Mondes en guerre. 1ere partie. Naissance de la guerre (NDL)
1ère partie. Naissance de la guerre.
Chapitre 1. La guerre avant l’histoire (Guillaume Gernez)
Quelle date pour le début de la guerre ?
« La violence intraspécifique, c’est-à-dire au sein d’une même espèce, n’est pas propre à l’humanité, mais ce n’est qu’en son sein qu’elle s’est développée, en lien étroit avec la complexification des sociétés et, qu’elle a été érigée en art. »
Les connaissances sont liées à l’archéologie et à l’histoire. Mais difficulté de faire la différence entre la guerre de vendetta, les actes de violence occasionnels et l’usage politique de la violence.
« Pour étudier la préhistoire de la guerre, il faut d’abord tenter de déterminer le contexte socioculturel dans lequel s’inscrivent les éléments matériels identifiables comme des sources possibles : il s’agit alors de vérifier si nous pouvons identifier le degré de hiérarchisation (pratiques funéraires différentielles), de pression démographique (identification de l’habitat), d’arrivée de populations allochtones (apparition et développement de productions matérielles nouvelles) ou encore de problèmes environnementaux (catastrophes naturelles, aridification). »
Les éléments susceptibles de nous donner des informations :
- Présence et variété d’armes en quantité.
- Systèmes défensifs naturels ou artificiels.
- Traces de blessures non accidentelles sur les os humains.
- Charniers indiquant un possible massacre.
- Représentation iconographique de combats.
« La violence humaine, celle de l’homo sapiens, et l’utilisation de la force physique, ainsi que leurs prolongements que sont la stratégie et l’invention de l’armement, sont déjà caractéristiques du mode de vie des populations paléolithiques dont la survie repose en partie sur le développement d’aptitudes permettant de subvenir à ses besoins et de se protéger des dangers de l’environnement animal.
À ce titre la chasse est la première manifestation connue de l’expression de la violence humaine dont les traces subsistent dans les vestiges osseux, témoins d’impacts de projectiles et de chocs. »
Les plus anciennes traces de violence :
- Djebel Sahaba (Soudan) vers -11600 ans.
- Notarik (Kenya). Massacre de 27 personnes dont une femme enceinte et des enfants vers -10000.
« Ces découvertes, permettent d’observer que l’apparition des violences entre groupes humains est antérieure au développement du mode de vie néolithique. »
Massacres, concurrences territoriales et stress démographique dans l’Europe néolithique et chalcolithique.
À partir du néolithique multiplication des indices de violence.
La révolution néolithique permet en effet :
- La croissance démographique.
- L’installation dans des territoires sur la longue durée.
- La multiplication des stocks et leur gestion.
Apparition d’un sentiment d’insécurité qui se concrétise par la construction de fosses ou de remparts.
« Deux dynamiques se distinguent : d’une part, celle de la zone orientale où la trajectoire socio-politique mène du village à l’Etat et où les premières guerres (...) sont attestées à partir du IVe millénaire et d’autre part celle d’Europe, d’Asie et d’Afrique (Égypte mis à part) où le rythme évolutif n’est pas le même et où les confrontations observées sont de deux ordres. En premier lieu entre les populations néolithiques en migration vers de nouveaux espaces et les groupes nomades qui les ont occupés jusqu’alors, puis en second lieu, surtout entre les différentes populations sédentaires organisées en chefferies simples ou complexes. »
« L’idée la plus répandue est que les concurrences territoriales et la pression démographique (liée à l’accroissement de la population locale ou l’arrivée de peuples nouveaux, voire à des crises environnementales) sont à l’origine des tensions entre groupes humains aboutissant occasionnellement à des rixes mortelles. Il paraît cependant essentiel d’ajouter toutes les nuances et les facteurs occasionnels possibles à ce schéma très général. »
Les hommes du néolithique n’ignoraient donc pas la violence, y compris à grande échelle.
Chapitre 2. La guerre dans l’Orient ancien. De Summer à Akkad. Guillaume Gernez.
Premières cités, premières guerres.
Dès l’époque néolithique, les villages orientaux sont protégés par des enceintes et / ou des fossés.
« Les systèmes de fortification, souvent constitués de briques crues, deviennent plus épais et certainement plus haut, indiquant une montée de l’insécurité, probablement liée aux convoitises que suscitent les récoltes et autres biens thésaurisés. »
Les premiers conflits semblent se situer entre -4100 et -3100 durant la période d’Uruk.
La plus ancienne ville serait Habuba Kabira (vallée de l’Euphrate syrien) construite entre 3500 et 3300 av JC) qui se dote très rapidement d’une double enceinte constituée d’un avant mur et d’un rempart épais de 3 m où des bastions et des tourelles sont disposées à intervalles réguliers. On y pénètre par deux portes.
