Cumin (David). Histoire de la guerre (NDL)
HISTOIRE DE LA GUERRE
David CUMIN.
Edts Ellipses (2014), 240 pages.
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Introduction, terminologie.
Ce livre propose d'exposer la guerre comme phénomène spécifique, du paléolithique au XXe siècle, en 10 rubriques.
L'histoire de la guerre fait partie de l'histoire de l'humanité, la plupart des sociétés humaines ayant eu recours à la guerre.
« Les perceptions et conceptions de la guerre, source de valeurs, instrument de la politique ou mal à éliminer, changent selon les sociétés et les époques. »
« Malgré la difficulté d'échapper aux émotions et aux jugements de valeur, la guerre est un objet d'étude et de recherches en science politique et en droit public, plus précisément en relations internationales et en droit international. »
« Comment penser, dans notre société « débellicisée et démilitarisée », la guerre Pour aborder sinon résoudre les problèmes épistémologiques et méthodologiques, il importe de définir la guerre et de la distinguer d'autres phénomènes de violence politique. » Il est nécessaire d’établir une méthodologie et de dresser une typologie, d'identifier les notions et problématiques liées à l'étude de la guerre. »
I. Définition.
Définition qui emprunte à Gaston Bouthoul (1896-1980) et Julien Freund (1921-1993). La guerre peut-être définie comme « une mise en œuvre collective et coercitive de l'hostilité, par l'emploi réglé de la force armée, se traduisant par des combats durables portant atteinte aux personnes et aux biens donc causant des victimes. »
On distingue 5 éléments constitutifs de la guerre.
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L’hostilité.
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La coercition.
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La force armée.
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Les combats.
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Les victimes.
Cette définition permet d'atteindre 3 buts :
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Etre suffisamment stricte pour être précise.
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Etre suffisamment synthétique pour être complète.
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Contourner l'Etat autrement dit, convenir aussi bien à la guerre civile (intra politie) qu'à la guerre étrangère (inter politie).
« La guerre est une forme de conflit. Julien Freund définit le conflit de la manière suivante : confrontation délibéré entre deux groupes d'une même espèce, qui manifestent l'un à l'égard de l'autre une intention hostile, en général à propos d'un droit et qui essaient de convaincre ou de contraindre l'adversaire, éventuellement par le recours à la force, lequel peut le cas échéant tendre à la destruction physique de l'adversaire. » (conflit non résolu par la négociation).
« La guerre combine donc l'antagonisme et la violence. Les protagonistes ont décidé d'utiliser des méthodes violentes à la place ou en plus de méthodes non violentes, aux fins de contraindre, à défaut de convaincre l'adversaire. L'antagonisme exprime un degré extrême d'opposition, dont les motifs, causes ou enjeux peuvent être de tous ordres, religieux, racial, nationale, ethnique, culturel, économique, sociale, territorial ou idéologique. »
« La guerre combine état d'hostilité et action de combat. A elle seule, l'action de combat suppose l'état d'hostilité ; par contre, l'état d'hostilité n'implique pas nécessairement l'action de combat. L'hostilité ne se traduit pas nécessairement par le recours à la force armée. Elle peut se traduire par la propagande, la course aux armements, le boycott, l'embargo. Le recours à la force armée ne signifie pas nécessairement le combat : il peut signifier la mise en place d'un blocus terrestre, naval ou aérien.»
« C'est donc le recours à la violence de part et d'autre, motivé par l’hostilité, qui transforme le conflit en guerre, c’est-à-dire le recours à des moyens destinés à porter atteinte à la vie, à la liberté, à la propriété des personnes ennemies. Peut-il y avoir guerre sans homicide ? L'idée de guerre à « zéro mort » de part et d'autre ou la perspective d'une généralisation de l'emploi d'armes non létales bouleverse la notion même de guerre. Celle-ci supposerait toujours l'hostilité, la coercition, la force armée et le combat, mais ne causerait plus de victimes, du moins de victimes directes. »
Il existe différents types de violence contre les personnes :
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Contre soi (suicide)
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Contre autrui (agression)
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violences verbales, corporelles, sexuelles.
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Violence symbolique (dépréciative, atteinte douloureuse à l'estime de soi).
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Violence iconoclaste (sur les biens identitaires).
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Violences rituelles ou impies, accidentelles ou délibérées, avouées ou inavouées, individuelles ou collectives, anomiques ou organisées, meurtrières ou non meurtrières, armées ou non armées, privées ou publiques, permises (judiciaires) ou interdites (criminelles).
Mais toutes ces sortes de violence présentent deux caractéristiques. « Elles causent de la souffrance, définition même de la victime ; même physique la violence provoque des dommages psychologiques aux victimes car elle créé de la peur due au sentiment de vulnérabilité et de l'humiliation due au fait de se trouver dominé. »
La violence politique est motivé par une hostilité qui a pour enjeux le pouvoir dans l'espace public. On peut distinguer 5 catégories de violence politique.
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Etat contre un autre Etat (inter-étatique). Elle est permise si conforme au droit de la guerre.
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Individus contre le pouvoir (violence insurrectionnelle). Elle est interdite sauf si il y a une reconnaissance des insurgés.
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Pouvoir contre les individus (violence répressive). Elle n'est permise que si elle est effectuée par des agents habilités sur ordre des autorités compétentes selon les règles et procédures prévues.
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Interne au pouvoir (violence conjuratoire). Elle est interdite sauf légalisation rétroactive.
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Un groupe contre un autre groupe au sein de la société (violence inter communautaire). Elle est interdite sans exceptions.
« La guerre est l'un des principaux phénomènes de violence politique (…) Toute violence politique n'est pas la guerre. La guerre n'est pas le terrorisme, le coup d'Etat, la révolution, la persécution. Ce qui manque à ces phénomènes, où l'on retrouve le conflit, l’hostilité, la coercition, la violence, et qui est donc spécifique à la guerre, c'est le combat collectif entre collectivités de combattants. Lorsqu' apparaît un tel combat, alors cela signifie que le terrorisme, le coup d'Etat, la révolution, la persécution se sont transformés en processus de guerre civile (…) Car la guerre est un combat entre les combattants par l'exercice unilatéral de la violence par un groupe armé contre une population désarmée. Il y a guerre lorsqu'il y a réciprocité dans l'action violente appelée combat. »
Dans la réalité, la guerre et la paix ne sont pas exclusifs de situations intermédiaires (paix armée, ni paix ni guerre, guerre froide) ou transitoires (des troubles intérieurs à la guerre civile, des incidents de frontières à la guerre inter-étatique) qui rendent difficile la définition, à priori simple de la paix et de la guerre. » Mais toutes les deux ont un point commun : l'ennemi.
« La paix peut-être définie positivement comme un état de sécurité et de justice, ou négativement comme l'absence de guerre ou d'hostilité. » Elle peut-être aussi définie comme l'absence de violence politique. »
« Un conflit est géré lorsque les effets de la violence qu'il entraîne sont contenus par les protagonistes ou des tiers ; terminé en cas de victoire, d'accord ou d'épuisement ; résolu lorsque ses causes profondes n'agissent plus ; transformé en paix durable lorsque les adversaires se réconcilient. »
II. Heuristique (science qui analyse la découverte des faits).
La guerre peut-être appréhendée de différentes manières.
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Un état (état de guerre), relation entre belligérants, relations avec les neutres.
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Une activité, conduite des hostilités.
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Un art, art de la guerre.
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Un instrument de la politique (contraindre l'ennemi à exécuter notre volonté).
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Une voie de droit (trancher les différents, un problème pratique).
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Un problème éthique (la guerre est-elle morale?)
