde. »

 

 

 

« Par la suite dans les nombreux catalogues d’hérésies qui furent compilés par des hommes d’Eglise au cours des siècles, le rappel précis de la règle de vérité deviendra une constante. L’intérêt de ces catalogues réside en effet non seulement dans la définition de l’hérésie qui y est donnée, mais aussi dans celle de la vraie foi qui s’oppose à l’hérésie. La réflexion sur l’hérésie a sans doute joué un rôle fondamental dans l’élaboration du contenu de la foi chrétienne. »

 

 

 

Le problème de la légitimité de l’exégèse biblique.

 

 

 

« La constitution d’une diadoké véritable implique que seul dans son sein est autorisée la pratique de l’exégèse sur les textes bibliques (….) Les Pères de l’Eglise, dont plusieurs, en raison de leur fonction épiscopale, étaient tout particulièrement investis de la mission de communiquer l’enseignement scripturaire, sont confrontés au premier chef au danger de l’exégèse gnostique. Conscients de la valeur de leurs adversaires, ils la contrent tout au long de leurs écrits de réfutation. »

 

 

 

« Au problème de l’illégitimité de l’exégèse gnostique se rattache celui de la falsification des Ecritures. Irénée rappelle que les gnostiques sont maîtres dans l’art de combiner ensemble plusieurs passages bibliques qui ressortent fusionnés comme s’il s’agissait d’un seul. 

 

 

 

Les dissensions des courants gnostiques.

 

 

 

« La pluralité des maîtres sert à soutenir l’argument hérésiologique de la multiplicité des courants issus d’eux et à relever les dissensions qui les parcourent. Ceci permet de souligner en même temps l’unicité de la doctrine véhiculée par l’Eglise et fondée sur la tradition apostolique. »

 

 

 

« Ces dissensions s’intègrent dans un désaccord plus profond qui aurait, selon les données hérésiologiques, divisé le valentinoise en deux branches, l’orientale et l’occidentale. »

 

 

 

Ces controverses valentiniennes portent sur le corps du Christ :

 

  • Psychique pour la branche occidentale.

  • Pneumatique pour la branche orientale.

 

 

 

« L’image de l’hérésie gnostique ainsi constituée devient pour les Pères symbole de diaphonia. A celle-ci fait face l’harmonie de l’Eglise fondée sur une seule et unique vérité. Thème hérésiologique par excellence, la diaphonia évoque le désordre engendré par la discordance doctrinale. Le thème de la multiplicité de courants et des dissensions entre les maîtres sera exploité par d’autres hérésiologues et culminera au IVe siècle, avec Epiphane de Salamine » (Il rédige vers 370 le Panarion qui liste 80 hérésies dont une très grande partie sont gnostiques. »

 

 

Chapitre III. L’organisation des Eglises héritées des apôtres (70 - 180). Victor Saxer.

 

 

 

« Les années 64 - 70 ont été d’abord celles de la disparition des apôtres Pierre et Paul, précédée par la mort de Jacques, les autres ayant de la scène individuellement nous ne savons quand, puis celles de la guerre juive et de la destruction de Jérusalem par Titus : elles ont marqué un tournant dans la vie de l’Eglise primitive. Car, dorénavant, il n’y a sans doute plus de témoins directs du Christ, choisis par lui comme témoins de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. »

 

 

 

« En ce qui concerne l’histoire du christianisme primitif, remarquons d’abord que la guerre juive dont ils se sont désolidarisés en quittant Jérusalem avant le siège pour s’établir à Pella, avait donné aux chrétiens l’occasion, voire leur avait imposé la nécessité de se démarquer des juifs en prenant une meilleure conscience de leur propre position religieuse à leur égard (…) Si bien que la différence entre les deux religions devint également perceptible aux païens. »

 

 

 

« Aux communautés qu’ils avaient fondées, la mort des apôtres posait sans doute le problème de leur survie. Moins cependant que l’on pourrait le croire à première vue. En effet le caractère essentiellement itinérant de leur apostolat avait amené les apôtres à laisser dans ces communautés un ou plusieurs responsables chargés de les remplacer pendant leur absence. Il est donc normal que ceux-ci aient continué leur oeuvre après leur mort. »

 

 

 

La transmission du message biblique impliquait forcément une succession dans le temps des messagers. « A ce problème fondamental, les apôtres d’abord, puis leurs successeurs apportèrent des solutions qui, mêmes si elles concernaient la même mission originelle, varièrent suivant les personnes, les lieux et les temps. Ainsi voyons-nous se développer des formes d’organisation (….) qui, bien qu’elles présentent d’indéniables traits de parenté et d’origine, se distinguent néanmoins par des caractéristiques individuelles. Il faudra plus ou moins de temps suivant les Eglises pour que les différences s’atténuent au bénéfice d’une plus grande unité. »

 

 

 

I. L’organisation des communautés au Ier siècle.

 

 

 

1). Jérusalem.

 

 

 

« Tant que les Douze restèrent à Jérusalem, ils y exercèrent l’autorité reçue du Seigneur et eurent à pourvoir au service des hellénistes aussi bien que des hébreux. Mais très tôt leur autorité fur partagée par Jacques, frère du Seigneur, qui l’exerça seul lorsqu’ils eurent quitté la ville. »

 

 

 

Les informations d’Eusèbe.

 

 

 

Les chefs de l’Eglise hiérosolymitaine (de Jérusalem) d’après Eusèbe :

 

  • Jacques.

  • Siméon.

  • Justus.

  • Zacchée.

  • Tobias

  • Benjamin.

  • Jean.

  • Matthias.

  • Philippe.

  • Sénèque.

  • Justus.

  • Lévi.

  • Ephrem.

  • Joseph.

  • Judas.

 

 

 

« Le problème est donc de savoir pourquoi les deux premiers de la liste ont été en fonction de l’an 49, date où Jacques intervient au « concile » de Jérusalem à l’an 105-110, où Siméon mourut, c’est-à-dire pendant près de soixante ans, alors que leurs successeurs ne le furent que deux ans en moyenne. »

 

 

 

« Les quinze premiers chefs de la communauté hiérosolymitaine n’étaient pas seulement juifs de race, de circoncision et d’observance, ils étaient aussi de la famille de Jésus. » Il y avait donc une coutume établie par les judéo-chrétiens de Palestine de choisir leurs chefs dans la famille du Sauveur. « Cette coutume sémitique a été comparée au caliphat musulman ou encore appelée succession dynastique. »

 

 

 

Problème d’identification de Judas le quinzième de la liste d’Eusèbe. Bien entendu il ne s’agit pas de Judas l’Iscariote. Il pourrait s’agir de :

 

 

 

  • Judas Thaddée, apôtre et qui sans doute l’auteur de l’épître canonique qui porte son nom.

 

 

 

  • Jude surnommé Barsabas envoyé de Jérusalem à Antioche avec Paul, Barnabé et Silas.

 

 

 

« Si la loi du caliphat s’est appliquée aussi à lui, on est tenté de voir en Judas Thaddée ce quinzième de liste, puisque les Evangiles le disent « frère du Seigneur » »

 

 

 

Jacques et son Epitre.

 

 

 

« Ce Jacques est différent de l’apôtre, fils de Zébédée et frère de Jean, martyrisé par Hérode en 42-44 ; différent aussi d’un autre, Jacques que les synoptiques disent « fils d’Alphée. (…) Il est au contraire celui que Paul aperçoit le premier parmi les « colonnes » de la communauté de Jérusalem lorsqu’il y monte pour la deuxième fois et qu’il nomme lui-même « frère du Seigneur » »

 

 

 

« Jacques fut surtout l’inspirateur de la proposition transactionnelle qui, au « concile » de Jérusalem, fut transmise aux chrétiens d’Antioche, de Syrie et de Cilicie comme « décision du Saint-Esprit, des apôtres et des anciens ». A ce moment-là, vers 49, entouré d’un conseil « d’anciens », il avait pris la direction de la communauté hiérosolymitaine. »

 

 

 

« L’épitre est connue surtout pour son insistance sur le rôle des bonnes oeuvres dans la vie chrétienne. Un passage a même été compris comme dirigé contre Paul et sa doctrine de la justification par la foi. Car « sans les oeuvres, écrit Jacques, la foi est morte ». En fait, le point de vue de l’un est complémentaire de celui de l’autre, même si Jacques est plus sensible que Paul aux aspects quotidiens d’une foi vécue. »

 

 

 

Paul et Jacques nous dévoilent tous les deux une situation de l’Eglise primitive où il existe une discrimination entre les riches et les pauvres et pour Paul « est en cause l’authenticité du « repas du Seigneur » » car il estime que dans l’Eglise il ne doit pas y avoir de discrimination entre riches et pauvres, car tous sont égaux devant Dieu.

 

 

 

L’Epître de Jacques atteste deux types de ministres :

 

 

 

  • Les presbytres à qui est recommandé l’assistance due aux malades (visite, confession des péchés, prières).

 

 

 

  • Les didascales

 

 

 

2). La Palestine.

 

 

 

Concernant les judéo-chrétiens de Palestine, Epiphane les estime à une trentaine, à supposer que même cette estimation ne soit pas exagérée. « Dans ces conditions, il est vain de s’interroger sur l’organisation de leurs communautés, qui sans doute ne connaissaient pas d’institutions en dehors du baptême et de l’eucharistie. »

 

 

 

« La mort d’Etienne et la persécution dont elle fut le signe dispersèrent des chrétiens de Jérusalem, qui prêchèrent l’Evangile dans les régions où ils s’étaient réfugiés. »

 

  • Philippe se rend dans une ville de Samarie pour y proclamer le Christ.

  • Au moment de la conversion de Paul, il y a des disciples du Christ à Damas.

  • Un disciple du nom de Tabitha à Joppé.

  • A Césarée de Palestine, des fidèles baptisés par Pierre.

 

 

 

3). Antioche.

 

 

 

« Antioche est une des villes dont la communauté chrétienne des origines nous est le mieux connue. »

 

 

 

Les vues d’Eusèbe.

 

 

 

« Ce qu’Eusèbe rapporte des origines chrétiennes d’Antioche est tiré des Actes des Apôtres. En outre, il est le premier à savoir que Luc était originaire de cette ville. Il tire de Justin le renseignement que Ménandre disciple de Simon le Magicien y était venu en visite et qu’en était originaire Saturnin, un des premiers maîtres du gnosticisme.

 

 

 

Les écrits du Nouveau Testament.

 

 

 

« Les Epitres de Paul restent notre source la plus rapprochée des faits sur la plus ancienne chrétienté d’Antioche. Leurs renseignements se réduisent malheureusement à propos de l’incident qui opposa Paul à Pierre. Pour unique qu’il soit, le passage nous fait du moins savoir que deux communautés chrétiennes existaient alors dans la ville, l’une formée par les « circoncis », restés stricts observateurs de la Loi mosaïque après leur conversion au Christ, l’autre comprenant les « païens », c’est-à-dire les convertis venus directement du paganisme et qui n’étaient pas astreints aux observances judaïques. Leur coexistence posa le problème de leur participation aux mêmes repas rituels, eucharistie et agape. Il semble bien que l’intransigeance de Paul n’ait pas prévalu à Antioche, même Barnabé s’étant rangé du côté de Pierre. Aussi son exigence inconditionnelle de la participation de tous à la même table, quelle que fut leur origine religieuse, n’a pas eu de succès après son départ. C’est la position moyenne de Pierre qui l’emporta, tolérant la tenue d’assemblées séparées. »

 

 

 

Les Actes des Apôtres, pour leur part, présentent la mission chrétienne à Antioche comme la conséquence directe du martyre d’Etienne, et parmi les premiers missionnaires comptent les « hellénistes » de Chypre et de Cyrénaïque. « Prêché d’abord aux nombreux juifs de la ville, l’Evangile atteignit aussi des païens (…) C’est à Antioche que les fidèles reçurent pour la première fois le nom de « chrétiens », c’est-à-dire de sectateurs du Christ. (…..) Le même récit offre les plus anciens détails sur l’organisation de cette Eglise en mentionnant d’abord les prophètes, dont Agabus qui prédit la famine sous Claude, et qui étaient des prédicateurs itinérants de la Bonne Nouvelle, ensuite les didascales ou docteurs qui en expliquaient la portée morale et doctrinale à l’aide de l’Ecriture . Ces docteurs provenaient de la Diaspora et devaient être des hellénistes. » (Barnabé, Saul, Syméon, Manaen, Lucien de Cyrène, Simon avec un surnom latin (Niger).

 

 

 

« Prophètes et didascales assuraient collégialement la direction de l’Eglise locale. »

 

 

 

C’est à Antioche « que surgit la première grave controverse. Elle est due à des convertis du judaïsme, farouchement attaché à la Loi de Moïse, qui étaient arrivés de Judée et avaient appartenu « au parti des pharisiens devenus croyants ». L’objet du litige était de savoir s’il fallait circoncire les convertis du paganise avant de les agréger à la communauté chrétienne. Pour obtenir sur la question l’avis de l’Eglise mère, Paul et Barnabé et quelques autres furent envoyés à Jérusalem. » La décision prise fut de ne pas imposer la circoncision aux convertis du paganisme et de leur demander seulement de respecter les quatre interdits suivants : ne consommer ni idolothytes (viandes offertes aux idoles), ni sang, ni viande étouffée, s’abstenir de la fornication.

 

 

 

4). Les communautés pauliniennes : Asie Mineure, Macédoine, Grèce.

