Clausewitz. De la guerre. VIII. Le plan de guerre. (NDL)

Esquisse du Livre VIII. Le plan de guerre.

 

 

Chapitre I. Aperçu général.

 

« La défaite de l'ennemi, c'est-à-dire la destruction de ses forces militaires est l'objet capital de l'acte de guerre tout entier. »

 

Chapitre II. Guerre absolue et guerre réelle.

 

« Le plan de guerre englobe l'acte de guerre tout entier. Aucune guerre ne débute, ou du moins ne devrait débuter sans que l'on ait trouvé une réponse à la question : Que cherche t-on à atteindre par et dans la guerre ? Cette idée dominante prescrit le cours entier de la guerre, détermine l'étendue des moyens et la mesure de l'énergie à développer »

 

« Comme cette idée s'applique aux deux parties belligérantes, il devrait s'ensuivre qu'il ne peut y avoir aucune suspension dans l'acte de guerre, qu'une suspension ne peut survenir tant que l'une ou l'autre des parties n'est pas effectivement détruite. »

 

« La plupart des guerres apparaissent seulement comme inimitié mutuelle, sous l'influence de laquelle chaque côté prend les armes pour se protéger, jeter l'effroi chez l'adversaire, et, à l'occasion frapper un coup. Il n'y a donc pas deux éléments mutuellement destructifs qui entrent en collision, mais plutôt des tensions entre deux éléments encore séparés qui se déchargent dans de petits chocs espacés. »

 

Chapitre III. A/ Cohésion interne de la guerre.

 

« Il n'y a qu'un résultat qui compte, le résultat final. Jusqu'à ce qu'il soit atteint, rien n'est décidé, rien n'est perdu. La guerre est donc un tout indivisible dont les parties (les résultats particuliers) n'ont de valeur que dans leur rapport à ce tout. »

 

« La théorie exige que l'on définisse au début de toute guerre son caractère et son allure d'ensemble, d'après ce que les conditions et les relations politiques nous conduisent à prévoir comme probable. »

 

B/ Sur la grandeur du but de guerre et sur les efforts à fournir.

 

« La contrainte que nous exerçons à l'égard de notre ennemi sera réglée par la nôtre propre, et par ses exigences politiques. Dans la mesure où ces deux grandeurs sont connues, elles fixeront de chaque côté la mesure des efforts ; mais elles ne sont pas toujours évidentes, et cela peut être une première cause de la différence des moyens que chacun met en œuvre. La situation et les conditions des Etats ne sont pas semblables ; cela peut être une seconde cause. La force de volonté, le caractère et les capacités du gouvernement ne le sont pas non plus ; c'est une troisième cause. Ces trois éléments apportent de l'incertitude dans le calcul de la résistance à laquelle on peut s'attendre. »

 

« Celui qui entreprend une guerre est ramené à une attitude moyenne qui lui prescrit un emploi des forces et la poursuite d'un but de guerre juste suffisants pour lui permettre d'atteindre son objet politique. »

 

« Pour s'assurer de la quantité de moyens qu'il faut mobiliser pour la guerre, il faut considérer l'objet politique, à la fois de notre propre point de vue et de celui de l'ennemi. »

 

« Un jugement sur une guerre menaçante, sur le but qu'elle peut avoir et sur les moyens qu'elle exige, ne peut être formé qu'après un examen général de toutes les circonstances parmi lesquelles doivent aussi se trouver inclus les éléments caractéristiques du moment ; et ensuite que cette décision, comme toutes celles que l'on prend en guerre ne peut pas être purement objective, mais doit être déterminée par les qualités mentales et morales des princes, hommes d'Etats et généraux, qu'elles soient réunis dans la personne d'un seul homme ou non. »

 

Chapitre IV. Définition plus précise du but de guerre. La défaite de l'ennemi.

 

« Le but de la guerre devrait toujours être la défaite de l'ennemi. Mais cette défaite n'implique pas nécessairement la conquête intégrale des pays ennemis. »

 

« En campagne, le coup doit être répété avec persistance dans la même direction. Le conquérant doit toujours diriger ses coups contre le tout et non contre une partie de son adversaire. »

 

Les raisons qui amènent la défaite de l'ennemi.

 

1. La dispersion de son armée, si celle ci forme en quelque mesure une puissance effective.

 

2. La capture de la capitale ennemie, si elle n'est pas simplement le centre de la puissance de l'Etat, mais aussi le siège des corps et des partis politiques.