« Les guerres étant des phénomènes multidimensionnels dans le temps et dans l'espace, leur analyse intéresse toutes les disciplines. On peut les étudier d'un point de vue éthologique, anthropologique, mythologique, religieux, juridique, historique, culturel, démographique, sociologique, économique, technologique, médiologique (la sensibilité à la violence guerrière, ou à toute autre violence en général, est façonnée par l'écart entre celle qui s'expérimente directement et celle qui s'étale à distance comme un spectacle), philosophique, psychologique).
4 critères pour évaluer la gravité d'un conflit armé :
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Degré de participation (nombre d'Etats, populations concernées, combattants mobilisés).
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Extension géographique.
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Durée.
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Intensité meurtrière (nombre de victimes)
Les fonctions que peuvent remplir les guerres :
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Cohésion sociale et légitimation politique (croyance en une menace et nécessité de la réduire).
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Prédatrice (acquisition de biens, terres ou personnes).
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Statutaire (privilège social ou activité prestigieuse).
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« ludique », sport autocratique ou aventure masculine.
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Identitaire (soude le groupe par opposition à l'étranger)
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Rituelle (mise à l'épreuve, rite sacrificiel).
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Judiciaire (réparatrice ou punitive)
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Technologique (stimuler l'innovation, expérimenter des matériels)
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Economique (créer des emplois, distribuer des revenus).
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Politique sous trois modalités :
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Obtention d'un gain important pour des pertes acceptables, avec risque limité et probabilité de succès.
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Consolidation du pouvoir à l'intérieur ou à l'extérieur.
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Changement du statu quo à l'intérieur ou à l'extérieur.
III. Quelques problématiques.
« La guerre en tant qu'état d’hostilité, confère à l'autorité des pouvoirs exceptionnels, en même temps qu'elle voit l'entrée en vigueur d'un droit exceptionnel : le jus in bello. En tant qu'action de combat, elle relève de la stratégie, cependant qu'elle suppose des combattants (recrutement), des armements (équipements), un commandement, un financement. »
A. Financement.
La guerre peut-être financer par le butin, le tribut, la fiscalité, l'emprunt intérieur ou extérieur.
« Plus les belligérants peuvent puiser dans les ressources de l'économie mondiale ou bénéficier d'aide humanitaire, plus les guerres peuvent durer longtemps. »
B. Commandement.
« On peut distinguer selon que la carrière militaire est réservée à une élite (naissance) ou ouverte à tous (concours), selon que l'autorité militaire se confond avec l'autorité politique ou en est séparée. »
C'est la séparation du militaire et du clérical qui signifie l'avènement du pouvoir « politique au sens moderne, c'est-à-dire civil, reléguant le religieux dans la sphère privée et subordonnant le militaire à l'exécutif. »
C. Recrutement.
Deux critères universels : sexe (homme), âge (jeune). On peut ajouter des critères physiques, intellectuels, parfois matrimoniaux.
Au plan sociologique on distingue :
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La caste guerrière (noblesse).
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l'ost féodal (service militaire en contrepartie du fief).
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Troupe professionnelle ou armée de métier.
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Milice civique ou armée de conscription.
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Levée de contingents dans les pays alliés ou soumis.
Au plan économique, on distingue :
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Les combattants rémunérés qui s'équipent eux mêmes et sont donc les propriétéires des moyens de faire la guerre.
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Les combattants équipés par l'Etat.
Au plan politique, « la grande différence entre l'armée des conscrits et l'armée de volontaires est que dans le premier cas, l'Etat impose le service militaire à la société civile : le problème est celui du pouvoir ; dans le second cas, il dépend des candidats à l'engagement : le problème est celui de l'attractivité. »
D. Equipement.
Il y a avec le temps perfectionnement de 3 sortes d'instruments meurtriers par nature ou par destination :
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Les pièges (mines aujourd'hui)
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Les armes de choc.
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Les armes de jet.
Les performances d'un armement sont constituées de :
7 paramètres actifs :
- Pouvoir destructeur.
- Cadence de tir.
- Portée.
- Précision.
- Vitesse.
- Mobilité
- Facilité de mise en œuvre.
2 paramètres passifs.
- Protection.
- Camouflage.
3 paramètres informationnels.
- Observation.
- Communication.
- Leurrage.
Contrairement à ce que l'on croit, l'évolution technologique n’accroît pas le potentiel de la violence (le génocide du Rwanda en 1994 s'est effectué à l'arme blanche).
Pendant longtemps prédominance des armes de choc (massue, hache, épée, lance, pique). Mais l'invention de la poudre donne l'avantage aux armes de jet. « Le choc implique que le combattant franchisse la zone létale correspondante à la portée des armes de jet, dont la précision et la puissance augmentent au fur et à mesure que le combattant approche ! Il en résulte que seules des unités munies de protection et rompues à la discipline sont aptes à donner l'assaut. »
E. D’autres éléments.
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Les armements purement défensifs (casque, bouclier, gilets pare-balles etc..), château, tranchées, leurre, camouflage.
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Le génie (campement, travaux, franchissement).
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Le développement des montures de guerre (traction, déplacement, combat) du cheval aux véhicules blindés actuels.
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Développement des instruments d'observation, de détection, information, communication et propagande.
Chapitre I. Biologie.
« Si la guerre a pour noyau le combat collectif, c'est-à-dire l'intention de tuer et l'acceptation du risque d'être tué, elle dépend de l'agressivité et de l’esprit de sacrifice. Si la capacité de tuer et la capacité de se dévouer expliquent la propension à la guerre, la réflexion sur Bellone commence par l'interrogation. D'où viennent l'agressivité et l'esprit de sacrifice ? De la nature (de l'inné) ou de la culture (de l'acquis) ? Si l'homme est l'animal culturel, la guerre est-elle un produit de la nature et de la culture ? L'origine de la violence est-elle biologique ou sociologique ? »
I. Ethologie.
L'éthologie est l'étude scientifique du comportement humain et animal comparé fondé par Konrad Lorenz.
Dans le règne animal, la violence existe, mais elle est surtout « inter spécifique », c'est-à-dire que certains animaux mangent d'autres animaux. Il peut exister des combats à l'intérieur d'une même espèce notamment entre jeunes mâles, mais ils sont surtout individuels, sans outils et rarement meurtriers. « Seuls certains primates luttent en groupe, usant de projectiles et de bâtons et vont jusqu'à tuer leurs rivaux. »
« La violence collective armée meurtrière serait ainsi la grande différence entre la guerre humaine et les combats des animaux. Alors que les animaux utilisent leur corps pour se battre, les hommes utilisent surtout des armes, ce qui met une distance, une médiation, entre les hommes qui s'affrontent. »
Par rapport aux autres espèces animales, l'homme vivant en groupe, dispose de la parole, d'outils, de capacités d'apprentissage. Son travail et son activité économique lui permettent de se constituer des réserves alimentaires dont il est le propriétaire. On remarque que chez les animaux la guerre n'existe que là où se rencontrent la hiérarchie, le travail, la propriété (fourmi).
II. Neurologie.
En neurologie on définit le comportement agressif comme « la propension innée ou acquise à l'exercice de la violence contre un individu de la même espèce ; ce que l'éthologie appelle « l'instinct de combat », la psychanalyse « la pulsion de mort ».
Les hypothèses neurologiques pensent que « l'agressivité est un comportement lié au fonctionnement de certaines parties du cerveau. Elle dépend des apports sensoriels immédiats et des expériences antérieures mnésiques ; la frustration, la douleur, la peur, sont les principaux facteurs qui augmentent l'agressivité. Celle-ci est-elle une disposition instinctive, héritée génétiquement, ou une disposition apprise, transmise socialement ? Aux théories biologiques s'opposent les théories pédagogiques » sur le rôle de l'apprentissage ou de l'hérédité. Les avis sont partagés.
