2022. Année stratégique (Juin 2020 - Juillet 2021) (NDL)

Année stratégique : 2022

 

 

Introduction. L’empire contre-attaque ? 

(Pascal Boniface)

 

(Analyse géopolitique annuelle de Juin 2020 à Juillet 2021)

 

America is back.

 

« America is back ». Le slogan martelé par Joe Biden n’est pas creux : les Etats-Unis sont bel et bien de retour. 

 

- Par la différence entre la gestion catastrophique de la pandémie par Donald Trump (mortalité très importantes, des fosses communes à New-York) et l’impeccable plan de vaccination mis en place par son successeur.

 

  • Par un bilan impressionnant sur le plan économique. Biden à fait voter plusieurs plans de relance :

    • Un premier de 1900 milliards de dollars destiné à la consommation)

    • Un deuxième lui aussi de 1900 milliards de dollars pour investir dans les infrastructures?

    • Un « Family Plan » à but social d’un total de 6000 milliards de dollars. 

 

  • D’un point de vue politique, il cherche à réconcilier les citoyens des Etats-Unis, « après le climat de fracturation de l’opinion et d’hystérisation créé par Donald Trump » (avec la tentative d’assaut sur le capitole par des émeutiers le 6 janvier 2021)

 

De Sleepy Joe à Super Biden.

 

Le nouveau président fait preuve d’un volontarisme à toute épreuve et d’un dynamisme inattendu. 

 

  • Sur le plan économique, volonté de taxer les multinationales et d’augmenter la fiscalité sur les Américains les plus riches. 

 

  • Sur le plan diplomatique. Il veut rassurer ses alliés, ne considère plus l’OTAN comme obsolète, n’insulte plus les dirigeants européens et ne présente plus l’U.E comme un ennemi. Il a aussi cesser les attaques contre le système multilatéral et les organisations internationales qui étaient menées par Donal Trump (en particulier, les Etats-Unis sont revenus dans l’accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique. » 

 

« Mais le défi majeur reste bien le défi chinois et que face à lui, les Européens ne sont pas d’une grande utilité ou pertinence. Dans ce contexte, Quad (Australie, Japon, Inde, Etats-Unis) est mis à l’honneur. »

 

« Les motivations américaines ne sont cependant pas sans quelques arrières-pensées, qui concernent évidemment la Chine. Joe Biden pense qu’il ne faut pas prendre de retard vis-à-vis de Pékin dans ce domaine. Et, contrairement à Donald Trump, que la transition écologique peut être une source de dynamisme économique pour les Etats-Unis, et non un frein à la croissance. » 

 

Autre sujet de rupture avec Donald Trump concerne l’Iran. Joe Biden désire reprendre le cours des négociations avec Téhéran, « mais il semble difficile - pour ne pas dire impossible - de revenir aux termes de l’accord signé en 2015, les dégâts de Donald Trump ne pouvant être effacés comme une ardoise magique. » Par ailleurs la politique de Trump a mis en difficulté les modérés iraniens à qui l’on reproche une diplomatie qui n’a mené à rien. 

 

Concernant l’Arabie Saoudite « la publication d’un rapport mettant en cause directement Mohammed Ben Salmane (MBS) dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi constitue d’ailleurs un avertissement à son égard. Mais le président sait qu’il faudra traiter avec le prince héritier du royaume saoudien et ne pas rompre complètement les liens avec lui, sauf à prendre le risque de la jeter dans les bras de la Chine. » 

 

La Chine comme leitmotiv.

 

« S’il est un point où il n’y aura pas de rupture entre Joe Biden et son prédécesseur, c’est bien sur la perspective d’une rivalité systémique avec la Chine, qui sera le grand défi diplomatique de sa présidence. Aussi le duel entre les deux grandes puissances mondiales va-t-il continuer à structurer les relations internationales dans la décennie à venir. Le but reste le même : ne pas laisser la Chine rattraper, voire dépasser les Etats-Unis. »

 

Par contre changement de méthode. Au lieu des déclarations intempestives de Trump, Biden souhaite réunir une coalition. « Le président américain estime, en effet, qu’il vaut mieux être à la tête d’une coalition pour contrer la montée en puissance de la Chine, et qu’une telle coalition ne se bâtit pas en méprisant, voire en insultant ceux que l’on cherche à regrouper. » 

 

« Dans les textes et déclarations de l’OTAN, la Chine prend désormais la place autrefois occupée par l’Union soviétique, et plus récemment par la Russie. Mais ennuie quoi une organisation avant tout militaire doit-elle s’occuper d’un pays qui ne constitue pas une menace militaire pour les Etats européens ? Les pays asiatiques, pour leur part, veulent à la fois être protégés, mais la Corée du Sud, par exemple, refuse d’entrer dans le Quad parce qu’elle entend préserver ses bonnes relations avec Pékin. Car la Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial de 64 Etats dans le monde, alors que les Etats-Unis ne le sont plus que 38. »

 

Concernant la Russie, « certains stratèges américains estiment que les sanctions contre la Russie sont contre-productives et qu’elles ne conduisent qu’à la pousser dans les bras de la Chine. Une erreur, selon eux, à partir du moment où Pékin est présenté comme le défi majeur. »

 

« Il ne faut pas se faire d’illusions excessives sur la conception du multilatéralisme de Joe Biden. Certes, il ne s’agit plus d’un unilatéralisme débridé comme sous Donald Trump. Mais l’on remarquera que le retrait d’Afghanistan - où d’autres pays de l’OTAN étaient présents - a été décidé nationalement à Washington, sans consultation des alliés. La présence américaine en Irak est traitée de la même façon unilatérale. » 

 

« Si Joe Biden est plus sincèrement attaché aux droits humains que Donald Trump - qui affichait ouvertement son mépris pour ces questions -, il ne faut pas être naïf au point de croire qu’ils ne sont pas de nouveau instrumentlisés dans un objectif géopolitique. (…) Si Joe Biden a pris ses distances avec MBS, les Etats-Unis continuent d’appliquer le principe du respect des droits humains de façon plus stricte pour les niveaux que pour les alliés. » 

 

Le Proche-Orient, malgré tout.

 

Au Proche-Orient :

  • Il pourra peut-être réussir à rétablir un accord avec l’Iran sur la question nucléaire. 

  • Il est douteux qu’il puisse établir la paix entre Israéliens et Palestiniens. 

 

Les présidents américains ont toujours été pro-israéliens, mais Donald Trump bat tous les records : « Aucune demande israélienne n’a été rejetée par Washington au cours de son mandat. 

  • Transfert de l’ambassade à Jérusalem. 

  • Reconnaissance de l’annexion du Golan. 

  • Possibilité d’annexer la Cisjordanie. 

 

« Même si Israël triomphe diplomatiquement en ayant joui d’un soutien total de l’administration Trump, de bonnes relations avec Moscou et Pékin, tout en effectuant une percée en Afrique et dans le monde arabe, et en bénéficiant également d’un soutien inconditionnel du président de la plus grande puissance latino-américaine - le Brésil -, la question palestinienne reste posée et s’est brutalement réveillée en mai 2021. »

 

EUROPE

(Olivier de France et Edouard Simon)

 

L’Europe à la relance : entre ambitions hamiltoniennes et réalités géopolitiques.

 

« C’est en 1790 qu’Alexander Hamilton alors premier secrétaire au Trésor, entreprend de transférer à l’échelon fédéral les dettes publiques de Etats américains, que la guerre d’indépendance avait laissés exsangues. Dans le sillage de la réponse européenne à la crise économique provoquée par le covid 19, certains observateurs se sont aventurés à évoquer un « moment hamiltonien » de l’histoire de l’UE. La comparaison se justifiait par la fédéralisation partielle de - et par - la dette et le budget, qui paraît e effet sans commune mesure avec les réactions engendrées par les crises économiques en financière de 2007 - 2008 et de la zone euro de 2010 - 2011. Si l’Europe a fait preuve d’une authentique solidarité dans l’élaboration du plan de relance post-covid, il est pourtant trop tôt pour en tirer de véritables conclusions politiques. » 

 

La réponse à la crise du coronavirus élaborée à partir de mars 2020 : 

  • Mobilisation de fonds structurels non utilisés en soutien aux PME et aux systèmes de santé. 

