1919. Traité de Versailles. I. La société des Nations (Texte)
Traité de Versailles du 28 juin 1919
Les États-Unis d'Amérique, l'Empire britannique, la France, l'Italie et le Japon,
Puissances, désignées dans le présent traité comme les principales puissances alliées et associées,
La Belgique, la Bolivie, le Brésil, la Chine, Cuba, l'Équateur, la Grèce, le Guatemala, Haïti, l'Hedjaz, le Honduras, le Libéria, le Nicaragua, le Panama, le Pérou, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, l'État serbe-croate-slovène, le Siam, la Tchécoslovaquie et l'Uruguay,
Constituant avec les principales puissances ci-dessus les puissances alliées et associées,
D'une part ;
Et l'Allemagne,
D'autre part ;
Considérant qu'à la demande du Gouvernement impérial allemand, un armistice a été accordé à l'Allemagne le 11 novembre 1918 par les principales puissances alliées et associées afin qu'un traité de paix puisse être conclu avec elle ;
Considérant que les puissances alliées et associées sont également désireuses que la guerre, dans laquelle elles ont été successivement entraînées, directement ou indirectement, et qui a son origine dans la déclaration de guerre adressée le 28 juillet 1914 par l'Autriche-Hongrie à la Serbie, dans les déclarations de guerre adressées par l'Allemagne le 1er Août 1914 à la Russie et le 3 Août 1914 à la France, et dans l'invasion de la Belgique, fasse place à une Paix solide, juste et durable ;
A cet effet, les hautes parties contractantes représentées comme il suit :
LE PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, par
L'Honorable WOODROW WILSON, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS, agissant tant en son nom personnel que de sa propre autorité ;
L'Honorable Robert LANSING, Secrétaire d'État ;
L'Honorable Henry WHITE, ancien Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des ÉTATS-UNIS à Rome et à Paris ;
L'Honorable Edward M. HOUSE ;
Le Général Tasker H. BLISS, Représentant militaire des États-Unis au Conseil supérieur de Guerre ;
SA MAJESTÉ LE ROI DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE ET DES TERRITOIRES BRITANNIQUES AU DELÀ DES MERS, EMPEREUR DES INDES, par
Le Très Honorable David LLOYD GEORGE, M. P., Premier Lord de la Trésorerie et Premier Ministre ;
Le Très Honorable Andrew BONAR LAW, M. P., Lord du Sceau privé ;
Le Très Honorable Vicomte MILNER, G. C. B., G. C. M. G., Secrétaire d'État pour les Colonies ;
Le Très Honorable Arthur James BALFOUR, 0. M., M. P., Secrétaire d'État pour les Affaires étrangères ;
Le Très Honorable Georges Nicoll BARNES, M. P., Ministre sans portefeuille ;
Et :
Pour le DOMINION DU CANADA, par
Le Très Honorable Charles Joseph DOHERTY, Ministre de la Justice ;
L'Honorable ARTHUR LEWIS SISTON, Ministre des Douanes ;
Pour le COMMONWEALTH D'AUSTRALIE, par
Le Très Honorable William Morris HUGHES, Attorney General et Premier Ministre ;
Le Très Honorable Sir Joseph COOK, G. C. M. G., Ministre de la Marine ;
Pour l'UNION SUD-AFRICAINE, par
Le Très Honorable Général Louis BOTHA, Ministre des Affaires Indigènes et Premier Ministre ;
Le Très Honorable Lieutenant-Général Jan Christiaan SMUTS, K. C., Ministre de la Défense ;
Pour le DOMINION de la NOUVELLE ZÉLANDE, par
Le Très Honorable William Ferguson MASSEY, Ministre du Travail et Premier Ministre ;
Pour l'INDE, par
Le Très Honorable Edwin Samuel MONTAGU, M. P., Secrétaire d'État pour l'Inde ;
Le Major Général Son Altesse Maharaja Sir Ganga Singh Bahadur, Maharaja de BIKANER, G. C. S. I., G. C. I. E., G. C. V. O., K. C. B., A. D.C.;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, par
M. Georges CLEMENCEAU, Président du Conseil, Ministre de la Guerre ;
M. Stephen PICHON, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Louis-Lucien KLOTZ, Ministre des Finances ;
M. André TARDIEU, Commissaire général aux Affaires de guerre franco-américaines;
M. Jules CAMBON, Ambassadeur de France ;
SA MAJESTÉ LE ROI D'ITALIE, par
Le Baron S. SONNINO, Député ;
Le Marquis G. IMPERIALI, Sénateur, Ambassadeur de S. M. le Roi d'Italie à Londres ;
M. S. CRESPI, Député ;
SA MAJESTÉ L'EMPEREUR DU JAPON, par
Le Marquis SAïONZI, ancien Président du Conseil des Ministres ;
Le Baron MAKINO, ancien Ministre des Affaires étrangères, Membre du Conseil diplomatique ;
Le Vicomte CHINDA, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Londres ;
M. K. MATSUI, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Paris ;
M. H. IJUIN, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Rome ;
SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES, par
M. Paul HYMANS, Ministre des Affaires étrangères, Ministre d'État ;
M. Jules van den HEUVEL, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire, Ministre d'État ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE BOLIVIE, par
M. Ismaël MONTES, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Bolivie, à Paris ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU BRÉSIL, par
M. Joâo Pandia CALOGERAS, Député, ancien Ministre des Finances ;
M. Raul FERNANDES, Député ;
M. Rodrigo Octavio de L. MENEZES, Professeur de Droit International à Rio-de-Janeiro ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE CHINOISE, par
M. Lou Tseng-Tsiang, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Chengting Thomas WANG, ancien Ministre de l'Agriculture et du Commerce ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE CUBAINE, par
M. Antonio Sanchez de BUSTAMANTE, Doyen de la Faculté de Droit de l'Université de La Havane, Président de la Société cubaine de Droit international ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE L'ÉQUATEUR, par
M. Enrique DORN Y DE ALSUA, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Équateur à Paris ;
SA MAJESTÉ LE ROI DES HELLÈNES, par
M. Eleftherios K. VENISELOS, Président du Conseil des Ministres ;
M. Nicolas POLITIS, Ministre des Affaires Étrangères ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE GUATÉMALA, par
M. Joaquin MENDEZ, ancien Ministre d'État aux Travaux publics et à l'Instruction publique, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire du Guatémala à Washington, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire en mission spéciale à Paris ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI, par
M. Tertullien GUILBAUD, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire d'Haïti à ParIs ;
SA MAJESTÉ LE ROI DU HEDJAZ, par
M. Rustem HAÏDAR ;
M. Abdul Hadi AOUNI ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU HONDURAS, par
Le Docteur Policarpo BONILLA, en mission spéciale à Washington, ancien Président de la République du Honduras, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE LIBÉRIA, par
L'Honorable Charles Dunbar Burgess KING, Secrétaire d'État ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE NICARAGUA, par
M. Salvador CHAMORRO, Président de la Chambre des Députés ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE PANAMA, par
M. Antonio BURGOS, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Panama à Madrid ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU PÉROU, par
M. Carlos G. CANDAMO, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire du Pérou à Paris ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POLONAISE, par
M. Ignace J. PADEREWSKi, Président du Conseil des Ministres, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Roman DMOWSKI, Président du Comité national polonais ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PORTUGAISE, par
Le Docteur Alfonso Augusto DA COSTA, ancien Président du Conseil des Ministres ;
Le Docteur Luiz Vieira SOARES, ancien Ministre des Affaires étrangères ;
SA MAJESTÉ LE ROI DE ROUMANIE, par
M. Ion I. C. BRATIANO, Président du Conseil des Ministres, Ministre des Affaires étrangères ;
Le Général Constantin COANDA, Général de Corps d'Armée, Aide de Camp royal, ancien Président du Conseil des Ministres ;
SA MAJESTÉ LE ROI DES SERBES, DES CROATES ET DES SLOVÈNES, par
M. Nicolas P. PACHITCH, ancien Président du Conseil des Ministres ;
M. Ante TRUMBICH, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Milenko VESNITCH, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi des Serbes, des Croates et des Slovènes à Paris ;
SA MAJESTÉ LE ROI DE SIAM, par
Son Altesse le Prince CHAROON, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi de Siam à Paris ;
Son Altesse sérénissime le Prince TRAIDOS PRABANDHU, Sous-Secrétaire d'État aux Affaires étrangères ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÉCO-SLOVAQUE, par
M. Karel KRAMAR, Président du Conseil des Ministres ;
M. Eduard BENES, Ministre des Affaires étrangères ;
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE L'URUGUAY, par
M. Juan Antonio BUERO, Ministre des Affaires étrangères, ancien Ministre de l'Industrie ;
L'ALLEMAGNE par
M. Hermann MULLER, Ministre d'Empire des Affaires étrangères ;
Le Docteur BELL, Ministre d'Empire;
Agissant au nom de l'Empire allemand et au nom de tous les États qui le composent et de chacun d'eux en particulier.