« Les recherches scientifiques ont toutefois établi que la « désindividuation » incluant soumission à l'autorité, conformisme, dilution de la responsabilité, distanciation vis à vis d'autrui, facilite l'agressivité et que l'agressivité concerne moins l'espèce humaine en général, que le genre masculin en particulier, plus précisément encore les jeunes hommes célibataires (…) Les individus agressant en groupe, en tenue militaire et dans l'anonymat sont davantage portés à l’exercice de la violence, plus encore s'ils agissaient avec la permission ou sur ordre d'une autorité. »
« Une corrélation a été établie entre la présence de l'hormone de testostérone, transmise au cerveau et l'agressivité. A la puberté, la femme double ou triple sa ration de testostérone ; l'homme la multiplie par 10 ou 20. Si l'on ajoute la différence de taille, de poids et de force musculaire, on voit que l’agressivité masculine par rapport à l’agressivité féminine est facilitée sur le plan physiologique, même sir le les femmes n'ont aucune inhibition biologique face au combat ou au meurtre. »
Mais l'agressivité n'est qu'une prédisposition individuelle qui dépend de facteurs sociologiques pour sa réalisation. « La guerre est une activité trop complexe pour qu'on la fasse dériver d'un instinct.
Les pulsions agressives doivent s'adapter aux armements et aux tactiques ou techniques de combat, nécessaires dans le corps à corps. Ces pulsions n'ont plus leur place dans le cas d'armes utilisées à distance.
Si le combat donc l'entraînement au combat est la composante centrale de la guerre, celle ci consiste pour une part importante en des préalables au combat, où lesdites pulsions ont une part très faible : équipements, ravitaillement, acheminement …
L'activité guerrière exige non seulement une capacité de violence, mais aussi une discipline et une capacité de coopération. »
« Pour devenir violence collective, l'agressivité, simple prédisposition, doit être organisée, stimulée, contrôlée, justifiée. Les hommes peuvent et veulent se battre pour des motifs sérieux, car la plupart du temps, ils s'arrangent pour régler les conflits à l'amiable. »
III. Psychologie.
« Pour que l’agressivité (prédisposition socio-biologique) se transforme en hostilité (intention politique), il faut une série de conditions. »
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Mobilisation et instrumentalisation par les autorités gouvernementales ou insurrectionnelles.
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Mise en œuvre par les combattants.
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Il faut un ennemi (point d'application), une querelle (occasion symbolique).
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Un but (une orientation pour satisfaire des revendications)
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Une légitimation (cause à soutenir).
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Une décision de recourir à la violence et que des armes soient disponibles.
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Une justification exprimant fréquemment le sentiment d'avoir été victime d'une injustice.
« Le choix de recourir à la violence en réponse à la violence ou à « l'injustice » a pour effet sinon pour but de rassurer les siens en montrant sa force, d'offrir un exutoire au désir de vengeance voire d'obliger les tiers à choisir leur camp. »
Un élément important : la motivation des combattants. Elle peut se ramener à « l'obéissance aux ordres de l'autorité », à la haine de l'ennemi désigné ou à la recherche de l'aventure. »
Au delà de la contrainte il peut y avoir trois types de motivation.
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Economique (prise de possession).
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Sociale, assurer la solidarité du groupe.
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Morale, liée à des valeurs héroïques (recherche du prestige).
« La suspension de l'interdit de tuer (…) exige un droit extraordinaire, un statut spécial, une ritualisation. Seul l'encadrement normatif de la guerre, d'où résulte la distinction du guerrier et du criminel, de l'acte de guerre et du crime de guerre, entraîne l'approbation sociale de l'activité guerrière donc la formation, la transmission et la conservation des valeurs et techniques guerrières (…) Même lorsqu'ils sont recrutés parmi tous les hommes jeunes valides de la communauté, les combattants forment toujours une communauté à part (…) ayant ses rites, ses règles, sa tenue vestimentaire. »
« La psychologie du combattant est liée au conflit entre l'interdit moral du temps de paix « tu ne tueras point », et la valeur d'action du temps de guerre. »
Chapitre II. Paléontologie.
Les premières traces de guerres opposant des armées apparaissent en Mésopotamie vers 3000 av J-C.
I. Le paléolithique.
« Des traces de comportements meurtriers sont attestées au cours du paléolithique supérieur ; mais leur interprétation demeure aléatoire, faute de renseignements archéologiques suffisants. » (restes de cadavres, scènes pariétales). Mais cette violence collective au sein de la même espèce semble rare, tout en n'étant pas inexistante.
L'étude des sociétés primitives permet de révéler 6 mobiles à l'agressivité humaine.
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Querelles de voisinage.
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Initiation des garçons.
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Affrontements entre champions des groupes afin de déterminer les plus courageux, les plus forts, les plus adroits.
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Sacrifices rituels, c'est-à-dire offrandes d'êtres humains capturés aux dieux.
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Rapt des femmes et des enfants, en particulier lorsque les mécanismes d'échanges matrimoniaux ne fonctionnant pas. Les combats occasionnant des victimes et des offenses, celles ci en l'absence de procédures judiciaires efficaces appellent la vengeance.
« La chasse est probablement à l'origine des comportements guerriers. Le groupe des chasseurs préfigure le groupe des guerriers, pour deux raisons. Les qualités du chasseur sont celles du guerrier, aussi bien au plan physique que mental (…) Le chasseur se sert de pièges et d'armes en pierre, bois, bambou, plus tard en métal qu'il utilise contre les animaux, mais qu'il peut utiliser contre d'autres hommes. »
D'autre part, avant d'être un prédateur, l'homme fut aussi une proie pour d'autres animaux. « Cette expérience de la prédation s'est ainsi imprimée dans le cerveau humain. Cette menace constitua le traumatisme originel, avant que le développement des armes, grâce à l'intelligence cérébrale et à la dextérité manuelle, n'y mette fin et permette de multiplier le nombre d'hommes (….) L'évolution humaine a été ainsi déterminée par l'obligation de lutter contre les animaux notamment pour protéger les enfants, particulièrement vulnérables. Le grand bond en avant dans cette évolution fut le passage du statut de proie à celui de prédateur. »
« Il y a 100.000 ans, les humains ne laissèrent plus leurs morts à découvert et commencèrent à les ensevelir. Cette pratique a un sens religieux ou sentimental, elle a aussi pour conséquence de priver les animaux d'un repas facile. Enterrer le cadavre humain, c'est refuser, même mort, d'admettre le statut de proie. Face au danger animal comme à tout danger, le premier réflexe est la fuite. Le second est le combat : les plus forts (les adultes jeunes) risquent leur vie pour protéger les plus faibles (les femmes enceintes, les enfants). C'est là qu'apparurent à la fois la solidarité et l'héroïsme. »
Le passage de la chasse à l'élevage et à l'agriculture permet à l'homme de remédier à la raréfaction du gibier. La guerre permit à ces groupes d'hommes de prendre ou de garder des territoires de chasse, d'éliminer la concurrence d'autres groupes.
II. Le néolithique.
Avec la sédentarisation et le développement de l'agriculture, « la métamorphose du rapport de l'homme à la nature sous l'aspect du travail et de la propriété, s'accompagne de la métamorphose du rapport de l'homme à l'homme. Après la disparition de la menace animale, c'est l'homme qui devient une menace pour l'homme. »
Au néolithique les traces de guerre deviennent beaucoup plus nombreuses. Cette augmentation des combats peut s'expliquer par le fait que les chasseurs nomades étaient moins nombreux et pouvaient fuir en cas de danger. Les agriculteurs sédentaires sont plus nombreux et pour eux la fuite signifiera la perte de tous leurs biens. Ils n'ont d'autres que de combattre pour préserver leurs biens devenus suffisamment précieux pour risquer sa vie pour les protéger ou tenter de s'en emparer.