  • Assouplissement de la législation pour certains secteur particulièrement touchés (secteur aérien)

  • Mise en place d’un cadre allégé pour les aides d’Etat aux entreprises. 

  • Suspension (pour la première fois de son histoire) du pacte de stabilité et de croissance (PSC)

  • Instauration de « corridors verts » permettant un fonctionnement a minima du marché intérieur en temps de crise. 

  • Publication d’orientations sur le filtrage des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques 

 

Moment hamiltonien ? 

 

2 avril 2020. Annonce de la mise en oeuvre d’un instrument de solidarité de 100 milliards d’euros pour prendre en charge une partie du coût du chômage partiel sous la forme de prêts à des taux préférentiels.

 

27 mai 2020. Proposition d’un plan de relance sur la base d’une initiative franco-allemande. Il est doté dans son principe en juillet 2020 après un Conseil européen « particulièrement long et tendu. » 

 

« Ce plan est sans précédent dans la mesure où il constitue un effort de relance piloté au niveau européen, qui va au-delà de la simple réponse à la crise sanitaire, s’attaque aux déséquilibres structurels qui minent l’union économique et monétaire, et qui est fondé sur la solidarité. »

 

« Malgré l’importance du changement représenté par le plan de relance, il est cependant trop tôt pour parler d’un « moment hamiltonien » de l’histoire européenne. D’une part, ce plan est - pour l’instant - temporaire. D’autre part, il faudra que sa mise en pauvre soit un succès pour constituer le fondement d’une intégration approfondie. Le succès d’un potentiel moment hamiltonien dépendra cependant aussi de celui du moment « géopolitique » européen, et de la capacité de l’Union à répondre aux attentes suscitées du point de vue stratégique. » 

 

Un moment géopolitique ? 

 

Les Européens sont tentés de renforcer leur autonomie sur la scène internationale pour au moins deux raisons :

  • La présidence de Donald Trump. 

  • L’impact du Brexit. 

 

« L’actuelle présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a exprimé sa volonté de diriger une Commission « géopolitique ». Elle s’est engagée à prendre « de nouvelles mesures audacieuses au cours des cinq prochaines années en vue de la création d’une véritable Union européenne de la défense », afin de poursuivre les progrès accomplis par son prédécesseur. »

 

Pour cela développement de nombreuses initiatives 

 

1er janvier 2020. Création d’une nouvelle Direction Générale de l’Industrie de la Défense et de l’Espace (DG DEFIS) pour superviser la gestion et la mise en oeuvre du Fonds européen de défense (FED) et des programme spatiaux de l’UE (comme par ex Galileo et le système d’observation de la terre Copernicus)

 

La FED a été créée (7 juin 2017) pour soutenir la R&D de l’industrie de défense européenne et aider les pays à définir leurs besoins en matière de défense tout au long du cycle industriel - recherche, développement de prototypes et, éventuellement, acquisition de capacités de défense. 

 

22 mars 2021. Lancement de la Facilité européenne pour la paix (FEP), fonds hors budget de 5 milliards d’euros pour la période 2021 - 2027, fonds abondé par les contributions des Etats membres. Ce fonds servira à financer les opérations et les missions de politique étrangère de l’Union dans les domaines militaires et de la défense. 

 

Accord des Etats membres sur une capacité de planification et de conduite militaires, « créant de facto une cellule fonctionnant comme un commandement de défense de l’Union. Elle est chargée de la planification et de la conduite des opérations militaires non exécutives, telles que les missions de formation en Somalie, au Mali et en République centrafricaine. Mais cette capacité a pris du retard dans son déploiement. » 

 

Projet de développement d’une « boussole stratégique » qui doit être opérationnelle en 2022. « Elle devrait fournir des orientations pour une utilisation cohérente des initiatives telles que la CSP et le FED, et définir des orientations politiques dans des domaines tels que la gestion des crises, la résilience et le développement des capacités. » 

 

Une autonomie qui reste parcellaire.

 

Malgré tout ces progrès, l’autonomie stratégique est loin d’être une réalité. 

 

6 avril 2021. « Sofa Gate » lors du sommet UE - Turquie à Ankara. Le président du Conseil européen Charles Michel et le président turc Erdogan se sont assis dans des fauteuils l’un à côté de l’autre laissant la présidente de la Commission seule sur un canapé. « Outre l’humiliation infligée et l’image de sexisme inhérent qu’elle projette, une telle manifestation de divisions internes parmi les personnalités institutionnelles donnent aux partenaires et aux rivaux le sentiment que l’UE est faible et divisée. » 

 

Février 2021. De même lors d’un voyage en Russie, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en Europe Josep Borrell, dépourvu de mandat de la part des 27 « n’a pas pu ou su répondre au ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, qui a qualifié l’UE de partenaire « peu fiable ». » 

 

AMERIQUE DU NORD 

(Marie-Cécile Naves)

 

Etats-Unis : Promouvoir la démocratie dans le monde.

 

«  Pour le nouveau président américain Joe Biden, tourner la page du mandat de Donald Trump répond à une stratégie reposant sur quatre piliers :

  • Un volontarisme visant au retour des Etats-Unis dans les affaires du monde (« America is back »)

  • Restaurer l’image du pays à l’international.

  • Appui sur un multlatéralisme modéré. 

  • Souhait de prendre le lead sur les grands sujets de l’agenda géopolitique.

 

« Le projet de l’administration Biden a été élaboré très en amont, dans le but de jouer un rôle de stabilisation à l’heure des grandes crises internationales, le covid 19 ayant mis au jour des interdépendances multiples et complexes, et le caractère contre-productif de « l’America First ». Sur la forme, le ton change également, et la fermeté remplace l’insulte. »

 

Allier coopération internationale et leadership états-unien.

 

« En matière de reprise économique mais aussi de soft power, notamment sur les questions climatiques ou sanitaires, J Biden entend travailler de concert avec les grandes puissance mondiales (retour dans l’OMS, souhait de s’appuyer sur l’OTAN), mais en conservant ou en reprenant l’avantage, en particulier, sur la Chine. » 

 

Si la Chine avait su créer une dépendance du monde en 2020 vis-à-vis de ses chaines d’approvisionnement (masques, appareils médicaux), 3 des 4 premiers grands vaccins contre le covid 19, sont d’origine américaine. 

 

« C’est sur la question des droits humains que le nouvel exécutif états-unien compte obtenir le soutien de ses alliés historiques européens, japonais, sud-coréen ou encore australien : le but de J Biden est d’unir les démocraties derrière des adversaires communs, les autocraties. (…) Le président Biden parle de « redevenir la force du Bien. » »

 

Les deux premiers visés sont la Chine et la Russie

 

Avec la Chine de nombreuses tensions se développent : Déploiement militaire en mer de Chine pour l’accès aux ressources, crise politique à Taiwan, question des Ouighours qualifiée de génocide par Biden. 

 

Avec la Russie c’est le sort réservé à l’opposant Alexeï Navalny qui a poussé Biden à traiter Poutine de « tueur ». 

 

Le défi iranien et la fin des « guerres sans fin ». 

 

Mais la grande priorité du nouveau gouvernement est l’Iran qui a repris l’enrichissement de son uranium depuis 2018 et la sortie unilatérale des Etats-Unis de l’accord de Vienne. Les discussions ont repris au printemps 2021 à Vienne. 