LESQUELS, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus
en bonne et due forme,
ont convenu des dispositions suivantes :
À dater de la mise en vigueur du présent traité, l'état de guerre prendra fin. Dès ce moment et sous réserve des dispositions du présent traité, les relations officielles des puissances alliées et associées avec l'Allemagne et l'un ou l'autre des États allemands seront reprises.
Les Hautes Parties Contractantes,
Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la sûreté, il importe d'accepter certaines obligations de ne pas recourir à la guerre,
D'entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la justice et l'honneur,
D'observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règle de conduite effective des Gouvernements,
De faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des Traités dans les rapports mutuels des peuples organisés,
Adoptent le présent Pacte qui institue la Société des Nations.
Partie I. La société des Nations.
Article premier.
1. Sont Membres originaires de la Société des Nations, ceux des Signataires dont les noms figurent dans l'Annexe au présent Pacte, ainsi que les États, également nommés dans l'Annexe, qui auront accédé au présent Pacte sans aucune réserve par une déclaration déposée au Secrétariat dans les deux mois de l'entrée en vigueur du Pacte et dont notification sera faite aux autres Membres de la Société.
2. Tout État, Dominion ou Colonie qui se gouverne librement et qui n'est pas désigné dans l'Annexe, peut devenir Membre de la Société si son admission est prononcée par les deux tiers de l'Assemblée, pourvu qu'il donne des garanties effectives de son intention sincère d'observer ses engagements internationaux et qu'il accepte le règlement établi par la Société en ce qui concerne ses forces et ses armements militaires, navals et aériens.
3. Tout Membre de la Société peut, après un préavis de deux ans, se retirer de la Société, à la condition d'avoir rempli à ce moment toutes ses obligations internationales y compris celles du présent Pacte.
Article 2.
L'action de la Société, telle qu'elle est définie dans le présent Pacte, s'exerce par une Assemblée et par un Conseil assistés d'un Secrétariat permanent.
Article 3.
1. L'Assemblée se compose de Représentants des Membres de la Société.
2. Elle se réunit à des époques fixées et à tout autre moment, si les circonstances le demandent, au siège de la Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné.
3. L'Assemblée connaît de toute question qui rentre dans la sphère d'activité de la Société ou qui affecte la paix du monde.
4. Chaque Membre de la Société ne peut compter plus de trois Représentants dans l'Assemblée et ne dispose que d'une voix.
Article 4.
1. Le Conseil se compose de Représentants des Principales Puissances alliées et associées ainsi que de Représentants de quatre autres Membres de la Société. Ces quatre Membres de la Société sont désignés librement par l'Assemblée et aux Époques qu'il lui plaît de choisir. Jusqu'à la première désignation par l'Assemblée les Représentants de la Belgique, du Brésil, de l'Espagne et de la Grèce sont Membres du Conseil.
2. Avec l'approbation de la majorité de l'Assemblée, le Conseil peut désigner d'autres Membres de la Société dont la représentation sera désormais permanente au Conseil. Il peut, avec la même approbation, augmenter le nombre des Membres de la Société qui seront choisis par l'Assemblée pour être représentés au Conseil.
3. Le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent, et au moins une fois par an, au siège de la Société ou en tel lieu qui pourra être désigné.
4. Le Conseil connaît de toute question rentrant dans la sphère d'activité de la Société ou affectant la paix du monde.
5. Tout Membre de la Société qui n'est pas représenté au Conseil est invité à y envoyer siéger un Représentant lorsqu'une question qui l'intéresse particulièrement est portée devant le Conseil.
6. Chaque Membre de la Société représenté au Conseil ne dispose que d'une voix et n'a qu'un Représentant.
Article 5.