3500 av J-C, traces d’une attaque et d’un incendie du site de Tell Hamoukar dans le nord de la Mésopotamie. Il s’agit des traces les plus anciennes retrouvées.
L’histoire de la guerre commence-t-elle à Sumer ?
La Mésopotamie archaïque (-2900 à -2334) est une mosaïque de cités-Etats (au moins une quinzaine) composées d’une capitale, d’une ou plusieurs villes secondaires et d’un réseau de villages et de fermes.
« À mesure que la population croît et que le réseau urbain se densifie, la concurrence territoriale devient inéluctable, en raison des enjeux économiques majeurs (accès à l’eau des fleuves et des canaux, espaces irrigables, terres cultivables, contrôle des routes). Ainsi naissent les premières guerres avérées entre les États. » Même s’il existe des tentatives de conciliation, celles-ci sont rarement durables et l’état de guerre devient la norme.
« La pratique de la guerre devient aussi l’un des traits culturels des Sumériens et de leurs successeurs. Le roi mésopotamien se présente comme un chef de guerre, un bâtisseur, un berger pour son peuple et un roi pieu. » Parmi ces 4 composantes, c’est la fonction militaire qui est le plus souvent exaltée.
Développement de l’armement métallique. Le soldat sumérien est équipé de :
- Un poignard.
- Une ou deux lances à armature métallique.
- Une hache
- Les masses d’armes et les flèches sont plus rares.
- Les casques sont souvent en cuir.
- Un bouclier et des capes de protection complètent l’équipement.
L’étendard d’Ur et la stèle des vautours.
L’Étendard d’Ur est un petit meuble dont la fonction est ignorée. Il est décoré de scènes en nacre, lapis-lazuli et calcaire rouge.
L’une des faces montre une bataille rangée qui révèle « quelques uns des éléments clés de l’art militaire sumérien archaïque ; le rôle de la charrerie, la prépondérance de l’infanterie, l’homogénéité de l’armement offensif et sa relative codification (piques / lances, javelines, haches, casques et capes cloutées) et la place dominante du roi comme chef de guerre. »
Le texte le plus ancien concernant une guerre est inscrit sur la stèle des vautours (2500 av J-C) et concerne un conflit entre les cités de Lagash et Umma concernant une terre appelée Gu-edina.
Mais plus que la bataille, c’est la victoire du roi Eannatum de Lagash qui est racontée.
Des inscriptions ultérieures témoignent du fait que cette victoire ne met pas fin à la guerre.
La première tentative d’unification territoriale de la Basse-Mésopotamie est menée par Lugal-Zagesi, seigneur d’Umma qui ruinera le royaume de Lagash.
Akkad, le premier empire militaire.
Le désir de conquête de Lugal-Zagesi est brisé par l’arrivée d’un nouveau chef militaire Sargon (-2334 - 2779) qui prend le ivoire à Kish avant de se lancer à son tour dans une série de guerres de conquête (Basse-Mésopotamie puis Haute-Mésopotamie, Syrie, Etam).
« Le terme d’empire utilisé par les historiens pour définir l’entité politique ainsi construite est pertinent , ce qui fait d’Akkad le plus ancien de l’histoire, mais n’est pas utilisé par les Mésopotamiens, qui considéraient l’ensemble comme un royaume. »
Mais cet empire est très souvent confronté à des rebellions internes et des agressions externes. Le fils de Sargon, Rimush (-2779 à -2270) combat sans relâche contre ces ennemis. Lors de chaque campagne, plusieurs milliers d’ennemis sont tués ou capturés. Son successeur Naram-Sin (qui règne durant 36 ans) poursuit cette politique étendant encore les limites de l’Empire.
Militairement les soldats d’Akkad disposent d’un atout important : l’arc composite à longue portée. Ils possèdent aussi des béliers et des tourelles mobiles pour les sièges.
L’armée d’Akkad.
Elle est composée de deux parties :
- Des soldats d’élite, fonctionnaires entretenus grâce à des concessions de terres.
- Des conscrits recrutés occasionnellement parmi les institutions des cités de l’empire.
« L’efficacité de l’armée akkadienne repose à la fois sur le nombre, l’organisation et les compétences des soldats, sur les techniques d’assaut et de sièges, la qualité de l’armement et ur une gestion très aboutie. »
La hiérarchie se compose de :
- Généraux qui conduisent les armées (sagin).
- Des capitaines, ayant parfois des fonctions de chefs d’atelier, en dehors des périodes de campagne.
- Les soldats sont guidés par les responsables de chaque corps afin de répondre aux tactiques choisies (général des lanciers, général des flèches).