 

« En matière militaire, J Biden a annoncé le retrait total des troupes en Afghanistan, non pas au 1er mai 2021 comme souhaité par D Trump, mais le 11 septembre, à l’occasion du vingtième anniversaire des attentats. Parlant d’un départ « dans des conditions sûres et ordonnées », donc bien anticipées, il veut mettre un terme aux « guerres sans fin », extrêmement coûteuses sur un plan diplomatique, humain et financier. (….) Il n’en reste pas moins que le terrorisme islamiste demeure une préoccupation majeure de Washington. » 

 

Mexique et Canada : appuyer sur le bouton « reset. »

 

 

« Après quatre années de relations chaotiques, les Etats-Unis entendent repenser les liens avec leurs deux grands voisins immédiats. La question migratoire figure au coeur de l’agenda avec le Mexique, par où transitent la plupart des candidats à l’exil en provenance des pays d’Amérique centrale, ce qui pose de nombreux problèmes de sécurité, y compris sanitaire depuis la pandémie. »

 

- Faire adopter une loi fédérale pour mettre un terme au vide juridique concernant les quelques 12 millions de clandestins vivant aux USA et qui sont essentiels à l’économie américaine. 

 

  • Soutenir à hauteur de plusieurs milliards de dollars, l’économie des pays d’Amérique centrale, afin de ralentir l’émigration. 

 

Pour sa part, le Canada à affiché sa satisfaction du départ de Trump, même si des tensions demeurent :

 

  • Biden a rendu plus obligatoire la loi du Buy American Act qui favorise par le gouvernement de biens produits aux Etats-Unis (ce qui constituent une atteinte à la libre concurrence). 

 

  • Biden à mis un terme à l’oléoduc géant Keystone XL qui parait du Canada pour rejoindre le golfe du Mexique, ce projet étant dénoncé par les écologistes. 

 

Par contre les deux chefs d’Etat ont mis en avant leur volonté de coordonner leur politique vis-à-vis de la Chine. 

 

« Si, à l’international, la stratégie de J Biden est la coopération doublée d’un leadership et la défense de la démocratie, il s’agit, sur le plan intérieur, de consacrer le début de son mandat à la protection des citoyens pour sortir de la crise épidémique, économique, mais également démocratique. »

 

RUSSIE et CEI

(Arnaud Dubien)

 

Russie : le grand basculement. 

 

Affaire Navalny, vaccin Spoutnik V, tensions avec l’Ukraine, sommet Poutine-Biden : à l’approche du trentième anniversaire de l’effondrement de l’URSS, la Russie se retrouve une nouvelle fois au coeur de l’actualité internationale. Comme la plupart des pays de la planète, elle a par ailleurs connu, ces derniers mois, des évolutions importantes. Celles-ci ont cependant moins à voir avec l’épidémie de covid 19 qu’avec une amplification spectaculaire de tendances à l’oeuvre depuis une dizaine d’années : d’une part le verrouillage - désormais implacable - de l’espace public, d’autre part le rejet d’un ordre international dicté par un occident que le Kremlin juge à la fois hostile et déclinant »

 

Covid 19 : priorité à l’économie, lourd tribut démographique. 

 

Bonne résistance de l’économie russe qui a limité sa récession à 3% grâce à deux facteurs principaux : 

 

  • Des mesures restrictives adoptées au début de la crise moins fortes qu’en Europe occidentale. 

 

  • Privilège de l’économie au détriment des considérations sanitaires ce qui a provoqué une surmortalité de presque 400.000 personnes. 

 

Actuellement des fondamentaux économiques solides : 

 

  • Une dette publique qui dépasse à peine les 20% du PIB. 

 

  • Des réserves de change à des niveaux records.

 

  • Un faible chômage (5,4%)

 

  • Une faiblesse relative du rouble qui donne des marges de manoeuvre au gouvernement. 

 

Mais des bémols :

 

  • Les revenus réels de la population qui ne représentent plus qu’environ 90% du niveau de 2013. 

 

  • Une inflation à 5,7% en mars 2021 qui a poussé la Banque de Russie à relever son taux directeur de 4,2% à 5%. 

 

  • Un endettement des particuliers qui atteint des niveaux très importants. 

 

« L’adresse annuelle à l’Assemblée fédérale prononcée par Vladimir Poutine le 21 avril 2021 ne laisse entrevoir aucune inflexion de la politique macroéconomique. (..) La Russie continue ainsi de présenter l’image paradoxale d’un Etat interventionniste mais peu redistributif, qui s’accommode de fortes inégalités sociales et de disparités géographiques majeures en matière de développement. » 

 

Alexeï Navalny et l’opposition « hors système » face au rouleau compresseur de la répression. 

 

La politique intérieure russe en 2020 a été marquée par trois évènements majeurs : 

 

  • Changement de gouvernement avec le remplacement de Dmitri Medvedev par Mikhail Michoustine. 

 

  • Adoption de la réforme constitutionnelle adoptée par « vote populaire » 

 

  • L’affaire Navalny. Mais « Alexei Navalny n’est pas perçu comme une alternative crédible. Son incontestable force de dénonciation du système , que traduisent les audiences de ses divers films d’investigation, notamment ceux sur le rôle d’agents du FSB dans son empoisonnement et sur « le palais de Poutine » ne vaut pas adhésion politique. Il semble désormais en passe de perdre son pari et se retrouve dans une impasse. » 

 

« Le « serrage de vis » à l’oeuvre depuis le printemps 2012 se poursuit à tous les niveaux (…) Un nouveau train de lois répressives a été adopté en novembre 2020, qui réduit encore la liberté de réunion et élargit le camp d’application de la notion « d’agent de l’étranger ». 

 

« La côte de soutien à Vladimir Poutine qui avait baissé à 59% en mai 2020, se situait à 63% au printemps 2021. Il n’en demeure pas moins que l’usure du pouvoir est perceptible , la lassitude et l’impatience sociale de la population aussi. »

 

Diplomatie : jusqu’où iront les tensions avec les. Occidentaux ? 

 

« Les développements récents de la politique étrangère russe doivent être analysés à l’aune de la rupture de 2014. Avec le déclenchement de la crise ukrainienne se clôt un cycle d’une trentaine d’années, qui s’était ouvert avec la pérestroïka et qui reposait sur le postulat de la convergence entre l’Occident et la Russie, processus vu comme l’acceptation par cette dernière des règles du jeu occidentales. Ce paradigme a dominé sous Mikhail Gorbatchev, Boris Eltsine et au début de la présidence Poutine, malgré de nombreux accrocs (élargissement de l’OTAN, Kosovo, Irak ..). Aujourd’hui, la Russie se voit comme un pôle indépendant sur la scène internationale, n’ayant pas vocation à rejoindre un Occident élargi ni d’ailleurs à devenir un allié de la Chine. Il s’agit d’un pays assez solitaire sur la scène internationale, qui a pris acte de la fluidité des processus actuels et qui place le concept de souveraineté au coeur de sa diplomatie. » 

 

« La Russie ne perçoit pas l’UE comme un acteur stratégique autonome mais comme un protectorat des Etats-Unis. Il faut s’attendre à un rétrécissement du dialogue avec les institutions européennes, la priorité étant donnée au cadre bilatéral et aux coopérations économiques. »

 

Concernant les tensions du printemps 2021 avec l’Ukraine, « elles traduisent principalement la frustration du Kremlin face à la perte de leviers économiques et politiques à Kiev, sur fond d’enlisement des accords de Minsk. » 

 

AMERIQUE LATINE et CARAIBES

Christophe Ventura

 

L’Amérique latine au défi de sa reconstruction. 

 

De la crise sanitaire à la déflagration socio-économique. 

