1919. Traité de Versailles. IV. Droits et intérêts hors d'Allemagne (Texte)

Partie IV. Droits et intérêts allemands hors de l'Allemagne

Article 118.

Hors de ses limites en Europe, telles qu'elles sont fixées par le présent traité, l'Allemagne renonce à tous droits, titres ou privilèges quelconques sur ou concernant tous territoires lui appartenant, à elle ou à ses alliés, ainsi qu'à tous droits, titres ou privilèges ayant pu, à quelque titre que ce soit, lui appartenir vis-à-vis des puissances alliées et associées.

L'Allemagne s'engage dès à présent à reconnaître et à agréer les mesures qui sont ou seront prises par les principales puissances alliées et associées, d'accord s'il y a lieu avec les tierces puissances, en vue de régler les conséquences de la disposition qui précède.

Spécialement, l'Allemagne déclare agréer les stipulations des articles ci-après, relatifs à certaines matières particulières.

Section I. Colonies allemandes

Article 119.

L'Allemagne renonce, en faveur des principales puissances alliées et associées, à tous ses droits et titres sur ses possessions d'outre-mer.

Article 120.

Tous droits mobiliers et immobiliers appartenant dans ces territoires à l'Empire allemand ou à un État allemand quelconque, passeront au gouvernement exerçant l'autorité sur ces territoires, dans les conditions fixées dans l'article 257 de la partie IX (Clauses financières) du présent traité. Si des contestations venaient à s'élever sur la nature de ces droits, elles seraient jugées souverainement par les tribunaux locaux.

Article 121.

Les dispositions des sections I et IV de la partie X (Clauses économiques) du présent traité seront applicables en ce qui concerne ces territoires, quelle que soit la forme de gouvernement adoptée pour ces territoires.

Article 122.

Le gouvernement exerçant l'autorité sur ces territoires pourra prendre telles dispositions qu'il jugera nécessaires, en ce qui concerne le rapatriement des nationaux allemands qui s'y trouvent et les conditions dans lesquelles les sujets allemands d'origine européenne seront, ou non, autorisés à y résider, y posséder, y faire le commerce ou y exercer une profession.

Article 123.

Les dispositions de l'article 260 de la partie IX (Clauses financières) du présent traité s'appliqueront aux conventions passées avec des nationaux allemands pour l'exécution ou l'exploitation des travaux publics dans les possessions allemandes d'outre-mer, ainsi qu'aux sous-concessions ou marchés passés avec lesdits nationaux en conséquence de ces conventions.

Article 124.

L'Allemagne prend à sa charge, suivant l'évaluation qui sera présentée par le Gouvernement français et approuvée par la commission des réparations, la réparation des dommages subis par les ressortissants français dans la colonie du Cameroun ou dans la zone frontière du fait des actes des autorités civiles et militaires allemandes et des particuliers allemands pendant la période qui s'étend du 1er janvier 1900 au 1er août 1914.

Article 125.

L'Allemagne renonce à tous droits issus des conventions et arrangements, passés avec la France le 4 novembre 1911 et le 28 septembre 1912 relativement à l'Afrique équatoriale. Elle s'engage à verser au Gouvernement français, suivant l'évaluation qui sera présentée par ce Gouvernement et approuvée par la commission des réparations, tous les cautionnements, ouvertures de compte, avances, etc., réalisés en vertu de ces actes au profit de l'Allemagne.

Article 126.

L'Allemagne s'engage à reconnaître et agréer les conventions passées ou à passer par les puissances alliées ou associées ou certaines d'entre elles avec toute autre puissance, relativement au commerce des armes et des spiritueux ainsi qu'aux autres matières traitées dans les actes généraux de Berlin du 26 février 1885 et de Bruxelles du 2 juillet 1890 et les conventions qui les ont complétées ou modifiées.

Article 127.

Les indigènes habitant les anciennes possessions allemandes d'outre-mer auront droit à la protection diplomatique du Gouvernement qui exercera l'autorité sur ces territoires.

Section II. Chine

Article 128.

L'Allemagne renonce en faveur de la Chine à tous privilèges et avantages résultant des dispositions du protocole final signé a Pékin le 7 septembre 1901, ensemble tous annexes, notes et documents complémentaires. Elle renonce également en faveur de la Chine. à toute réclamation d'indemnité en vertu dudit protocole postérieurement au 14 mars 1917.