1. Sauf disposition expressément contraire du présent Pacte ou des clauses du présent Traité, les décisions de l'Assemblée ou du Conseil sont prises à l'unanimité des Membres de la Société représentés à la réunion.
2. Toutes questions de procédure qui se posent aux réunions de l'Assemblée ou du Conseil, y compris la désignation des Commissions chargées d'enquêter sur des points particuliers, sont réglées par l'Assemblée ou par le Conseil et décidées à la majorité des Membres de la Société représentés à la réunion.
3. La première réunion de l'Assemblée et la première réunion du Conseil auront lieu sur la convocation du Président des États-Unis d'Amérique.
Article 6.
1. Le Secrétariat permanent est établi au siège de la Société. Il comprend un Secrétaire général, ainsi que les secrétaires et le personnel nécessaires.
2. Le premier Secrétaire général est désigné dans l'annexe. Par la suite, le Secrétaire général sera nommé par le Conseil avec l'approbation de la majorité de l'Assemblée.
3. Les secrétaires et le personnel du Secrétariat sont nommés par le Secrétaire général avec l'approbation du Conseil.
4. Le Secrétaire général de la Société est de droit Secrétaire général de l'Assemblée et du Conseil.
5. Les dépenses du Secrétariat sont supportées par les Membres de la Société dans la proportion établie pour le Bureau international De l'Union postale universelle.
Article 7.
1. Le siège de la Société est établi à Genève.
2. Le Conseil peut à tout moment décider de l'établir en tout autre lieu.
3. Toutes les fonctions de la Société ou des services qui s'y rattachent, y compris le Secrétariat, sont également accessibles aux hommes et aux femmes.
4. Les Représentants des Membres de la Société et ses agents jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques.
5. Les bâtiments et terrains occupés par la Société, par ses services ou ses réunions, sont inviolables
Article 8.
1. Les Membres de la Société reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l'exécution des obligations internationales imposée par une action commune.
2. Le Conseil, tenant compte de la situation géographique et des conditions spéciales de chaque État, prépare les plans de cette réduction, en vu de l'examen et de la décision des divers Gouvernements.
3. Ces plans doivent faire l'objet d'un nouvel examen et, s'il y a lieu, d'une révision tous les dix ans au moins.
4. Après leur adoption par les divers Gouvernements, la limite des armements ainsi fixée ne peut être dépassée sans le consentement du Conseil.
5. Considérant que la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre soulève de graves objections, les Membres de la Société chargent le Conseil d'aviser aux mesures propres à en éviter les fâcheux effets, en tenant compte des besoins des Membres de la Société qui ne peuvent pas fabriquer les munitions et le matériel de guerre nécessaires à leur sûreté.
6. Les Membres de la Société s'engagent à échanger, de la manière la plus franche et la plus complète, tous renseignements relatifs à l'échelle de leurs armements, à leurs programmes militaires, navals et aériens et à la condition de celles de leurs industries susceptibles d'être utilisées pour la guerre.
Article 9.
Une Commission permanente sera formée pour donner au Conseil son avis sur l'exécution des dispositions des articles 1 et 8 et, d'une façon générale, sur les questions militaires, navales et aériennes.
Article 10.
Les Membres de la Société s'engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l'intégrité territoriale et l'indépendance politique présente de tous les Membres de la Société. En cas d'agression, de menace ou de danger d'agression, le Conseil avise aux moyens d'assurer l'exécution de cette obligation.
Article 11.
1. Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu'elle affecte directement ou non l'un des Membres de la Société, intéresse la Société tout entière et que celle-ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des Nations. En pareil cas, le Secrétaire général convoque immédiatement le Conseil, à la demande de tout Membre de la Société.
2. Il est, en outre, déclaré que tout Membre de la Société a le droit, à titre amical, d'appeler l'attention de l'assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix dépend.
Article 12.
1. Tous les Membres de la Société conviennent que, s'il s'élève entre eux un différend susceptible d'entraîner une rupture, ils le soumettront soit à la procédure de l'arbitrage, soit à l'examen du Conseil. Ils conviennent encore qu'en aucun cas ils ne doivent recourir à la guerre avant l'expiration d'un délai de trois mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil.
2. Dans tous les cas prévus par cet article, la sentence des arbitres doit être rendue dans un délai raisonnable et le rapport du Conseil doit être établi dans les six mois à dater du jour où il aura été saisi du différend.