« La conquête est économiquement rationnelle dès lors que, et tant que, la part de richesses saisissables par la violence est supérieure à la part de richesses produites par le travail. Parallèlement, les processus de sédentarisation entraînent le bornage des territoires, notamment les plus fertiles, ainsi que la consolidation des groupes, avec les formes d'autorité que cela implique et les luttes pour les territoires. Les chasseurs cueilleurs ont des territoires de chasse ou de cueillette ; les éleveurs, des prairies et des points d'eau ; les agriculteurs ont la terre. Des uns aux autres, le sens de la propriété va croissant, de même que l'hostilité envers ceux qui violent les droits de propriété. »
L'esclavage est la sujétion d'un individu, selon la gamme allant de la reconnaissance d'un statut d'esclave (celui-ci est une personne titulaire de droits, le pouvoir du maître étant réglementé) à sa dépersonnalisation complète (l'esclave est une chose). L'esclave, au début à été un prisonnier de guerre qu'on a épargné pour exploiter sa force (l'homme et l'animal étant les seules sources d'énergie).
« La réduction en esclavage permettant l'appropriation continue du labeur humain, la guerre, en tant que poursuiveuse d'esclaves, était créatrice de capital. Somme toute, elle remplit une fonction protectrice ou prédatrice : garder ou ravir les biens, les terres, les personnes et statutaire, acquérir du prestige à raison des risques encourus. »
III. L’homme et la femme.
L'invention de l'arc (12.000 av JC) compense la faiblesse féminine sur le plan de la violence et de l force musculaire. Mais la forte mortalité infantile implique l’assignation des femmes à la procréation, à l'allaitement et à la garde des enfants. L'homme risque sa vie, la femme donne la vie. « Trop précieuses pour que leur vie soit risquée, les jeunes femmes furent écartées de l'usage des armées ; parallèlement elles continuèrent à être considérées comme des prises, non comme des cibles (elles ne sont pas tuées par les vainqueurs mais enlevées pour compenser les pertes dues à la guerre) (….) Au Paléolithique supérieur, seuls les hommes sont donc passés du statut de proies à celui de prédateurs. »
Cette monopolisation masculine des armées explique en grande partie la suprématie masculine, les femmes jouant pour leur part un rôle dans le ravitaillement des combattants, les soins aux blessés, le recueil des morts.
Chapitre III. Mythologie.
Les mythes nous apprennent « que la guerre a généralement été considérée comme une source de valeurs, et de vertus, sous trois aspects : l'exploit, l'endurance, le sacrifice. L'aventure guerrière tient une grande place dans les mythes des peuples polythéistes. Cette importance se retrouve dans les cultes monothéistes, sauf chez les chrétiens ou Jésus est e type même du prophète désarmé, alors que chez les musulmans, Mohamed est le type même du prophète armé, à la fois chef religieux, politique et militaire.
A l'aube de toutes les cultures, il y a des récites de fondation qui sont des récits de guerre.
« Si l'on s'en tient à la mythologie indo-européenne, on s’aperçoit que la guerre est une fonction qui a une éthique, que le mythe grec de la belle mort d'Achille exprime l'axiologie de la guerre, à savoir l’héroïsme ; que cette justification métaphysique de la guerre se retrouve dans l'idée de « guerre sainte » dont l'Islam et le Christianisme médiéval ont hérité. »
I. La fonction guerrière dans la mythologie indo-européenne.
Noyau dans l'idéologie tri fonctionnelle :
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Fonction sacerdotale et gouvernante.
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Fonction guerrière et protectrice.
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Fonction productive et distributive.
Le mythe correspond à ce modèle hiérarchique.
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Age d'or. Souveraineté aux clercs.
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Age d'argent. Souveraineté aux guerriers.
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Age de bronze. Souveraineté aux propriétaires.
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Age de fer. Souveraineté aux prolétaires.
Le guerrier est exposé à trois faiblesses.
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Lâcheté (se dérober à sa mission)
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Perfidie (user de traîtrise)
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Cruauté (exercer une violence sans frein)
Un guerrier qui ne respecte pas son code d'honneur n'est qu'un criminel.
« Conformément à cette éthique qui rend les guerriers honorables malgré la transgression des normes du temps de paix, les textes religieux et juridiques anciens appellent à la ritualisation/règlementation du recours aux armes, dans ses différents aspects : tentative de résolution pacifique du différend, déclaration de guerre, régulation du combat, statut de la conquête , partage du butin, conclusion de la paix. Il s’agit d’établir une règle du jeu de manière à transformer la belligérance en un procès permettant de vider une querelle. »
II Le mythe de la belle mort d’Achille.
« Au-delà du destin personnel d’Achille, un enseignement du mythe est que l’honneur de l’individu consiste à risquer sa vie, sa santé, son intégrité physique ou morale pour une cause collective ou transcendante. « Risquer sa vie » non pas la donner. C’est le combat qui est exalté, pas le suicide. La contrepartie de la vie écourtée ou du décès prématuré est la gloire, qui ne peut être gagnée que par une belle mort. »
« Le fondement moral de l’obligation militaire dans l’antiquité repose ainsi sur une orientation de la vie physique, exaltée vers une vie métaphysique, au nom d’un idéal civique qui permet d’ordonner aux citoyens de risquer leur vie pour la cité. »
Lorsque l’art se place au service de la guerre, il permet de transformer l’histoire en mémoire (bonne ou mauvaise).
III La métaphysique de la guerre.
« La mentalité moderne, soit condamne moralement la guerre, soit la considère comme un instrument de la politique (….) Mais dans la conception traditionnelle, exprimée par le mythe d’Achille, la guerre possède un sens métaphysique, dont la valeur est l’héroïsme et dont le but est la gloire. De ce point de vue, le combat revêt la valeur d’un rite, d’une voie qui conduit, à travers la gloire, au dépassement de la condition humaine et à la conquête de l’immortalité. «
« Avec le jihad (effort éprouvant et continu) que l’on traduit par « guerre sainte » et « voie de Dieu », l’Islam ne fait que souligner une perspective commune à la plupart des civilisations traditionnelles. »
Mais distinction de deux guerres saintes.
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Jihad mineur, d’ordre extérieur qui consiste en un combat physique plus qu’intellectuel et moral livré à l’ennemi (infidèle ou barbare).
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Jihad majeur, d’ordre intérieur qui est un combat intellectuel et moral contre l’ennemi que chacun abrite en soi (ignorance, lâcheté, tentation).
« Le vice doit être vaincu pour que l’esprit domine la chair, pour que l’homme spirituel l’emporte sur l’homme naturel. »
« Au-delà de la victoire ou de la défaite militaire, la guerre sainte permet d’atteindre une vie métaphysique en contrepartie de la mort physique. Les guerriers morts dans la guerre sainte, ne sont en vérité jamais morts. »
En Occident cette justification métaphysique se retrouve dans le cycle du graal et dans les croisades.
IV Disparition de l’héroïsme.
L’idée de l’héroïsme a persisté dans l’idéologie nobiliaire jusqu’au XVIIIe siècle et a été renouvelée par la Revolution française et le nationalisme au XIXe siècle.
Mais l’évolution technologique de la guerre remet en cause ces valeurs.
« Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, ce n’est plus l’homme, c’est la machine qui est l’instrument premier du combat. Le soldat devient le servant de son arme ; le rapport physique entre combattants (…) disparaît en grande partie pour être remplacé par la médiation de la technique. La belligérance est devenue une activité bureaucratique, industrielle, scientifique, logistique avec prépondérance quantitative des unités de soutien sur les unités de combat. »
« Depuis 1941 on observe que les victimes civiles sont plus nombreuses que les victimes militaires lors des conflits armés. Autre constat significatif. Il semble que les valeurs du secours tendent à remplacer les valeurs du combat dans la motivation des militaires européens, le statut de victime paraît devenu plus important que celui de héros. Somme toute, dans la guerre contemporaine, le combat n’occupe qu’une place réduite ; elle demeure cependant décisive. L’individu tend à n’être qu’un rouage minuscule et remplaçable dans un immense mécanisme en mouvement ; tout continue cependant à dépendre du courage qu’à le membre d’une unité de combat de rester à son poste ou de remplir sa mission. »
Chapitre 4. Théologie
« Les religions sont liées à la guerre par la communauté qu’elles créent, par la violence qu’elles ritualisent, par les exceptions qu’elles admettent à interdiction de l’homicide : l’homicide judiciaire (contre le criminel), l’homicide militaire (contre l’ennemi). Depuis les origines, la violence (meurtre du frère, du père ou du fils)est au centre du sacré. »
Mais différentes approches selon la religion.
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Paganisme indo-européen pas d’objection contre la guerre (mythologie)
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Judaïsme. Vision particulière de la guerre, celle-ci ne créant pas d’empire.
- Christianisme et Islam ont une vision universaliste de la guerre celle-ci créant des empires.
I Le judaïsme.
Yahvé est un dieu guerrier qui combat aux côtés des Hébreux pour la conquête de la Terre promise puis pour sa conservation.
« Les premiers récits de l’Ancien testament racontent donc une épopée. Une « guerre sainte » car ordonnée par Dieu, menée par un peuple élu pour la conquête d’une terre sacrée. Il n’y a cependant pas de promesse d’une récompense dans l’au-delà pour celui qui meurt au combat, car les Juifs n’ont jamais cru à l’immortalité de l’âme. »
Avec l’exil, le rapport à la guerre change. Un pacifisme religieux apparaît. Désormais la guerre apparaît comme un châtiment envoyé par Dieu, un malheur à conjurer.
De 135 à 1948, la question de la guerre perd son sens tout simplement parce qu’il n’y a plus d’Etat d’Israël.
II Le christianisme occidental.
« Le nouveau testament se veut égalitaire, universel, pacifique. « Alors que le commandement « ne pas tuer » ne valait chez les Juifs que pour eux mêmes, il concerne tous les êtres humains dans le christianisme. »
Le Christianisme des origines en effet recommande l’amour du prochain, le pardon des offenses, la charité envers tous les êtres humains et le détachement du monde.
« Des origines au XIIe siècle, l’Eglise romaine est passée de la condamnation de la guerre à la « guerre juste » puis à la « guerre sainte » dont la croisade est une variante. Elle a christianisé la guerre en comparant le sacrifice du soldat au sacrifice du Christ, en considérant que la guerre relève d’un plan providentiel, pour châtier le mal où élever le bien, ou réunir l’humanité dans la chrétienté. »
Doctrine
Les positions chrétienne face à la guerre se résument à deux.
- Le croyant, même en temps que sujet d’un Etat n’a jamais le droit de tuer.
- Le croyant , en tant que sujet d’un Etat a le droit de tuer dans le cadre de la guerre juste ou de la guerre sainte (à partir du XIe siècle apparaissent des saints guerriers alors qu’au début c’était plutôt des soldats qui avaient abandonné les armes pour se consacrer à Dieu)
D’Augustin (IVe) à Saint Thomas d’Aquin (XIIIe), deux doctrines sont formulées qui lèvent l’interdiction formulée par les apôtres, mais surtout entendent limiter la violence.
Celle-ci est admise en dernier ressort, lorsqu’il n’y a pas d’autre solution pour résoudre le différend, et s’il y a « espérance raisonnable de succès », c’est-à-dire probabilité d’une refondationde la paix. C’est la doctrine de la guerre juste (IVe), puis doctrine de la guerre sainte (Xe)
« La définition juridique de la guerre vise d’abord à la distinguer d’autres formes de violence, pour en exclure les razzia, la vendetta ou la rébellion (…) est juste la guerre (…) ordonnée par l’autorité légitime, menée pour une cause légitime y compris contre des chrétiens, par des combattants habilités. »
« La notion de guerre sainte est réputée non seulement ne pas offenser Dieu, mais lui être agréable. » Une guerre sainte est une Guerre autorisée par les autorités religieuses.
Mais la guerre sainte doit être livrée avec une « intention droite », en particulier sans perfidie, ni traitrise, ni excès.
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Dans la guerre à motif spirituel les combattants gagnent la rémission de leurs pêchés donc le paradis.
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Dans la guerre à motif temporel, il n’y a pas de promesse de rémission des pêchés.
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Qui a le droit d’ordonner ou d’autoriser la guerre ? Le Pape, les évêques puis les autorités civiles avec la fragmentation du pouvoir durant le Moyen Age (en commençant par les souverains)
2. Pour quels buts et quelles causes ? Les Chrétiens font la guerre par nécessité en dernier ressort alors que les païens la font par volonté. C’est la légitime défense qui rend la guerre nécessaire, mais aussi la justice pour soi ou pour autrui.
Mais la guerre défensive n’est pas forcément juste. Elle peut-être injuste si elle défend une cause injuste.
« L’Eglise romaine a abandonné le pacifisme originel. Mais les critères de la guerre admise aboutissaient à condamner un grand nombre de conflits armés. De plus le recours à l’arbitrage avait la faveur de l’Eglise, qui cultivait l’idéal d’une communauté chrétienne à l’intérieur de laquelle la guerre serait bannie, »
Histoire
On peut distinguer 5 grandes phases.
1 Avant le IVe siècle. Le christianisme est déchiré entre obéissance et dissidence à l’Empire romain. Il condamne la guerre, l’esclavage et le service militaire. On ne peut être soldat et chrétien. Par la suite les chrétiens bénéficieront de l’autonomie juridictionnelle qui passe aux mains de l’évêque mais cela pose d’autres problèmes.
- Emploi éventuel de la force pour l’exécution de décisions de justice.
- Emploi éventuel de la force pour la conversion, la prédication, la lutte contre l’infidélité, l’apostasie ou l’hérésie.
Dans les deux cas, la communauté chrétienne ne portant pas d’armes doit faire appel à la puissance séculière..
Le chrétien enrôlé de force doit répondre la non violence et être prêt éventuellement au martyre.