 

« « La pire crise de toute l’histoire » de l’Amérique latine. Cette formule-choc de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (cepalc) résume la situation du sous-continent en 2021. Et indique la mesure des défis que la région devra relever en 2022 et dans les années à venir. L’impact du covid 19 s’apparente, en effet à une double déflagration. »

 

  • Sanitaire avec plus de 1,2 million de morts à l’été 2021 (dont 500.000 au Brésil). Avec seulement 8% de la population mondiale, l’Amérique latine, qui compte 9 des 10 pays où le taux de mortalité est le plus élevé, concentre plus du tiers des décès dans le monde. 

 

  • Socio-économique, avec une situation de l’ensemble des pays de la région durablement dégradée. Cela a provoqué dans quelques pays de puissants mouvements de contestation sociale. En 2020, le PIB/h est revenu au niveau de 2010 et le chômage frappe près de 45 millions de personnes. La pauvreté affecte plus de 33% de la population (+25 millions par rapport à 2019)

 

Risques socio-politiques et fragilisation géopolitique.

 

« En 2021, l’Amérique latine a connu une nouvelle vague de mouvements de contestation comme en Colombie. Ceux-ci sont notamment le produit de la préconisation et de la paupérisation croissantes d’une partie de la population, des scandales de corruption (…) et de l’incapacité des gouvernants, quelles que soient leurs couleurs politiques, à résoudre les problèmes structurels de la région, santé, sécurité, logement, accès aux services de base, etc…. »

 

« Ainsi, risques sociaux, dynamiques de polarisation et de radicalisation politiques, poussées autoritaires et militarisation croissante interviennent dans de nombreux pays sous des formes différentes selon les configurations nationales. » 

 

« Tous les Etats de la région sont désormais concernés, sous une forme ou sous une autre, par cette crise et cet affaiblissement des cadres démocratiques qui nourrissent les risques d’instabilité. »

 

Les gouvernements devront donc faire face à trois registres de défis : 

 

  • Ceux liés aux conséquences à long terme de la crise systémique globale démarrée en 2008. 

 

  • Ceux relatifs à la pandémie de covid 19 avec en particulier la reconstruction des économies qui concerne plusieurs domaines (prêts aux Etats pour reconstituer leurs capacités financières, gestion des dettes souveraines, réforme des systèmes fiscaux. 

 

  • Ceux induits par les effets du changement climatique. L’Amérique latine est la deuxième région du monde la plus touchée par les catastrophes naturelles induites par le changement climatique. 

 

« Ces dynamismes se déploient à mesure que s’aiguisent les rivalités sino-américaines dans la région, sanitaires, commerciales, financières, technologiques, politiques, et qu’émergent dans le même temps entre les deux puissances, ici comme dans le reste du monde, des engagements de « coopérations compétitives » dans plusieurs domaines comme le climat, les énergies renouvelables ou « l’économie verte » »

 

« Cette nouvelle donne constitue un défi supplémentaire pour l’Amérique latine, région désormais située au coeur de cette confrontation hégémonique entre les deux principales puissances du XXIe siècle : pourra-t-elle, et avec quels partenaires, trouver la voie de son autonomie stratégique, cette dernière exigeant, a minima, la relance impérieuse de ses initiatives d’intégration régionale. »

 

MOYEN-ORIENT / AFRIQUE DU NORD 

Didier Billion

 

Des évolutions politiques incertaines.

 

A ce stade pas de bouleversement des rapports de force géopolitiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à cause de l’épidémie de covid. 

 

« Les tendances lourdes restent à l’oeuvre, et il s’agit plutôt de souligner l’amplification de quelques uns des défis affectant la région. Les disparités sociales, déjà très fortes, s’exacerberont et alimenteront les mouvements de contestation inaugurés il y a 10 ans dans les mondes arabes, indiquant une nouvelle fois que la séquence alors ouverte n’est pas refermée. »

 

« Un facteur souvent sous-estimé qui caractérise la région réside, par ailleurs, dans l’évolution contradictoire des appareils d’Etat : délitement versus hypertrophie semble en effet résumé une situation préoccupante. Ainsi, d’une part, de la multiplication du nombre d’ »Etats faillis » à cause des conflits armés qui perdurent sur leur sol, tels l’Irak, la Syrie, et le Yémen, mais aussi de cas où la puissance publique n’assure plus le minimum des fonctions auxquelles elle est théoriquement dédiée, comme au Liban. A l’extrême-opposé, des structures étatiques hypertrophiées, telles celles qui prévalent dans les monarchies arabes du Golfe, en Egypte ou en Algérie, prétendent tout contrôler sans que cela ne soit jamais un facteur de réussite. » 

 

Les conséquences régionales de l’élection de Joe Biden. 

 

Le dossier nucléaire iranien qui concentre une part importante de l’attention internationale voit deux positions s’opposer : 

 

  • Les dirigeants iraniens exigent la levée préalable de toutes les sanctions économiques mises en place par les Etats-Unis. 

 

  • Les Etats-Unis veulent, qu’avant toute discussion, les iraniens reviennent immédiatement au respect des engagements contenus dans l’accord de Vienne de 2015. Mais ils veulent également intégrer deux nouveaux dossiers dans les négociations : la politique régionale iranienne et ses missiles balistiques. « De telles conditions supplémentaires sur des questions qui n’ont jamais ét abordées en 2015, alors qu’il n’y a rien de plus urgent que d’en revenir aux seuls termes de l’accord, jettent pour le moins une ombre sur la volonté de Joe Biden de véritablement trouver une solution négociée. »

 

Parallèlement l’administration américaine a adressé plusieurs signaux en direction de l’Arabie Saoudite, l’un des Etats de la région les plus opposés à toute forme de normalisation avec Téhéran. 

 

  • Annonce de l’arrêt du soutien logistique américain aux opérations militaires saoudiennes au Yémen. 

 

  • Remise en cause de livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite. 

 

  • Annulation de la qualification d’entité terroriste pour les houthistes. 

 

La centralité confirmée du conflit israélo-palestinien.

 

« Sur le dossier israélo-palestinien, des décisions ont dans un premier temps semblé marquer des évolutions par rapport à la politique d’alignement inconditionnel de D Trump sur B Netanyahou. J Biden a par exemple, réaffirmé sa recherche d’une solution à deux Etats et qualifié les colonies israéliennes d’illégales. (….)

Dans le même temps, Kamala Harris a annoncé la réouverture de la mission palestinienne à Washington et la réactivation de la participation financière des Etats-Unis à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). »

 

Une partie des enjeux va se concentrer sur la CPI dont la Palestine est membre depuis 2015. Elle s’est déclarée compétente et a décidé d’ouvrir 3 dossiers :

 

  • Sur les crimes commis lors de la guerre de Gaza en 2014. 

 

  • Sur la répression de la marche du retour en 2018 (200 morts et des milliers de blessés). 

 

  • Sur la colonisation juive en Cisjordanie elle-même (la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949) interdit de modifier la démographie d’un territoire occupé. 

 

« Cette enquête de la CPI sera donc un enjeu essentiel des années à venir, sur lequel il pourra être constaté, ou non, si la position de l’administration Biden marque une véritable rupture avec la précédente en respectant l’indépendance de la juridiction internationale, tout en sachant que ni les Etats-Unis, ni Israël ne sont parties au Statut de Rome instituant la CPI. » 

 

Turquie : des interventions régionales aux logiques différentes. 

