Volume 9. Chapitre 1. Un pouvoir et une société face à leurs contradictions (1787-1789) (NDL)

CHAPITRE I. UN POUVOIR ET UNE SOCIETE FACE A LEURS CONTRADICTIONS

(1787 - 1789)

 

 

« La France des années 1770-1780 est un royaume dans lequel se sont accumulées des tensions et des contradictions, mais aussi, en corollaire, des espoirs de changement. »

 

 

I. LE POIDS DES TENSIONS SOCIALES.

 

 

Une société fondée sur les inégalités.

 

 

Existence d'une hiérarchie qui repose fondamentalement sur l'inégalité entre les sujets du roi, en particulier grâce à la notion de privilège qui provoque des différences entre les 3 Ordres, mais aussi à l'intérieur même de ces Ordres.

 

Ces privilèges peuvent être de nature très diverses, mais ils opposent surtout la noblesse et le clergé au tiers-état, mais aussi les villes aux campagnes.

 

« Etre privilégié, c'est ainsi profiter d'une liberté ou/et d'un avantage dont sont exclus les autres, or la coupure décisive passe donc ici entre les deux Ordres dits « privilégiés » et le tiers-état qui regroupe quelque 98% des 28 millions de Français. »

 

Mais il existe aussi des inégalités à l'intérieur des Ordres à travers des hiérarchies de fortunes, de mode de vie, d'occupations.

 

Dans le clergé, si la portion congrue pour les curés est de 700 livres, il est rare que les diocèses rapportent moins de 10.000 à 15.000 livres à leurs titulaires (400.000 livres pour Strasbourg, 200.000 livres pour Paris).

 

« Néanmoins, on ne peut se contenter d'opposer de façon simpliste de telles sommes ou montant, en comparaison dérisoire, de la portion congrue. D'une part de nombreuses cures sont pourvues d'un bénéfice (un bien d'église attribué pour l'exercice de la fonction curiale) ; aussi les curés les mieux pourvus perçoivent-ils plusieurs milliers de livres et certains obtiennent même plus de 10.000 livres, soit ce que peut rapporter un siège épiscopal de faible importance. D'autre part sans même évoquer les autres sources de revenus possible pour les curés (notamment le casuel), il convient d'ajouter que le clergé paroissial est surtout issu des couches moyennes de la société, ce qui implique souvent un minimum de biens personnels et donc une distinction à faire entre revenu de la cure e revenu de son desservant. »

 

Dans la noblesse. Elle représente environ 1% de la population du royaume mais occupe la majorité des postes clefs du pouvoir. Dans les campagnes, le système de la seigneurie lui permet là aussi d'exercer un important pouvoir. Elle possède environ 20% de la richesse du royaume. Mais il existe une coupure importante entre « nobles anciens » et « nobles récents ».

 

« Les rencontres entre élites nobiliaire et bourgeoise, déjà usuelles par le biais des mariages, se font par la culture, dans les lieux de sociabilité, mais aussi dans le monde des affaires auquel de nombreux nobles n'hésitent pas à se mêler par l'apport de capitaux. »

 

Dans le tiers-état. C'est l'Ordre où les inégalités sont les plus importantes. « Derrière la réalité des Ordres et les diverses solidarités horizontales (communautés, corporations, etc...) apparaissent en effet des structures de classes naissantes qui séparent nettement les différents groupes de la bourgeoisie du reste du tiers-état. (….) Il existe des différences considérables dans les activités et naturellement dans les revenus à l'intérieur même de cette bourgeoisie. (…) Mais ce qui rassemble les élites du tiers-état est, d'une part, d'occuper une position dominante dans les rapports de force économiques et sociaux, notamment grâce à la détention d'importantes propriétés privées, d'autre part, d'être tout à la fois soucieux d'éviter les agitations populaires et de plaider pour une reconnaissance sociale qui les transforme en notables de plein exercice. »

 

Pour les députés du tiers-état aux États généraux, le revenu médian est estimé à 7000 livres (8 fois moins que les nobles) et il n'y a aucun représentant des milieux populaires.

 

 

 

 

La « rébellion française » ou le révélateur d'un pays en crise.

 

 

« Le XVIIIe siècle ne saurait être tenu pour une période de relatif calme social après les grandes révoltes populaires qui ont disparu au mieux à partir des années 1680. »

 

L'historien Jean Nicolas a recensé 8500 « émotions populaires » entre 1660 et mai 1789 dont 40% entre 1765 et 1789, dont 310 pour les 4 premiers mois de 1789. Les espaces urbains qui ne rassemblent que 15% des Français regroupent 40% des mouvements avec à chaque fois un nombre important de participants.