2 Après la christianisation de l’Empire romain.
« Le rapport à la guerre change au IVe siècle lorsque l’empire de Constantin à Theodose devient chrétien, lorsque l’Eglise jusqu’alors dans une opposition accède au pouvoir tout en demeurant dépourvue de moyens de coercition. »
Si le service militaire reste un mal, c’est un mal devenu nécessaire pour éviter de plus grands maux. Apparition de la notion de guerre juste engagée par l’autorité impériale pour défendre l’Etat ou l’Eglise, ou rétablir le droit. « La guerre n’est donc pas qu’une conséquence du péché, elle peut être un remède au péché. »
« L’évolution du christianisme originel vers le christianisme médiéval est ainsi marqué par les traits suivants : Renouveau de l’idéologie des fonctions, dualité du spirituel et du temporel, séparation de la « grande » et de la « petite guerre sainte ». Cette évolution correspond à la structuration de la société médiévale. Celle-ci est composée de trois groupes sociaux : les laboratores, les
Bellatores, les oratores. Elle est dominée par deux élites : cléricale et militaire. L’une doit gouverner les peuples ici bas, l’autre doit les conduire au salut dans l’au-delà ; l’une détient le glaive de mort, l’autre tient les clefs de la vie après la mort. La tension entre ces deux élites, imbriquées au plan familial et féodal, remplira l’histoire du Moyen-Age. »
3 Après la chute de l’Empire romain d’Occident.
Après les invasions du Ve siècle, c’est l’Eglise qui assure la succession de l’empire romain sur le plan administratif, judiciaire et religieux. Mais développement d’une collaboration avec les chefs germains pour assurer l’ordre et la sécurité, les chefs germaniques ont besoin de l’Eglise pour asseoir leur légitimité. L’Eglise va donc légitimer le service des armes en leur fixant une mission précise « combattre les ennemis intérieurs et extérieurs de la chrétienté (apostats’ hérétiques, païens, infidèles), soutenir la prédication des populations et des royaumes, ainsi que l’interdiction de quitter l’Eglise. »
4 Après les secondes vagues d’invasion barbares.
Après les vagues d’invasions des IXe et Xe siècles, constat que seules les autorités féodales peuvent remplir un rôle de protection et de soutien militaire. Cela oblige l’Eglise à accepter la fragmentation du pouvoir. Mais pour limiter la violence, elle développe plusieurs mouvements :
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Guerre sainte contre les ennemis extérieurs.
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Paix de Dieu qui limite la violence contre certaines catégories de personnes.
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Trêve de Dieu qui limite la violence dans le temps.
« Les institutions de paix cherchent donc à limiter les cibles et les périodes de guerre entre les Chrétiens. C’est ainsi que l’Eglise règle la fonction militaire en faisant l’éducation chrétienne du soldat. »
Pour faire respecter ses lois, l’Eglise utilise l’anathème ou l’excommunication, le refus de l’extrême onction, la sépulture chrétienne, tout cela jouant sur la peur de l’enfer.
Elle va aussi tenter de créer une force armée à sa disposition : la chevalerie qui « est une confrérie militaire chrétienne dont les membres, guerriers initiatiques, sont reçus après une longue préparation, suivant un certain rituel et pour lesquels elle a élaboré un code d’honneur » qui comprend 10 commandements.
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1 Croire en l’enseignement de l’Eglise et lui obéir.
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2 Protéger l’Eglise.
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3 Respecter et défendre les faibles.
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4 Aimer sa patrie.
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5 Ne pas reculer devant l’ennemi.
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6 Faire une guerre sans trêve et sans merci aux infidèles.
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7 Remplir les obligations féodales si elles ne sont pas contraires à la loi de Dieu.
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8 Ne pas mentir et être fidèle à la parole donnée.
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9 Se montrer magnanime et généreux.
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10 Etre toujours et partout le champion du Bien et de la Justice contre le mal et l’injustice.
5 Les Croisades.
Le mot croisade s’entend à plusieurs niveaux.
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Une expédition menée en terre sainte pour la conquête de Jérusalem de 1095 à 1291.
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Guerre contre les païens dans les pays Baltes.
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Guerre contre les musulmans (Reconquista en Espagne ou dans les Balkans)
« Mais la croisade a ceci de spécifique qu’elle se déroule en Terre Sainte et qu’elle s’apparente de ce fait à un pèlerinage armé, la mort au combat comme la mort en chemin aller et retour, étant elle aussi assimilée au martyre. »
Les croisades vont favoriser l’émergence d’un nouveau type de guerrier : le moine soldat « entièrement dévoué au combat temporel et spirituel pour le Christ, unissant la discipline militaire à la discipline monastique, »
« La croisade fut ainsi la conclusion d’une longue évolution qui conduisit l’Eglise de la non-violence initiale à l’emploi sacralisé des armes, avant le retournement du XVe siècle. »
III L’Islam.
L’Islam est la religion d’Abraham, de Moise et de Jésus revisitée par Mahomed (570-632).
Comparaison christianisme / Islam.
« Au plan politique et polémologique, les deux différences les plus sensibles entre le christianisme et l’Islam portent sur la distinction du spirituel et du temporel d’une part, sur la guerre d’autre part : ici le port des armes est incompatible avec l’état de clerc, là, le port des armes est le privilège du musulman. Cette double différence s’explique par le contexte historique d’autant que par le message théologique le christianisme est apparu dans un Empire doté d’une forte armée, d’une forte administration et d’une haute culture (...). Au contraire l’Islam, à sa naissance dans une péninsule arabique arriérée (....) a lutté à main armée pour s’imposer. Il n’a pas séparé le religieux du politique si bien qu’il ne connait pas (du moins le sunnisme) l’institution ecclésiale (il n’y a ni sacrements, ni confession en Islam) et que le droit coranique embrasse toute la société. »
« Chez les Chrétiens comme chez les Musulmans, le pouvoir vient de Dieu, si bien que la fonction morale du gouvernement, correctrice, est de commander le bien et d’interdire le mal, objectivement discernables conformément à la révélation, autrement dit, de permettre à l’individu de vivre vertueusement, en bon chrétien ou en bon musulman, afin de préparer dans cette vie terrestre le salut dans l’au-delà. »
Représentation du monde et doctrine de guerre.
Elaboration d’une doctrine au double sens du jus ad bellum et du jus in bello, dans le but de légitimer une pratique guerrière dont la cause était la religion, mais dont le but était la prédation.
Le jihad ne fait pas partie des 5 piliers de l’Islam, il n’est donc pas un devoir individuel, sauf si le territoire musulman est envahi sinon occupé par des armées infidèles, dans ce dernier cas, il y a obligation pour tous les fidèles de prendre les armes.
« A l’impossible nul n’est tenu, d’où les accommodements avec les infidèles et le caractère intermittent de la « guerre sainte » (...) Si les musulmans sont forts, ils doivent s’imposer aux infidèles, sinon ils peuvent composer avec eux, en vertu de la doctrine de la dissimulation (taqiyya). L’alliance militaire avec les infidèles est-elle permise ? Du point de vue traditionnel, il semble exclu de s’allier avec des non musulmans pour leur confier la sécurité, à fortiori l’administration d’un territoire musulman ou pour combattre d’autres musulmans, sauf s’il s’agit d’apostats, d’hérétiques ou de rebelles. »
La doctrine du jihad est liée à une vision géopolitique d’un monde qui se partage en 2 :
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Les territoires de la piété dominés par l’Islam (Dar al Islam).
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Les territoires de l’impiété où ne domine pas l’Islam (Dar al Koufir) qui se divisent eux-mêmes en :
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Espace de la guerre (Dar al Harb) ouvert au combat
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Espace de la paix (Dar al Ahd) ouvert à la prédication.
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Au sein de ces espaces de la paix on distingue les pays tributaires (Dar al Kharadj) ou avec lesquels des traités inégalitaires ont été conclus et les pays amis (Dar al Sulh) ou avec lesquels des traités égalitaires ont été conclus.
« Le Dar al Ahd correspond à la situation dans laquelle le souverain non musulman accepte la prédication islamique sur son territoire, sans exiger de réciprocité (pas de mission non-islamique en terre musulmane) »
« A quel droit les musulmans doivent-ils obéir en pays non-musulman ? (....) On peut distinguer les territoires dans lesquels ils restent minoritaires (ils devraient composer) et ceux dans lesquels ils deviennent majoritaires (ils devraient s’imposer). L’obéissance des musulmans à l’autorité infidèle ne serait plus alors légitime ; l’insurrection serait alors légitime. »
Mais il est exclu que des musulmans participent à des guerres contre d’autres musulmans qui seraient décidés par des gouvernements non-musulmans.