 

Au cours de ces mois, la Turquie s’est retrouvée au centre de multiples tensions et de conflits régionaux : 

 

  • Une politique syrienne essentiellement guidée par la question kurde qui a ses yeux revêt une dimension existentielle. « L’erreur principale d’Ankara réside dans sa volonté de réduire cette question kurde à celle du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de ses affidés syriens, influents dans le Nord et le Nord-Est de la Syrie. »

 

  • Intervention militaire en Libye qui s’inscrit dans la logique de l’accord de novembre 2019 entre la Turquie et la Libye, délimitant le tracé des eaux territoriales entre les deux pays et consacrant un accord de coopération militaire entre la Turquie et la Libye. « La Turquie a soutenu le gouvernement de Fayez El-Sarraj, porté sur les fronts baptismaux par l’ONU elle même. En ce sens la politique turque à l’égard de la Libye, si elle n’est pas dénuée d’arrière-pensées, notamment d’ordre économique ne s’inscrit aucunement contre le droit international. Le paramètre essentiel qui permet de comprendre l’intérêt porté à la Libye par Ankara renvoie à la délimitation des eaux territoriales en Méditerranée orientale, où la découvert de gisements de gaz offshore a rebattu les cartes et considérablement ravivé les rivalités entre la Grèce et la Turquie. » 

 

AFRIQUE SUBSAHARIENNE 

Caroline Roussy

 

Une année plutôt morne.

 

« Relativement épargnée sur le plan sanitaire par la première vague de Covid 19, impliquant toutefois de considérer la diversité des situations et les modalités d’insertion des pays d’Afrique subsaharienne dans la mondialisation, la pandémie a dures et déjà eu des impacts économiques, sociaux et politiques. L’année 2020-2021 a également été marquée par de nombreuses échéances électorales. Si de maigres espoirs d’alternances avaient été envisagés, ils ont été remisés sur l’autel de la stabilité et de révisions constitutionnelles juridiquement corsetées permettant aux candidats prétendant à leur propre succession de se draper dans un voile de légalité. Dans ce contexte, l’état de droit et les processus de démocratisation, éprouvés par ces coups d’Etat constitutionnels, sont en berne dans de nombreux pays, tandis que les enjeux sécuritaires demeurent une source de préoccupation majeure. »

 

10 juin 2021. Le président Macron acte la fin de l’opération Barkhane au Mali. 

 

Un bilan sanitaire contrasté.

 

Faible impact de la première vague de covid sur le continent africain. Les raisons :

 

  • Faible insertion dans la mondialisation. 

 

  • Jeunesse moins affectée par des troubles de comorbidité. 

 

  • Réactivité des gouvernements (fermeture des frontières, campagnes en faveur des gestes barrières et adoption de mesures de confinement plus ou moins adaptées). 

 

Mais la situation sanitaire réelle est difficile à évaluer du fait de l’incertitude sur le nombre de décès. 

 

Quel (s) bilan (s) socio-économique (s) du covid 19 ? 

 

Sur un plan macroéconomique (phénomènes économiques globaux), la question qui a le plus suscité de débats est la question du remboursement, de l’annulation et/ou du rééchelonnement de la dette. 

 

« Sur le plan social, le tribut le plus lourd est payé par le secteur informel et les populations pauvres, jusqu’à plus de 50% dans certains pays, inscrites dans une économie de survie, dont les activités ont été empêchées. (…) De manière plus générale, la forte dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur en matière céréalière (blé, riz), la possibilité de pénuries organisées, d’une hausse des prix sur les places boursières étrangères ou la diminution du fret maritime laissent craindre que le « Sahel et l’Afrique de l’Ouest (aillent) au-devant d’une crise alimentaire et nutritionnelle majeure pour la deuxième année consécutive avec 27,1 millions de personnes menacées pendant la période de soudure. » 

 

Afrique francophone : la démocratisation, un horizon lointain ? 

 

On note un recul des processus démocratiques et de l’Etat de droit. De nombreux pays francophones ont fait des révisions constitutionnelles pour permettre aux chefs d’Etats de prolonger leur présence au pouvoir : 

  • Alpha Condé en Guinée. 

  • Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. 

  • Idriss Déby au Tchad. 

 

« Outre ces coups d’état constitutionnels, chacun a avancé l’argument éculé de la stabilité, antienne battue et rebattue, dont les ressorts ne manquent pas de simplismes à défaut d’être convaincants : la continuité ou le chaos dans une région en proie à l’instabilité. »

 

Sahel : vers un après Barkhane ? 

 

Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, l’année 2020 a été la plus meurtrière au Sahel avec environ 4250 décès (6% de plus qu’en 2019), « signe que la lutte contre les groupes terroristes ne parvient pas à enrayer le cycle de la violence qui affecte la région depuis 8 ans. »

 

« Depuis le sommet de Pau en janvier 2020, au cours duquel un surge (augmentation) déploiement de 600 militaire sur le théâtre des opérations, avait été décidé tout autant que le démantèlement de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina-Faso, Niger), la feuille de route arrêtée par la France et le G5 Sahel a été contrainte à de multiples ajustements. Outre le coup d’Etat du 18 août ayant renversé I.B Keïta au Mali, le gouvernement de transition, et ce, conformément aux souhaits exprimés par la population à l’occasion de la Conférence d’entente nationale en 2017 et du Dialogue national inclusif en 2019, a entamé des négociations avec les terroristes affiliés à AQMI. En octobre 2020, 200 djihadistes ou présumés djihadistes ont été libérés en échange de la libération de quatre otages dont la française Sophie Pétronin. »

 

« A la suite du sommet de février, 1200 soldats tchadiens ont pris la relève pour sécuriser la zone des trois frontières, ce qui était sans compter sur le décès inopiné d’Idriss Déby, le coup d’Etat perpétré par son fils Mahamat Idriss Déby et quelques généraux ouvrant un cycle d’instabilité sur le plan intérieur avec des répercussions probables dans l’engagement de cet allié considéré comme incontournable au Sahel. Une nouvelle séquence s’ouvre. « Le coup d’Etat dans le coup d’Etat » au Mali, selon l’expression du président Macron, le 24 mai, a précipité l’agenda : La fin de Barkhane, ce qui ne saurait être entendu comme la fin des opérations françaises au Sahel, mais dont les modalités doivent encore être précisées. »

 

L’Afrique d’après ? 

 

« A rebours des paradigmes de domination, des pays comme la Côte d’ivoire et le Ghana ont décidé de fixer de concert leur prix de vente du cacao. Il s’agit d’une initiative qui certes prendra du temps à engranger des dividendes, mais montre toutefois que, par endroits, des coalitions interrégionales se consolident pour que l’Afrique ne soit plus à la marge du monde mais au coeur d’une mondialisation dont, demain, elle sera actrice pleine et entière. »

 

D’un point de vue politique, société civile, artistes, activistes et lanceurs d’alertes, continuent de s’organiser, parfois au risque de leur vie, pour dénoncer la corruption, les détournements de fonds, les opérations de blanchiment d’argent. 

 

ASIE et OCEANIE 

Barthélémy Courmont

 

Ombres chinoises.

 

« En marge de la crise de Covid 19, la Chine a renforcé son emprise sur son environnement régional et dans sa relation avec les grandes puissances, avec une attitude de plus en plus décomplexée et une volonté revendiquée de s’affairer comme la première puissance mondiale. Cette posture ferme, l’intransigeance face aux critiques en interne et à l’international, et l’annonce de la reprise de la Belt and Road Initiative (BRI) sont autant d’ombres sur le continent asiatique qui bouleversent les équilibres régionaux et imposent une nouvelle grammaire géopolitique dans laquelle s’opposent la constitution d’un hégémon chinois et la cristallisation des résistances à Pékin. » 

 

Un hégémonique chinois en Asie ? 

 

« Pékin cherche à inscrire sa dynamique de croissance et d’affirmation de puissance dans une approche civilisationnelle. Ce qui est présenté comme un retour à la normale, avec l’effacement du « siècle des humiliations » et le basculement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie, nourrit les desseins hégémoniques de la Chine dans son environnement régional. » 

 

Les caractéristiques de ce dessein hégémonique :

 

  • Investissements massifs. 

  • Interdépendance économique. 

  • Montée en puissance militaire. 

  • Intransigeance sur les questions territoriales (avec le Japon en mer de Chine, avec l’Inde et Taiwan). 