 

Pour les causes, plus de 50% touchent au fonctionnement de l'Etat et/ou à ses représentants dont 39% concernent le problème du fisc, particulièrement les impôts indirects.

 

L'un des symboles forts de cette impopularité des impôts indirects est le nouveau mur d'enceinte de Paris dit le « mur des fermiers généraux » destiné à lutter contre la fraude fiscale (le mur murant Paris qui rend Paris murmurant).

 

Les émeutes de subsistance représentent 18% et les émeutes pour le pain ne doivent pas être minorées dans les causes de 1789. En effet les femmes sont toujours présentes dans les émeutes et avoir accès au pain quotidien constitue leur première revendication.

 

La dernière source majeure de conflit regroupe les différentes luttes contre les seigneuries.

 

« La notion de « réaction seigneuriale », autrefois admise, a été contestée par les historiens. Néanmoins force est de constater qu'un des motifs de mécontentement des ruraux réside dans l'activité des feudistes engagés par les seigneurs pour rénover leurs terriers. En effet même si le plus souvent cette activité n'aboutit pas à un accroissement des droits exigés par le seigneur, l'irritation des ruraux est réelle face à l'insécurité que produit cette rénovation, au soupçon qui pèse sur eux et enfin au risque de frais judiciaires ultérieurs. »

 

« Deux conclusions doivent être ici tirées du livre de Jean Nicolas. D'une part les Français n'ont pas attendu de découvrir les écrits des Lumières ou l'exemple de la révolution américaine pour agir au nom de ce qu'ils estimaient être leurs droits, aussi ne faut-il pas donner une importance trop excessive aux hommes de plume, tout au moins dans l'effervescence sociale des années 1780 (..) D'autre part si l'impuissance de la monarchie à mettre en œuvre des réformes pour surmonter notamment la crise financière, est décisive, elle ne peut faire oublier cette composante populaire des origines d'une révolution qui ne peut dès lors être considérée comme un événement lié à des causes purement politiques, à fortiori comme une rupture qui n'aurait (….) pas à proprement parler d'origines. »

 

 

II. LES ULTIMES TENTATIVES DE REFORME AVORTEES .

 

 

Les impôts et l'administration provinciale au cœur des projets de réforme.

 

 

Le pouvoir en 1787 est très affaibli mais tente tout de même de réformer certaines structures de l'Etat. La crise financière semble insoluble si les privilèges du Clergé et de la Noblesse ne sont pas remis en cause (la guerre d'Indépendance américaine a coûté 2 milliards de livres en 5 ans, soit l'équivalent des dépenses de la guerre de 7 ans).

 

« Ce que la question financière fait surgir au grand jour, ce sont toutes les contradictions du régime et de la société, l'inadaptation d'un Etat inachevé, les contestations de l'aristocratie, les frémissements d'une opinion publique façonnée fut-ce de manière partielle, par les Lumières. Et à ce jeu, l'image royale et plus encore celle de son entourage ne peuvent assurer à Louis XVI un soutien sans faille des Français (…). La désacralisation du roi est en marche bien avant son arrivée sur le trône, au gré notamment de la contestation janséniste au temps de Louis XV et de certains écrits des philosophes. Toutefois, il convient de ne pas exagérer l'influence de ces derniers (…) Le point de convergence fondamental des Lumières réside dans l'idée qu'un œil critique doit être porté sur le monde et que celui ci, loin d'être idéal, doit être l'objet de réformes. »

 

Le développement des imprimés contribue pour sa part à la naissance d'une opinion publique « qui entend raisonner sur tout, y compris les affaires de l'Etat. »

 

Par ailleurs la Cour souffre d'une très mauvaise image, en particulier à cause du luxe déployé et de la corruption.

 

 

1787. Nouvelle tentative de réforme, concomitante, de l'administration provinciale et de la fiscalité. « Au centre de la première, les intendants, souvent présentés comme des « hommes du roi » (ce qu'ils ne sont pourtant pas) et des tyranneaux (qu'ils sont encore moins), sont mis en cause par tous ceux qui souhaitent restructurer l'administration provinciale. ». C'est parce qu'ils sont des rouages essentiels de l'Etat qu'ils sont autant critiqués. Ce sont le plus souvent des hommes éclairés soucieux du bon développement du territoire qui leur est confié. C'est aussi une manière de déplacer le problème de fond de la répartition de l'impôt vers des problèmes de forme (en particulier préserver les privilèges fiscaux).