 

 

 

« L’action de Paul, décisive pour l’avenir du mouvement religieux fondé par le Christ, se prolongea après la mort de l’apôtre. »

 

 

 

L’action de Paul.

 

 

 

« Paul a été appelé par le Christ après son ascension, indépendamment des Douze et sans avoir personnellement connu Jésus de son vivant. Aussi a-t-il eu des difficultés à faire admettre son apostolat par eux (…) De plus, et apostolat a revêtu un aspect charismatique, l’apôtre affirmant en effet avoir le don des langues plus que les Corinthiens : son exemple n’a pas manqué d’influer sur la vie des communautés qu’i a fondées. (…) Or, durant ses voyages apostoliques, il fonda des communautés en Asie Mineure en Macédoine et en Grèce. »

 

 

 

L’héritage paulinien.

 

 

 

« Avec la mort de l’apôtre, la solution trouvée pour Ephèse, ou une autre semblable, sera celle du reste des fondations pauliniennes. »

 

 

 

Colosses et Ephèse.

 

 

 

« Pour la datation de l’épître aux Colossiens on a avancé les dix années qui ont suivi la mort de Paul ; pour celle aux Ephésiens, la dernière décennie du Ier siècle. Dans les deux épitres est développée une conception de l’Eglise, à la fois céleste et terrestre. »

 

 

 

Epîtres pastorales : Ephèse et Crète.

 

 

 

« A côté du courant mystique (…..) l’héritage paulinien comporte encore un courant institutionnel très fort que représentent les Epîtres pastorales. (….) C’est en effet une idée largement reçue des spécialistes que Paul était déjà mort, et qu’en écrivant sous son couvert, l’auteur inconnu cherche à faire face à des problèmes post pauliniens. »

 

 

 

« Parmi les problèmes post pauliniens, celui des faux docteurs égarant les chrétiens s’amplifie à mesure que se fait attendre la parousie. Aussi l’important n’est plus de propager l’Evangile, mais de préserver l’acquis en surveillant plus strictement le troupeau, souci qui était déjà celui de Paul. (….) Après Paul, cependant, cette question prendra de plus en plus d’importance de la fin du Ier à celle du IIe siècle, pour atteindre son paroxysme à l’époque d’irénée. En attendant, les feux docteurs ne sont plus des judaïsants convertis de la Synagogue, mais des gnosticisants issus de l’Eglise. »

 

 

 

« Timothée et Tite n’apparaissent pas comme de simples presbytres-épiscopes. Ce sont des responsables d’un plus haut niveau ; leur mission leur vient directement de Paul et ils sont chargés de l’institution de presbytres dans les nouvelles communautés. »

 

 

 

Le choix des épiscopes donne l’impression d’un mécanisme à plusieurs temps :

 

  • Acte de candidature.

  • Choix de la communauté.

  • Investiture par le disciple d’apôtre.

 

 

 

Le portrait du bon épiscope est celui du bon père de famille. « Si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, (….) comment gouvernera-t-il l’Eglise de Dieu ? » « La réflexion de l’auteur implique donc, d’une part une communauté de type familial, une de ces églises domestiques nommées dans les Epitres, de l’autre la coexistence de plusieurs communautés de ce genre dans une même ville. »

 

 

 

Dans les Pastorales, épiscopes et presbytre sont deux termes synonymes. Ils désignent la ou les fonctions d’une même personne.

 

 

 

« La synonymie de presbyte et d’épiscope est généralement admise. La seule difficulté parfois soulevée est que les presbytres sont toujours nommés au pluriel comme groupe, l’épiscope toujours au singulier, comme individu. Cela indique-t-il une différence de fonction ? On doit répondre que le singulier du second terme s’explique du fait qu’il paraît toujours lorsque l’on évoque des qualités requises de l’épiscope et que le candidat ainsi retenu est chaque fois unique, ce qui ne remet pas en cause la synonymie des deux termes. »

 

 

 

étymologiquement le mot épiscope signe surveillant , veilleur, gardien. « L’épiscope des Pastorales, un rôle autant disciplinaire que doctrinal, qui s’exerce particulièrement au sujet des faux docteurs et des pécheurs et qui consiste non seulement à enseigner et exhorter, mais encore à réfuter et convaincre. »

 

 

 

« Le presbytie-épiscope est institué par l’imposition collective des mains, à laquelle est lié un don (…) Il est remarquable que ce don soit toujours nommé charisma et non charis, grâce. La grâce de cette imposition est donc un charisme, celui du gouvernement de la communauté, exercé collectivement. Ceux qui l’ont reçu méritent respect et honneur. A condition qu’ils exercent bien leurs fonctions, ils recevront double rémunération. »

 

 

 

A côté des presbytres-épicospes sont mentionnés les « diacres » de qui sont aussi exigées des qualités morales. Comme l’épiscope, les diacres « doivent n’avoir été mariés qu’une fois, savoir bien diriger leurs enfants et leur propre maison. »

 

 

 

5). Une communauté fondée en dehors des apôtres : Rome.

 

 

 

« Antioche a été la première grande ville de l’Empire romain à recevoir le message chrétien. Nous sommes beaucoup moins bien renseignés sur les débuts du christianisme dans la capitale de l’Empire, Rome. Paul qui a écrit une lettre aux chrétiens de la Ville en 58, est arrivé chez eux, prisonnier, au début des années 60 et, revenu prisonnier une seconde fois peu d’années après, il y a confessé le Christ par sa mort. De la présence de Pierre à Rome, nous ne connaissons avec certitude que son martyre et sa tombe. Or des chrétiens sont attestés dans la Ville, avant même qu’il y soit question de l’un des deux apôtres. »

 

 

 

Rome de 40/50 à 64/67.

 

 

 

Attestation des premiers chrétiens à Rome dès les années 40/50.

 

 

 

La venue de Pierre et Paul à Rome.

 

 

 

« Le trophée de Pierre au Vatican. Les fouilles conduites de 1940 à 1949 sous la basilique Saint-Pierre ont permis de retrouver, sinon la tombe primitive elle-même, du moins son emplacement, grâce au monument commémoratif du IIe siècle. » Grâce à cette découvert on a la preuve de la présence à Rome de l’apôtre Pierre.

 

 

 

Pour sa part, Clément de Rome pare « d’une grande foule d’élus », Tacite d’une « foule énorme (…) de chrétiens convaincus de haine du genre humain. »

 

 

 

« Même si on ne peut tirer aucune approximation chiffrée de ces déclarations, le nombre des chrétiens suppliciés dut être assez important pour avoir laissé un souvenir chez les païens et les chrétiens. Leur communauté était ainsi sortie de l’anonymat. »

 

 

 

Des chrétiens à Rome avant les apôtres.

 

 

 

C’est au cours des années 40 que se déroulent des troubles provoqués par un certain Chrestos parmi les Juifs de Rome ce qui provoque leur expulsion par l’empereur Claude (édit publié en 49)

 

 

 

Concernant Chrestos « il ne peut évidemment s’agir du Christ agitateur et fauteur de troubles, qui était mort depuis plus de vingt ans. Mais c’est à son sujets que des troubles avaient éclaté dans les synagogues de Rome entre adversaires et partisans du mouvement religieux qu’il avait inauguré et que cet incident nous permet de voir actif dans la capitale. Avec les juifs orthodoxes, les dissidents chrétiens avaient été expulsés : au cours des années 40, les autorités romaines ne faisaient pas encore la distinction entre eux.

 

 

 

La communauté en 58 selon l’épître aux Romains 16.

 

 

 

« Né en milieu juif, le premier christianisme romain a sans doute commencé par en adopter les modes d’existence. Nos plus anciennes informations à son sujet se trouvent dans le dernier chapitre de l’Epître aux Romains, dans lequel, vers 58, Paul salue quelques fidèles de la Ville. »

 

 

 

Nous apprenons aussi l’existence d’au moins une « maison d’Eglise » à Rome en 58, celle d’Aquila et Priscille.

 

 

 

La communauté romaine en 75-90.

 

 

 

Deux documents sont susceptibles de nous renseigner sur la communauté romaine après la prise de Jérusalem par Titus : l’Epître aux Hébreux et la première Lettre de Pierre.

 

 

 

Dans la première Lettre de Pierre, « l’auteur s’efforce donc d’édifier spirituellement une communauté dont il invite les membres à la cohésion grâce à des rapports mutuels de charité. Il est significatif qu’il emploie dans ce but un vocabulaire se rapportant à la maison : aussi spirituelle qu’elle soit, « la maison de Dieu » est métaphoriquement à l’image de celle qui accueille les fidèles dans la réalité ; l’auteur évoque donc ainsi celle qu’il fréquente lui-même. Dans cette perspective, il n’est pas interdit de penser qu’il se base sur l’existence quotidienne et l’idéal romains. »

 

 

 

« La Lettre laisse donc l’impression d’une communauté romaine en voie de structuration, ce qui n’apparaît pas dans l’Epître aux Hébreux ; c’est une communauté mieux organisée que « l’Eglise domestique » de l’Epître aux Romains. »

 

 

 

La communauté romaine en 96 : la Première Lettre de Clément de Rome.

 

 

 

« La Lettre de Clément de Rome, adressée à l’Eglise de Corinthe au nom de celle de Rome, nous fournit sur l’Eglise de la capitale le dernier témoignage du Ier siècle et le premier d’une génération nouvelle de chrétiens. On la date généralement de l’an 96. »

 

 

 

Le ministère de la parole est dévolu aux presbytres qui sont des personnages institués. Leur deuxième rôle est de « présenter les offrandes ».

 

 

 

« Clément situe donc l’institution presbytérale et sa fonction sacrificielle au niveau sacral des actions cultuelles vétérotestamentaires (relatif à l’Ancien Testament), garanties et protégées par la loi divine, reprises et accomplies par le Christ. »

 

 

 

Ces presbytres ne tiennent pas uniquement leur autorité au consensus communautaire. « Elle vient des apôtres et, par cet intermédiaire, du Christ et de Dieu. »

 

 

 

« De même, Clément considère les épiscopes comme les successeurs des apôtres (….) Mais il est le premier à établir expressément la séquence Dieu-Christ-apôtres-épiscopes. (…) Nulle part non plus il n’affirme l’équivalence épiscopes-presbytres. Mais il emploie indifféremment les deux termes et leurs proches de même racine. (….) Les diacres ne sont mentionnés qu’en passant. »

 

 

 

Dans ce texte apparition aussi des mots « laïc, laïque » dans le vocabulaire chrétiens. Ils désignent ceux qui n’exercent aucun ministère sacré et n’appartiennent pas à ce qui deviendra la hiérarchie. « La création du mot par Clément a donné un nom à la foule des sans-grade et a sans doute précipité un processus de séparation qui ne s’accomplira que plus tard. Bien plus, il viendra un temps où les membres de la hiérarchie ne seront plus seulement distingués, mais séparés des laïcs ; ils passent pour ne pus faire partie du peuple de Dieu, mais sont placés au-dessus de lui, à un rang proche de Dieu, comme dans la Didascalie. »

 

 

 

« Il est possible que la communauté de Rome doive une partie de son prestige au fait qu’elle est l’Eglise de la capitale. C’est plus tard seulement que nous la verrons se prévaloir du texte matthéen des pouvoirs conférés à Pierre. »

 

 

 

6). Les communautés des Evangiles synoptiques.

 

 

 

« Selon la critique biblique contemporaine, les Evangiles nous transmettent des échos des questions que se posaient les Eglises dans lesquelles ils sont nés et de la situation où elles se trouvaient au temps de leur rédaction, voire pendant tout le temps au cour duquel, étape par étape, ils ont été élaborés. »

 

 

 

La communauté de l’Evangile de Marc : Rome ?

 

 

 

L’Evangile de Marc est considéré comme le plus ancien. Pour répondre aux questions où, quand et pour qui, on ne peut se fier aux auteurs anciens :

 

 

 

  • Les auteurs du Nouveau Testament parlent d’un seul et même homme nommé Marc successivement disciple de Paul et de Pierre.

 

 

 

  • Papias de Hiérapolis (vers 130-140) fait de Marc l’interprète de Pierre et donc un disciple indirect du Christ.

 

 

 

  • Irénee (fin du IIe siècle) précise qu’il écrivit à Rome après la mort de pierre.

 

 

 

  • Clément d’Alexandrie au contraire indique que ce fut du vivant de Pierre qu’il écrivit et qu’il autorisa la lecture publique dans les églises.

 

 

 

  • « Au début du IIe siècle, circule donc une tradition faisant de Marc l’auteur d’un Evangile rédigé à Rome sous l’influence de Pierre et après sa mort. »

 

 

 

La communauté de l’Evangile de Matthieu : Antioche ?

 

 

 

« L’Évangile de Matthieu, généralement daté aujourd'hui de la dernière ou avant-dernière décennie du Ier siècle, nous informe sur l'histoire des chrétiens d'Antioche de la deuxième génération (70-100). Même s'il est parmi les Evangiles celui qui a été le plus tôt connu et le plus universellement diffusé, il s'enracine cependant dans une communauté locale, à une époque précise de son existence. Il est l'aboutissement d'un double et complexe processus de croissance : littérairement, il présuppose plusieurs sources orales et écrites dont l'élaboration a demandé un certain temps; historiquement, il consiste dans la progressive séparation de la communauté chrétienne d’avec la Synagogue. Elle se distancie ostensiblement de son milieu religieux d'origine alors qu'elle s'ouvre à la mission auprès des païens. La circoncision est abolie, le baptême trinitaire la remplace comme rite d'initiation. »

 

 

 

La rupture avec la synagogue le place après l’assemblée juive de Jamnia vers 85. Différentes villes ont été proposées comme lieu de rédaction : Jérusalem, Alexandrie, Césarée Maritime, Edesse ou Damas, la Phénicie, Antioche. C’est cette dernière ville qui pourrait être la meilleure candidate comme lieu d’origine.