Article 13.
1. Les Membres de la Société conviennent que s'il s'élève entre eux un différend susceptible, à leur avis, d'une solution arbitrale et si ce différend ne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplomatique, la question sera soumise intégralement à l'arbitrage.
2. Parmi ceux qui sont généralement susceptibles de solution arbitrale, on déclare tels les différends relatifs à l'interprétation d'un traité, à tout point de droit international, à la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la rupture d'un engagement international, ou à l'étendue ou à la nature de la réparation due pour une telle rupture.
3. La Cour d'arbitrage à laquelle la cause est soumise est la Cour désignée par les Parties ou prévue dans leurs conventions antérieures.
4. Les Membres de la Société s'engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues et à ne pas recourir à la guerre contre tout Membre de la Société qui s'y conformera. Faute d'exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l'effet.
Article 14.
Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour permanente de justice internationale et de le soumettre aux Membres de la Société. Cette Cour connaîtra de tous différends d'un caractère
international que les Parties lui soumettront. Elle donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout point, dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée.
Article 15.
1. S'il s'élève entre les Membres de la Société un différend susceptible d'entraîner une rupture et si ce différend n'est pas soumis à à l'arbitrage prévu à l'article 13, les Membres de la Société conviennent de le porter devant le Conseil. A cet effet, il suffit que l'un d'eux avise de ce différend le Secrétaire général, qui prend toutes dispositions en vue d'une enquête et d'un examen complets.
2. Dans le plus bref délai, les Parties doivent lui communiquer l'exposé de leur cause avec tous faits pertinents et pièces justificatives. Le Conseil peut en ordonner la publication immédiate.
3. Le Conseil s'efforce d'assurer le règlement du différend. S'il y réussit, il publie, dans la mesure qu'il juge utile, un exposé relatant les faits, les explications qu'ils comportent et les termes de ce règlement.
4. Si le différend n'a pu se régler, le Conseil rédige et publie un rapport, voté soit à l'unanimité, soit à la majorité des voix, pour faire connaître les circonstances du différend et les solutions qu'il recommande comme les plus équitables et les mieux appropriées à l'espèce.
5. Tout Membre de la Société représenté au Conseil peut également publier un exposé des faits du différend et ses propres conclusions.
6. Si le rapport du Conseil est accepté à l'unanimité, le vote des Représentants des Parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les Membres de la Société s'engagent à ne recourir à la guerre contre aucune Partie qui se conforme aux conclusions du rapport.
7. Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous ses Membres autres que les Représentants de toute Partie au différend, les Membres de la Société se réservent le droit d'agir comme ils le jugeront nécessaire pour le maintien du droit et de la justice.
8. Si l'une des Parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le Conseil le constatera dans un rapport, mais sans recommander aucune solution.
9. Le Conseil peut, dans tous les cas prévus au présent article, porter le différend devant l'Assemblée. L'Assemblée devra de même être saisie du différend à la requête de l'une des Parties ; cette requête devra être présentée dans les quatorze jours à dater du moment où le différend est porté devant le Conseil.
10. Dans toute affaire soumise à l'Assemblée, les dispositions du présent article et de l'article 12 relatives à l'action et aux pouvoirs du Conseil, s'appliquent également à l'action et aux pouvoirs de l'Assemblée. Il est entendu qu'un rapport fait par l'Assemblée avec l'approbation des Représentants des Membres de la Société représentés au Conseil et d'une majorité des autres Membres de la Société, à l'exclusion, dans chaque cas, des Représentants des Parties, à le même effet qu'un rapport du Conseil adopté à l'unanimité de ses Membres autres que les Représentants des Parties.
Article 16.
1. Si un Membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12, 13 ou 15, il est ipso facto considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres Membres de la Société. Ceux-ci s'engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l'État en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet État et ceux de tout autre État, Membre ou non de la Société.
2. En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers Gouvernements intéressés les effectifs militaires, navals ou aériens par lesquels les Membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société.