Sous Sargon, le corps expéditionnaire d’Akkad était constitué, semble t-il, de 9 régiments de 600 hommes, divisés en sous-unités d’une vingtaine d’hommes dirigés par un lieutenant.
Cette armée est capable de se déplacer sur toutes sortes de terrains, peut combattre en bataille rangée, monter des embuscades, entreprendre des sièges de cités fortement fortifiées avec des techniques très élaborées.
« Ainsi c’est dans le monde urbanisé du Proche-Orient au IIIe millénaire av J-C que se sont développés, lors de conflits locaux, puis en lien avec une politique de conquêtes territoriales, les premières stratégies et techniques militaires, l’organisation hiérarchique, la formation d’une armée de métier et le système de conscription. »
Ces fondements seront par la suite utilisés par leurs successeurs et ennemis (Amorites, Hittites, Kassites, Elanites, Assyriens, Babyloniens, Perses).
La mémoire de ces premiers rois guerriers va être durable et pour certains se transformer en mythe.
L’épopée la plus célèbre est celle du roi-héros sumérien Gilgamesh (v 2700 av JC). « Cet exemple tiré de la culture orale et écrite illustre l’étroit lien qui unit la civilisation le mésopotamienne avec l’idéologie et la pratique de la guerre, qui en est l’un des fondements dès les premiers temps de son existence. Les conditions géopolitiques originales de l’orient qui a vu naître les premiers grands royaumes urbains de l’histoire, l’écriture, l’architecture monumentale, les fortifications et les élaborations techniques aussi variées que la métallurgie et la roue, ont contribué au développement de l’art de la guerre dans toutes ses dimensions, de la conception des armes à la stratégie de l’entraînement au combat rapproché, aux techniques de siège, du recrutement des soldats à la gestion des armées. »
Chaque nouvelle invention, appelle par ailleurs un progrès de la part des adversaires, sous peine de disparaître.
« Si la paix s’appuie sur des concepts archaïques, tels que les alliances matrimoniales et le don / contre don, symbolisant la tradition ancestrale, la guerre créé, dans l’Orient ancien, une dynamique de progrès qui marque l’entrée dans l’histoire. »
Chapitre 3. Guerriers et élite armée, de l’âge du bronze au début de l’âge de fer. Jean-Christophe Couvenhes et Guillaume Gernez.
Les âges des métaux qui débutent avec l’âge du bronze (- 3000 à - 800) sont le cadre de transformations majeures dans l’organisation économique et sociale. Cette période de grandes transformations entraîne de nombreux conflits.
Guerriers et élites armées dans l’Europe protohistorique.
« Les possibilités qualitatives offertes par les métaux (durs, fusibles, malléables) permettent la fabrication d’objets de prestige, d’une part, et l’optimisation de la conception des outils et des armes d’autre part. »
Les mines (cuivre et étain) deviennent rapidement des lieux stratégiques, ce qui entraîne des inégalités entre les populations, mais aussi à l’intérieur des sociétés entre ceux qui contrôlent ces sources et ceux qui ne les contrôlent pas.
« Les données archéologiques (...) font apparaître la figure du guerrier et son évolution, et invitent à une réflexion sur son statut, mettant en lumière un ordre masculin ancré dans la violence. »
Vers 1250 av JC, bataille de la Tollense (nord-est de l’Allemagne) qui aurait opposé environ 4000 combattants faisant 750 morts et de nombreux blessés. Cette bataille aurait opposé deux groupes, l’un local et l’autre étranger, peut-être dans un but d’invasion. Cette bataille ne nous est connue que par les découvertes archéologiques.
« Vers la fin de l’âge du bronze, les cultures diverses se caractérisent toutes par une tendance accrue au développement de l’armement aussi bien offensif (…) que défensif. »
De même augmentation significative durant cette période des sites fortifiés.
« La panoplie des guerriers retrouvée dans les tombes est constituée d’une ou plusieurs lances, d’un poignard au début de l’âge du fer, jusqu’à la généralisation de l’épée celtique à soie, lame droite et deux tranchants, ainsi qu’un bouclier ovale en bois. Si l’armement permet de comprendre les techniques de combat en oeuvre à cette période, les données sont trop rares pour avoir des informations sur les stratégies utilisées qui n’entrent que tardivement dans l’histoire, lorsque le monde nord-alpin entre en confrontation avec le monde romain à la fin du Ier millénaire av J-C. »
Les conquérants mycéniens.
A partir de 1650 av JC, développement de la civilisation mycénienne dans le Péloponnèse. Après de nombreuses razzias les Mycéniens établissent de petites principautés indépendantes dans la Grèce continentale. Ils développent un habitat urbain fortifié. Puis c’est la conquête de la Crête et des îles.