 

 

 

Il révèle à « Antioche dans cette avant-dernière décennie du Ier siècle l’existence de communautés aux traits mêlés, héritage d’un passé chrétien de plus de quarante ans. »

 

 

 

Matthieu « s’inscrit dans le récit de la confession de foi de Pierre a Césarée de Philippes « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». A quoi Jesus répond que la confession de l'apôtre est le fruit d'une révélation du Père. C’es pourquoi, à son tour, Jésus déclare à Simon qu'il est Pierre, que sur cette pierre il bâtira son Eglise et que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. En lui donnant les clés du Royaume des Cieux, il lui donne aussi le pouvoir de lier et délier, en sorte que ses décisions sur terre seront sanctionnées dans les Cieux.

 

En appelant Simon, fils de Jonas, du nom nouveau et prophétique de Pierre, le Christ signifie la mission, la destinée à laquelle il le voue, et donc la situation nouvelle de l'apôtre par rapport à sa propre personne et à son œuvre. Cette œuvre ne s'identifie pas seulement au Royaume des Cieux dont Pierre reçoit les clés, elle précise en outre le Royaume comme Église, et comme Église fondée sur Pierre. Dans le contexte de sa confession de foi, c'est sur la foi de Pierre que se bâtira l'Église. Quant au pouvoir de lier et délier, ces deux verbes antithétiques sont des termes techniques du langage rabbinique s'appliquant d'abord au domaine disciplinaire, étendus ensuite à celui de la doctrine pour définir ce qui est conforme ou non à l'enseignement de la Torah. A Pierre est donc conféré le pouvoir de décider ce qui est conforme ou contraire à l'enseignement de Jésus. C'est dans ce sens que l'on a appelé Pierre «le grand rabbin de l'Église universelle », car le pouvoir de Pierre s'étend à toute l'Église du Christ.

 

Le rôle médiateur de Pierre dans l'Église d'Antioche vers 40-50, destiné à la stabiliser entre des courants divergents, a pu contribuer, vers 80-90, à exalter sa place d'apôtre dans l'Église universelle tel qu'il est défini. »

 

 

 

La communauté de Luc / Actes des Apôtres : Antoche ?

 

 

 

L’Evangile de Luc et les Actes des Apôtres sont du même auteur et leur rédaction est postérieure de quelques décennies à la mort des apôtres Pierre et Paul. « Or Luc se montre, ce qui étrange pour un Grec, hostile aux pharisiens, défenseur de la virginité ; mais il est surtout préoccupé de la psychologie religieuse du temps, de l’activité miséricordieuse du Christ, du rôle du Saint-Esprit. Il est « intimiste », pas institutionnel. »

 

 

 

Dans la communauté antiochienne des Actes, il y avait des « prophètes et des didascales itinérants . Ils pouvaient être venus de Chypre, comme Barnabé, de Cyrène comme Lucius ou de Tarse comme Paul. L’activité des didascales était d’enseigner. D'autres prophétisaient. A côté des itinérants, il existe dans chaque communauté des ministres sédentaires. A Jérusalem, ce sont « les apôtres et les anciens », plus tard «Jacques et les anciens ». « Dans chaque Église » qu'il fonde en Asie Mineure, Paul établit des « anciens » et ceux d'Éphèse viennent le saluer à Milet avant qu'il ne les quitte pour toujours .

 

 

 

« En somme, telles qu'elles ressortent des Actes, les communautés lucaniennes sont gouvernées comme le seront celles de la Didache ou des Lettres pastorales. la ressemblance des institutions propres à ces différentes communautés donne à penser que les documents qui les attestent proviennent de la même région et ont été composés vers la même époque: il n'est donc pas hasardeux de placer leur origine dans le dernier quart du Ier siècle à Antioche plutôt qu'à Ephèse. »

 

 

 

« Alors coexistent à Antioche, ce dont on est plus ou moins sûr suivant les cas, Plusieurs types de communautés chrétiennes : celle des origines, datant d'après le martyre d'Etienne, se diversifia rapidement en groupes judéo- et pagano-chrétiens; celle de Matthieu avait une organisation locale rudimentaire sans fonctions spécifiques celle de Luc, dont la cohésion était assurée par les motions de l'Esprit ; celle des Actes, la plus organisée, une avec une double hiérarchie, itinérante et stable. »

 

 

 

Cela nous suggère que « coexistent dans cette ville des communautés diversement structurées, à différentes étapes chronologiques de leur organisation, celle de l’une pouvant être en retard sur celle de l’autre. »

 

 

 

7). Les communautés johanniques d’Asie Mineure.

 

 

 

Le groupe appelé « communautés johanniques » est celui révélé par des écrits mis sous le même nom de l’apôtre Jean dès le siècle suivant. Mais on peut penser qu’il s’agit de personnages différents.

 

 

 

La communauté de l’Apocalypse.

 

 

 

«  L’Apocalypse de saint Jean, qui est le dernier livre du Nouveau Testament dans nos éditions, n'a pas toujours été retenue parmi les sources à étudier pour retrouver l'histoire des communautés johanniques, peut-être parce que l'idée qu'elle donne de leur organisation est assez différente de celle que l'on trouve dans les autres écrits johanniques. La différence est suffisante pour poser la question de l'unité ou de la diversité de l'héritage johannique. En raison du caractère particulier de l'Apocalypse, il semble préférable de relever d'abord la terminologie ministérielle qu'elle emploie, pour voir, en un second temps, quelle communauté elle pouvait caractériser. »

 

 

 

L'Apocalypse ne nomme les apôtres que deux fois. La première fois ils sont, au sens général, des «chargés d'affaires » dans l'énumération : « saints, apôtres et prophètes », sans aucune connotation technique particulière. Dans le second cas, en revanche, il s'agit des « douze apôtres de l'Agneau », donc des Douze que les Synoptiques appellent « apôtres ».

 

 

 

L’apocalypse mentionne beaucoup plus fréquemment les « prophètes » qui « prophétisent » des discours appelés « prophétie ».

 

 

 

De ces informations on peut donc en déduire que les communautés dont parle l’apocalypse ne connaissent ni épiscopes, ni presbytres, ni aucun autre ministre hormis les prophètes.

 

 

 

« A quelle communauté appartenait l’organisation ministérielle de l’Apocalypse ? Les lettres aux sept Eglises d’Asie ont sans doute été écrites dans cette province, ce que pourrait confirmer le fait que son auteur a localisé à Patnos sa première vision. Cet auteur se donne le nom de Jean et se dit « serviteur » de Jésus-Christ. (…) Tout ce que l’on peut raisonnablement dire, c’est que l’Apocalypse représente un courant d’inspiration johannique et d’origine asiate. » Concernant la date de rédaction, c’est l’année 95 environ qui est retenue.

 

 

 

La communauté du disciple bien-aimé et du presbytre.

 

 

 

« Le 4° Evangile et les Épîtres de Jean forment un ensemble caractérisé d'abord par l'absence d'un vocabulaire ecclésiologique et institutionnel. (…) En fait, les omissions n’ont pas toutes le même sens. Si Jean n'a jamais utilisé le mot Eglise, terme propre à Matthieu, de leur côté, Marc et Luc l'omettent pareillement. En revanche, quand Jean n’utilise pas le mot « apôtre » pour désigner les disciples choisis par Jésus, alors que la plupart des auteurs du Nouveau Testament l’utilisent, l’absence risque d'être voulue et porteuse de sens. »

 

 

 

« A quoi s'ajoutent des tendances et des choix doctrinaux, commandés par la Christologie « haute» de ces écrits. On qualifie ainsi la christologie qui affirme la préexistence du Christ comme Verbe non seulement avant son incarnation, mais encore avant la création. Nulle part elle n'est aussi clairement exprimée qu'en Jean où elle est attribuée à l'enseignement spécial de l'Esprit Paraclet. Elle est le critère distinctif de l’une des différentes tendances entre lesquelles se répartissent à la fin du le siècle fidèles et communautés menacées d'éclatement. »

 

 

 

« Le remps est passé оù les fidèles parmi lesquels des disciples du Baptiste reconnaissaient en Jésus un messie à la juive. Le « disciple bien-aimé », qui pouvait avoir appartenu au groupe de Jean-Baptiste avant de suivre Jésus, a été le promoteur la christologie « haute » quand il eut compris le mystère du Christ. Cette prise de conscience favorisa à la longue la maturation de la christologie. qui s’effectua au cours des quelque soixante années qui séparèrent la mort du Chris de la Rédaction du 4° Évangile. »

 

 

 

« À Jamnia, vers 85, les « déviationnistes » chrétiens furent expulsés de la synagoge par les dirigeants juifs à prédominance pharisienne et la consigne fut suivie dans la Diaspora. Les partisans de Jean-Baptiste ne se rallièrent pas tous au Christ, aussi le 4° évangéliste marque-t-il la différence entre le précurseur qui n'est pas le Messie et Jésus quI l’est. »

 

 

 

« Qu’est donc cette conscience chrétienne dans l’ensemble des communautés de cette fin du Ier siècle ? (….) En dépit de traits sectaires (hostilité envers le monde, les juifs, les judaïsants, les peureux, les attentistes ; sentiment de sa propre supériorité), le 4e Evangile est un appel à l’unité et une prière en sa faveur. (….) Les Epitres johanniques, toutes « catholiques », qu’elles soient, révèlent qu’un fossé s’est creusé, qu’un schisme a eu lieu à l’intérieur de la communauté johannique et qu’il a eu pour base les positions christologiques. Le « disciple bien-aimé » a disparu de la scène ; c’est le « presbytre » qui a pris le relais et a écrit les lettres. Le changement de guide a peut-être accéléré la rupture. »

 

 

 

« On a suggéré que le « presbytre », par l’emploi du « nous » pluriel, se présentait comme le porte-parole de sa communauté, héritière de l’enseignement des origines et comme le témoin le plus authentique de ce qui fut dès le commencement. C’est peut-être là que se trouve la clé de l’archaïsme institutionnel de sa communauté : elle est conservatrice.»

 

 

 

Conclusion.

 

 

 

1. « Un premier fil conducteur de l’évolution des communautés primitives paraît être l’existence « d’Eglises domestiques » » (Jérusalem, Rome, Corinthe, Ephèse, Colosses)

 

 

 

« Ces faits, plus ou moins certains suivant les cas, rendent l’hypothèse des communautés domestiques vraisemblable pour l’ensemble des Eglises locales, qui ont commencé pour prendre la forme de communautés familiales, réunissant les fidèles par quartiers chez les plus fortunés d’entre eux, dont les demeures comportaient des salles suffisamment vastes pour accueillir leurs assemblées ; certaines de ces Egises « domestiques » se sont plus ou moins maintenues pendant tout le Ier siècle et quelquefois au-delà. »

 

 

 

2. « Les communautés dont la fondation première n’est pas due à un apôtre sont des cas à part. Le christianisme s’y est introduit par capillarité grâce aux commerçants, soldats, esclaves et autres chrétiens venus d’ailleurs pour des motifs généralement professionnels ou sociologiques et qui, souvent, pouvaient être d’origine juive. (….) On imagine volontiers le chef de famille, sur le modèle de ce qui se passait alors dans les familles juives et païennes, prendre la direction des actions caritatives et cultuelles.

 

 

 

Concernant Rome, on sait que quand les premiers chrétiens sont attestés, avant qu’un apôtre ne le soit, ils se réunissaient chez Priscille et Aquila.

 

 

 

« Dans les deux cas, qu'elles aient pris modèle sur la famille antique ou sur les associations volontaires, il ne faut pas sous-estimer l'exemple judaïque dont se sont sans doute inspirées les communautés chrétiennes issues des synagogues de la Diaspora. C'est précisément le cas de celles de Rome. Les communautés judaïques suivaient leurs lois propres, avaient leurs association et leur lieu de réunion propres. (…) D'ailleurs les juifs, outre leur particulière organisation religieuse, avaient aussi leurs propres associations professionnelles. Tant qu'ils ne se distinguaient pas des juifs, les chrétiens jouissaient de leurs droits. Nous pouvons penser qu'ils en ont aussi adopté les structures avec des conseils d'anciens et des archontes »

 

 

 

3. Le rôle des femmes dans ces communautés primitives ? Nous connaissons trois femmes qui ont pris part à leur fondation :

 

  • Lydia à Philippes.

  • Evodia et Syntyche ailleurs.

 

 

 

D’autre part à contre-courant d’une organisation sociale à prédominance masculine, Paul a aussi proclamé l’égalité des sexes dans le Christ.

 

 

 

4. « C’est dans les Eglises fondées par les apôtres qu’apparaissent les premières structures dépendantes du modèle judaïque plus que du modèle gréco-romain.

 

 

 

« Le cas de Jérusalem, exceptionnel en raison de ses ministères « dynastiques », n’a pas fait école en dehors d’un nombre restreint d’Eglises palestiniennes. »

 

 

 

« C’est d’Antioche que sont partis les modèles des ministères charismatiques et des ministères institués. » Paul ne fait pas de distinctions entre les deux et les énumère à la suite.