 

3. Un coup effectif contre l'allié principal, s'il est lui même plus puissant que l'ennemi.

 

« Si l'on peut défaire tout ses ennemis en détruisant l'un d'entre eux, la défaite de ce dernier doit être le but de guerre, car dans ce cas le coup atteint le centre de gravité commun de toute guerre. Quand un tel objectif est-il possible et recommandable ?

Il faut avoir des forces militaires suffisantes :

- Pour remporter une victoire décisive sur les forces ennemies.

- Pour faire la dépense de force nécessaire si l'on poursuit la victoire jusqu'au point où l'établissement d'un équilibre n'est plus concevable.

Nous devons nous assurer que notre situation politique est telle que ce résultat n'excitera pas contre nous de nouveaux ennemis qui pourraient soudain nous obliger à nous détourner du premier. »

 

« Lorsqu'on estime la force des armées et ce que l'on peut réaliser par elles, l'idée se présente d'elle même d'envisager surtout le temps, comme facteur des forces, par analogie avec la dynamique, en admettant par conséquent que la moitié des forces peuvent réaliser en deux ans ce que la force totale unifiée ne pouvait accomplir qu'en un an. Cette opinion est complètement fausse. On ne trouve pas trace dans la guerre d'une action réciproque entre temps et force comme celle qui se produit en dynamique. »

 

« Le temps est indispensable aux deux belligérants,et la seule question est : quel est celui des deux qui,jugeant d'après sa position a le plus de raison d'en attendre des avantages spécifiques. Il s'agit du vaincu, pour des raisons psychologiques. L'envie, la jalousie, l'inquiétude et peut être même la grandeur d'âme, sont les médiateurs naturels de l'infortuné. D'un côté, elles lui créent des amis, et de l'autre, elles affaiblissent et dissolvent la coalition de ses ennemis. »

 

« Aucune conquête ne saurait être trop tôt achevée et en l'étendant sur un plus grand laps de temps qu'il n'est strictement nécessaire pour la mener à bonne fin, on la rendra plus difficile au lieu de la faciliter » (critique de la théorie s'appuyant sur un système lent soi-disant méthodique ; considéré comme plus prudent et plus sûr).

 

Le concept de guerre offensive méthodique s'appuie sur plusieurs éléments :

 

La conquête des forteresses qui appartiennent à l'ennemi auquel nous avons à faire.

 

L'accumulation de fournitures nécessaires.

 

La fortification des points importants, comme les magasins, les ponts, les positions etc..

 

Le repos des troupes en hiver et les cantonnements de repos.

 

L'attente de renforts pour l'année prochaine.

 

Mais ces éléments possèdent des inconvénients :

 

Attendre des renforts, c'est permettre à l'ennemi d'en recevoir aussi et peut-être plus que nous même.

 

L'ennemi se repose en même temps que nous.

 

La fortification des villes et positions n'est pas le travail de l’armée et par conséquent, ne lui impose aucun délai.

 

Avec le système actuel des armées permanentes, les magasins sont plus nécessaires quand les troupes sont dans leurs quartiers que lorsqu'elles avancent. Tant qu'on avance avec succès, on entre sans cesse en possession de dépôts de ravitaillement ennemis qui aident lorsque le pays lui même est trop pauvre.

 

La capture des forteresses ennemies ne peut être considéré comme une suspension de l'attaque ; c'est une intensification de la progression et par conséquent la suspension apparente qu'elle entraîne n'est à proprement parler un cas du genre dont nous parlons.

 

« Aucune pause, aucun point de repos, aucune étape intermédiaire ne s'accordent à la nature de la guerre offensive, et lorsqu'ils sont inévitables, on doit les considérer comme un mal qui ne rend pas le résultat plus certain, mais au contraire plus incertain. »

 

Chapitre V. Définition plus précise du but de la guerre (suite).

 

But limité.

 

« La guerre offensive où l'on prend l'avantage du moment présent, s'impose toujours quand l'avenir permet d’entrevoir une meilleure perspective pour l'ennemi et non pour nous. »

 

« Quand aucun des deux partis n'a rien de précis à attendre de l'avenir et que par conséquent la situation ne fournit aucun motif de décision, dans ce cas la guerre offensive s'impose entièrement à celui qui est politiquement l'agresseur, c'est à dire qui a un motif positif car il a pris les armes dans ce but, et chaque moment perdu sans bonne raison est autant de temps perdu pour lui. »

 

Chapitre VI. Influence de l'objectif politique sur le but militaire.

