Volume 10. Chapitre 1. De Louis XVIII à Louis-Philippe : La monarchie limitée. (NDL)

Chapitre 1. DE LOUIS XVIII A LOUIS-PHILIPPE : LA MONARCHIE LIMITEE.

 

 

I. LE RETOUR DES ROIS (1815-1830).

 

« Ces années sont celles du retour du roi sur son trône, dans un climat marqué en premier lieu d'incertitudes, de tensions voire de Terreur. »

 

La « drôle de Restauration ». La France vaincue et occupée (avril 1814-mars 1815).

 

En avril 1814, « si les puissances victorieuses ont eu l'intention d’intervenir dans les affaires de la France, leur objectif n'était pas encore clairement défini et ne passait pas forcément par le rétablissement de la monarchie. Ils veulent faire la paix avec Napoléon, s'il accepte leurs conditions, sans lui s'il les refuse. ». Mais « tous veulent une France faible, placée sous la surveillance de l'Europe et s'accordent par défaut sur Louis XVIII, l'héritier légitime du trône de France. »

 

Louis XVIII arrive à Paris le 3 mai 1814. Il a été précédé par le roi de Prusse, le Tsar de Russie, l'empereur d'Autriche. Le traité de Paris ramène la France à ses frontières de 1792. La France est occupée et il règne une grande confusion.

 

- Les Protestants sont menacés dans le Midi.

 

- Le clergé interdit les bals du dimanche, refuse les sacrements aux détenteurs de biens nationaux.

 

- Des paysans refusent de payer l'impôt.

 

Louis XVIII refuse le projet de Constitution rédigé sur les idées de Talleyrand et approuvé par le Sénat. Il fait donc rédiger une charte en 5 jours dans l'urgence. Cette charte a en fait été imposée par les Alliés qui « à leur arrivée dans la capitale, vainqueurs de Napoléon, ont déclaré qu'ils reconnaîtront et garantiront la Constitution que la nation française se donnera. »

 

Ce terme de charte a été choisi avec soin et non par hasard car il ne peut s'agir d'un acte constitutionnel qui impliquerait un accord entre le roi et son peuple, mais « une concession faite librement par un roi à ses sujets, le nom anciennement usité, celui consacré par l'histoire de plusieurs peuples et par le nôtre, est celui de la charte. »

 

Pour Louis XVIII ce terme de charte constitutionnelle s'oppose clairement à l'esprit de la Révolution.

 

Cette charte est octroyée et le principe monarchique est réaffirmé dès l'article 1. D'autre part la prépondérance royale est affirmée par le fait que le roi possède le pouvoir exécutif et le l'initiative des lois.

 

« Le principe démocratique coexiste avec le principe aristocratique dans le mode de nomination des deux Chambres : le Corps Législatif est élu par le pays, tandis que le Sénat est composé de membres héréditaires (….) La Chambre haute pérennise au sein même du principe d'une souveraineté nationale, un principe inégalitaire qui apparaît au mieux comme anachronique. »

 

Par contre la charte ne fixe pas la loi électorale dans ses conditions matérielles et techniques. Elle ne permet pas aussi aux Chambres d'imposer un ministre au roi sans son consentement.

 

Mais « la charte ne remet pas en cause les grands acquis de la Révolution et désormais les Français sont égaux devant la loi, quels que soient leurs titres et leurs rangs. Il en est de même pour la liberté de culte et le code civil qui sont maintenus. Née d'un compromis, texte octroyé en droit, la charte ne peut qu'être source de malentendus. Pour les ultraroyalistes, elle rétablit la prérogative royale, pour les libéraux, la charte est un contrat. D’autres encore la refusent purement et simplement. »

 

Le retour de l'Aigle conduit à une seconde restauration.

 

« Le retour de l'Empire n'est pas seulement un espoir déçu pour ses partisans. Des fédérations se forment aux accents de la Marseillaise dans un esprit républicain. Dans ce contexte, l'une des premières mesures prises par le nouveau régime impérial, l'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire, proposé par Benjamin Constant, déçoit car il s’inspire largement de la charte et n'établit pas le suffrage universel (….) En mai 1815 ce sont 92.000 électeurs qui sont censés participer à l'élection des premiers représentants. »

 

Par contre pour les étrangers, Napoléon reste « le perturbateur » du monde et ils refusent de négocier son retour ce qui conduit au retour de la guerre.