  • Pressions politiques. 

 

« La signature du Partenariat régional économique global (RCEP) le 15 novembre 2020, soit quelques jours seulement après l’élection présidentielle états-unienne, est à ce sujet un potentiel accélérateur. Cet accord de libre-échange, le plus important au monde avec 15 membres, l’ASEAN, la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, redéfinit les équilibres en Asie, avec un rôle central pour la Chine que reconnaissent ses voisins, y compris ceux qui s’inquiètent de sa montée en puissance. Seule l’Inde a décliné l’adhésion, préoccupée de voir le RCEP devenir un instrument de l’hégemon chinois. »

 

1er février 2021, coup d’Etat birman suivi d’une violente vague de répression. Cet évènement est à la fois un révélateur de cet hégémonie et un défi pour la Chine : 

 

  • Révélateur, car la Chine semble être le seul pays susceptible de faire plier les militaires birmans, à cause de la grande dépendance de l’économie birmane à l’économie chinoise. 

 

  • Un défi, car de nombreuses manifestations anti chinoise de la part d’une population qui considère la Chine comme un allié des militaires. 

 

Vers de nouvelles « nouvelles routes de la soie » ? 

 

« La pandémie mondiale a été perçue côté chinois comme un risque majeur sur la dynamique de croissance et sur la stratégie d’investissements dans le monde, officiellement initiée en 2013. »

 

« Si Xi Jinping a repris en main les rênes du pouvoir après quelques semaines difficiles ai début de la pandémie et renforcé son influence au sein de l’appareil d’Etat en déployant un véritable culte de la personnalité, sa légitimité n’en demeure pas moins étroitement associée au succès de la BRI, qu’il lui faut donc continuer de promouvoir.

La pandémie impose cependant de repenser la BRI, en sélectionnant les projets les plus importants et profitables, mais également ceux qui impliquent les partenaires jugés les plus « fiables ». Ces nouvelles routes de la soie 2.0 pourraient donc être un tournant dans l’approche chinoise, qui passerait ainsi d’ne sorte de chèque en blanc à une sélection en tenant comte de critères économiques, mais aussi potentiellement politiques. » 

 

Résistances et alternatives asiatiques à la puissance chinoise. 

 

« L’ombre de la Chine suite l’inquiétude et la réaction de nombreux pays asiatiques , en plus des résistances en interne incarnées par le mouvement prodémocratie de Hong-Kong. » 

 

Association du Japon, de l’Inde, de l’Australie et des Etats-Unis dans le « Quad » 

 

« New-Delhi et Tokyo ambitionnent, pour leur part de rivaliser avec la BRI avec des projets alternatifs, mais l’Inde est confrontée à une crise sanitaire aux conséquences encore imprévisibles mais forcément très lourdes, et le Japon dispose de peu de leviers face à Pékin, qui est par ailleurs un de ses partenaires indispensables. Le Quad pourrait ainsi se limiter à des déclarations d’intentions mais ne pas se concrétiser comme un véritable front uni face à la Chine. »

 

Avec un bilan très positif de la gestion du Covid 19, Taiwan fait partie des « vainqueurs de la crise sanitaire. » 

 

« Taipei se positionne, surtout, de plus en plus comme la Némésis (déesse de la vengeance des Dieux) de Pékin, avec son régime démocratique et ses soutiens affichés aux opposants à Hong-Kong, aux Tibétains ou aux Ouïghours. » 

 

Avis de tempête sur la relation Washington-Pékin. 

 

« Joe Biden a décidé d’attaquer Pékin sur tous les fronts, jouant ainsi la carte, potentiellement hasardeuse , d’une bipolarité provoquée, et espérant rallier à sa cause tous ceux qui, en Asie et ailleurs, s’inquiétent de la montée en puissance chinoise. Le sommet de l’OTAN de Bruxelles en juin 2021 fut ainsi l’occasion pour le président américain d’inviter ses alliés à désigner la Chine comme un « rival systémique », au risque de réactiver des modes de pensée hérités de la guerre froide. »

 

ENJEUX MILITAIRES 

Jean-Pierre Maulny

 

Les défenses des années 2020

 

Les guerres des années 2020

 

« L’on assiste progressivement à une évolution des formes de conflits dans le monde, qui conduit à une remise en question des raisons qui peuvent mener un pays à s’engager, qu’il s’agisse des enjeux de la guerre ou des moyens employés. 2021 est, à cet égard, symptomatique de ces évolutions et des réflexions qui en découlent. »

 

Les guerres de contre-insurrection : guerres ingagnables ? 

 

L’Afghanistan. Le bilan apparaît mitigé. Si Al-Qaïda est affaiblie par 20 ans de guerre, les taliban constituent toujours des acteurs politiques et militaires. Aucune solution politique n’a été trouvée. « Le sentiment est que les Etats-Unis et l’OTAN dans son ensemble, qui eut la responsabilité de la mission de stabilisation entre août 2003 et 2014, ont échouée. » Le coût de ces opérations (guerres contre le terrorisme entre 2001 et 2020) a été pour les USA de près de 2000 milliards de dollars dont la moitié pour l’Afghanistan, avec près de 2000 morts Américains. 

 

Le Mali. La montée en puissance des armées africaines est long à venir et le pilier militaire le plus solide du groupe, le Tchad, est incertain depuis la mort du président Idriss Déby. « En l’absence d’accord politique viable face aux revendications sécessionnistes au Nord du Mali, une gouvernance solide des Etats recueillant le soutien de la population, notamment au Mali, et d’un développement économique pérenne, il apparaît difficile d’assurer la sécurité dans la bande sahélienne-sahélienne. Or cette sécurité est parallèlement considérée comme une condition de la constitution d’Etats solides et d’un développement économique qui s’inscrive dans le temps : le risque est donc que ce cercle non vertueux perdure. » 

 

« La véritable question est de savoir si la France et es alliés européens disposent des clés du règlement politique. (…) Comme en Afghanistan, la guerre contre le terrorisme semble relever d’une lecture occidentale qui ne recouvre que partiellement celle qu’en font les acteurs locaux, pour qui les terroristes d’aujourd’hui peuvent devenir les interlocuteurs politiques de demain »

 

Le spectre du retour des guerres de haute intensité. 

 

2020. Guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le contrôle du Haut-Karabakh. 

 

« Ce retour à la haute intensité dans les conflits fait également l’objet de réflexions à l’OTAN. Le rapport du groupe d’experts demandé par les Etats membres à été remis au secrétaire général de l’Alliance en novembre 2020. L’on y parle de « compétition géostratégique » et de « rivalités systémiques » pour qualifier les relations avec la Russie et la Chine, faisant planer implicitement le risque d’un retour d’un conflit de haute intensité avec ces pays. Mais là où une partie des Européens regardent du côté de la Russie, les Américains regardent plus à l’Est, du côté de la Chine. » 

 

La nouvelle guerre sera-t-elle 3.0 ? 

 

Actuellement l’essentiel des actions agressives se déroulent dans l’espace cyber. Les objectifs de ces types peuvent être multiples :

  • Espionnage.

  • Test des défenses de l’ennemi

  • Attaque massive contre les infrastructures critiques d’un pays pour le désorganiser, décrédibiliser et déstabiliser des autorités publiques incapables de remédier à une paralysie des services publics. 

 

« L’Union européenne, dans le cadre de l’élaboration de son nouveau document stratégique - la boussole stratégique, qui doit être adoptée durant la présidence française de l’Union en mars 2022 - a placé les questions cyber et de la protection des infrastructures critiques au centre de sa réflexion sur la protection du territoire européen, les deux étant liées. La France, pour sa part, propose d’élargir le champ de cette réflexion à la protection de tous les espaces communs, à savoir, outre le cyber, les espaces maritimes et l’espace extra-atmosphérique. (…) La prise de conscience des nouvelles formes de conflictualité est onc réelle. » 

 

Des dépenses de défense en hausse, pour combien de temps ? 