 

1786. Le contrôleur général des finances, Calonne, convoque une assemblée des notables pour janvier 1787 afin de proposer un plan de réforme des finances. « Ce type d'assemblée est, comme les Etats généraux, une ancienne institution tombée en désuétude depuis longtemps que le roi réunit pour examiner des projets de reforme sans recourir à la formule, plus lourde à lettre en place, des Etats généraux. ». (plus convoqués depuis 1626).

 

 

L'Assemblée des notables, une tentative pour éviter l'hostilité des Parlements.

 

 

La nouvelle assemblée se réunit à Versailles le 22 février 1787. Elle compte 144 membres nommés par le roi majoritairement dans les deux premiers Ordres.

 

Dans sa réforme Calonne propose une réorganisation administrative sur 3 niveaux (paroisse, district, province) dont les membres seraient lus par un suffrage restreint aux propriétaires sans tenir compte des ordres. La principale fonction de ces assemblées serait de répartir les impôts avec allègement de la taille, remplacement de la corvée royale par un impôt en argent, une uniformisation de la gabelle, le remplacement du vingtième par une subvention territoriale proportionnelle au revenu foncier et pesant sur toutes les terres. Les châteaux, parcs, enclos, maisons de plaisance seraient imposés. L'assemblée refuse les principales mesures et Calonne est congédié par le roi. Il est remplacé par Loménie de Brienne, meneur de l'opposition à Calonne. Celui ci se contente de reprendre les projets de Calonne en les modifiant légèrement. C'est de nouveau un échec. L'assemblée des notables est renvoyée le 25 mai 1787.

 

22 juin 1787. Création de 3 niveaux d'assemblées.

  • Assemblées municipales avec une assemblée par paroisse sauf dans les villes ou le système existant persiste. Les membres sont élus sauf le seigneur et le curé qui sont membres d'office. Il faut payer 10 livres de taille pour être électeur et 30 livres pour être éligible.

  • Assemblées de district composées de 16 à 24 membres élus par les Assemblées municipales.

  • Assemblées provinciales qui ne coïncident pas forcément avec les provinces et recoupent en fait la division par généralités. Elles comprennent de 28 à 50 membres élus par les assemblées inférieures.

 

Ces assemblées ne sont mises en place que dans la moitié des généralités. Elles se réunissent pour la première fois en novembre 1787, mais l'annonce de la réunion des Etats généraux pousse Necker à mettre fin à l'expérience.

 

D'autres réformes.

 

  • 28 novembre 1787. Reconnaissance de l'existence civile des non catholiques.

 

  • 1er mai 1788. Abolition de la question préalable (torture).

 

Par contre pas de réformes dans le domaine le plus sensible, c'est-à-dire le domaine fiscal.

 

« L'aristocratie parlementaire a soin de se présenter devant l'opinion publique comme soucieuse de défendre les libertés contre le « despotisme ministériel » et la prétention de créer un nouvel impôt, et non bien sûr comme des partisans d'un maintien de l'inégalité fiscale. Par leur large diffusion, les « remontrances » du parlement de Paris deviennent de facto de véritables pamphlets, puis elles contribuent fortement à jeter sur la place publique des débats supposés secrets et contiennent des critiques contre le pouvoir royal vite transformées en mot d'ordre. Aussi, loin d'être simplement un énieme épisode dans les rapports conflictuels entre le pouvoir royal et les parlements, dont a retenti tout le 18e siècle, l'été 1787 est le début d'une fronde aristocratique appelée à jouer un rôle moteur dans le déclenchement de la Révolution. »

 

 

III. DE LA FRONDE DES PARLEMENTS AUX ETATS GENERAUX.

 

 

L'impasse (été 1787 – été 1788).

 

 

2 juillet 1787, au parlement de Paris, seules 3 voix dont celles des deux frères du roi se prononcent pour la création du nouveau droit de timbre.

 

26 juillet 1787. Le parlement de Paris présente au roi des remontrances dans lesquelles il exige le retrait du projet de droit de timbre et la convocation des Etats généraux.

 

6 août 1787. Lit de justice royal imposant l'enregistrement du droit de timbre.

 

15 août 1787. Les parlementaires sont exilés à Troyes.

 

2 septembre 1787. Un arrêt du conseil royal casse tous les arrêtés pris par le parlement pour s'opposer aux projets de Loménie de Brienne.