 

Après la défaite de Napoléon « le Congrès de Vienne décide d'une invasion plus rude. Le pays subit l'occupation de plus d'un million de soldats étrangers. Les vaincus d'hier se vengent et la Terreur blanche frappe ceux qui avaient rallié l'Empereur » et ceci malgré les promesses du roi (déclaration de Cambrai du 28 juin 1815 promettant le pardon pour les trahisons et les « égarements des Cent Jours »).

 

Pourtant les premières élections à la Chambre qui se déroulent en août 1815 montrent une profonde acceptation de la Monarchie.

 

Cette nouvelle Chambre compte 55% de nouveau députés en majorité nobles, mais seulement 20% d'émigrés et 30% de ralliés à l'Empire. Dès le début, cette chambre impose des mesures d'épuration (38 préfets, 115 sous-préfets, 31 secrétaires généraux, des policiers, des magistrats, des enseignants, des instituteurs). L'adoption d'une loi de sûreté générale permet de suspendre les libertés. « A l'expression du pardon en 1814 a succédé l'esprit de vengeance » qui inquiète les Alliés ce qui les conduit à imposer un homme pondéré, le duc de Richelieu, à Louis XVIII.

 

« De multiples conflits opposent cette chambre dominée par les Ultras et le ministère plus tolérant. Cette Chambre introuvable est finalement dissoute en septembre 1816, pratique qui marque à la fois le poids de l'exécutif royal et le rôle qu'entend jouer la Chambre. Celle-ci a, pour son crédit, donné une première interprétation de la Charte : celle de l'indépendance et de l'influence du pouvoir législatif face au gouvernement et au roi. »

 

Le temps des doctrinaires.

 

Élection de la nouvelle Chambre en octobre 1816 qui marque un recul des Ultras.

 

La nouvelle majorité que l'on appelle « les doctrinaires », tente dorénavant d'imposer leurs idées au travers de la politique gouvernementale menée par le duc de Richelieu, Decazes, Lainé et Serre. Selon ces « libéraux conservateurs », le roi doit jouer un rôle majeur. Ils sont hostiles à la démocratisation de la vie politique et pour eux la Chambre élue n'est nullement l'expression de la souveraineté du peuple : elle a pour tâche d'informer le roi de l'opinion de la Nation éclairée. Ils sont en revanche favorables à une libéralisation du régime. Celle là repose sur l'égalité civile mais suppose que les droits politiques ne peuvent être accordés qu'à une élite. »

 

Le grand enjeu politique du moment devient la liberté de la Presse.

 

Par contre les doctrinaires veulent moderniser la France et leur référence économique majeure est Colbert. Si la France prohibe les produits anglais, elle leur laisse entrer librement les matières premières nécessaires à son industrie.

 

Ayant des positions politiques changeantes (on parle d'opportunistes ou de cyniques) les doctrinaires sont incapables d'organiser un espace politique cohérent.

 

« Le gouvernement du Centre, de ceux que l'on appelle aussi les « Constitutionnels » est surtout incarné par deux hommes (…) le duc de Richelieu et par Elie Decazes qui incarnent le courant moderniste (….) Mais ils symbolisent aussi cette nouvelle France des notables née de la Révolution ( …) Leur démarche est adossée à un travail plus théorique, visant à substituer aux formules démocratiques de gouvernement héritées de la Révolution (…) une rhétorique du gouvernement par la promotion d'une élite nouvelle appelée « bourgeoisie », « capacités », ou « classes moyennes ».

 

1819. Adoption de la nouvelle loi électorale (loi Lainé) qui établit un corps électoral de 90.000 électeurs composé de moyens propriétaires, de commerçants et de petits industriels. Le corps éligible pour sa part est réduit à 18.000 personnes. La Chambre élue est renouvelable par cinquième tous les ans.