La religion s’acquiert par le père ou la conversion.
Le droit islamique de la guerre.
« Dans l’Islam, il n’y a de guerre juste que « la guerre sainte », c’est-à-dire la guerre ordonnée par l’autorité politico-religieuse, menée pour une cause politico-religieuse, par des combattants habilités qui se placent sous le signe du croissant, selon les modalités permises, et dont la récompense est la rémission des péchés donc la promesse (....) du paradis, le combat étant assimilé à la pénitence et la mort au combat, au martyre. »
Toute guerre qui n’est pas sainte est injuste.
Le jus ad bellum (droit à la guerre)
« Le droit islamique du temps de guerre traite de la déclaration des hostilités après ultimatum, des règles de combat et du traitement des prisonniers, du statut des terres et des populations conquises, de l’acquisition et du partage du butin, de la conclusion de la trêve ou de la paix. »
Le jihad est décidé par les autorités légitimes :
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Le prophète.
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Ses premiers disciples.
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Les sultans.
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Toute autorité établie au voisinage du Dar al Harb a le droit de déclarer le jihad.
Le but du jihad est la défense ou la propagation de l’Islam contre les ennemis de l’Islam. On distingue :
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Les ennemis extérieurs (infidèles)qui se composent de païens qui ont le choix entre la conversion ou la mort et les Juifs, Chrétiens, Zoroastriens, sabéens (gens du livre) qui ont le choix entre la conversion ou la soumission.
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Les ennemis intérieurs, apostats, hérétiques (chiites, ismaéliens), rebelles.
L’islam considérant que la vraie paix règnera lorsque le monde sera réuni dans l’Islam, la finalité du jihad est d’aboutir à cette paix par la conquête du monde.
La plupart des théologiens de l’Islam ont adopté l’idée d’un jihad offensif autorisant à combattre les infidèles lorsque les circonstances sont favorables, même s’ils n’attaquent pas.
Il n’est pas admis qu’un musulman se convertisse à une autre religion, ni qu’une terre musulmane retourne à la mécréance, même si les musulmans deviennent minoritaires.
Le jus in bello (droit de la guerre)
La qualité de combattant souffre d’une sextuple limitation :
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Pas de femmes (mais sont admises pour le jihad défensif)
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Pas d’enfants.
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Pas d’infidèles.
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Pas d’infirmes.
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Pas de fous.
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Pas d’improvisation.
Un combattant tué devient un martyr, mais est aussi martyr celui qui est tué parce qu’il refuse de renier sa foi. Le suicide ne donne pas la qualité de martyr . « Le combattant n’a pas à tuer d’innocents, les attentats suicides perpétrés en civils contre des civils constituent une triple transgression. »
« Les radicaux, eux, déclarent que tout homme ne peut accéder au martyre (....) que le combat du faible au fort requiert des personnes qui donnent leur vie pour tuer l’ennemi et qu’il n’y a pas de civils innocents car tout électeur ou tout contribuable en occident est complice des forces armées déployées dans l’umma. »
Le but du jihad étant la conversion ou la soumission, il est indispensable avant d’ouvrir les hostilités de convier les infidèles à se convertir ou à se soumettre.
Une fois déclenché le jihad obéit à des règles dont la violation prive le jihad et le mujahid de le leur légitimité religieuse.
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Autorisation du butin.
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Autorisation de l’enlèvement des femmes pour le plaisir du soldat.
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Les captifs peuvent être relâchés contre des captifs musulmans, mis à mort ou réduits en esclavage, ou libérés contre rançon.
Les hostilités peuvent cesser de 4 manières différentes :
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Les musulmans convertissent leurs ennemis, ceux-ci sont alors assimilés aux musulmans.
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Les musulmans conquièrent le territoire de leurs ennemis qui se soumettent mais gardent leur religion. Ils deviennent « dhimmi », leurs personnes, leurs propriétés, leur liberté de culte sont garanties à condition qu’ils paient un tribut ou un impôt spécial.
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Conclusion d’un traité avec leurs ennemis qui acceptent de verser un tribut. Ils bénéficient alors d’une paix conventionnelle.
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Conclusion d’un traité avec leurs ennemis sans imposition de tribut. Ils bénéficient d’une paix conventionnelle que l’autorité musulmane pourra rompre à tout moment.
Le problème de la guerre entre musulmans.
Théoriquement le problème de la guerre ne se pose qu’entre musulmans et non musulmans car il ne saurait y avoir de guerres entre musulmans. Mais l’umma étant divisée en plusieurs États, il peut y avoir des exceptions.
1 Guerre contre l’apostasie (renier sa religion musulmane sans subir ou alléguer de contraintes). L’apostat est considéré comme pire que l’infidèle et au contraire de ce dernier ou du rebelle, il ne bénéficie pas des règles du jus in bello.
« L’allégeance aux infidèles est une cause d’apostasie. Voilà qui met en ligne de mire les gouvernements ayant reconnu Israël, ou mettant un territoire musulman à disposition des occidentaux pour des opérations militaires, ou ayant conclu des alliances avec des pays occidentaux. L’obéissance à un gouvernement impie est une autre cause d’apostasie. »
2 Le cas de la rébellion est différent car les rebelles ne renie pas l’Islam. Ils recourent souvent aux armes en son nom contre un gouvernement accusé d’impiété. En effet les musulmans doivent obéissance à l’autorité tant qu’elle ne désobéit pas à Dieu.
« Un jihad entre musulmans est concevable s’il s’agit de renverser un gouvernement impie (doctrine du soulèvement pour la cause de Dieu), ou de mater une révolte « impie » (doctrine de la répression pour la cause de Dieu). »
« Mais cela pose un problème car chez les sunnites il n’y a pas d’autorité centrale comme le pape chez les catholiques ou les grands ayatollahs chez les chiites pour dire la « vraie doctrine ». Dans l’Islam sunnite à défaut d’autorité centrale supérieure, il revient à chaque docteur de la loi de se prononcer de façon autonome sur toute question qui leur est posée. L’exigence d’un gouvernement conforme à l’Islam peut-être interprétée de manière minimale : la sauvegarde publique des prescriptions rituelles fondamentales de l’Islam ou de manière maximale : l’intégralité islamique de l’ordre social (notamment dans l’éducation ou les médias) et prosélytisme armé (avec un jihad réduit au qital et le qital au gall = meurtre). Pour les radicaux il ne suffit pas que les gouvernements se disent musulmans, il faut qu’ils réunifient l’umma (notion qui fait éclater les frontières étatiques) et qu’ils appliquent la loi islamique suivant l’interprétation qu’en donnent les radicaux. »
« Les radicaux dénoncent la corruption (fasad) et appellent au renouveau (nahda). Ils systématisent les doctrines de la « rupture et fidélité », de « l’unicité de Dieu » et de la « loi divine ». La rupture avec les impurs doit être totale et permanente, et cette obligation est collective et individuelle, autrement dit les Etats musulmans doivent s’abstenir de toute alliance avec des Etats non musulmans (y compris la participation avec l’ONU). Les musulmans doivent s’abstenir de toute amitié avec des non musulmans, le droit d’origine occidentale doit être aboli. Si la souveraineté n’appartient qu’à Dieu, nul ne doit lui être associé (...) et nul ne doit contester sa loi (...) Or la constitution revient à poser une autre loi fondamentale que celle de Dieu et la démocratie revient à donner le droit de légiférer à d’autres que Dieu. »
Chapitre 5. Historiographie 1. L’invention de la guerre.