Article 129.

Dès la mise en vigueur du présent traité, les hautes parties contractantes appliqueront, chacune en ce qui la concerne : 
1° L'arrangement du 29 août 1902 relatif aux nouveaux tarifs douaniers chinois ;
 
2° L'arrangement du 27 septembre 1905 relatif à Whang-Poo et I'arrangement provisoire complémentaire du 4 avril 1912.

Toutefois, la Chine ne sera plus tenue d'accorder à l'Allemagne les avantages ou privilèges qu'elle lui a consentis dans ces arrangements.

Article 130.

Sous réserve des dispositions de la section VIII de la présente partie, l'Allemagne cède à la Chine tous les bâtiments, quais et appontements, casernes, forts, armes et munitions de guerre, navires de toutes sortes, installations de télégraphie sans fil et autres propriétés publiques, appartenant au Gouvernement allemand, qui sont situés ou qui peuvent se trouver dans les concessions allemandes à Tien-Tsin et à Han-Kéou ou dans les autres parties du territoire chinois.

Il est entendu, toutefois, que les bâtiments employés comme résidences ou bureaux diplomatiques ou consulaires ne sont pas compris dans la cession ci-dessus ; en outre, aucune mesure ne sera prise par le Gouvernement chinois pour disposer des propriétés publiques ou privées allemandes situées à Pékin dans le quartier dit des Légations sans le consentement des représentants diplomatiques des puissances qui, à la mise en vigueur du présent traité, restent parties au protocole final du 7 septembre 1901.

Article 131.

L'Allemagne s'engage à rendre à la Chine, dans un délai de douze mois à partir de la mise en vigueur du présent traité, tous les instruments astronomiques que ses troupes ont, en 1900-1901 enlevés de Chine. L'Allemagne s'engage également à payer toutes les dépenses qui pourront advenir pour effectuer cette restitution, y compris les dépenses pour les démonter, emballer, transporter, réinstaller à Pékin et couvrir les assurances.

Article 132.

L'Allemagne accepte l'abrogation des contrats obtenus du Gouvernement chinois, en vertu desquels les concessions allemandes à Han-Kéou et Tien-Tsin sont actuellement tenues.

La Chine, remise en possession du plein exercice de ses droits souverains sur lesdits terrains, déclare son intention de les ouvrir à l'usage de résidence internationale et du commerce. Elle déclare que l'abrogation des contrats, en vertu desquels ces concessions sont actuellement tenues, ne doit pas affecter les droits de propriété des ressortissants des puissances alliées et associées, détenteurs de droits dans ces concessions.

Article 133.

L'Allemagne renonce à toute réclamation contre le Gouvernement chinois ou contre tout gouvernement allié ou associé en raison de l'internement en Chine de ressortissants allemands et de leur rapatriement. Elle renonce également à toute réclamation en raison de la saisie des navires allemands en Chine, de la liquidation, de la mise sous séquestre, la disposition ou la mainmise sur les propriétés, droits et intérêts allemands dans ce pays depuis le 14 août 1917. Cette disposition toutefois ne doit pas affecter les droits des parties intéressées dans les produits d'aucune de ces liquidations, ces droits étant réglés par les dispositions de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Article 134.

L'Allemagne renonce en faveur du Gouvernement de Sa Majesté britannique aux biens de l'État allemand dans la concession britannique de Shameen, à Canton. Elle renonce en faveur des Gouvernements français et chinois conjointement, à la propriété de l'école allemande située sur la concession française de Shanghaï.

Section III. Siam

Article 135.

L'Allemagne reconnaît comme caducs, depuis le 22 juillet 1917, tous traités, conventions ou accords passés par elle avec le Siam, ensemble les droits, titres ou privilèges pouvant en résulter, ainsi que tout droit de juridiction consulaire au Siam.

Article 136.

Tous biens et propriétés de l'Empire ou des États allemands au Siam, à l'exception des bâtiments employés comme résidences ou bureaux diplomatiques ou consulaires, seront acquis de plein droit au Gouvernement siamois, sans indemnité.

Les biens, propriétés et droits privés des ressortissants allemands au Siam seront traités conformément aux stipulations de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Article 137.