 

C'est le début de longs mois d'affrontements entre la volonté royale et les magistrats soutenus par plusieurs parlements provinciaux qui se posent désormais en champions de la lutte contre « l'absolutisme » et en appellent à l'opinion publique.

 

« Peu à peu se dessinent les contours d'un « parti patriote », une sorte de nébuleuse rassemblant des individus qui partagent sinon un ensemble précis d'idées politiques, à tout le moins une volonté de voir le pays connaître des réformes profondes. Ces « patriotes », qui s'inspirent notamment de l'exemple américain se rassemblent dans divers salons et « sociétés » de pensées, souvent liés par des participations communes de leurs membres à la philanthropie et à la franc-maçonnerie. » (février 1788, fondation à Paris de la Société des Amis des Noirs, création du « parti des Nationaux » par Duport membre de la noblesse parlementaire.

 

3 mai 1788. Arrêt du parlement de Paris où le parlement se présente comme l'intermédiaire entre le roi et ses sujets, le garant des lois fondamentales, l'élément d'un parlement unique qui rassemblerait celui de Paris et ceux des provinces. Il dénonce aussi par avance un éventuel coup de force dont il serait victime. Il appelle une nouvelle fois à la réunion des Etats généraux.

 

6 mai 1788. Arrestation des meneurs du parlement de Paris, Duval d'Eprémenil et Goislard de Montsabert.

 

8 mai 1788. Nouveau lit de justice à Versailles où est présentée la réforme conçue par le garde des Sceaux Lamoignon pour briser l'influence des parlements. Désormais le droit d'enregistrer édits et ordonnances est retiré aux parlements au profit d'une unique cour nommée cour plénière. Ils sont réduits à leurs attributions judiciaires qui sont restreintes par la création de nouveaux tribunaux nommés grand bailliage. Dans l'attente de la mise en application de la réforme, les parlements sont mis en vacance.

 

Ces atteintes aux droits du parlement vont provoquer, en province, de vives contestations, voire des manifestations de soutien aux parlementaires et la demande de réunion des Etats généraux.

 

7 juin 1788. Journée des tuiles à Grenoble. Pour empêcher l'exil des Parlementaires, des émeutiers lancent des tuiles sur la troupe depuis les toits.

 

9 juin 1788. Lettre du parlement du Dauphiné pour demander au roi de mettre fin à la crise et de convoquer les Etats généraux. « Le mouvement conduit à une réunion des trois ordres du Dauphiné à Vizille, près de Grenoble, à l'instigation de Mounier et Barnave. L'assemblée de Vizille, légitimée par elle seule, réunissant le 21 juillet 1788 près de 500 représentants des trois ordres, réclame la réintégration des parlementaires dans leurs anciens droits, la convocation des Etats provinciaux du Dauphiné et surtout celle des Etats généraux (…) L'assemblée de Vizille, par les discours qui s'y tiennent, ne saurait être tenue pour une simple réunion provinciale, dans la mesure où c'est la nation tout entière qui y est appelée à rejoindre les positions des Dauphinois. »

 

Finalement les projets de réforme sont abandonnés et dès le 5 juillet le roi commence à faire faire des recherches sur les anciens Etats généraux.

 

8 août 1788. Le roi fait annoncer la réunion des Etats généraux pour le 1er mai 1789.

 

16 août 1788. Annonce de la suspension, pour 6 semaines, des paiements de l'Etat, ce qui revient à une banqueroute de fait.

 

25 août 1788. Démission de Loménie de Brienne remplacé par Necker.

 

 

Le temps des doléances.

 

 

« Convoquer les Etats généraux (…) c'est surtout donner à l'entrée en politique des Français, un caractère massif par le biais des discussions en assemblées et de la rédaction des cahiers de doléances, c'est aussi offrir aux sujets du roi, une représentation politique beaucoup plus large que celle de 1614 (…) Le royaume entre en ébullition politique et ceux qui se font appeler « Patriotes » en référence aux révolutionnaires américains et bataves concentrent vite leurs interventions sur deux questions cruciales. D'une part ils réclament le doublement de la représentation du tiers-état avec son corollaire le vote par tête (…). D'autre part est exigée leur réunion régulière afin qu'ils représentent la nation, ce qui de facto ne manquerait pas de changer leur nature. »

 

23 septembre 1788. Le parlement de Paris qui se prétendait le défenseur des libertés lève le masque en se prononçant contre le doublement du Tiers et pour le vote par ordre. « L'apparent front commun constitué jusque là, tacitement du moins, entre l'aristocratie parlementaire et les Patriotes du Tiers en sort brisé, de même que l'espoir qu'avaient les parlementaires de voir la noblesse dicter leur conduite au roi et à ses ministres dans le cadre d'une monarchie renforce. Désormais, une partie de la prose pamphlétaire ne va plus faire dans la nuance pour dénoncer la noblesse comme une identité aussi homogène que détestable, ignorant en cela ses hiérarchies internes, mais aussi les divisions d'opinions qui la traversent et distinguent les libéraux des plus intransigeants. »

 

27 décembre 1788. Le roi accorde le doublement du Tiers-état, mais se ne se prononce pas sur le vote par tête.