Les études ethnologiques sur les sociétés proches du paléolithique supérieur ou du néolithique inférieur montrent que la violence armée évolue « entre un seuil minimal et un seuil maximal, qui va de la joute ritualisée jusqu’à l’extermination du groupe ennemi en passant par les raids, batailles, saccages, massacres. Cette violence armée se situe, quel que soit son degré de létalité, de régulation ou de cruauté, « en deçà de l’horizon militaire » (souvent des chefs qui entraiment derrière eux des compagnons).
« Les sociétés en question ne génèrent pas de surplus de ressources humaines et matérielles suceptibles d’être investies dans une organisation non immédiatement productive telle l’armée, avec la hiérarchisation et la spécialisation professionnelle que celle-ci implique. Démunies des structures administratives pour contrôler leurs propres populations, ces sociétés ne visent pas à assujettir des populations extérieures, par exemple à des fins de redevance. Pour autant leurs faiblesses opérationnelles ne proviennent pas d’un manque de savoir faire technique ou tactique, mais de la carence de l’autorité chez les chefs, d’un certain égalitarisme social, du faible potentiel économique et démographique. »
« L’horizon militaire » de la guerre apparait avec l’Etat. Avec cet horizon militaire émergent les arts du combat de l’antiquité au XVe siècle.
I La Mésopotamie.
L’Etat, la ville, les classes sociales apparaissent dans les sociétés agraires fluviales et maritimes.
Sumer est à l’origine une société agraire qui stoke ses surplus agricoles dans les temples eux-mêmes fortifiés dans une ville également fortifiée.
« A la sécurité par la fortification s’ajoutera ou se substituera la sécurité par la conquête, dans la mutation des cités aristocratiques en Empires monarchiques, assimilateurs ou ségrégateurs (…..). Dans un espace de circulation des personnes et des biens, propre à des sociétés agraires et pastorales comprenant des réseaux urbains et marchands, une cité, une tribu ou un peuple dont la structure est souvent lignagére, établit sa domination militaire sur d’autres cités, d’autres tribus ou d’autres peuples, à la fois soumis, rassemblés et protégés. »
Au IIe millénaire avant Jésus-Christ, les inventions militaires décisives sont le char et l’arc composite.
Au Ier millénaire avant Jésus-Christ, il s’agit de la cavalerie et de l’épée.
II Repères historiques.
« De l’antiquité au XVe siècle, le style de la guerre reposa sur l’association de l’homme, de la pierre (pour les fortifications), du bois (pour les machines), du métal (pour les armes) et du cheval pour les conquêtes, du moins en Eurasie. »
A partir du Ve siècle av Jésus-Christ, le combat est dominé par l’infanterie (phalange grecque, légion romaine).
A partir du Ve siècle après Jésus-Christ, domination de la cavalerie des Germains.
Au VIIIe, la diffusion de la ferrure du cheval, de la selle à étrier permettent à la chevalerie de s’imposer par la puissance du choc.
Fin XIVe siècle, les archers anglais mettent fin à la suprématie de la chevalerie.
Au XVe, retour de la prééminence de l’infanterie avec le carré suisse, les lansquenets allemands, les janissaires ottomans, le tercio espagnol.
« Mais entre la chute de Rome et les grandes découvertes, la supériorité militaire revient aux peuples cavaliers-archers de l’Asie centrale et d’Arabie, qui réalisent les plus vastes conquêtes territoriales. L’entrée des armées françaises en Italie en 1494 marque le triomphe de l’artillerie hippomobile qui bouleverse le style de la guerre. »
A partir du XVIe siècle, supériorité définitive des armes à feu et supériorité militaire qui revient aux Européens (1664, bataille de Saint Gothard en Hongrie. 25.000 Austro-français écrasent 240.000 Ottomans)
Trois clivages fondamentaux se recoupent et se succèdent dans l’histoire militaire à l’échelle de l’Eurasie :
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Du Ve au XVe, clivage des sociétés nomades ou pastorales et des sociétés sédentaires ou agraires.
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Du VIIe au XVIIe, clivage de l’Islam et de la Chrétienté.
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Du XVIe au XXe clivage de l’Europe et du reste du monde.
« Ces clivages montrent que à part les fantassins grecs et romains, il y a deux types de conquérants : les cavaliers et les marins. »
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Durant 1000 ans, les invasions et les conquêtes viennent de la steppe centre asiatique de la Caspienne à la Mandchourie. Ces peuples envahisseurs sont des cavaliers archers.
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Un second foyer nomade joue aussi un rôle perturbateur, les bédouins d’Arabie qui entrent dans l’histoire militaire avec l’Islam, auxquels se rallient les Turcs.
« Ces peuples qui considéraient la guerre comme un mode de vie et tout mâle valide comme un combattant, étaient capables de vaincre et de conquérir, pas de gouverner de manière stable et durable hors de l’espace des steppes, leurs destins furent d’être absorbés par les civilisations qu’ils envahissaient. Ceux qui jouèrent un rôle durable furent ceux qui apportèrent une idée universelle, qui mêlèrent prédation et religion (l’Islam). »
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La supériorité militaire des peuples cavaliers (rapidité et mobilité sur de longues distances) dure jusqu’à l’apparition de l’artillerie au XVe siècle. A partir de ce moment la supériorité militaire passe aux Européens.
Avec les grandes expéditions navales et les conquêtes coloniales, le théâtre de la guerre devient mondial. Ces conquêtes ouest-européennes peuvent se découper en 3 périodes :
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Fin XVe - milieu XVIe, découverte des routes maritimes vers l’Asie et l’Amérique.
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Milieu XVIe - fin XVIIIe, poursuite des expéditions navales autour du globe. Explorations côtières de l’Afrique et de l’Asie, implantations coloniales en Amérique du Nord et de Sud.
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Début XIXe - Début XXe, après l’indépendance des colonies anglaises d’Amérique, soumission de la Chine, ouverture du Japon, colonisation de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, exploration et partage du continent africain. »
« Face à cette expansion, à ce combat forcé, les autres peuples n’eurent d’autre choix que l’imitation de la technique militaire européenne, laquelle entraîna l’imitation des structures idéologiques (importation du nationalisme), politique (importation de l’Etat, économiques (importations de l’industrie).
Les grandes lignes du droit colonial :
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Territoire conquis (non civilisé) devenant colonie : les droits et obligations de la souveraineté sont exercés par le colonisateur. Celui-ci institue le triple système de « l’exclusif », du « colonat » et du « protectionisme douanier ». La population indigène n’accède pas à la nationalité du colonisateur et conserve son autonomie culturelle et son droit coutumier.
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Dans le cas du protectorat, il y a conclusion d’un traité (inégal) avec l’Etat local (semi-civilisé). Celui-ci garde sa qualité de sujet du droit international et la population sa nationalité ; sa défense, sa diplomatie, parfois une partie de ses pouvoirs intérieurs de police et de justice passent sous contrôle de l’Etat étranger.
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Vis-à-vis des Etats d’Outre-mer reste indépendants (Empire Ottoman, Perse, Siam, Chine), application d’un impérialisme économique (par ouverture du pays au commerce étranger et suppression des droits de douane). Par contre, il n’existe pas de réciprocité.
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Cession à bail (canal de Panama, Guantanamo, villes portuaires chinoises (Hong-Kong, Macao)). C’était « une concession territoriale temporaire (99 ans) effectuée par un Etat en faveur d’un autre, par la voie d’un traité bilatéral. Sur l’espace concerné, l’Etat concédant transférait l’exercice de ses compétences à l’Etat concessionnaire, le premier conservant son intégrité territoriale et le second appliquant son droit en situation d’extraterritorialité sans extension de la nationalité de l’Etat concessionnaire. »