A partir du XIIe siècle av JC, arrivée des « peuples de la mer » qui provoquent une nouvelle période d’instabilité déclenchant les « âges obscurs ».
« Au sein d’un territoire non unifié, des villes telles que Mycènes, Tirynthe, Athènes et Pylos se développent en profitant de l’exploitation maîtrisée d’un territoire contrôlé militairement, ainsi que des échanges avec l’Europe balkanique et centrale d’une part , et avec les pourtours de la Méditerranée orientale d’autre part. Le prestige de l’élite est matérialisé par l’architecture et les décors des palais et par les biens de grande valeur déposés dans les tombes à la suite de cérémonies qu’il est possible de supposer particulièrement ostentatoires . A la tête de chaque ville, un monarque défend les intérêts de son peuple. »
Les guerrier mycénien est équipé de :
- Armes offensives : poignard, longue épée de bronze utilisé d’estoc, longue pique, arc.
- Armes défensives : bouclier en forme de huit. Les protections corporelles sont en cuir.
Vers le XIIIe siècle av JC, diffusion de l’épée de taille qui rend les protections corporelles moins efficaces.
Une aristocratie guerrière.
Importance du char, véhicule léger à deux ou quatre roues, avec plancher et garde-fou, souvent attelé à deux chevaux. Mais ces véhicules sont souvent montés par des personnages importants. Après le réforme hoplitique, il fut peut-être remplacé par la cavalerie montée.
La guerre homérique : rage bestiale, pillage, vengeance et honneur.
Si les historiens ne mettent plus en doute la réalité de la guerre de Troie, « ils sont conscients que la logique de l’épopée n’est pas celle d’un livre d’histoire et que l’intérêt de l’Iliade réside surtout dans les strates de souvenirs des différentes époques qui s’y trouvent. »
« Les âges obscurs » prennent la suite de la civilisation mycénienne antérieure sans que l’on puisse véritablement juger du degré de rupture qu’ont pu constituer les « peuples de la mer » ou bien les « Doriens. »
Le monde uni des Mycéniens évolue vers une différenciation régionale plus marquée. Les communautés rétrécissent et sont dirigées par des chefs aristocratiques et militaires, riches propriétaires.
« Chez Homère, l’action est individuelle et le sort des armes dépend avant tout du duel, sous le regard des deux armées (…) L’armement semble être celui du hoplite, mais le combat est individuel (…) La guerre homérique exalte l’individualité de chaque combattant qui fait montre d’une qualité exceptionnelle pour vaincre : la rage bestiale (lyssa) que les Romains traduisent par furor et qui est cette énergie vitale incontrôlable qui vient prendre la vie de l’adversaire. »
« La guerre apparaît dans toute son ambiguïté, de manière nuancée, avec la force évocatrice que confère la poésie. Elle est l’expression d’une cruauté mi-humaine, mi-sauvage. »
Les autres valeurs de la guerre dans les poèmes homériques :
- Le butin au combat qui apparaît comme un mode naturel d’acquisition.
- La vengeance.
- L’honneur. « Le héros n’existe que dans les yeux et la mémoire de la communauté. Il doit se confirmer aux normes de la guerre : le courage à la guerre est supérieur à toute autre valeur . La mort acquise au combat doit permettre au héros d’acquérir une gloire éternelle, la matière même du chant de l’épopée.
Chapitre 4. Guerre et diplomatie au IIe millénaire av JC. Guillaume Gernez.
A partir du IIe millénaire av JC redistribution politique au Proche-Orient avec l’apparition d’une mosaïque de royaumes.
Attaquer et se défendre à l’époque de Hammurabi.
Dans ces régions qui connaissent une forte croissance urbaine, la construction de forteresses devient essentielle pour assurer la sécurité de ces villes.
« La construction des remparts qui est ainsi l’une des grandes fiertés des rois tout au long de l’histoire de l’Orient ancien et qui en est l’une des principales spécifiés culturelle, témoigne de capacités logistiques liées à la gestion d’un nombre considérable d’individus sur le temps long, et d’une conception élaborée témoignant d’un génie militaire reposant sur des compétences architecturales et mathématiques. Il en va de même par la prise des cités, qui requiert occasionnellement, en plus d’outils d’assaut tels que les béliers et les tours mobiles, l’édification de rampes. »
Les conflits armés ont des causes plus variées et prennent de nombreuses formes :
- Batailles rangées.
- Razzias des bédouins.
- Intrusions étrangères.
- Campagnes longues vers des régions lointaines.
- Siège des cités.