 

« Même dans les guerres conduites dans alliés, la cause politique d'une guerre a une grande influence sur la méthode avec laquelle on la mène. Si l'on attend de l'ennemi qu'un léger sacrifice, on peut se satisfaire de ne gagner par les moyens de la guerre qu'un petit équivalent et l'on peut espérer y parvenir par des efforts modérés. L'ennemi raisonne d'une façon très semblable. Mais si l'un ou l'autre s'aperçoit qu'il s'est trompé dans ses calculs, et qu'au lieu d'être un peu supérieur à son ennemi, comme il le croyait, il est plutôt un peu plus faible, l'argent et tous les autres moyens ainsi que l'impulsion morale nécessaires à une grande conflagration font très souvent défaut. »

 

La guerre est un instrument de la politique.

 

« La guerre n'est qu'une partie des rapports politiques, et par conséquent nullement quelque chose d'indépendant. »

 

« La guerre n'est rien d'autre que la continuation des relations politiques, avec l’appoint d'autres moyens. Nous disons que de nouveaux moyens s'y ajoutent pour affirmer du même coup que la guerre elle même ne fait pas cesser ces relations politiques, qu'elle ne les transforme pas en quelque chose de tout à fait différent, mais que celles ci continuent à exister dans leur essence, quels que soient les moyens dont elles se servent, et que les fils principaux qui courent à travers les événements de guerre et auxquelles elles se rattachent ne sont que des linéaments d'une politique qui se poursuit à travers la guerre jusqu'à la paix. »

 

« En recourant à la guerre, la politique évite toutes les conclusions strictement logiques qui découlent de sa nature ; elle se soucie peu des possibilités finales et s'en tient aux probabilités immédiates. Certes, il s'introduit ainsi beaucoup d'incertitude dans toute l'affaire qui devient ainsi une sorte de jeu ; mais tous les Cabinets se croient plus habiles et perspicaces à ce jeu que leurs adversaires et c'est ce qui leur donne confiance en leur propre politique. La question qui se pose alors est de savoir si la politique doit nécessairement l'emporter en se subordonnant tout le reste.

On admet que la politique unit et concilie tous les intérêts de l'administration intérieure, car elle n'est en elle même que le représentant de tous ces intérêts vis à vis des autres Etats. Lors de l'élaboration des plans d'une guerre, le point de vue politique doit-il s'effacer devant le point de vue purement militaire, c'est-à-dire doit-il du même coup disparaître ou se subordonner à lui, ou bien le point de vue politique doit-il l'emporter, en se subordonnant le point de vue militaire ?

La subordination du point de vue politique à celui de la guerre serait absurde, puisque c'est la politique qui a entraîné la guerre ; la politique est la faculté intellectuelle, la guerre n''est que l'instrument, et non l'inverse. Subordonner le point de vue militaire au pont de vue politique est donc la seule chose que l'on puisse faire. »

 

« Si la politique exige de la guerre ce qu'elle ne peut donner elle agit à l'encontre de ses prémisses : elle doit connaître l'instrument dont elle va se servir, et par conséquent savoir ce qui est naturel et absolument indispensable. Mais si la politique juge correctement le cours des événements de la guerre, il lui revient entièrement de déterminer quels sont les événements et la direction des événements qui correspondent aux fins de la guerre. »

 

« On ne peut élaborer aucun des plans généraux nécessaires à la guerre sans une connaissance intime de la situation politique, et si les gens parlent, comme ils le font souvent, de l'influence néfaste de la politique sur la conduite de la guerre, ils disent en réalité quelque chose de tout différent ce qu’ils voudraient dire. Ce n'est pas cette influence mais la politique elle même, qu'on devrait incriminer. Si la politique est juste, si elle est conforme à sa fin, elle ne peut qu’agir favorablement sur la guerre, dans le sens de cette politique. »

 

« Ce n'est que si la politique se promet des effets impossibles de certains moyens et mesures militaires, des effets opposés à leur nature, qu'elle exerce une influence pernicieuse sur la guerre en lui prescrivant une certaine marche. La politique donne souvent des ordres qui ne correspondent pas à ses intentions. »

 

En conséquence une certaine connaissance des problèmes militaires ne devrait pas être dissociée de la direction des affaires publiques.

 

« Si la guerre doit correspondre entièrement aux intentions politiques et si la politique doit s’adapter aux moyens de guerre disponibles, il n'y a qu'une alternative satisfaisante au cas ou l'homme d'Etat et le soldat ne s'unissent pas en une même personne : c'est faire entrer le général en chef dans le cabinet pour qui celui ci prenne part aux décisions importantes. »

 

Chapitre VII. But limité, guerre offensive.