3. Les Membres de la Société conviennent, en outre, de se prêter l'un à l'autre un mutuel appui dans l'application des mesures économiques et financières à prendre en vertu du présent article pour réduire au minimum les pertes et les inconvénients qui peuvent en résulter. Ils se prêtent également un mutuel appui pour résister à toute mesure spéciale dirigée contre l'un d'eux par l'État en rupture de pacte. Ils prennent les dispositions nécessaires pour faciliter le passage à travers leur territoire des forces de tout Membre de la Société qui participe à une action commune pour faire respecter les engagements de la Société.
4. Peut être exclu de la Société tout Membre qui s'est rendu coupable de la violation d'un des engagements résultant du Pacte. L'exclusion est prononcée par le vote de tous les autres Membres de la Société représentés au Conseil.
Article 17.
1. En cas de différend entre deux États, dont un seulement est Membre de la Société ou dont aucun n'en fait partie, l'État ou les États étrangers à la Société sont invités à se soumettre aux obligations qui s'imposent à ses Membres aux fins de règlement du différend, aux conditions estimées justes par le Conseil. Si cette invitation est acceptée, les dispositions des articles 12 à 16 s'appliquent sous réserve des modifications jugées nécessaires par le Conseil.
2. Dès l'envoi de cette invitation, le Conseil ouvre une enquête sur les circonstances du différend et propose telle mesure qui lui paraît la meilleure et la plus efficace dans le cas particulier.
3. Si l'État invité, refusant d'accepter les obligations de Membre de la Société aux fins de règlement du différend, recourt à la guerre contre un Membre de la Société, les dispositions de l'article 16 lui sont applicables.
4. Si les deux Parties invitées refusent d'accepter les obligations de membre de la Société aux fins de règlement du différend, le Conseil peut prendre toutes mesures et faire toutes propositions de nature à prévenir les hostilités et à amener la solution du conflit.
Article 18.
Tout traité ou engagement international conclu à l'avenir par un Membre de la Société devra être immédiatement enregistré par le Secrétariat et publié par lui aussitôt que possible. Aucun de ces traités ou engagements internationaux ne sera obligatoire avant d'avoir été enregistré.
Article 19.
L'Assemblée peut, de temps à autre, inviter les Membres de la Société à procéder à un nouvel examen des traités devenus inapplicables ainsi que des situations internationales, dont le maintien pourrait mettre en péril la paix du monde.
Article 20.
1. Les Membres de la Société reconnaissent, chacun en ce qui le concerne, que le présent Pacte abroge toutes obligations ou ententes inter seincompatibles avec ses termes et s'engagent solennellement à n'en pas contracter à l'avenir de semblables.
2. Si avant son entrée dans la Société, un Membre a assumé des obligations incompatibles avec les termes du Pacte, il doit prendre des mesures immédiates pour se dégager de ces obligations.
Article 21.
Les engagements internationaux, tels que les traités d'arbitrage, et les ententes régionales, comme la doctrine de Monroe, qui assurent le maintien de la paix, ne seront considérés comme incompatibles avec aucune des dispositions du présent Pacte.
Article 22.
1. Les principes suivants s'appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d'être sous la souveraineté des États qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d'incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l'accomplissement de cette mission.
2. La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux â même d'assumer cette responsabilité et qui consentent à l'accepter : elles exerceraient cette tutelle en qualité de Mandataires et au nom de la Société.
3. Le caractère du mandat doit différer suivant le degré de développement du peuple, la situation géographique du territoire, ses conditions économiques et toutes autres circonstances analogues.
4. Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un Mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire seules. Les vœux de ces communautés doivent être pris d'abord en considération pour le choix du Mandataire.
5. Le degré de développement où se trouvent d'autres peuples, spécialement ceux de l'Afrique centrale, exige que le Mandataire y assume l'administration du territoire à des conditions qui, avec la prohibition d'abus, tels que la traite des esclaves, le trafic des armes et celui de l'alcool garantiront la liberté de conscience et de religion, sans autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l'ordre public et des bonnes mœurs, et l'interdiction d'établir des fortifications ou des bases militaires ou navales et de donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n'est pour la police ou la défense du territoire et qui assureront également aux autres Membres de la Société des conditions d'égalité pour les échanges et le commerce.
6. Enfin il y a des territoires, tels que le Sud-Ouest africain et certaines îles du Pacifique austral, qui, par suite de la faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres de civilisation, de leur contiguïté géographique au territoire du Mandataire, ou d'autres circonstances, ne sauraient être mieux administrés que sous les lois du Mandataire comme une partie intégrante de son territoire, sous réserve des garanties prévues plus haut dans l'intérêt de la population indigène.