 

 

 

« Mais il reste vrai que le charisme, le plus souvent, n'est pas lié a l'institution; il l'est aux réunions, quand s'y réalisent les conditions psychologiques particulières favorisant l'intervention de l'Esprit. Parmi les charismatiques figurent les prophètes, les docteurs, que nous retrouvons dans presque tous les écris néotestamentaires ou non canoniques. (….) Dans les communautés apostoliques les plus anciennes, ils constituent, avec l'apostolat itinérant, la seule forme connue d'autorité. Leur rôle est essentiellement celui de la prédication et l'enseignement de la foi. »

 

 

 

II. L’émergence du monépiscopat au IIe siècle.

 

 

 

Au IIe siècle sont attestés deux types de communautés chrétiennes : d'une part celles dont l'organisation revêt encore souvent le caractère plus ou moins rudimentaire des origines, pour ne pas dire que leur organisation est quelquefois inexistante ; d'autre part celles qui développent l'organisation hiérarchique dont Ignace d'Antioche a donné l'exemple le plus représentatif. »

 

 

 

1). La persistance des formes archaïques d’organisation.

 

 

 

La lettre de Pline le Jeune à Trajan : Bithynie.

 

 

 

Cette lettre écrite vers 112-113 atteste d’une diffusion précoce du christianisme en Bithynie, certains semblant être là parfois depuis plus de 20 ans. Leur nombre frappe aussi, hommes et femmes issus de toutes les classes sociales, aussi bien de la ville que de la campagne.

 

 

 

« Pline semble assimiler le mouvement chrétien aux «hétairies » qu’il avait interdites conformément à l’ordre de Trajan. Il s’agissait d’associations religieuses dont celles d’origine orientale étaient l’objet de réglementation et interdictions du législateur et d’une surveillance policière particulièrement attentive. »

 

 

 

La deuxième Epitre aux Thessaloniciens.

 

 

 

Dans ce texte, l’auteur y recommande aux Thessaloniciens d’imiter l’exemple de Saint Paul et de ne pas donner l’hospitalité chez eux à des frères « égarés et mauvais », « qui vivent dans l’oisiveté, ne travaillant pas du tout, mais se mêlant de tout. »

 

 

 

La Didachè : Syrie antiochienne.

 

 

 

« La Didachè nous renseigne sur les communautés syriennes de l’Ouest au début de la troisième génération (peu après 100). »

 

 

 

La Didachè distingue deux sortes de ministères :

 

 

 

  • Certains concernent la parole de Dieu et l’action de grâce. Ils sont exercés par les apôtres, les prophètes, les didascales. « L’apôtre n’est pas défini comme tel, mais son portrait résulte du comportement qu’il doit avoir et de l’accueil qu’il faut lui réserver. Le véritable apôtre se reconnait à son enseignement, s’il est conforme à celui des Douze. Il se caractérise encore par son désintéressement. (….) Les prophète sont le plus souvent nommés : ils sont sans doute les plus nombreux parmi les ministres itinérants de la parole. Parler « en esprit » est leur charisme propre. (….) Les critiquer serait un péché contre l'esprit. Mais parler en esprit n'est pas un critère suffisant de l'authenticité de leur charisme. Le charismatique doit encore avoir « les façons de vivre du Seigneur » et c'est « d'après sa conduite, si elle est conforme à ses paroles, qu'on distingue le faux du vrai prophète ». S'il reste sur place plus des deux ou trois jours normaux de l'hospitalité et si, restant plus longtemps, il ne travaille pas pour gagner sa nourriture, «c'est un trafiquant du Christ » et il faut s'en méfier. Le didascale est jugé de la même manière : « Pareillement le docteur véritable », mais il mérite sa nourriture en raison de l'enseignement qu'il dispense. »

 

 

 

  • Certains concernent la direction des communautés. Pour ces ministères de direction, il faut « élire des épiscopes et des diacres . Ils doivent être « doux, désintéressés, véridiques et éprouvés. Car ils remplissent le ministère des prophètes et des didascales». Aussi faut-il les « honorer » comme eux. Mais, à la différence de ces derniers, ils restent à demeure dans leurs communautés. Il faut ici faire trois remarques à propos des ministères :

 

1. Ce vocabulaire des fonctions ne reçoit aucune explication de la part de l'auteur. Il l'entend par conséquent dans le sens où il a cours dans les communautés auxquelles il s'adresse;

 

2. Il n'est question que d'une hiérarchie à deux degrés, épiscopes et diacres. Si les seconds sont plusieurs par communauté, il en va apparemment de même pour les premiers. Ce qui désigne un collège d'épiscopes qu'ailleurs on nomme presbytres.

 

3. Les ministres fixes sont mis sur le même plan que les ministres charismatiques : leur ministère et les honneurs qui leur sont dus sont les mêmes bien que leur création remonte à des époques différentes. 

 

 

 

L’Epitre du Pseudo-Barnabé : Syrie-Palestine.

 

 

 

Cette épitre est écrite dans le deuxième quart du IIe siècle pour une ou plusieurs communautés syro-palestiniennes. Il reflète un état très archaïque d’organisation ecclésiale. « Il s’agit d’Eglises de spirituels individualistes, dans lesquelles « il n’est jamais question de ministères particuliers. » Le seul mentionné est celui du maître itinérant dont le rôle est de transmettre un enseignement traditionnel. Son autorité est purement morale et consiste à persuader et non à commander.

 

 

 

« On a remarqué que, tout en reprenant fidèlement l'enseignement traditionnel, d'abord sur les responsables religieux, ensuite sur la conduite des fidèles au sein de la communauté, tel qu'on le trouve dans la Didachè, non seulement le Pseudo-Barnabé expurge soigneusement celle-ci de toute note ecclésiastique, mais charge encore tous ses fidèles d'un ministère pastoral de prédication et de cure d'âme. L'absence de toute note ecclésiastique est sans doute la raison pour laquelle ces chrétiens sont tentés par un fort individualisme religieux? Le Pseudo-Barnabé ne fait pas non plus une grande différence entre le ministère de la parole et celui de l'assistance matérielle. On en a conclu que nous sommes devant une doctrine du ministère chrétien encore très peu développée. »

 

 

 

Le Deuxième Epitre de Clément : Corinthe-Rome.

 

 

 

Ce texte n ‘est pas de Clément de Rome et n’est pas une épître. « C’est au contraire « une exhortation lue pour attirer l’attention sur des écrits en vue du salut des auditeurs et du lecteur (…) Il s’agit donc d’une homélie dont le texte a été rédigé avant d’avoir été prononcé et dont la composition se révèle à l’analyse assez décousue. (….) Son thème est d’inviter les auditeurs à la conversion dans l’attente du jugement futur. La conversion elle-même consiste à conserver intact le sceau du baptême dans l’intégrité d’une vie chaste et fidèle. »

 

 

 

« Ses informations sur l’organisation de son Eglise se réduisent au minimum. Les apôtres et prophètes qu’il connaît sont uniquement ceux de l’Ecriture. De son vocabulaire institutionnel sont absents les termes d’épiscope, de diacre et diaconie, de didascale. Il emploie cependant une seule fois un composé de didascale pour désigner ceux qui distribuent un « mauvais enseignement ». Cela semble signifier que la fonction de didascalie existait dans sa communauté. »

 

 

 

Le Pasteur d’hermes : Rome.

 

 

 

Hermas est considéré comme un romain et le Pasteur un texte écrit au milieu du IIe siècle. L’auteur se dit ancien esclave et le canon de Muratori le présente comme un frère de l’évêque romain Pie (v 142-154/155)

 

 

 

« Le Pasteur est une apocalypse dont l'auteur a bénéficié et qu'il est chargé de faire connaître à sa communauté à laquelle l'écrit révèle la possibilité, au moyen d'une pénitence préalable, d'obtenir le pardon de fautes, même graves, commises après le baptême; cependant, cette possibilité ne se présente qu'une fois, en raison de la parousie (venue finale du Christ) toute proche. C'est le sens du message d'Hermas, qui fait de lui un prophète chrétien. »

 

 

 

«  En délivrant ce message, Hermas donne deux images, contrastées, de son Eglise. La première est celle d'une Église idéale à la fois préexistante et eschatologique. Créée par Dieu avant toute autre créature, elle préexiste auprès de lui, sainte et immaculée. »

 

 

 

« Mais cette même Église, représentée par une tour, est aussi en cours de construction; elle est faite d'éléments uniquement bons, passés par l'eau du baptême, et son achèvement se fera au dernier jour, celui de la toute proche parousie. C'est pourquoi le chrétien doit se préoccuper de se trouver parmi les éléments choisis de la construction. L'Église est donc tout ensemble un idéal transcendant et eschatologique, d'une part, et terrestre et historique, de l'autre, dont le rôle est d'exhorter le pécheur à la pénitence. »

 

 

 

« En effet, la réalité ecclésiale, vécue par Hermas dans la communauté romaine qui est la sienne, est bien différente de cette Église idéale. Au milieu du IIe siècle, l'Eglise de Rome est, certes, nombreuse, de provenance sociologique mêlée, mais de comportement moral tout aussi diversifié, car aux bons qui sont encore en majorité se mêlent des pécheurs de toute sorte, apostats, blasphémateurs, adultères, diacres prévaricateurs, presbytres ambitieux. Le spectacle qu'Hermas voit de ses yeux et qui est parfois affligeant a conditionné par contre-coup sa représentation de l'Eglise idéale, de la construction de laquelle les matériaux de mauvaise qualité sont écartés. »

 

 

 

« Dans l'explication du symbolisme des pierres qui entrent dans la construction de la tour sont nommés les apôtres, les épiscopes, les didascales et les diacres, qui ont bien rempli leurs fonctions de surveillance, d'enseignement et de service. À quatre sortes de ministres correspondent donc trois sortes de ministères : la différence signifie apparemment que les apôtres se rangent dans une des trois calégories de ministres. A moins qu'il ne s'agisse d'un ministère disparu. »

 

 

 

« Les prophètes, comme leurs prédécesseurs de la Didachè, se reconnaissent à leur mode de vie désintéressé; s'ils se font payer, ce sont de faux prophètes. C'est pourquoi, avec les apôtres, ils représentent une survivance de l'époque précédente et ne vont pas tarder à disparaître de l'horizon ecclésial. Seuls les didascales ou docteurs survivront jusqu'à l'époque suivante. C'est parmi les prophètes que doit être rangé Hermas lui-même. Le rôle qui lui a été confié au cours de ses visions est un charisme. Il lui donne la préséance sur les presbytres auxquels il est chargé de transmettre le message qui lui a été révélé. »

 

 

 

« A côté d’eux ont attestés des ministères de direction et d’assistance. Les chefs d’Eglise, toujours nommés au pluriel sont dits épiscopes et presbytres. Les presbytres occupent les premières places, s’assoient les premiers et sont à la tête de l’Eglise. L’un d’eux assure la présidence que les autres lui disputent parfois . La présidence n’est donc pas réglée de manière fixe. Les presbytres peuvent aussi recevoir le nom de pasteur. Les épiscopes ne sont jamais nommés au singulier (….) Cela signifie que dans le Pasteur, d’une part les deux termes d’épiscopes et de presbytres sont synonymes et, de l’autre, les presbytres forment un groupe qui exerce collégialement le ministère épiscopal. »

 

 

 

« Selon le canon de Muratori, en revanche, qui est de la fin du IIe siècle, Pie est appelé évêque de Rome. Cela semble vouloir dire deux choses : d’abord l’émergence de l’épiscope au sein du collège presbytéral est à dater à Rome dans la seconde moitié du IIe siècle ; ensuite l’auteur du Canon, quand il appelle Pie évêque, projette dans le passé la situation de son temps. »

 

 

 

Les écrits de et sur Justin : Rome.

 

 

 

Peu des nombreux écrits de Justin nous sont parvenus. Parmi eux, deux sont plus particulièrement intéressants :

 

  • L’Apologie aux empereurs.

  • Le Dialogue avec Tryphon.

 

 

 

Justin tenait une école de philosophie chrétienne au-dessus d’un établissement de bains, après qu’il fut venu à Rome pour la deuxième fois. Il fut donc un didascalie itinérant et privé.

 

 

 

A Rome au même moment fonctionnait plusieurs écoles identiques à celle de Justin :

 

 

 

  • Celles de ses disciples Tatien et Rhodon.

 

 

 

  • Celles dans lesquelles enseignaient l’hérésiarque Marcion, les Valentiniens, les carpocratiens, les deux Théodote, le corroyeur et le banquier …..

 

 

 

Justin nous apprend peu de choses sur l’Eglise de Rome et son organisation, mais de ses déclarations plusieurs conclusions peuvent se déduire :

 

 

 

  • Le nombre de chrétiens était trop important pour tenir leurs assemblées dans une seule maison.

 

 

 

  • Il devait y avoir un certain nombre de lieux de réunions dans la ville.

 

 

 

  • Chaque chrétien pouvait choisir son lieu de réunion.

 

 

 

  • Ces communautés étaient de taille réduite et domestique.

 

 

 

  • La fonction de prophète subsiste encore, alors qu’elle a disparu depuis longtemps chez les Juifs.

 

 

 

Les témoignages patristiques recueillis par Eusèbe.

 

 

 

Papas de Hiéropolis.

 

 

 

«  Le plus ancien témoignage du siècle est celui de Papias de Hiérapolis en Phrygie sur lequel, avant Eusèbe, nous renseigne Irénée, qui fait de Papias un auditeur de Jean et un condisciple de Polycarpe.