 

Mars-avril 1789. Dans tout le royaume, tenue des réunions pour élire les députés aux États-généraux (règlement électoral du 24 janvier) et préparer la rédaction des cahiers de doléances.

 

Mais le contexte est troublée par de nombreuses révoltes éclatent, provoquées par une hausse des prix causée par de mauvaises conditions climatiques, mais aussi par la spéculation de ceux qui possèdent des réserves. « Les troubles de subsistance (…) se multiplient dans l'automne et en hiver, puis se transforment en une première lame de fond au cours des premiers mois de 1789. »

 

27-28 avril 1789. Au moins 3000 émeutiers saccagent à Paris la manufacture Réveillon. La répression menée par la troupe fait plusieurs centaines de morts et de blessés.

 

« La préparation des Etats généraux a donc bien lieu sur fond de crise économique et sociale, de luttes pour le droit à l'existence, de mouvements anti-seigneuriaux, de conflits salariaux, ce qui contribue à donner à la révolution française sa spécificité de révolution sociale et pas seulement politique. »

 

En moyenne 30 à 40% des chefs de feu participent aux élections mais avec des écarts qui varient de 10 à 100% pour un même bailliage.

 

« La circulation des idées ne se fait pas en sens unique, du haut vers le bas et les (…) cahiers modèles ne sont pas imités de manière servile. Ils sont discutés et amendés, avec des emprunts très sélectifs. S'ils contribuent certes à modeler l'opinion, ils ne la créent pas et ne parviennent pas, a fortiori, à confisquer la parole populaire. Quant à l'influence des élites locales dans la direction des débats, elle est loin d'être systématique. »

 

Mais dans le Tiers-état le « scrutin à plusieurs degrés pour élire les députés explique que les voix populaires ne parviennent à Versailles qu'à travers de multiples filtres, ainsi que la faible présence des travailleurs de la terre parmi les députés envoyés à Versailles (environ une quarantaine de « paysans » cossus, soit quelque 3% des députés, là où ils représentent les trois quarts des Français. »

 

Ces cahiers ne sont pas révolutionnaires au sens strict du mot et ne sont même pas tous audacieux. Par contre certains témoignent d'une certaine forme de pénétration de l'esprit des Lumières dans le Tiers-état (en particulier l'égalité devant l'impôt, l'aspiration à l'égalité, à « être maître chez soi », liberté qui mêle individualisme et solidarités communautaires). « Ils témoignent enfin de la fermeté des doléances lorsque le temps du simple constat et des humbles suppliques au roi protecteur sont remplacées par des verbes qui ne laissent guère de place au doute (demander, vouloir, réclamer) ».

 

« Les cahiers de doléances, s'ils n'annoncent pas l'explosion de l'été 1789, sont bien le reflet de l'opinion à un moment donné et l'expression d'une nouvelle culture politique en train de se diffuser. C'est l'échec des réformes de 1787-1788 (et des années précédentes) qui a fait naître ces cahiers sans lesquels les doléances n'auraient jamais été rédigées avec une telle ampleur, ce sont les impasses politiques et sociales qui en constituent le fondement. »

 

« Cette Révolution française est bel et bien le fruit de la conjonction de révoltes, quels que soient les termes que l'on utilise pour les désigner (…) et de diverses résistances au pouvoir royal. »

 

« Il convient de souligner qu'une révolution en France, le royaume alors le plus peuplé et le plus puissant, ne pouvait qu'avoir des conséquences infiniment plus graves qu'un bouleversement dans des colonies ou dans des Etats de moindre importance. » (par rapport à la notion de Révolution atlantique de la fin du XVIIIe siècle qui aurait débuté aux Etats-Unis)

 

« Nul au printemps 1789 ne pouvait prévoir l'ampleur du séisme politique et social déclenché quelques mois plus tard, sa durée et sa radicalité. »

 



11/10/2016
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