L'Allemagne renonce à toute réclamation, pour elle ou ses nationaux, contre le Gouvernement siamois relativement à la saisie des navires allemands, à la liquidation des biens allemands ou à l'internement des ressortissants allemands au Siam. Cette disposition ne doit pas affecter les droits des parties intéressées dans le produit d'aucune de ces liquidations, ces droits étant réglés par les dispositions de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Section IV. Liberia

Article 138.

L'Allemagne renonce à tous droits et privilèges résultant des arrangements de 1911 et 1912 concernant le Liberia, et en particulier au droit de nommer un receveur des douanes allemand en Liberia.

Elle déclare, en outre, renoncer à toute demande de participer, en quoi que ce soit, aux mesures qui pourraient être adoptées pour la reconstitution du Liberia.

Article 139.

L'Allemagne reconnaît comme caducs, à dater du 4 août 1917, tous les traités et arrangements conclus par elle avec le Liberia.

Article 140.

Les biens, droits et intérêts appartenant en Liberia à des Allemands, seront réglés conformément à la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Section V. Maroc

Article 141.

L'Allemagne renonce à tous droits, titres ou privilèges résultant à son profit de l'acte général d'Algésiras du 7 avril 1906, des accords franco-allemands du 9 février 1909 et du 4 novembre 1911. Tous les traités, accords, arrangements ou contrats passés par elle avec l'Empire chérifien sont tenus pour abrogés depuis le 3 août 1914.

En aucun cas, l'Allemagne ne pourra se prévaloir de ces actes et elle s'engage à n'intervenir, en aucune façon, dans les négociations qui pourront avoir lieu entre la France et les autres puissances relativement au Maroc.

Article 142.

L'AlIemagne déclare accepter toutes les conséquences de l'établissement, reconnu par elle, du protectorat de la France au Maroc et renoncer au régime des capitulations au Maroc.

Cette renonciation prendra date du 3 août 1914.

Article 143.

Le Gouvernement chérifien aura une entière liberté d'action pour régler le statut et les conditions de l'établissement des ressortissants allemands au Maroc.

Les protégés allemands, les censaux et les associés agricoles allemands seront considérés comme ayant cessé, à partir du 3 août 1914, de jouir des privilèges attachés à ces qualités pour être soumis au droit commun.

Article 144.

Tous les biens et propriétés de l'Empire et des États allemands dans l'Empire chérifien passent de plein droit au Maghzen, sans aucune indemnité.

A cet égard, les biens et propriétés de l'Empire et des États allemands seront considérés comme comprenant toutes les propriétés de la Couronne, de l'Empire et des États allemands, ainsi que les biens privés de l'ex-empereur d'Allemagne et des autres personnes royales.

Tous les biens, meubles et immeubles appartenant, dans l'Empire chérifien, à des ressortissants allemands seront traités conformément aux sections III et IV de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Les droits miniers qui seraient reconnus à des ressortissants allemands par le Tribunal arbitral Institué en vertu du règlement minier marocain, seront l'objet d'une estimation pécuniaire qui sera demandée à l'arbitre ; ces droits suivront ensuite le sort des biens appartenant au Maroc à des ressortissants allemands.

Article 145.

Le Gouvernement allemand assurera le transfert, à la personne qui sera désignée par le Gouvernement français, des actions qui représentent la part de l'Allemagne dans le capital de la Banque d'État du Maroc. La valeur de ces actions, indiquée par la commission des réparations, sera payée à cette commission pour être portée au crédit de l'Allemagne dans le compte des sommes dues pour réparations. Il appartiendra au Gouvernement allemand d’indemniser de ce chef ses ressortissants.

Ce transfert aura lien sans préjudice du remboursement des dettes que les ressortissants allemands auraient contractées envers la Banque d'État du Maroc.

Article 146.

Les marchandises marocaines bénéficieront à l'entrée en Allemagne du régime appliqué aux marchandises françaises.

Section VI. Égypte

Article 147.

L'Allemagne déclare reconnaître le protectorat proclamé sur l'Égypte par la Grande-Bretagne le 18 décembre 1914 et renoncer au régime des capitulations en Égypte. Cette renonciation prendra date du 4 août 1914.

Article 148.

Tous les traités, accords, arrangements ou contrats passés par l'Allemagne avec l'Égypte, sont tenus pour abrogés depuis le 4 août 1914.

En aucun cas, l'Allemagne ne pourra se prévaloir de ces actes et elle s'engage à n'intervenir en aucune façon dans les négociations qui pourront avoir lieu entre la Grande-Bretagne et les autres puissances relativement à l'Égypte.