 

Selon lui, Papias a consulté les « anciens» et ceux qui les ont fréquentés. Par eux, il a su ce qu'«avaient dit» les apôtres André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, Jean, Mathieu, et ce que « disent » Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Les temps du verbe rapportant les dires des uns et des autres mettent une différence chronologique entre leurs témoignages, car les premiers étaient morts. les seconds vivaient encore du temps de Papias. »

 

 

 

Hégésippe.

 

 

 

Hégésippe est un Oriental d’origine juive dont Eusèbe place l’activité sous le règne de Marc-Aurèle (161-180) et qu’il mentionne à plusieurs reprises dans son Histoire ecclésiastique, selon laquelle, Héségippe avait retracé la succession des évêques de Jérusalem.

 

 

 

Il est aussi connu pour son voyage en Occident : en allant à Rome, il se préoccupa d’établir la succession de ses évêques et y resta une quinzaine d’années. « Il est aussi le premier à nous informer sur la carrière d’un évêque avant son épiscopat. Eleuthère est en effet le premier connu d’une longue série de papes qui passèrent directement du diaconat à l’épiscopat. »

 

 

 

Denys de Corinthe.

 

 

 

« Denys de Corinthe est inscrit dans la Chronique d'Eusèbe en l'an 171. Il fut évêque de Corinthe et correspondit avec de nombreuses Eglises : Lacédémone, Athenes, Nicomédie, Gortyne et Cnossos, Amastris et Rome. De cette correspondance, on retiendra la formule

 

de « l'Eglise qui pérégrine à (..), fréquente dans la Iittérature chrétienne primitive pour désigner une chrétienté en attente de la parousie. Une autre caractéristique est l'éventail géographique de leurs destinataires qui laisse parfois entrevoir les problèmes qu'ils avaient à résoudre : le marcionisme dans le Pont (Amastris) et en Bithynie, l’encratisme en Asie Mineure et en Crète. »

 

 

 

Les lettres sont adressées aux Eglises et non aux évêques, bien que ceux-ci soient expressément nommés. »

 

 

 

Polycrate d’Ephèse.

 

 

 

Une lettre de Polycrate d’Ephèse à l’évêque de Rome Victor (189-199) fait connaître une tradition concernant l’apôtre Philippe et ses filles. « Il y eut quatre prophétesses, les filles de Philippe. » Cela confirme l’existence du prophétisme féminin.

 

 

 

2). Les origines du monépiscopat :

 

 

 

« Le problème des origines du monépiscopat est étroitement lié à la date des textes qui l’attestent. Parmi eux les Lettres d'Ignace d'Antioche occupent la première place. Avec elles, en effet, l'histoire de l'épiscopat est entrée dans une phase décisive, car elles montrent la fonction épiscopale dégagée de son exercice collégial et dévolue à un ministre unique au sommet d'une hiérarchie a trois degrés : épiscope, presbytres, diacres. À côté des Lettres d'Ignace ne prennent place que le corpus polycarpien et la Lettre des martyrs de Lyon. »

 

 

 

La chronologie des documents.

 

 

 

La Lettre des martyrs de Lyon (v 167).

 

 

 

« Ce document rapporte une persécution locale de la communauté chrétienne de Lyon, au cours de laquelle moururent près d'une cinquantaine de victimes. La date de la Lettre dépend des indications confuses d'Eusèbe de Césarée, mais elle semble néanmoins devoir se situer vers 167, comme on l'admet généralement aujourd'hui. La Lettre fut adressée par un chrétien anonyme de Lyon aux Eglises

 

des provinces d’Asie et de Phrygie peu après les évènements qu’il rapporte. »

 

 

 

Le corpus polycarpien.

 

 

 

« On désigne par ce nom une ou deux lettres de Polycarpe de Smyrne aux chrétiens de Philippes en Macédoine et le récit de son martyre écrit au nom de l’Eglise de Smyrne à celle de Philomélion en Phrygie. »

 

 

 

Polycparpe mourut en martyr le 23 février 167 (nouvelle datation acceptée tacitement par les historiens).

 

 

 

Sa lettre comporte des contradictions internes ce qui a amené certains historiens à penser qu’il s’agirait de deux lettres distantes l’une de l’autre d’une vingtaine d’années.

 

 

 

Les lettres d’Ignace d’Antioche.

 

 

 

Actuellement l’opinion générale est qu’Ignace d’Antioche a écrit sept lettres à différents correspondants et Eglises pendant le règne de Trajan (97-117) et plus précisément en 110-117.

 

 

 

Un postulat est que l'épiscopat monarchique aurait eu son origine à Jérusalem dans la personne de Jacques dont l’autorité morale quasi apostolique de « frère du Seigneur » aurait contribué à l'implanter à Antioche, filiale de la Ville sainte. Ignace s'en serait fait le champion de Syrie en Asie Mineure. Ainsi s’expliquerait qu'en l'espace de trente ans environ après la mort de l'apôtre Paul, l’organisation des communautés asiates ait pu évoluer de l'épiscopat collectif de type paulinien vers l'épiscopat monarchique de type ignatien. »

 

 

 

« On pense aujourd'hui que les chronologies épiscopales d'Eusèbe pour Jérusalem, Alexandrie, Antioche et Rome se basent sur des listes, privées à l'origine de repères chronologiques, qui furent ajoutées plus tard sur des bases artificielles pour rattacher aux apôtres l'épiscopat collectif. »

 

 

 

Les origines du monépiscopat.

 

 

 

Le témoignage d’Ignace d’Antioche.

 

 

 

« L’organisation, attestée par Ignace et dont il cherche à défendre l'implantation dans les Églises qu'il est censé avoir visitées au cours de son voyage, a trouvé des oppositions plus ou moins fortes suivant les lieux. Même si Ignace ne fait pas état d'une nouveauté quand il parle de l'évêque unique, la meilleure preuve de l'origine récente de ce qu'il convient d'appeler monépiscopat est dans les oppositions qu'il a rencontrées. »

 

 

 

« L’existence d’une hiérarchie à trois degrés ressort clairement des Lettres. L’évêque est le centre visible de l’unité ecclésiale, où il présente Dieu, son évêque invisible. En se soumettant à l’évêque, les fidèles appartiennent à l’Eglise et, à travers elle, au Christ, car l’autorité de l’évêque perpétue et actualise celle du Christ. »

 

 

 

« L’évêque est avant tout le docteur de la foi. Seul, il préside aussi la synaxe (assemblée religieuse soit avec messe, soit sans) ; en dehors de lui, il n’y a ni baptême, ni agape qui sont des prérogatives épiscopales ; il contrôle la vie sociale des fidèles. En un mot, il est au nom de Dieu l’intendant ou le surveillant de sa communauté. Il sera lui-même pour ses ouailles un exemple vivant de fidélité aux commandements du Seigneur. »

 

 

 

« Dans sa qualité de responsable de l’Eglise locale, l’évêque est assisté d’abord par les presbytres qui lui sont organiquement unis (….) et qui forment son sénat, son conseil. (….) Concélébrant normalement avec lui, ils peuvent recevoir de lui, les presbytres détiennent un rôle dans l’enseignement et l’exhortation. Ils lui sont particulièrement associés quand il s’agit de réintégrer, et sans doute d’abord d’exclure, des membres de la communauté. »

 

 

 

Les diacres constituent le 3e degré de cette hiérarchie. Leurs fonctions consistent en service de Jésus-Christ et de ses mystères ou celui de l’Eglise . « Ce service semble se rapporter aussi aux tâches matérielles, peut-être rebutantes, mais surtout charitables. »

 

 

 

Il existe encore des prophètes mais leur rôle semble devenu secondaire.

 

 

 

Si l’évêque est toujours nommé au singulier, presbytres et diacres continuent à former des groupes.

 

 

 

L’évêque est particulièrement l’agent et le garant de l’unité de l’Eglise, plutôt de son Eglise. Car Ignace a toujours en vue l’Eglise locale, quand il parle d’unité.

 

 

 

Dans le témoignage d’Ignace le monépiscopat est encore de caractère embryonnaire, car il lui manque deux composantes :

 

 

 

  • l’une doctrinale, qui est celle de la succession apostolique.

 

 

 

  • l'autre institutionnelle, à savoir la transmission des fonctions au moyen de l'ordination rituelle. C'est pourquoi, même si l'évêque ignatien porte dorénavant seul ce titre au sein du collège presbytéral, si c'est autour de sa personne que se réalise l'unité ecclésiale et en elle qu'est en train de se concentrer l'autorité, cette fonction n'a guère dépassé celle d'un primus inter pares.

 

 

 

Les données du corpus polycarpien : Smyrne-Philippes.

 

 

 

« Il rappelle leurs devoirs aux diacres et aux presbytres. Les premiers sont les serviteurs du Christ et non des hommes (…) Les seconds doivent visiter les malades sans négliger le pauvre et l’orphelin, penser toujours à faire le bien sans juger personne, mais en servant Dieu avec crainte et respect. Les uns et les autres doivent éviter l’amour de l’argent. »

 

 

 

Polycarpe ne décline pas son propre titre épiscopal et il manque la mention d’un épiscope à Philippes.

 

 

 

« Peut-on dire que l’omission de l’évêque de Philippes signifie que dans cette ville les fonctions de presbytre et d’épiscope étaient encore indivises et que l’épiscopat monarchique n’y existait pas en ce temps ? Il parait préférable de ne pas chercher à préciser à tout prix la cause exacte de l’omission. »

 

 

 

Les renseignements de la Lettre des martyrs de Lyon.

 

 

 

La lettre fournit peu de détails sur l’organisation de la communauté. Mais deux martyrs appartenaient à la hiérarchie :

 

  • Sanctus le « diacre de Vienne » qui semble t-il était le chef responsable des chrétiens de Vienne. « Représentait-il auprès d’eux l’autorité de l’évêque de Lyon ? Par voie de conséquence, Vienne et Lyon qui appartenaient à deux provinces romaines différentes, Vienne à la Provencia Narbonensis, Lyon aux Trois Gaules, dont elle était la capitale, ne formaient-elles qu’un seul et même diocèse ?

 

 

 

  • Pothin l’évêque de Lyon. Dans une Eglise qui devait en être à ses débuts, « la fonction est encore nettement un service, et non une situation de pouvoir et de prestige. »

 

 

 

« Le rapprochement avec Smyrne et l’Asie Mineure est loin d’être arbitraire si l’on considère l’origine asiate de certains martyrs lyonnais » : Attale était de Pergame, Alexandre de Phrygie, Ponthique du Pont, Alcibiade de Phrygie. Pothin un des fondateurs de la communauté était lui même d’une origine asiatique non précisée.

 

 

 

«Tous ces indices font de l’Eglise de Lyon un foyer d’hellénisme. »

 

 

 

Conclusion.

 

 

 

1. « Le type prédominant reste celui des Eglises aux ministères indifférenciés ou peu développés : Palestine, Syrie, Antioche, Hiérapolis, Philippes, Rome. Leur durée aussi se prolonge très avant dans le siècle, au moins jusqu’au temps du martyre de Polycarpe. »

 

 

 

On peu distinguer deux formes de ministères qui coexistent :

 

 

 

  • Ceux de forme itinérante avec prophètes et/ou didascales qui sont encore les seuls nommés au début du siècle.

 

 

 

  • Des ministères stables.

 

 

 

Les termes d’épiscopes et de presbytres sont deux manières différentes d’exprimer une seule fonction, celle des membres d’un « épiscopat collectif ».

 

 

 

Les presbytres sont les héritiers chrétiens de ces « anciens » qui formaient le sanhédrin hiérosolymitain . « Dans les Eglises, ils reçoivent l’institution à vie, dirigent ensemble la communauté locale, exercent le ministère de la parole, président les réunions et l’eucharistie de leurs communautés. Ils ne sont plus uniquement des anciens par l’âge, mais aussi par l’expérience et la sagesse. »

 

 

 

« Comment les ministères institutionnels sont-ils conférés ? Selon les Actes, déjà Barnabé et Paul reçoivent une imposition de la main de la part des anciens d’Antioch avant de partir pour leur première mission. »

 

 

 

2. « La documentation particulièrement riche que nous possédons sur l’Eglise romaine conduit à une analyse plus poussé »e des données qui la concernent. (…) Les Chrétiens de Rome du Ier siècle (….) se retrouvaient à travers la ville par quartiers et par « Eglises domestiques ». Cette situation s’est prolongée au siècle suivant et a donné lieu, au plus tard au IIIe siècle, à l’affectation cultuelle des dodus ecclésiale. (….) Chacune de ces communautés recevait le nom d’un titulus, dirigé par un ou plusieurs « presbytres ».

 

 

 

« Toutefois, nous ne sommes guère informés sur un éventuel regroupement de ces cellules dans un organisme urbain. » Mais des indices le laissent supposer. Et au sein du « conseil presbytéral » romain semblent s’être vite dessinées des spécialisations.