7. Dans tous les cas le Mandataire doit envoyer au Conseil un rapport annuel concernant les territoires dont il a la charge.
8. Si le degré d'autorité, de contrôle ou d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention antérieure entre les Membres de la Société, il sera expressément statué sur ces points par le Conseil.
9. Une Commission permanente sera chargée de recevoir et d'examiner les rapports annuels des Mandataires et de donner au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l'exécution des mandats.
Article 23.
Sous la réserve, et en conformité des dispositions des conventions internationales actuellement existantes ou qui seront ultérieurement conclues, les Membres de la Société :
a) s'efforceront d'assurer et de maintenir des conditions de travail équitables et humaines pour l'homme, la femme et l'enfant sur leurs propres territoires, ainsi que dans tous pays auxquels s'étendent leurs relations de commerce et d'industrie, et, dans ce but, d'établir et d'entretenir des organisations internationales nécessaires ;
b) s'engagent à assurer le traitement équitable des populations indigènes dans les territoires soumis à leur administration ;
c) chargent la Société du contrôle général des accords relatifs à la traite des femmes et des enfants, du trafic de l'opium et autres drogues nuisibles ;
d) chargent la Société du contrôle général du commerce des armes et des munitions avec les pays où le contrôle de ce commerce est indispensable à l'intérêt commun ;
e) prendront les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et le maintien de la liberté des communications et du transit, ainsi qu'un équitable traitement du commerce de tous les Membres de la Société, étant entendu que les nécessités spéciales des régions dévastées pendant la guerre de 1914-1918 devront être prises en considération ;
f) s'efforceront de prendre des mesures d'ordre international pour prévenir et combattre les maladies.
Article 24.
1. Tous les bureaux internationaux antérieurement établis par traités collectifs seront, sous réserve de l'assentiment des Parties placés sous l'autorité de la Société. Tous autres bureaux internationaux et toutes commissions pour le règlement des affaires d'intérêt international qui seront créés ultérieurement seront placés sous l'autorité de la Société.
2. Pour toutes questions d'intérêt international réglées par des conventions générales, mais non soumises au contrôle de commissions ou de bureaux internationaux, le Secrétariat de la Société devra, si les Parties le demandent et si le Conseil y consent, réunir et distribuer tontes informations utiles et prêter toute l'assistance nécessaire ou désirable.
3. Le Conseil peut décider de faire rentrer dans les dépenses du Secrétariat celles de tout bureau ou commission placé sous l'autorité de la Société.
Article 25.
Les Membres de la Société s'engagent à encourager et favoriser l'établissement et la coopération des organisations volontaires nationales de la Croix-Rouge, dûment autorisées, qui ont pour objet l'amélioration de la santé, la défense préventive contre la maladie et l'adoucissement de la souffrance dans le monde.
Article 26.
1. Les amendements au présent Pacte entreront en vigueur dès leur ratification par les Membres de la Société, dont les Représentants composent le Conseil, et par la majorité de ceux dont les Représentants forment l'Assemblée.
2. Tout Membre de la Société est libre de ne pas accepter les amendements apportés au Pacte, auquel cas il cesse de faire partie de la Société.
Annexe
I. - Membres originaires de la Société des Nations signataires du traité de paix
- États-Unis d'Amérique
- Belgique
- Bolivie
- Brésil
- Empire Britannique
- Canada
- Australie
- Afrique du Sud
- Nouvelle Zélande
- Inde
- Chine
- Cuba
- Équateur
- France
- Grèce
- Guatemala
- Haïti
- Hedjaz
- Honduras
- Italie
- Japon
- Libéria
- Nicaragua
- Panama
- Pérou
- Pologne
- Portugal
- Roumanie
- État Serbe-Croate-Slovène
- Siam
- Tchéco-Slovaquie
- Uruguay
États invités à accéder au Pacte
- Argentine
- Chili
- Colombie
- Danemark
- Espagne
- Norvège
- Paraguay
- Pays-Bas
- Perse
- Salvador
- Suède
- Suisse
- Venezuela
II. Premier secrétaire général de la Société des Nations
L'Honorable Sir James Eric Drummond, K.C.M.G., C.B.