 

Alors qu’en 2020, le PIB mondial reculait de 4,4%, les dépenses miliaires ont augmenté de 2,6% avec des dépenses totales frôlant le 2.000 milliards de dollars.

  • 1,9% pour la Chine.

  • 2,5% pour la Russie.

  • 3,6% pour les pays de l’OTAN (6e année consécutive de hausse, inversant la tendance enregistrée durant vingt-cinq ans, depuis le début des années 90). 

 

Deux explications à ces augmentations :

  • Tous les Etats des grands blocs géostratégiques, soulignent l’accroissement des tensions dans leurs documents stratégiques les plus récents. 

  • La défense et notamment l’industrie de l’armement a été pour beaucoup de pays un moyen de soutenir l’activité productive, et donc l’emploi, en période de covid-19. 

 

Le premier budget de Joe Biden s’élève à 715 milliards de dollars pour l’année fiscale 2022 en hausse de 1,4% par rapport à 2021. « Une croissance limitée , et en tout cas très inférieure à celle du mandat de D Trump, durant lequel le budget de défense américain avait augmenté de 100 milliards de dollars entre 2017 et 2021, soit une hausse de plus de 3% par an. Cela pourrait également présager un revirement de tendance aux Etats-Unis, qui pourrait être encore plus net après la pandémie. » 

 

Industrie d’armement : exportations et coopérations à l’ordre du jour. 

 

« A l’avenir, plus personne ne pense qu’un seul pays, fut-ce la France, soit capable de financer des équipements militaires si onéreux. » D’ou la nécessité de nouer des partenariats entre plusieurs Etats. 

 

Mai 2021. Signature d’un accord entre la France, l’Espagne et l’Allemagne pour la réalisation d’un démonstrateur du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) qui devrait intervenir en 2026-2027 en vue de remplacer le Rafale et l’Eurofighter. 

 

ENJEUX ECONOMIQUES 

Sylvie Matelly

 

La grande réinitialisation ? 

 

« L’année 2020 a été à bien des égards une année extraordinaire, dont les conséquences économiques demeureront longtemps perceptibles. De manière encore plus flagrante qu’en 2008, l’imbrication des économies et des chaines de valeur est apparue criante. La pandémie a ainsi mis en exergue les risques importants que présentaient les interdépendances économiques construites sur l’abandon à d’autres lys de certaines productions et le développement massif des échanges commerciaux internationaux. » 

 

Accélération de certaines tendances :

  • Révolution digitale. 

  • Questionnement sur l’obsolescence de certaines activités trop dépendantes des énergies fossiles. 

  • Nécessité d’investir dans d’autres énergies. 

 

« La lutte contre le changement climatique, la sécurité humaine ou les enjeux de souveraineté se sont ainsi positionnés au premier plan des agendas et des politiques. Ils interrogent les modèles économiques et de développement, sans qu’il soit pour l’instant possible de déterminer s’ils conduiront à la grande réinitialisation prédite par certains ou, au contraire, à un monde que l’on croyait derrière nous et où l’inflation rythmait la vie économique. » 

 

L’économie en temps de Covid.

 

La pandémie a généré plusieurs chocs : 

  • Choc de l’offre avec la fermeture des usines en Chine. 

  • Choc de la demande, quand la généralisation des confinements à provoqué une baisse de la consommation. 

  • Choc de confiance « que seule la diffusion de la vaccination peut être à même de réduire. 

 

La reprise de la croissance en 2021, prévue par le FMI (6%) pourrait être la cause d’un « retour d’une inflation généralisée ou plus probablement sectorielle, des pénuries de consommation intermédiaire ou de main-d’oeuvre dans certaines régions ou certains secteurs. » 

 

Ces conséquences devraient distinctes selon les régions du monde (Asie et Océanie peu affectées). Les Etats-Unis bien que significativement touchés, grâce à une croissance dynamique, ont retrouvé leur niveau de PIB de la fin de l’année 2019 dès la fin de l’année 2020. 

 

En Europe, grâce aux mesures d’accompagnement généralisée, les économies se sont montrées résilientes. La hausse du chômage a été limitée permettant une reprise rapide de l’actiivité. 

 

Par contre dans les pays émergents, les perspectives de croissance se révèlent plus contrastées, les campagnes de vaccination ayant été plus réduites, « et en tout cas insuffisantes pour compenser les conséquences des restrictions imposées. » 

 

Des impacts structurels. 

 

« La pandémie a également questionné les modes de vie, de consommation et de production. La volonté affichée par les Etats membres de l’UE, la Chine et, plus récemment, les Etats-Unis d’atteindre la neutralité carbone de leurs économies dans les décennies à venir en est certainement la conséquence la plus visible. Reste à savoir comment les Etats accompagneront cette transition. L’aspiration des populations à un réinvestissent public dans tous les domaines de la sécurité humaine - santé, éducation, environnement - ou à une relance industrielle estimée comme garante d’une souveraineté mieux maîtrisée pourrait avoir des conséquences tout aussi significatives et structurelles que la lutte contre le changement climatique. » 

 

L’essor des dettes publiques suscite le débat : 

  • Certains préconisent une annulation des dettes affinée redonner des marges de manoeuvres aux Etats. 

  • D’autres, au contraire, estiment que le débat n’a pas lieu d’être, la dette publique restant soutenable au vu du bas niveau des taux. 

 

Reprises économiques et rapports de force. Le XXIe siècle sera t-il un siècle asiatique ? 

 

L’accord de libre échange RCEP « traduit l’ambition de pays très différents, mais ayant bien compris l’intérêt de construire un destin commun autour d’un marché asiatique commun et prospère profitant à plein des différences, donc des complémentarités, de chacun, croissance potentielle des marchés de consommation grâce à un effet « rattrapage » entre des pays comme la Birmanie ou le Cambodge, d’un côté, et l’Australie, de l’autre. Cette initiative est également un signe que la Chine a pris acte de la volonté de découplage des Etats-Unis et qu’elle se recentre sur l’Asie. Tout comme les « nouvelles routes de la soie », ce partenariat doit aussi lui permettre d’atteindre son objectif de première économie mondiale à brève échéance. » 

 

Et pourtant, la surprise vint d’abord des Etats-Unis. 

 

Les cent premiers jours du mandat de Joe Biden se sont concrétisés par : 

  • 3 plans de relance pour un total de 6.000 milliards de dollars soit le tiers du PIB américain. 

  • Une réforme majeure de la fiscalité des ménages les plus aisés et des entreprises. 

  • Le retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat avec une volonté d’atteindre la neutralité carbone de l’économie à l’horizon 2050. 

 

Et l’Europe ? 

 

Si la pandémie a fortement touché et divisé l’Europe dans un premier temps, par la suite de nombreuses mesures communes ont été prises. 

 

  • Large soutien de la BCE aux Etats, avec en particulier des rachats de dettes. 

  • Négociation commune avec les laboratoires pharmaceutiques afin d’assurer une politique vaccinale équitable et accessible à tous. 

  • Plan de relance commun. 

  • Accord sur le budget pluriannuel 

  • Capacité accordée à la Commission de lever de nouvelles ressources pour mener des politiques plus ambitieuses. 

 

« La pandémie aura donc modifié les dynamiques économiques. L’année 2022 constituera une véritable inconnue, pas tant par le niveau de la croissance mondiale, mais davantage par la nature de cette croissance. Ces évolutions seront-elles durables, structurant la marche de l’économie mondiale et transformant, ce faisant, la mondialisation ?

 

ENVIRONNEMENT

Julia Tasse

 

Le monde d’après n’a pas eu lieu.

 

L’année 2020 aurait dû présenter un pivot en matière de réponse à la crise écologique avec deux rendez-vous importants :

  • La COP 26 sur le climat. 