 

 

 

« Que de telles fonctions spéciales aient mérité à leurs titulaires le titre d’épiscope est possible (….) Ce qui en revanche, est indubitable, c’est qu’elles donnèrent du relief à leurs titulaires par rapport à leurs collègues. »

 

 

 

3. « L’épiscopat monarchique apparaît avec Ignace d’Antioche au IIe siècle et ne reparaît que deux fois avec Polycarpe de Smyrne avant 167 et Pothin de Lyon en 177, mais ce n’est pas le type prédominant d’organisation ecclésiastique. »

 

 

 

« Il n’a pas vu le jour dans un climat favorable et a rencontré bien des oppositions. (….) C’est pourquoi il ne faut pas se laisser illusionner par la formule d’épiscopat monarchique : l’évêque d’Antioche n’est pas un monarque absolu, il ressemblerait plutôt à un président d’assemblée, du sénat (…) de ses presbytres dont il prend l’avis et avec qui il gouverne. »

 

 

 

« Pourquoi le monépiscopat s’est-il affirmé si tôt en Orient et en Asie Mineure ? La lutte contre les hérésies - docétisme, gnosticisme, Marcion, judéo-christianisme attardé - pourrait fournir un élément de réponse. L’histoire de la communauté johannique est particulièrement éclairante à ce sujet, car c’est son manque d’organisation qui l’a d’abord marginalisée, finalement exposée à l’éclatement, et qui a fait virer quelques-uns de ses membres vers le gnosticisme. Contre un pareil danger la meilleure protection consistait à renforcer l’encadrement hiérarchique des communautés . Ainsi, semble-t-il, est né le monépiscopat. »

 

 

 

« Parmi les autres ministères, le diaconat est attesté un peu partout durant toute la période primitive, parfois pour les deux sexes. »

 

 

 

« Le problème de l’époque où l’épiscopat unitaire est pour la première fois attesté. La tradition qui la fixe, ainsi que les Lettres d’Ignace, pendant la deuxième décennie du IIe siècle, et qui s’est généralisée de nos jours, résulte d’un consensus récent qui, dans le passé, n’a jamais été universel et, de plus, n’est pas le fruit d’une démonstration en règle. »

 

 

 

Chapitre IV. Culte et liturgie. Victor Saxer.

 

 

 

« Dans le langage d'aujourd'hui, le mot culte a une signification plus large que le mot liturgie. Le premier désigne en effet l'ensemble des actes, publics ou privés, par lesquels l'homme honore Dieu, ses saints, leurs reliques, alors que le second est restreint au culte public, entendu comme expression de la fonction sacerdotale de Jésus-Christ, rendu à Dieu par l'Eglise, son peuple choisi, au moyen de signes sensibles et par l'intermédiaire de ministres institués à cet effet. Il va sans dire qu'une définition aussi élaborée de la liturgie est le fruit d'une longue évolution dont il faut retracer les origines. »

 

 

 

«  Les sources dont nous disposons sont, en plus du Nouveau Testament, d'abord des écrits canonico-liturgiques, destinés précisément à réglementer le culte chrétien en train de se constituer. Il s'agit de la Didachè ou Doctrine des apôtres, compilée en Syrie de langue grecque au début du IIe siècle ; la Tradition apostolique, autre compilation du premier tiers du IIIe siècle, de provenance discutée, mais que l'on peut continuer à tenir pour romaine ; la Didascalie des apôtres, également syrienne de provenance et de la même époque que la Tradition ; et vers 380-390, les Constitutions apostoliques, compilation et remaniement d'ouvrages antérieurs. Le trait commun de ces écrits canonico-liturgiques est qu'ils se réclament du nom et de l'autorité des apôtres, censés transmettre l'enseignement du Christ lui-même sur le culte à rendre à Dieu. »

 

 

 

« Une deuxième série de documents est constituée de textes apocryphes plus difficiles à dater : les Odes de Salomon, hymnes baptismales judéo-chrétiennes, semble-t-il, dont la datation varie selon les auteurs entre le Ier et le IIIe siècle ; les Actes de Jean et de Thomas, comportant des récits et des formules de baptême et d'eucharistie archaïques. »

 

 

 

« Exceptionnel est un troisième type de sources, représenté par l'Anaphore d'Addai et Mari et celle du Papyrus de Strasbourg. Il s'agit de prières eucharistiques des tout premiers siècles, encore très proches de celle de la Didaché. La première a été en usage jusqu'à nos jours, mais ses origines sont à placer au IIIe, voire peut-être à la fin du IIe siècle. La seconde (….) est en réalité la transcription, au IVe ou Ve siècle, d’un texte notablement plus ancien. »

 

 

 

« En quatrième et dernier lieu, il convient de tenir compte de textes patristiques, hagiographiques, épigraphiques, qui fournissent parfois un appoint non négligeable à une documentation de toute manière fragmentaire et incomplète. »

 

 

 

I. Les cadres spatio-temporels du culte chrétien primitif.

 

 

 

« La célébration du culte chrétien est traditionnellement liée à un lieu et un temps déterminés, mais ces coordonnées spatio-temporelles avaient pour les premiers chrétiens une importance très différente de celle que nous y attachons aujourd’hui. »

 

 

 

1). Le lieu du culte.

 

 

 

« Les premiers chrétiens ont été, en effet, souverainement indifférents au lieu où is célébraient leur culte. Si les judéo-chrétiens sont restés fidèles au culte judaïque du Temple, tant que celui-ci a existé. (….) Dès le début, les chrétiens issus du paganisme avaient pris leurs distances avec les obligations du judaïsme. Leur attitude cultuelle devint prépondérante avec les progrès de l’Evangile et la seule possible après la destruction du Temple en 70 et la révolte de Bar Kochéba. »

 

 

 

Les locaux cultuels indéterminés des deux premiers siècles.

 

 

 

« Le culte nouveau (….) se caractérisait de diverses manières : il était spirituel dans son inspiration, sobre dans son expression, dégagé de tout lien avait un lieu déterminé. Il s’affirmait comme celui des « derniers temps » en raison du proche retour du Seigneur et se célébrait « jusqu’à ce qu’il vienne » ; il était considéré comme transitoire à cause de la condition pérégrination du chrétien, lequel « n’a pas ici-bas de cité permanente. Il regardait le Christ, à la fois prêtre et victime, comme présent au milieu de ceux qui se réunissaient en son nom, comme seul médiateur entre Dieu et les hommes. »

 

 

 

Pour plusieurs générations de chrétiens, le lieu de célébration du culte sera un lieu quelconque, d’usage généralement profane, utilisé occasionnellement ou périodiquement. A ce moment là, il n’y a pas de lieux de culte spécifiques.

 

 

 

Les « maisons d’Eglise » du IIIe siècle.

 

 

 

Fin du IIe siècle. Premiers témoignages d’édifices réservés ou destinés au culte chrétien.

 

 

 

Les plus anciens témoignages littéraires proviennent de l’Orient où est par ailleurs attestée la seule domus ecclésiae connue jusqu’à présent, elle de Doura-Europos sur l’Euphrate (inscription de 232). Parmi les locaux identifiables, se trouve un baptistère décoré de peintures et une grande salle probablement eucharistique.

 

 

 

« Les chrétiens du IIIe siècle ont utilisé les locaux tels qu'ils étaient à leur disposition dans les différentes provinces, avec des aménagements réduits au minimum, et qui n’avaient rien de stable ni de définitif : table eucharistique transposable a Doura-Europos, barrières amovibles à Aquilée. Le type basilical, qui est antérieur à la paix de l’Eglise, prévaudra plus tard au IVe siècle, et deviendra canonique pour l'usage chrétien postérieur. Dans ces conditions, il serait vain de vouloir trouver à ces aménagements liturgiques du IlIe siècle une signification symbolique que les chrétiens n'accordaient alors qu'à l'assemblée qu'ils formaient eux-mêmes. »

 

 

 

2). Les rythmes cultuels du temps.

 

 

 

« Les chrétiens ont dès le début observé pour sa célébration, à l’exemple même du Christ, les rythmes du temps. Leur observance s’explique par le tréfonds de l’expérience humaine

 

 

 

La semaine chrétienne.

 

 

 

« Malgré un repère hebdomadaire différent, la semaine chrétienne reproduisait le rythme septénaire de la semaine juive et a dû partager avec elle les sarcasmes et les incompréhensions des Romains. Dès ses plus anciennes attestations, en effet, les chrétiens l'ont comptée à partir de l'événement fondateur de la résurrection du Seigneur. C'est pourquoi, ce jour, « le premier », mais aussi « le huitième» de la semaine, a été appelé dans la tradition chrétienne d'expression gréco-latine (dies) dominica, et dans les langues romanes, dimanche, domingo, domenica. Dans les langues germaniques, au contraire, a prévalu Ia coutume de l'appeler dies solis dénomination dont Justin nous donne valu le plus ancien exemple chrétien Sonntag, sunday. Le dimanche chrétien, prenant la relève du sabbat juif comme repère hebdomadaire, a entraîné le décalage des jeûnes du lundi/jeudi au mercredi/vendredi, auxquels on ajouta à Rome le samedi. La résurrection du Christ a ainsi réglé l’ordonnance de la semaine chrétienne. Elle est restée en vigueur jusqu'à nos jours, même si le dimanche est regardé aujourd’hui comme le jour conclusif, et non plus initial, du rythme hebdomadaire. »

 

 

 

Le dimanche chrétien.

 

 

 

Dès le début, le dimanche est devenu jour de culte pour les Chrétiens. « Ils célébraient le Christ ressuscité « le premier jour de la semaine » Cette célébration fait partie des plus anciennes traditions cultuelles des communautés chrétiennes. »

 

 

 

« Vers la fin du Ier siècle apparaît pour la première fois le nom proprement chrétien de ce jour (…) le jour du Seigneur (….) Peu après se multiplient les témoignages en faveur de l’appellation nouvelle. »

 

 

 

La première description du culte dominical est due à Justin le philosophe, et sa description est parfaitement représentative d’une synaxe eucharistique paléochrétienne de l’aire hellénique. La réunion a lieu le dimanche en mémoire de la création du monde et de la résurrection du Sauveur ; les prières sont encore laissées à la discrétion du célébrant ; celui-ci, qui ne reçoit pas de titre technique, se règle toutefois sur une pratique coutumière: seul il préside, prononce l'homélie, dit la prière eucharistique, distribue les secours. Les éléments sur lesquels il fait l'action de grâces sont clairement indiqués : le pain, le vin et l'eau. « Eucharistiés », ils ne sont plus du pain, du vin et de l'eau ordinaires; ils sont devenus la chair et le sang du Christ « par un discours de prière qui vient de lui »

 

 

 

La Pâque annuelle.

 

 

 

« Les chrétiens n’ont pas songé à célébrer chaque année la résurrection du Christ avant la fin du Ier ou le début du IIe siècle. »

 

 

 

« Le fait que la première épitre aux Corinthiens ait été écrite vers Pâques 57 explique sans doute l’allusion à la Pâque juive. Mais l’intention de l’apôtre, en réinterprétant le vieux rite pascal qui consistait pour les juifs à faire disparaître de leurs maisons tout levain et à manger du pain azyme pendant la fête, n’était pas au fond de donner à celle-ci un sens nouveau, ce qui était déjà accompli du fait de la mort et de la résurrection du Christ, c’était de donner aux chrétiens, en particulier à l’incestueux de Corinthe, un motif de changer de conduite morale. »

 

 

 

« Les judéo-chrétiens ont célébré la Pâque juive le 14 misan, anniversaire de la passion du Sauveur, selon Jean. C’est ce que l’on appelle l’usage quartodéciman, qui doit remonter aux origines de l’Eglise. Mais quel sens chrétien avait été donné à la Pâque juive ? D’après l’apocryphe Epitre des apôtres, la Pâque du 14 Nisan était la commémoration annuelle de la passion du Christ durant une veillée de prières qui se terminait au chant du coq. Cette Epitre daterait de 140-160 et serait d’origine asiate. Deux homélies pascales du IIe et du IIIe siècle donnent en revanche une explication différente de la fête. Le 14 Nisan est la commémoration unitaire de la passion et de la résurrection du Seigneur. »

 

 

 

« L’usage quartodéciman semble avoir été général pendant le Ier siècle et fut observé en Asie Mineure jusqu’à la fin du IIe et ailleurs bien au-delà. »

 

 

 

C’est vers 135, selon Epiphane que la fête annuelle fut fixée au dimanche qui suivait le 14 nisan.

 

 

 

« Selon Eusèbe (…) à l’usage quartodéciman de la province d’Asie s’opposait l’usage de toutes les autres Eglises de célébrer la Pâque un dimanche comme fête de la résurrection du Christ et fin du jeûne préliminaire. »

 

 

 

Mais les difficultés les plus graves surgissent à Rome vers 189-199 à cause de positions trop tranchées du pape Victor.

 

 

 

Les premières amplifications chronologiques.

 

 

 

« Dès que la Pâque annuelle fixée au dimanche apparaît dans l’histoire, elle est présentée comme une fête qui se célèbre pendant une cinquantaine de jours : la Pentecôte. (….) Est ainsi attestée, vers la fin du IIe siècle, l’existence d’une période festive de cinquante jours, à laquelle s’étend la joie pascale, où les jeûnes sont supprimés et le fidèles prient debout et non plus à genoux. »

 

 

 

« D’une manière analogue s’st développée une période de préparation avant la fête. Nous avons vu qu’un jeûne rigoureux d’un, deux, voire trois jours précédait la Pâque quartodécimane en différents endroits. Un jeûne un peu moins strict d’une semaine est attesté par la Didascaie des apôtres en Syrie dans la première moitié du IIIe siècle. C’est de ce noyau que sortiront au IVe siècle d’abord le Triduum sacré du Vendredi saint au dimanche de Pâques, puis toute la semaine sainte comme spécifications chronologiques des divers aspects de la Pâque chrétienne, commémoration de la passion, de la sépulture et de la résurrection du Christ.

 

 

 

II. Les principaux rites du culte chrétien.

 

 

 

Dès l’origine deux rites chrétiens sont attestés.

 

 

 

  • Le baptême qui permettait de devenir chrétien.

 

 

 

  • L’eucharistie dont la célébration rassemblait les chrétiens à jour fixe.

 

 

 

1). Les rites de l’initiation chrétienne.