- Destruction des récoltes pour affamer l’ennemi.
« Afin de conjurer l’angoisse des hommes face à une possible issue mortelle d’une bataille et celle du pouvoir face à l’éventualité d’une défaite, de multiples rituels magiques sont utilisés en tout temps et en tout lieu. » Ces pratiques sont censés exprimer la volonté des Dieux et les guerres sont menées en leur nom et suivant leur volonté. Les rituels permettent aussi de s’attirer leurs faveurs. »
Les relations internationales de 1600 à 1180 av JC. Un équilibre instable.
Au XVIe siècle av J-C, changements politiques majeurs. Les États qui existaient précédemment se trouvent sous le contrôle de royaumes parfois qualifiés d’empires.
Les Hyksos qui contrôlaient la Basse Égypte sont chassés à leur tour par les Égyptiens qui utilisent les chars. Ils s’emparent d’une grande partie du Levant.
Les Hittites et leurs alliés augmentent leur zone d’influence en Anatolie (destruction d’Alep et de Babylone en 1595 av J-C)
Ces royaumes interagissent par la diplomatie et la guerre. C’est l’époque où naissent les relations internationales où les rois communiquent d’égal à égal et renforcent leurs liens par des mariages ou des cadeaux.
« Dans ce contexte, les savoir-faire militaires se développent rapidement, à la fois du point de vue technique (armement, ingénierie) logistique (approvisionnements, routes, mobilisation) et stratégique, d’autant que les adaptations au progrès des adversaires sont nécessaires à la survie de chaque royaume. »
La bataille de Qadesh.
À partir du XIVe siècle av J-C, début d’une politique d’expansion des Hittites au Levant au détriment de l’Egypte, ce qui entraîne un conflit entre ces deux grandes puissances.
L’événement le plus célèbre de cette confrontation est la bataille de Qadesh en 1274 av J-C, relatée par de nombreuses inscriptions à la mémoire de Ramses II (1279 - 1213 av J-C). Mais cette bataille n’est connue que par des sources égyptiennes qui sont subjectives.
La cité de Qadesh dans l’actuelle Syrie occupait une position stratégique contrôlant une route nord-sud et une route est-Ouest.
L’armée égyptienne est commandée directement par Ramses II. Elle se compose de 4 divisions de 4000 hommes chacune. Chaque division est aussi dotée de 500 chars tirés par deux chevaux et montés par un cocher et un archer. À cela il faut ajouter des mercenaires shardanes équipés de longues épées et une troupe de ma’arin dont l’origine n’est pas connue. Au total ce sont environ 20.000 hommes qui sont alignés, sans compter le personnel d’appui logistique.
En face le roi Hittites Muwatalli II aligne une armée hétérogène fournie par tout ses rois vassaux. D’après les Égyptiens elle aurait compté 3500 chars et 37.000 fantassins, mais les chiffres semblent avoir été gonflés pour magnifier la victoire de Ramses II.
L’armée égyptienne est surprise juste après le début de son installation, alors qu’elle est encore éparpillée. Deux divisions sont encore loin au sud.
Les Hittites lancent une attaque qui pousse la 1ere division à se replier vers le camp royal où se trouve la 2e division provoquant une certaine panique qui permet aux chars hittites d’encercler la garde royale.
Mais au lieu de profiter de cet avantage, les Hittites perdent du temps à piller le camp égyptien, ce qui permet aux renforts d’arriver et à l’armée égyptienne de se regrouper. Les Hittites sont repoussés vers les rives marécageuses de l’Oronte tandis que d’autres se réfugient dans la cité fortifiée.
Les deuxième jour les combats s’équilibrent entre les deux adversaires.
La bataille s’achève sur une trêve demandée par le roi Hittite et acceptée par Ramses II. En fait cette trêve arrange les deux adversaires.
« La bataille de Qadesh semble donc avant tout, une bataille, sans vainqueur réel, et sans conséquence politique : malgré le retour triomphal de Ramses II, force et de constater que le butin est bien maigre, et que ni Qadesh, ni l’Amuru, ne sont passés sous contrôle égyptien. Les conflits cessent enfin lorsque Hattusli III, usurpateur du trône Hittite trouve en Ramses II, un allié de circonstance, signant avec lui un traité de paix éternelle. Si aucun des deux empires de l’époque ne l’emporta, il y eut toutefois un vainqueur : Ramses II a su profiter de la bataille de Qadesh et de la résistance à l’assaut Hittite pour glorifier son image de roi-guerrier par excellence. »
Les invasions des « Peuples de la mer. »
« A la fin du XIIIe siècle av JC en quelques années l’équilibre politique régional est fragilisé à la suite d’une série d’événements mal compris, connus comme les invasions des « peuples de la mer »
« Dans l’état actuel des connaissances, il semble que des populations incluant nombre d’hommes armés, aient commencé à se déplacer depuis les rives de l’Anatolie et de la mer Egée en direction de l’Egypte, à la fois sur mer et sur terre, en longeant la côte, détruisant cités après cités, royaumes après royaumes. Les motivations de leur départ ne sont pas connues, ni les modalités de leurs oppositions avec les principautés du Levant. En effet l’ampleur des dégâts occasionnés et du bouleversement politique permet de supposer qu’il ne s’agit pas de simples razzias. »
Les peuples de la mer mettent fin en particulier au royaume Hittite en détruisant leur capitale Ougarit.