 

« La conquête d'une partie du territoire ennemi tandis qu'elle accroît les nôtres. De plus la possession de provinces ennemies peut-être considérée comme un gain net au cours des négociations de paix, puisqu'on peut les conserver ou les échanger contre d'autres avantages. »

 

« La question de savoir si l'on doit viser un tel objectif dépend de cette autre : peut-on espérer conserver la conquête réalisée ou une occupation temporaire (invasion, diversion) remboursera t-elle la dépense de force nécessaire, et n'aura t-on pas tout particulièrement à redouter un contre-coup si vigoureux qu'il nous ferait tout à fait perdre l'équilibre ?

 

Chapitre VIII. But limité, la défense.

 

« La fin ultime d'une guerre défensive ne peut jamais être une négation absolue. Le plus faible lui même doit disposer de quelque chose qui lui permette de frapper son adversaire et de le menacer. Cet objectif peut consister dans l'épuisement de l’adversaire. »

 

« Le défenseur peut essayer de conserver la possession de son propre pays aussi longtemps que possible, car c'est ainsi qu'il gagne le plus de temps, et gagner du temps est la seule voie qui le mène à ses fins. Dans cet état de passivité stratégique, les avantages que le défenseur peut assurer sur certains points consistent seulement à repousser des attaques séparées. »

 

« Dans le cas où la défense à déjà conçu une intention positive, plus on adopte volontairement la défensive, pour donner de l'assurance au premier coup, plus efficaces doivent être les pièges que le défenseur prépare à son adversaire. Le plus hardi, et, s'il réussit, le plus efficace, est ma retraite à l'intérieur du pays.

 

Chapitre IX. Le plan de guerre quand le but est la destruction de l'ennemi.

 

Deux principes fondamentaux embrassent l'ensemble du plan de guerre et déterminent l’orientation de ce plan qui est de :

 

Ramener le poids de la force ennemie à des centres de gravité aussi peu nombreux que possible, à un seul s'il se peut.

 

Limiter l'attaque contre ces centres de gravité à un nombre d'entreprises principales aussi peu nombreuses que possibles, à une seule s'il se peut ; enfin maintenir toutes les entreprises secondaires aussi subordonnées que possible.

 

Les deux principes sont donc :

 

Se concentrer autant que l'on peut.

 

Agir aussi vite que possible, ne permettre ni délai, nid détour sans raison suffisante.

 

« Il n'y a qu'une seule exception au principe de l'orientation de toutes les forces contre le centre de gravité, lorsque des expéditions secondaires promettent des avantages extraordinaires. Les raisons suivantes de diviser et séparer nos forces peuvent alors se présenter. »

 

1. Dispositif initial des forces armées, par conséquent aussi la situation des Etats engagés dans l'offensive. Si la concentration des forces doit occasionner des détours et une perte de temps, et si le danger de progression par lignes séparées n'est pas trop grand, la division peut-être justifiée sur ces bases.

 

2. La progression par lignes séparées promet des résultats plus importants, par avance par lignes concentriques. Toute attaque concentrique tend, en stratégie comme en tactique, à des succès plus grands, car si elle réussit, elle débouche sur la dispersion plus ou moins totale des armées ennemies.

 

3. L'extension du théâtre de guerre peut être un motif d'attaquer sur des lignes séparées. Si une armée assaillante pénètre avec succès par un point et poursuit son avance assez loin en pays ennemi, l'espace qu'elle commande s'étend un peu de chaque côté, cela dépendra encore beaucoup de la solidité et de l a cohésion e l'Etat ennemi.

Mais si l'on à affaire à un peuple courageux et loyal, l'espace à l'arrière de notre armée formera un triangle plus ou moins aigu. Pour parer à ce danger, l'assaillant s'efforce de disposer son avance sur un front plus ou moins large.

 

4. La facilité qu'elle procure aux subsistances.

 

« Tant que le général en chef n'a pas défait son adversaire, tant qu'il se croit assez fort pour atteindre son but, il doit toujours le poursuivre. Cette poursuite implique peut-être un risque croissant, mais aussi un plus grand succès. S'il arrive un moment où il ne peut plus aventurer une progression, c'est très probablement qu'il est parvenu à son point culminant. Son impulsion s'est épuisée, et si l'ennemi n'est pas défait, il n'en sortira probablement rien. »

 

 

 



06/01/2015
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