  • La COP 15 sur la biodiversité. 

 

Ces deux rendez-vous ont été reportés à 2021. 

 

Mais la pandémie à mis « également en lumière les forces d’inertie du système international actuel : les organisations multilatérales se révèlent impuissantes face à la réaffirmation des frontières nationales et à la compétition pour l’accès aux vaccins ; les multinationales se montrent a contrario maîtres du jeu, tandis que les commerces de tailles se maintiennent à flot grâce à l’aide apportée par les Etats et que l’économie informelle survit difficilement aux diverses restrictions. »

 

Changement de comportements : quelles perspectives pour 2022 ? 

 

Le monde d’après n’est plus qu’un vague souvenir et rien dans les comportements n’a changé. La pandémie aurait même aggravé la situation de la biodiversité : 

  • Forte augmentation de la pollution plastique, en particulier à cause du secteur médical grand utilisateur pour des raisons d’hygiène. 

  • Le silence du premier confinement n’aura été qu’un bref intermède d’une exploitation extensive et continue de la biosphère. 

  • Les restrictions de mouvement ont constitué une opportunité pour de nombreux acteurs d’enfreindre les réglementations environnementales (augmentation de la déforestation, du braconnage)

 

Entre freins et réflexions, la lutte contre le changement climatique en pause ? 

 

Le report des deux COP aura des répercussions sur la qualité des discussions (certains Etats ont été, de fait, privés d’accès aux réunions de préparation se tenant en ligne, faute de réseaux Internet suffisamment stables, tandis que les observateurs ont été écartés). 

 

« D’autre part, la crise économique ravive les inégalités, renforçant la fracture sociale entre une élite mondialisée émettrice de gaz à effet de serre et une majorité pauvre à l’empreinte carbone faible. »

 

Neutralité carbone, des promesses vouées à l’échec ? 

 

« Fin 2020, l’UE, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ainsi que 120 autre pays ont fait part de leur intention d’atteindre la neutralité carbone ou climatique à la moitié du XXIe siècle en 2050 ou 2060 en fonction des acteurs. Ces engagements semblent montrer que la confiance mutuelle entre Etats pour lutter ensemble contre les changements claudiques ne s’est pas totalement effondrée. »

 

Les scénarios envisageant l’atteinte de la neutralité climatique durant la seconde moitié du XXIe, y compris ceux du GIEC, s’appuient couramment sur des hypothèses de capture et de stockage du CO2 dans des puits naturels (océans, forêts, sols, etc…). Mais ces technologies sont loin d’être au point et pourraient représenter des risques, à la fois pour l’humain et l’environnement. « Parier sur d’incertains développements industriels et technologiques aux dépens d’une forme de frugalité carbone ne constitue qu’un moyen de reporter à plus part des décisions politiques et économiques difficiles mais nécessaires. » 

 

La gouvernance climatique, reflet des relations internationales. 

 

« Portées par l’UE et la Chine, les négociations climatiques sont ainsi renforcées par le retour états-unien. Le trio pourrait achever de convaincre les réfractaires de rehausser leurs ambitions. Par ailleurs, l’accélération de la transition énergétique proposée par J Biden révèle une volonté de ne pas laisser à la Chine le monopole de la production industrielle de technologies dites vertes. » 

 

ENERGIE

Emmanuel Hache

 

Un monde d’après sur les marchés énergétiques ? 

 

En 2020

  • Baisse de 4% de la demande d’énergie primaire 

  • Baisse de presque 6% des émissions de gaz à effet de serre (GES)

  • Baisse de 4% de la demande de charbon. 

  • Baisse de 8,6% de la demande en pétrole. 

 

« Le marché pétrolier a démontré une nouvelle fois son caractère stratégique et géopolitique, ainsi que l’importance de l’OPEP et des principaux pays producteurs pour réguler les prix. Alors que les prix du pétrole avaient été divisés par trois, à moins de 15$ le baril en avril, l’action concertée des différents producteurs a permis de retrouver des niveaux autour de 60$ le baril au premier trimestre 2021. »

 

Le secteur des énergies renouvelables (ENR) s’est beaucoup développé et pour la première fois les investissements dans ce secteur ont dépassé ceux réalisés dans les hydrocarbures (500 contre 380 milliards de dollars)

 

La pandémie consacre l’OPEP élargie.

 

Avril 2020, signature d’un accord par les pays de l’OPEP+ portant sur une réduction massive de l’offre pétrolière. Cet accord a eu pour conséquence une augmentation du prix du baril. « Les 23 pays de l’OPEP+ représentent plus de 50% de la production mondiale de pétrole et tiennent désormais les rênes du marché pétrolier. »

 

« La pandémie aura sans doute ainsi permis d’accentuer la prise de conscience des acteurs des transformations majeures à venir dans le secteur et dans l’économie dans son ensemble. L’évolution des comportements en matière de mobilité (hausse du télétravail et réduction des voyages d’affaires) et l’électrification progressive du parc automobile mondial devraient modifier radicalement la consommation de pétrole dans les années qui viennent, le secteur du transport représentant près de 60% de la consommation mondiale de pétrole. » 

 

La décennie des énergies renouvelables ? 

 

« Si les ENR sont fondamentale dans la transformation technologique qui impose la transition énergétique, cette dernière porte en elle-même les ressorts d’une compétition géopolitique fondée sur les technologies bas-carbone. Et les dynamiques différenciées entre les différentes zones économiques risquent de déterminer le poids relatif futur des économies dans les prochaines décennies, tant les développements industriels et technologiques réalisés aujourd’hui dans le secteur des batteries, du véhicule électrique ou de l’intelligence artificielle portent les germes des futures innovations de rupture de demain. La Chine, déjà leader industriel dans les principaux secteurs (solaires, batteries), a saisi l’importance de la transition bas-carbone pour son potentiel futur de compétitivité et de leadership au niveau mondial. Pékin investit ainsi massivement dans l’innovation en relation avec son plan Made in China 2025 et souhaite également imposer ses normes dans le secteur des ENR à travers son plan China Standards 2035. »

 

Le changement de politique de Joe Biden « démontre la volonté des Etats-Unis de s’imposer comme un futur leader sur les questions climatiques, mais également sur les questions relatives aux technologies bas-carbone. » 

 

Une géopolitique de l’hydrogène ? 

 

Cinq raisons principales poussent au retour de l’hydrogène au premier plan des questions énergétiques :

  • Permet de répondre aux objectifs de décarbonations, notamment des secteurs les plus difficiles à décarbonater (industrie lourde, transports routiers et maritimes)

  • Apparait comme une solution de stockage pertinente avec le déploiement massif des énergies renouvelables. 

  • L’hydrogène est considéré comme un outil de développement industriel national source des revenus et d’emplois. 

  • Sa production locale permettrait d’améliorer la sécurité énergétique et de réduire la facture.

  • La dynamique actuelle est portée par la forte diminution des coûts de génération d’électricité à base de solaire ou d’éolien et l’espérance de diminution des coûts des électrolyseurs en raison de leur déploiement massif à l’Horizon 2050.

 

« L’important potentiel de la décarbonation de l’hydrogène et de ses échanges futurs pourraient bouleverser la géopolitique de l’énergie. Différentes rotes commerciales sont d’ores et déjà envisagées. (…) Les volumes échangés et la distance seront les deux facteurs fondamentaux à observer, alors qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de véritable option de commerce d’hydrogène à longue distance. Certains pays producteurs d’hydrocarbures disposant de très importants potentiels en ENR, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, pourraient voir dans l’hydrogène une porte de sortie aux pertes engendrées par la diminution de la demande pétrolière et de la rente associée et pourraient donc s’affirmer comme des acteurs clés de cette nouvelle géopolitique. »

 

Fin



16/03/2022
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