Les Égyptiens mettent un terme temporaire à l’avance de ces peuples en gaga t la bataille de Djahy, puis lors d’une bataille navale sur le Nil sous le règne de Ramses III (1186 - 1154 av JC)
« Cette victoire ponctuelle n’endigue pourtant pas les mouvements de population et les troubles qui marquent le XIIe siècle av JC et le renouvellement géopolitique du Proche-Orient conduit à l’affaiblissement puis à la dislocation de l’empire égyptien, ce qui marque le retrait de la scène internationale de la dernière grande entité étatique du IIe millénaire. La fragmentation politique et le brassage des populations marquent cette période qui voit se développer les petites principautés néo-hittites, araméennes, cananéennes, phéniciennes et autres sur les ruines des anciens grands royaumes (….). Le seul royaume qui échappe à ce mouvement global en dépit d’un recul lors des invasions araméennes, est l’Assyrie.
Chapitre 5. L’empire nés-assyrien à la conquête du monde Xe au VIIe siècle av JC. Guillaume Gernez.
Au cours de l’époque dite média-assyrienne (1365 - 911 av J-C), le royaume assyrien se développe en Haute-Mésopotamie aux dépens du Mitanni et malgré le fait qu’il soit entouré de puissants royaumes. L’art militaire est la clé principale de cette extension, reposant sur une organisation et un armement varié et sophistiqué .
Le retour des Assyriens.
La clé de voute de cet empire est la guerre. « En effet celle-ci assure la croissance, la cohésion et la survie d’une entité politique dont elle devient l’essence et prend ainsi place au coeur de l’idéologie du pouvoir. »
L’époque néo-assyrienne se divise en 3 périodes :
- Reconquête de 911 à 823 av J-C.
- Crise de 823 à 745 av J-C.
- Empire de 745 à 610 av J-C.
Cette époque est marquée par de très nombreuses expéditions militaires, l’état de guerre devient permanent. Lors de la dernière période, le but n’est autre que la domination universelle du monde.
L’armée assyrienne est particulièrement nombreuse (lors de la bataille de Qarqar en 853 av J-C, elle aligne 75.000 fantassins, 5.000 cavaliers et presque 2000 chars).
Les fantassins sont subdivisés en groupes de 1000, 100, 50 et 10 hommes.
Cette armée compte une partie importante de soldats étrangers.
Une armée tout-terrain.
Avec une politique de conquête particulièrement volontaire, l’armée assyrienne se doit d’être parfaite dans tous les domaines pour dominer ses ennemis qu’elle domine déjà par sa supériorité numérique.
Cette armée est composée de :
- Des frondeurs.
- Des lancers armés de boucliers.
- Des archers.
- De la cavalerie.
- De la charrerie tirée par 3 ou 4 chevaux portant 3 ou 4 hommes (1 conducteur, 1 archer, 1 à 2 porte-boucliers)
Tous les soldats sont armés d’armures faites d’écailles métalliques.
Cette armée est en campagne plusieurs mois par an et capable de se déplacer sur tous les terrains existant. Elle maîtrise parfaitement l’art de la poliorcétique.
Le siège de Lachish, de l’attaque d’une cité à la déportation des habitants.
701 av J-C, expédition assyrienne contre une coalition en jugée dont le roi Ezechias a refusé de payer un tribut.
La représentation de la bataille montre des frondeurs, des archers qui affaiblissent les défenseurs des remparts pendant que le génie édifie des rampes qui permettent d’approcher de lourds véhicules béliers protégés par un toit humidifié en permanence pour l’empêcher de brûler.
A l’issue du combat, si une partie de la population est massacrée, le reste part en déportation. « La déportation des populations est en effet une pratique habituelle de la guerre assyrienne. »
Par contre après cette victoire, l’armée assyrienne probablement affaiblie par une épidémie, échouera à prendre Jérusalem.
Une idéologie de la violence.