 

II. 1820-1830 : DE LA RESTAURATION A LA REACTION MONARCHIQUE.

 

Novembre 1820, la droite obtient la majorité à la Chambre, ce sont désormais les ultraroyalistes qui dominent (il ne reste que 80 Libéraux sur 430 députés)

 

14 février 1820. Assassinat du duc de Berry fils cadet du comte d'Artois. Son meurtrier, Louvel, est un ancien ouvrier sellier bonapartiste. Il est condamné à mort et exécuté.

 

29 septembre 1820. Naissance du duc de Bordeaux, fils posthume du duc de Berry, héritier de la couronne. Il est « l'enfant du miracle ». La propagande ultra va alors se saisir de cet assassinat pour dénoncer la politique menée par Decazes. Il préfère se retirer dans le Midi où il fonde Decazeville.

 

Après le départ de Decazes, on revient sur les lois de liberté votées les années précédentes avec des lois d’exception et surtout on renforce la loi électorale en instaurant la loi « du double vote ». « Les collèges électoraux sont divisés en deux, collège d'arrondissement et collège de département. Cette loi favorise le quart le plus imposé des électeurs en leur permettant de voter, une première fois, comme tous les électeurs au sein du collège d'arrondissement, puis exclusivement une seconde fois au sein du collège de département, élisant ainsi un autre contingent de députés (…). Le but évident est de favoriser les grands propriétaires terriens. »

 

Les raisons de l'échec de l'expérience libérale : «Le libéralisme manque d'un véritable ancrage dans le pays. Parallèlement se font jour des revendications plus radicales. »

 

Au niveau économique, l'année 1819 marque un tournant. L'arrivée de blés russes sur le marché provoque une chute générale du prix du blé donc une baisse de la rente foncière qui atteint de plein fouet la grande noblesse foncière. Cette crise se traduit au niveau politique par un durcissement du régime de la presse ce qui provoque la disparition de nombreux journaux aussi bien libéraux qu'ultras. Ceux ci sont remplacés par des brochures. Cette situation aboutit en décembre 1821 à la formation du ministère Villèle composé uniquement d'ultras.

 

III. « LE ROI EST MORT ? VIVE LE ROI ! »

 

16 septembre 1824. Décès de Louis XVIII. Il est remplacé par son frère le comte d'Artois qui prend le nom de Charles X. « Si comme chef Ultra il a tendu à faire évoluer le régime dans le sens d'un retour à l'Ancien régime, son arrivée soulève l'optimisme général car ses premières déclarations et mesures sont modérées »

 

17 septembre 1824. Il s'engage à maintenir la Charte et les institutions.

 

22 septembre 1824. Rétablissement de la faculté de Grenoble fermée car jugée trop turbulente.

 

30 septembre 1824. Levée de la censure de la Presse.

 

Mais rapidement on peut distinguer un changement de ton et le 21 novembre 1824, Charles X présente au Conseil une série de projets de lois réactionnaires.

Projet d'indemnisation des émigré. Si ce projet est finalement adopté après de longues discussions, il légalise la vente des Biens nationaux qui ne sont pas restitués à leurs propiétaires. Mais les Emigrés sont indemnisés (le milliard des Emigrés). Le financement se fera pour moitié par la caise d'amortissement et l'autre moitié par l'excédent budgétaire attendu, ou par une conversion des rentes.

Projet sur les communautés religieuses

Projet sur la répression des sacrilèges.

 

29 mai 1825. Cérémonie du Sacre à Reims. Elle « semble renouer avec l'Ancien régime par le retour de pratiques comme le toucher des écrouelles et devient le symbole du retour de l'Eglise dans le gouvernement du pays. »

 

Ces mesures prises mécontentent tout le monde :

Les Libéraux qui y voient une négation de la Révolution.

Les Ultras qui trouvent ces mesures insuffisantes.

 

L'opposition s'organise et cherche à utiliser les rares espaces de liberté qui lui restent. Elle développe aussi de nombreuses sociétés clandestines, en particulier chez les Libéraux.

 

FIN



05/02/2015
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