Article 149.

Jusqu'à la mise en vigueur d'une législation égyptienne d'organisation judiciaire, constituant des cours de complète juridiction, il sera pourvu, par voie de décrets par Sa Hautesse le Sultan, à l'exercice de la juridiction sur les ressortissants allemands et sur les propriétés par les tribunaux consulaires britanniques.

Article 150.

Le Gouvernement égyptien aura une entière liberté d'action pour régler le statut et les conditions de l'établissement des ressortissants allemands en Égypte.

Article 151.

L'Allemagne donne son agrément à l'abrogation ou aux modifications, jugées désirables par le Gouvernement égyptien, du décret rendu par Son Altesse le Khédive le 28 novembre 1904 relativement a la commission de la dette publique égyptienne.

Article 152.

L'Allemagne consent, en ce qui la concerne, au transfert au Gouvernement de Sa Majesté britannique des pouvoirs conférés à Sa Majesté Impériale le Sultan par la convention signée à Constantinople le 29 octobre 1888 relativement à la libre navigation du canal de Suez.

Elle renonce à toute participation au conseil sanitaire, maritime et quarantenaire d'Égypte et consent, en ce qui la concerne, au transfert aux autorités égyptiennes des pouvoirs de ce conseil.

Article 153.

Tous les biens propriétés de l'Empire allemand et des États allemands en Égypte passent de plein droit au Gouvernement égyptien, sans aucune indemnité.

A cet égard, les biens et propriétés de l'Empire et des États allemands seront considérés comme comprenant toutes les propriétés de la Couronne, de l'Empire et des États allemands, ainsi que les biens privés de l'ex-empereur d'Allemagne et des autres personnes royales.

Tous les biens meubles et immeubles appartenant, en Égypte, à des ressortissants allemands seront  traités conformément aux sections III et IV de la partie X (Clauses économiques) du présent traité.

Article 154.

Les marchandises égyptiennes bénéficieront, à l'entrée en Allemagne, du régime appliqué aux marchandises britanniques.

Section VII. Turquie et Bulgarie

Article 155.

L'Allemagne s'engage à reconnaître et à agréer tous arrangements que les puissances alliées et associées passeront avec la Turquie et la Bulgarie relativement aux droits, intérêts et privilèges quelconques, auxquels l'Allemagne ou les ressortissants allemands pourraient prétendre en Turquie et en Bulgarie et qui ne sont pas l'objet de dispositions du présent traité.

Section VIII. Chantoung

Article 156.

L'Allemagne renonce, en faveur du Japon, à tous ses droits, titres et privilèges, concernant notamment le territoire de Kiao-Tchéou, les chemins de fer, les mines et les câbles sous-marins, qu'elle a acquis en vertu du traité passé par elle avec la Chine, le 6 mars 1898, et de tous autres actes concernant ia province du Chantoung.

Tous les droits allemands dans le chemin de fer de Tsingtao à Tsinanfou, y compris ses embranchements, ensemble ses dépendances de toute nature, gares, magasins, matériel fixe et roulant, mines, établissements et matériel d'exploitation des mines, sont et demeurent acquis au Japon, avec tous les droits et privilèges qui s'y rattachent.

Les câbles sous-marins de l'État allemand, de Tsingtao à Shanghaï et de Tsingtao à Tchéfou, avec tous les droits, privilèges et propriétés qui s'y rattachent, restent également acquis au Japon, francs et quittes de toutes charges.

Article 157.

Les droits mobiliers et immobiliers que l'État allemand possède dans le territoire de Kiao-Tchéou, ainsi que tous les droits qu'il pourrait faire valoir par suite de travaux ou aménagements exécutés ou de dépenses engagées par lui, directement ou indirectement, et concernant ce territoire, sont et demeurent acquis au Japon, francs et quittes de toutes charges.

Article 158.

L'Allemagne remettra au Japon, dans les trois mois qui suivront la mise en vigueur du présent traité, les archives, registres, plans, titres et documents de toute nature concernant les administrations civile, militaire, financière, judiciaire ou autres, du territoire de Kiao-Tchéou, à quelque endroit qu'ils se trouvent.

Dans le même délai, l'Allemagne notifiera au Japon tous les traités, arrangements ou contrats concernant les droits, titres ou privilèges visés aux deux articles ci-dessus.

 

 

 



14/12/2015
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