« Aucune des civilisations orientales n’a autant incarné la force, la violence et la guerre que l’empire assyrien, dont nous sont parvenus de nombreux bas-reliefs reflétant cette idéologie (…)
Outre l’éloge de la virilité des figures héroïques, c’est la brutalité qui fait figure de norme dans l’idéologie et l’iconographie codifiée des néo-assyriens, instituée en véritable violence d’Etat adaptée et proportionnée aux ennemis présentés dans les récits illustrés avec pour but de marquer les esprits par « sa démesure et son caractère inexorable ». Il s’agit pour les rois assyriens, d’imposer leur domination sans partage, fut-ce en utilisant la peur comme agent psychologique venant s’ajouter à leurs remarquables capacités militaires. »
« Pour toucher durablement les mémoires, tant en s’assurant que les royaumes ennemis choisiraient désormais de payer un tribut pour échapper au massacre les exécutions se déroulaient publiquement parfois même à l’occasion d’une procession triomphale. »
Chapitre 6. L’Inde et la Chine. Omar Coloru, Maxime Petitjean.
La guerre occupe une place importante dans l’histoire de l’Inde, celle-ci produisant beaucoup de traités d’art militaire et d’épopées chantant les exploits des guerriers.
« Certains des ouvrages d’importance fondamentale pour l’histoire militaire ne sont pas datables de l’époque à laquelle ils prétendent avoir été rédigés ; ils sont bien davantage le fruit d’une longue phase d’élaboration et de remaniements, qui a demandé plusieurs siècles de parvenir à une édition définitive. Il est donc nécessaire de confronter les nombreuses sources littéraires à la lumière de données fournies par l’archéologie et d’autres sources documentaires, telles que l’épigraphie et la numismatique. »
Les plus anciens témoignages guerriers du monde indien remontent à la civilisation de l’Indus, développée autour des cités de Mohenjo-Daro et Harappa dont l’apogée se situe entre 2500 et 1800 av J-C.
Les guerriers sont équipés d’arcs avec des flèches à pointe de cuivre ou de bronze, de lances aux pointes à double tranchant d’épées en bronze à double tranchant, de poignards, de masses à tête de pierre de cuivre ou de bronze.
Les villes par ailleurs sont dotées d’une architecture militaire avec des remparts et des tours de défense.
Les débuts de la guerre en Inde.
Nos informations sur cette période sont issues principalement des Veda (connaissance, savoir), collection de textes sacrés en langue sanskritte. Le plus ancien de ces textes le Rgveda (1200 - 900 av J-C) relate des conflits entre guerriers Arya (Les Aryens) et des ennemis à la peau noire et sans nez appelés Dasa et Dasyu.
Ce serait des changements climatiques qui auraient déclenché une série de conflits visant à s’emparer de ressources alimentaires et de territoires plus fertiles. Ces conflits évoqués dans le Rgveda sont essentiellement des raids pour capturer du bétail ou pour le récupérer.
« C’est en conduisant avec succès les opérations et en redistribuant les têtes de bétail parmi ses hommes qu’un chef militaire obtient la légitimation de son pouvoir. Cette conception de la guerre explique pourquoi dans les hymnes védiques on trouve souvent l’épithète de gojit « qui gagne les boeufs » attribué aux héros, et pourquoi le dieu de la guerre, Indra est appelé Gopati « seigneur du bétail ».
Mais le cas de guerres pour dominer un ennemi est aussi avéré.
L’Inde védique face à la guerre.
La force militaire des Aryens repose sur le char de guerre tiré par un cheval et sur l’emploi d’armes en fer.
« Pour mieux comprendre la place de la guerre dans la société védique, il faut comprendre la conception du monde de cette société. A l’origine, il y a la notion de Dharma « loi cosmique » assurant l’ordre éthique et social qui, au niveau personnel, se manifeste dans l’accomplissement pour chaque être humain de son propre devoir. Pour cette raison, on assigne aux hommes des devoirs personnels en classant l’humanité en quatre catégories fonctionnelles (varna « couleur ») : la religion revient aux brahmanes, la guerre et le pouvoir à la caste des guerriers, les kshatriya, alors que les vatsya sont les producteurs (artisans, marchands etc…) et les Sudra, les agriculteurs (…) L’ordre cosmique est parfait, mais il résulte d’actions en confrontation, car ce qui est bien pour un individu peut s’avérer un mal pour un autre : il n’y a aucun bien universel mais plutôt une harmonie de devoirs personnels. De façon un peu paradoxale, le changement est donc l’instrument à travers lequel le Dharma se manifeste. Ainsi selon le contexte, on peut trouver des textes indiens qui invitent à la non-violence et d’autres qui admettent la violence si cela est nécessaire pour l’accomplissement d’un devoir (….) Il existe enfin une dimension rituelle de la mort au combat, parce qu’un guerrier tombé sur le champ, fait un sacrifice de lui-même et s’ouvre une porte sur le ciel. »
L’élément principal de l’armée indienne est l’archer à pied ou sur un char. L’infanterie occupe une place plus marginale et à l’origine les batailles semblent consister en des affrontements entre chars et infanterie. Dans ce cadre le conducteur du char joue un rôle prestigieux parce qu’en assurant de bonnes manoeuvres, il permet au guerrier qu’il conduit de combattre plus efficacement.