 

 

 

Les Lettres de Paul et de son école.

 

 

 

Les plus anciennes informations disponibles sur le baptême chrétien se trouvent dans les Lettres de Saint Paul.

 

 

 

Saint Paul laisse entendre que le baptême était administré « au nom du Christ » et l’épitre aux Hébreux montre que cette doctrine du baptême est le bien commun des chrétientés primitives.

 

 

 

Les Actes et les Evangiles.

 

 

 

« Les Actes rapportent quelques baptêmes, presque tous célébrés « au nom de Jésus ». De celui de l’apôtre Paul, aucun détail n’est donné. Il y a des baptêmes de groupes, en Samarie, à Ephèse, de chefs de famille avec les leurs, Corneille à Césarée, Lydia à Philippes. (….) Souvent est mentionné à la suite un rite d’imposition des mains en vue de conférer le Saint-Esprit. »

 

 

 

Le récit du baptême de l’eunuque nous donne une image la plus vivante possible de la manière dont se passait un baptême dans une communauté primitive. « Il comportait une instruction préalable, expliquant la correspondance entre les deux Testaments, les prophéties se réalisant dans la personne du Christ (….) Le baptême est ensuite conféré dans l’eau courante, mais précédé par la profession de foi du candidat. »

 

 

 

A Antioche coexistante de deux formules baptismales :

 

 

 

  • La christologique « au nom de Jésus »

 

 

 

  • La trinitaire « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »

 

 

 

« Elle illustre notre hypothèse de la coexistence (ou de la succession à bref intervalle) de communautés de types différents à Antioche vers les années 80 : la communauté judéo-chrétienne, restée fidèle à la formule christologique ; la communauté pagano-chrétienne, où se sera implantée la formule trinitaire.

 

 

 

Les Pères des premiers siècles.

 

 

 

La Didachè.

 

 

 

Dans ce texte « le baptême est précédé d’une instruction, donnée au candidat, sur les Deux Voies entre lesquelles, selon une tradition juive qui se rencontre aussi chez les philosophes païens, il est invité à choisir en suivant la voie du bien. (….) Suivent les règles pratiques de l’administration du baptême. Un ministre particulier n’est pas nommé ; l’impératif « baptisez » s’adresse à n’importe quel chrétien de la communauté. La formule est trinitaire : « Baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »

 

 

 

« La préparation baptismale n’est pas seulement catéchistique, elle est aussi ascétique, car au baptisant et à ceux qui le peuvent un jeûne préparatoire est conseillé ; au candidat il est ordonné. »

 

 

 

« Le didachiste précise que seuls les baptisés ont droit à l’eucharistie » et cet eucharistie est la dernière étape du parcours initiatique du nouveau chrétien »

 

 

 

L’Apologie de Justin.

 

 

 

« Pour répondre efficacement aux critiques dont le christianisme fit l’objet de son temps, le philosophe Justin entreprit d’en exposer les doctrines et d’en décrire les rites dans un écrit qu’il adressa à l’empereur Antonin le Pieux et à ses fils adoptifs Marc Aurèle et Lucius Verus vers l’année 153-154. »

 

 

 

« Justin informe donc les destinataires de son Apologie de la manière dont on devient chrétien : par un enseignement préliminaire et par des rites appropriés (….) Le rite baptismal se réduit, aux yeux de Justin à un bain « là où il y a de l’eau » (….) Le bain n’est pas pris, il est donné ici « au nom de Dieu le Père et souverain de l’univers, de Jésus-Christ notre Sauveur et de l’Esprit saint. »

 

 

 

« Le baptême présuppose la foi du baptisé et lui ouvre l’accès à la communauté des croyants. (…) L’initiation du néophyte s’achève, en effet, par sa première participation à l’eucharistie. »

 

 

 

L’eucharistie baptismale se compose des actes suivants :

 

  • Prière des fidèles.

  • Baiser de paix.

  • Présentation des offrandes de pain, d’eau et de vin.

  • Prière eucharistique d’action de grâces.

  • Amen des fidèles.

  • Distribution aux présents et aux absents des éléments « eucharistiés ».

 

 

 

Tertullien.

 

 

 

Il est l’auteur du premier traité chrétien du baptême « De baptismo » vers 198-200.

 

 

 

Il est le premier en Occident qui atteste la bénédiction de l’eau qui servira au baptême, et il y attache une grande importance.

 

 

 

Il se développe aussi l’idée « que le baptême est un rite de délivrance, à l’image du passage de la mer Rouge qui délivra les Hébreux des Egyptiens. La double typologie du baptême, nouvelle création et libération spirituelle, sera reprise dans les commentaires des IVe - Ve siècles et dans les prières liturgiques postérieures de la bénédiction de l’eau. »

 

 

 

L’acte baptismal comporte deux gestes : la profession de foi et le bain.

 

 

 

La Tradition apostolique d’Hippolyte.

 

 

 

Cet ouvrage est la compilation d’un auteur romain qui a vécu au premier tiers du IIIe siècle et que les documents romains nomment Hippolyte. Dans cet ouvrage 8 chapitres sont consacrés à l’initiation chrétienne que l’on peut regrouper sous trois titres :

 

 

 

1. Le catéchuménat comme préparation lointaine au baptême. Cet accès est libre, « mais les nouveaux venus sont examinés sur la raison de leur démarche et, aux chrétiens de longue date qui les ont amenés à la faire, est demandé un témoignage sur leur sincérité. Cette enquête préalable menée par les docteurs (sans doute didascales dans l’original grec), porte sur l’état civil et social des candidats : s’ils sont mariés, esclaves ; dans ce dernier cas, si le maître est consentant . Si l’enquête se révèle négative, le demandeur est renvoyé. »

 

« L’enquête porte en particulier sur le métier des candidats, car certains métiers sont estimés incompatibles avec le christianisme, parce qu’ils sont contraires soit à la morale, soit à la fois chrétiennes. Tenanciers et pensionnaires de maisons closes, maîtres d’école, auriges, gladiateurs, bestiaires avec leurs entraîneurs, prêtres païens et gardiens de temples, soldats qui acceptent de tuer ou de prêter serment, magistrats, mages, devins, astrologues, faux-monnayeurs, concubins et concubines. (…) La sévérité dont la liste fait preuve explique que les chrétiens aient pu passer pour asociaux, car ils restaient en marge de la vie et des charges publiques et se singularisaient même dans leur vie privée. »

 

« La durée normale du catéchuménat était de trois ans, mais pouvait être abrégée pour les catéchumènes zélés. La catéchèse en constituait la part la plus importante. S’y ajoutait des prières qui leur étaient propres et dont était soigneusement organisé le déroulement, les hommes occupant des places séparées de celles des femmes dont la tenue vestimentaires était précisée. Il s’agit évidemment de prévenir toute promiscuité. »

 

 

 

2. La préparation immédiate au baptême. « Au bout de trois ans de catéchuménat sont « choisi ceux qui vont recevoir le baptême ». Leur choix requiert un nouvel examen, portant sur l’honnêteté de leur vie et sur leur comportement spécifiquement chrétien. (….) Si ce deuxième examen se révèle positif, les catéchumènes sont mis à part pour la préparation immédiate au baptême pendant une durée qui n’est pas indiquée, mais qui, en raison de la mention du jeudi, du vendredi et du samedi, doit être d’une semaine. (….) Ils reçoivent tous les jours l’imposition de la main, qui est ici clairement désignée comme un exorcisme, donné par l’évêque. (….) Les trois derniers jours de la semaine sont marqués par des exercices particuliers. Le jeudi, les futurs baptisés doivent prendre un bain et se laver. (….) Le vendredi est pour eux un jour de jeûne. Le samedi, c’est l’évêque lui-même les réunit pour la prière faite à genoux, l’imposition de la main et l’exorcisme dont les gestes sont précisés (….) La séance se prolonge par une veillée nocturne avec lectures et instructions. »

 

 

 

3. L’administration du baptême et les rites complémentaires. La célébration baptismale commence au chant du coq. Mais « le caractère composite du document se confirme tout au long du déroulement de son rituel baptismal. (….) On a l’impression de deux sources juxtaposées, mettant en scène l’une un célébrant indéterminé, l’autre l’évêque. De ces deux sources, la première serait-elle la plus ancienne et remonterait-elle à l’époque où chaque prêtre baptisait dans la communauté dont il était chargé, alors que la seconde mettait en scène l’évêque, une fois qu’il a émergé du collège presbytéral comme chef unique de toutes les communautés urbaines ? « 

 

« Le rituel final peut se reconstituer ainsi. En premier lieu vient la bénédiction de l’eau (…) Après l’eau sont bénites les huiles, l’une d’exorcisme, l’autre d’action de grâces ; et une fois bénites, elles sont tenues par deux diacres à gauche et à droite du prêtre qui les emploiera, l’une avant ,l’autre après l’acte baptismal. Avant l’onction prébaptismale, il posera les questions de la renonciation à Satan à chaque catéchumène individuellement (…) Puis il est oint d’huile par le prêtre (….) Suit le baptême proprement dit, administré par l’évêque. Le catéchumène, préalablement dévêtu, descend dans l’eau accompagné d’un diacre. L’évêque pose les questions rituelles, auxquelles le catéchumène répond. (…) A chaque réponse, le candidat est baptisé par l’évêque qui lui impose la main en même temps. (….) Une fois remonté de la piscine, le baptisé est de nouveau oint par le prêtre, mais cette fois-ci avec l’huile d’action de grâces. »

 

 

 

« L’apparition simultanée des onctions post baptismales chez Hippolyte et Tertullien, puis chez Cyprien, place sans doute en Occident, voire à Rome, leur patrie d’origine et confirme leur caractère récent. »

 

 

 

La Didascalie des apôtres.

 

 

 

« La Didascalie des apôtres est une compilation originaire de la Syrie antiochienne et datable du IIIe siècle. »

 

 

 

« La différence d’attitude du compilateur, quand il a réuni dans la Didascalie des matériaux disparates et non harmonisés, pourrait s’expliquer par une évolution de la pratique ecclésiastique sur le rôle des femmes dans la célébration du baptême : l’interdit des premiers temps a pu être assoupli en un, second temps pour d’évidentes raisons de décence. »

 

 

 

Conclusion.

 

 

 

« Les documents interrogés trahissent aussi l’évolution du baptême. Ceux du Nouveau Testament nous en font connaître deux rites. Le premier est l’acte baptismal. Il est à entendre (…..) comme un bain en vue (…..) de la rémission des péchés (…..) Le second acte est l’imposition des mans en vue de la collation du Saint-Esprit. »

 

 

 

« Le passage du IIe au IIIe siècle marque un tournant dans leur histoire. (….) Apparaît le catéchuménat, organisé en deux étapes d’inégale durée. La première, de trois ans environ, est consacrée à l’instruction chrétienne. (….) La seconde période, très courte, est à Rome une semaine de préparation intensive au baptême. (…..) Le baptême est administré au cours de la veillée dominicale suivante, qui est de préférence celle de Pâques. »

 

 

 

« Un deuxième développement affecte, vers la même époque, les rites proprement baptismaux (…) La bénédiction de l’eau baptismale, celle des huiles d’onction, la renonciation à Satan avec une onction prébaptismale, l’onction post baptismale de la tête et du corps. »

 

 

 

«Ce qui caractérise donc cette liturgie baptismale dans son évolution jusqu’à la paix de l’Eglise (313), c’est d’abord le sérieux, pour ne pas dire la sévérité de la préparation catéchuménat, ensuite la sobriété des rites qui n’excluent pas un début d’interprétation mystique. Leur force expressive vient de leur simplicité et à celle-ci correspond le caractère ordinaire des lieux où ils se célèbrent. »

 

 

 

L’eucharistie néotestamentaire.  

 

 

 

« L’écrit néostestamentaire qui nous renseigne le plus anciennement sur l’eucharistie est la première Lettre aux Corinthiens de Paul (Pâque 57). C’est en raison du désordre qui troublait la communauté et les assembles chrétiennes de la ville qu’elle fut écrite. »

 

 

 

Paul oppose à la pratique païenne des idolothytes l’usage chrétien du repas du Seigneur.

 

 

 

Il s’en prend aussi aux divisions qui affligent la communauté et qui manifestent un clivage sociologique entre riches et pauvres. Il critique cette discrimination et lui oppose « la tradition reçue du seigneur. »

 

 

 

« Le récit paulinien rapporte donc la tradition du Seigneur, vieille de plus de 25 ans déjà. Aussi comporte-t-il quelques simplifications du repas du Seigneur (…) Il en conserve par ailleurs les actes suivants » :

 

  • Eucharistie.

  • Fraction et distribution du pain.

  • Eucharistie et distribution de la coupe.

 

 

 

La fraction du pain se retrouve dans les Evangiles en deux occasions :

 

  • Lors des miracles de la multiplication des pains.

  • L’institution eucharistique.

 

 

 

« Certains gestes du Christ correspondent à la nature des choses : prendre, rompre et distribuer les pains ; d’autres trahissent l’influence de la tradition cultuelle juive : lever les yeux au ciel, bénir les pains. »

 

 

 

L’eucharistie des premiers Pères.

 

 

 

« Nous limitant, comme pour le baptême, aux auteurs patristiques qui décrivent l’eucharistie, nous rencontrons en premier lieu la Didaché et le problème de la double eucharistie. »

 

 

 

L’eucharistie de la Didachè.

 

 

 

« La célébration du baptême est suivie du texte du Pater que le néophyte récitait alors pour la première fois dans la communauté des fidèles. Après quoi, il entendait aussi pour la première fois la prière eucharistique. (….) Le terme d’eucharistie désigne donc successivement la prière eucharistique que nous appelons consécratoire, les éléments eucharistiés et l’action de grâces avant la communion. Il a donc déjà une signification complexe. »

 

 

 

L’eucharistie de Justin.

 

 

 

« Justin, comme la Didaché, consacre deux chapitres différents de son Apologie à l’eucharistie baptismale et à l’eucharistie dominicale. »

 

 

 

Eucharistie baptismale.

 

  • Prière des fidèles.

  • Baiser de paix.

  • Offrande de pain, d’eau, de vin.

  • Prière eucharistique.

  • Acclamation du peuple : Amen.

  • Distribution du pain et vin trempé aux présents et aux absents.

 

 

 

Eucharistie dominicale.

 

  • Lectures : mémoires des apôtres, écrits des prophètes.

  • Homélie du président.

  • Prière des fidèles.

  • Offrande de pain, de vin, d’eau.

  • Prière eucharistique

  • Acclamation du peuple : Amen.

  • Distribution du pain et vin trempé par le ministère des diacres.

  • Offrandes libres des fidèles.

 

 

 

« La différence entre la Didaché et l’Apologie de Justin s’explique sans doute suffisamment par le fait que la liturgie d’un endroit (la Syrie antiochienne pour la Didaché) n’était jamais parfaitement la même que celle d’un autre (Rome où se trouvait Justin). Ceci dit, la concordance des autres rites est totale. »

 

 

 

Dans son Apologie, Justin explique le sens de l’eucharistie. « Le pain et le vin, une fois « eucharistiés », ne sont plus des aliments ordinaires ; ils sont la chair et le sang du christ. »

 

 

 

L’eucharistie de la Tradition apostolique.

 

 

 

« Dans la Tradition apostolique, l’eucharistie baptismale est brièvement traitée à la fin du chapitre consacré au baptême. »

 

 

 

Déroulement de la messe baptismale :

 

  • Prière des fidèles.

  • Baiser de paix.

  • Offertoire.

  • Prière eucharistique sur tous les éléments à consacrer : pain, vin trempé, lait et miel mélangés, eau.

  • Communion au pain, à l’eau, au lait miélé, au vin.

 

 

 

L’eucharistie de la Didascalie.

 

 

 

« La Didascalie réserve à l’évêque un rôle prééminent. Toutefois les presbytes lui sont adjoints et subordonnés comme successeurs collectifs des apôtres dans le culte de la communauté locale. »

 

 

 

« La célébration eucharistique en faveur des défunts semble avoir rencontré des résistances dans la communauté du didascalies, peut-être de la part de judéo-chrétiens attardés. Nous savons en effet que les juifs évitaient le contact immédiat avec les morts et leurs tombes pour des motifs de pureté rituelle. D’où l’insistance du didascale. L’eucharistie dans les cimetières est une eucharistie complète, précédée de la lecture des Saint Livres. »

 

 

 

Bilan des rites eucharistiques.

 

 

 

« En totalisant les résultats de cette première approche , toute rituelle, de l’eucharistie, et tout en tenant compte de leur caractère occasionnel et fragmentaire ils permettent quand même un essai de synthèse. »

 

  • Exomologèse ou confession des péchés.

  • Lectures tirées des écrits apostoliques (y compris les Evangiles) et prophéties.

  • Homélie du président.

  • Prière des fidèles (avec récitation du Notre Père ?).

  • Baiser de paix.

  • Présentation par les fidèles des offrandes que les diacres disposent sur l’autel.

  • Prière eucharistique avec une invocation consécratoire.

  • Communion des présents aux différentes espèces consacrées ; elles sont aussi portées aux absents par les diacres.

  • Distribution du surplus aux nécessiteux.

 

 

 

« Dans une large mesure, c’est l’ordonnance de la messe à l’époque classique de l’Antiquité chrétienne. »

 

 

 

3). Les prières eucharistiques.

 

 

 

La prière dans le Nouveau Testament.

 

 

 

« Même si le Nouveau Testament ne nous a pas conservé la prière de bénédiction que le Seigneur prononça sur les pains qu’il allait multiplier ni celles de bénédiction ou d’action de grâces sur le pain et le vin de la Dernière Cène, nous en trouvons, en revanche, que l’usage liturgique postérieur à faites siennes. »

 

 

 

  • Les trois cantiques conservés par Luc sont tissés de formules bibliques. Ils chantent la bienveillance Dieu, l’universalité du salut et l’action de grâces pour le salut entrevu en voie de réalisation.

 

 

 

  • Les Epitres de Paul nous donnent des hymnes, soit à Dieu, soit au Christ, soit sur le baptisé, soit sur l’union du chrétien au Christ.

 

 

 

  • L’apocalypse de Jean contient plusieurs hymens, à l’origine sans doute chants d’encouragement pour les chrétiens persécutés, mais dont certains sont clairement coulés dans le monde liturgique.

 

 

 

Les prières patristiques d’inspiration liturgique.

 

 

 

On trouve de nombreuses allusions ou fragments liturgiques dans les écrits des Pères. Parmi eux subsistent quelques prières d’inspiration plus ou moins eucharistique.

 

 

 

Chez Clément de Rome.

 

 

 

« La plus ancienne prière non scripturaire date d’environ 96. Clément de Rome l’a insérée dans sa Lettre aux Corinthiens. »

 

 

 

La prière de Polycarpe.

 

 

 

Polycarpe meurt martyr sans doute le 23 février 167. Les chrétiens de Smyrne font le récit de son martyr qu’ils envoient à la communauté de Philomélion en Phrygie. Dans ce récit est incluse la prière que l’évêque est censé avoir prononcé avant sa mort.

 

 

 

« Cette prière de Polycarpe est tissée de souvenirs bibliques qui sont venus spontanément sous la plume de l’hagiographe. (….) Elle s’adresse au « Seigneur Dieu tout-puissant », ce qui est typique des acclamations liturgiques juives, alors que l’invocation du « Père de son enfant bien-aimé et béni Jésus-Christ » appartient dès le début aux grandes prières chrétiennes. »

 

 

 

Les prières eucharistiques archaïques.

 

 

 

« Il a existé des prières non traditionnelles que leur caractère archaïque, à peu d’exceptions près, a rapidement mises hors d’usage. »

 

 

 

La prière eucharistique de la Didaché.

 

 

 

La prière de la Didachè est considérée comme une véritable prière eucharistique, donnée à la suite et comme élément constitutif de la séance baptismale. 

 

 

 

La prière eucharistique d’Addaï et Mari.

 

 

 

« L’anaphore des apôtres Addaï et Mari est utilisée encore aujourd’hui comme prière eucharistique par les chrétiens nestoriens, chaldéens malabars et maronites. Bien que son texte ait subi des modifications au cours de sa longue histoire et qu’il ne soit généralement conservé que dans des manuscrits des XVIIe et XVIIIe siècles, les spécialistes s’accordent à y voir le vestige d’une liturgie fort archaïque, peut-être de la fin du IIe siècle. »

 

 

 

« Si la Didachè provient de la Syrie de langue grecque autour d’Antioche, la prière d’Addaï et Mari appartient à la tradition syrienne orientale, dans un pays où les communautés chrétiennes et juives vivaient côte à côte, comme voisinaient la synagogue et la domus ecclésiale de Douras-Europos, aux confins des Empires romain et perse, et où l’influence de la pensée chrétienne d’expression et d’inspiration grecques a été beaucoup plus lente à se faire sentir. »

 

 

 

La prière eucharistique du Papyrus de Strasbourg.

 

 

 

Ce texte daté du IVe ou Ve siècle et considéré « comme la plus ancienne forme connue de l’anaphore alexandrine de Marc, contient le texte d’une prière eucharistique qui semble avoir été rédigée à une époque bien antérieure. »

 

 

 

(Anaphore. Répétition d'un mot en tête de plusieurs membres de phrase, pour obtenir un effet de renforcement ou de symétrie.)

 

 

 

Les prières eucharistiques des Actes apocryphes des apôtres.

 

 

 

Une demi-douzaine de prières eucharistiques existent dans les Actes apocryphes de Jean (V 150 - 200) et de Thomas (v 200 - 250). Elles étaient récitées sur le pain seul ou sur le pain et l’eau ou sur le pain, le vin et l’eau. 

 

 

 

Les prières eucharistiques d’avenir.

 

 

 

« D’autres prières eucharistiques, qui nous sont parvenues des premiers siècles, suivent un canevas promis à un long avenir et qui deviendra traditionnel. »

 

 

 

Un fragment liturgique d’Irènée.

 

 

 

Un des fragments d’Irènée publié à une allure nettement eucharistique. Sa citation n’est « pas celle de la prière eucharistique elle-même, c’est le résumé qu’Irène en a fait. Elle nous donne sans doute la substance d’une prière qu’il pouvait avoir lui-même prononcée. Ce qui la met vers l’an 200. »

 

 

 

La prière eucharistique d’Hippolyte.

 

 

 

« La plus ancienne prière eucharistique dont le texte lui-même soit arrivé jusqu’à nous se trouve dans la Tradition apostolique d’Hippolyte, qui la place à la suite du rituel d’ordination de l’évêque. »

 

 

 

Cette prière « est donc un exemple de celles qui se faisaient et un modèle pour ceux qui ne se sentaient pas d’en improviser. »

 

 

 

« Point n’est besoin de souligner l’importance de la prière eucharistique d’Hippolyte : outre qu’elle est une tête de série, elle est aussi la seule complète de celles d’avant la paix de l’Eglise. »

 

 

 

L’anaphore d’Origène.

 

 

 

Origène a connu une anaphore du même type que celle de la Tradition apostolique. « Il énonce une des règles fondamentales de l’anaphore ou prière eucharistique : celle-ci est traditionnellement adressée « à Dieu tout puissant par Jésus-Christ. » »

 

 

 

Conclusion.

 

 

 

Plusieurs observations :

 

 

 

1. « Les premières concernent les origines du culte chrétien et peuvent se résumer ainsi : ce culte plonge ses racines dans les traditions cultuelles juives, il tire son originalité des paroles et gestes fondateurs du Christ, il a commencé à prendre forme à la suite des premières expériences chrétiennes. Dans leurs rapports avec le culte judaïque, les chrétiens ont réagi de deux manières opposées.

 

  • Il y a continuité dans le compte septénaire de la semaine, mais rupture presque immédiate sur son repère hebdomadaire qui passe du sabbat au dimanche.

  • Continuité entre la Pâque annuelle et la Pâque quartodécimane judéo-chrétienne, mais rupture plus tardive avec le report de cette Pâque au dimanche.

  • Continuité moins visible entre les bains rituels juifs, en particulier entre le baptême de Jean qui est un baptême de pénitence et le baptême chrétien qui garde ce caractère pénitentiel, mais rupture sur sa fréquence et sa signification spirituelle, celle-ci étant fortement accentuée comme rite du pardon des péchés par référence au Christ ressuscité et porteur de joie, ce qui est une innovation.

  • Continuité très visible, entre les repas juifs, parmi lesquels est privilégié celui de Pâque, et le repas eucharistique chrétien. »

 

 

 

« Le baptême et l’eucharistie semblent avoir été les premiers rites interprétés dans un sens spécifiquement chrétien en raison de leur mise ennemie rapport avec le Christ, au nom duquel le chrétien est baptisé en souvenir duquel et dans l’attente qu’il revienne, l’eucharistie est célébrée. »

 

 

 

Le dimanche « appelé pendant près de deux générations « le premier jour de la semaine » en référence au comput juif, il ne trouve son nom chrétien de « jour du Seigneur » que vers la fin du Ier siècle. »

 

 

 

« La Pâque annuelle fut plus longue à se détacher du jour cultuel juif. » (….) Ce n’est que vers la fin du Ier siècle « que s’imposera un peu partout la célébration annuelle de la Pâque au dimanche qui suit le 14 nisan »

 

 

 

2. Concernant le caractère évolutif des institutions cultuelles, cette évolution, n’est perceptible qu’au IIe siècle.

 

 

 

« Pour démontrer l’innocence des rites des chrétiens accusés des pires méfaits par l’opinion païenne, les apologistes les décrivent. Les compilateurs de documents liturgiques les décrivent aussi, non pour les défendre, mais pour les réglementer, afin d’en assurer une célébration correcte. »

 

 

 

Ce sont les formulaires eucharistiques qui nous sont parvenus qui nous donnent peut-être la meilleure idée de l’évolution, car ils sont de deux types :

 

 

 

  • Un type archaïque, « sans récit de l’institution eucharistique, et attesté dans la Didaché, peut se retrouver dans l’anaphore d’Addax et Mari et est conservé par des Actes apocryphes d’apôtres. Aucun de ces textes n’a eu de postérité. Ils ont succombé en raison de leur inadaptation aux courants dominants de la piété et de la discipline eucharistique. »

 

 

 

  • Un type promis à l’avenir. « Il comportait, outre l’action de grâce pour les bienfaits de Dieu dans la création et la rédemption, deux formules qui viendront vite indispensables en raison de la fonction consécratoire qui leur est dévolue : c’est d’une part le récit de l’institution eucharistique, elle aussi bienfait de Dieu intimement lié au sacrifice du Christ en croix, et qui aura un rôle consécratoire en Occident ; c’est, d’autre part, l’épiclèse ou invocation de l’Esprit saint, qui jouera un rôle semblable en Orient. »

 

 

 

Fin

 

 

 



26/10/2023
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