La plupart des affrontements reposent sur un duel entre deux guerriers, sans pour autant négliger l’existence de formations tactiques.
Les débuts de l’art militaire chinois.
« Notre connaissance de la civilisation du bronze en Chine dérive largement d’une tradition écrite postérieure, fortement influencée par l’idéologie impériale et contenant des données difficilement utilisables. Les temps les plus reculés correspondent au règne légendaire de l’empereur Jaune (XXVIIIe siècle av J-C), souverain civilisateur, premier des cinq Empereurs (…) L’Empereur Jaune fait la guerre contre ses voisins pour imposer une première forme d’hégémonie régionale dans la plaine centrale, berceau de la civilisation chinoise. »
Mais il est difficile de savoir si les textes racontant ces évènements possèdent un fond de réalité.
« Il est toutefois indéniable que la culture de Longshan (néolithique tardif) dans laquelle s’inscrivent ces références historiques largement légendaires, a vu s’épanouir une société plus hiérarchisée, dans laquelle l’activité guerrière a pu servir de source de prestige à une élite de chefs militaires. Ces chefferies étendent leur domination sur des sites d’habitat groupés, parfois fortifiés, qui concentrent le surplus agricole et la production artisanale.
A l’époque de la dynastie légendante des Xia (v 2200 - 1600 av J-V), début de l’utilisation d’armes en bronze, même si le plus souvent les armes sont encore en pierre.
Les opérations militaires prennent la forme de raids impliquant de petites forces armées.
La dynastie Shang (v 1600 - 1050 av J-C) met fin à la dynastie Xia à la suite des batailles de Mingtiao (v 1600 av J-C). Deux armes offensives dominent au sein de leurs armées :
- L’arc composite réflexe (apparu vers 1200 av J-C) pour le combat à distance.
- La hache poignard pour le corps à corps.
Des chars légers apparaissent vers 1200 av J-C. Ils peuvent servir de véhicules aux officiers d’infanterie ou de plateformes de combat pour les archers.
« L’aristocratie Shang tire son prestige et sa légitimité de l’activité militaire, en participant aux raids régulièrement par les dynastes. Les opérations se limitent à des attaques ponctuelles, mobilisant quelques milliers d’hommes. Il s’agit le plus souvent d’incursions punitives destinées à maintenir les populations vassales dans l’obéissance. »
Mais ces expéditions ont aussi un but prédateur qui permet l’acquisition de butin, de matières premières, mais aussi de prisonniers qui seront aussi sacrifiés aux dieux de la communauté.
Parallèlement des conflits de plus en plus nombreux ont lieu contre les populations semi-nomades de l’ouest, les Qiang qui n’hésitent pas à s’attaquer à l’état Shang lorsque celui-ci marque des signes de faiblesse. « Nous assistons ici aux débuts timides d’un antagonisme séculaire entre la Chine sédentaire et les populations des steppes d’Asie centrale. »
Au cours du XIe siècle av J-C, les Zhou mettent fin à la dynastie Shang. Ils semblent avoir développé une grande maîtrise de la guerre et une puissante charrerie qui leur a permis ces conquêtes.
841 av J-C, guerre civile qui voit la fin des Zhou vaincus par les Quanrong, groupe ethnique apparenté aux Qiang.
L’état Zhou survivra comme une puissance secondaire jusqu’en 256 av J-C
« Tout en présentant de fortes continuités avec les pratiques guerrières de la période Shang, l’art militaire des Zhou connaît quelques évolutions mineures. La hache-poignard s’allonge et commence à être utilisée à deux mains à la manière d’une hallebarde. La conception des chars se perfectionne et les attelages à quatre chevaux se répandent. L’épée fait également son apparition. La mobilisation des forces militaires se fait en fonction d’une stricte hiérarchie féodale, qui impose à chaque état vassal la fourniture d’une certaine quantité d’hommes. »
Les armées Zhou peuvent atteindre jusqu’à 3000 chars et 30.000 fantassins. « Le principe des armées de masse, composées d’une forte proportion de paysans conscrits, commence alors seulement à faire ses preuves. »
Fin