Winter (J). Volume 1 Chapitre 6. 1918. Fin de partie (NDL)

CHAPITRE 6. 1918 : Fin de partie. 

 

 

Christoph Mick. 

 

 

Introduction.

 

3 mars 1918.Signature à Brest-Litovsk d'un traité de paix avec la Russie soviétique qui entérine la victoire des Puissances centrales sur le front de l'Est. 

 

« Ludendorff partageait les visées impérialistes de certains militaires, hommes politiques et membres de l'élite économique, et il voulait exploiter au maximum l'effondrement de l'Empire russe et le vide politique créé pour étendre les frontières, développer la colonisation et assurer la domination allemande sur l'Europe orientale dans un avenir prévisible. Ces plans engageaient environ 1 million de soldats allemands aux confins occidentaux de l'Empire russe. Ils avaient pour but de contrôler et exploiter le territoire occupé, mais aussi, ce qui n'était pas le moindre des objectifs, envisager des incursions ultérieures en Crimée et dans le Caucase. Les ambitions germaniques et la situation instable qui prévalait dans l'ancien Empire russe empêchaient ainsi que toute la puissance militaire allemande fut dirigée sur le front de l'Ouest. La gestion du temps était également essentielle. Les États-Unis avaient déclaré la guerre à l'Allemagne en avril 1917, mais l’armée américaine était restreinte et loin d'être prête au combat. »

 

Objectifs de guerre et traités de paix

 

8 janvier 1918. Le président Wilson présente ses 14 points sur la future paix devant le Congrès américain. L'un des principes sous-tendant son discours était le droit à l'autodétermination de toutes les nations, ce qui était en contradiction avec d'autres points. 

 

En Russie, la priorité du gouvernement révolutionnaire de Lénine était de rester au pouvoir et de propager la révolution dans le monde. Il publie le 8 novembre 1917, le décret sur la paix qui appelait « tous les peuples en guerre et leurs gouvernements à entamer immédiatement des pourparlers en vue d'une paix démocratique. » Cet appel débouche sur un armistice avec l'Allemagne le 15 décembre 1917 et le début de négociations pour la signature de la paix. Le 9 février 1918, Trotski chef de la délégation russe quitte la table des négociations sans signer de traité car il était confronté à un dilemme. Lénine qui commandait le gouvernement voulait signer le traité, tandis qu'une opposition dirigée par Boukharine voulait engager une guerre révolutionnaire persuadé d'un soulèvement en Allemagne. « Trotski l'emporta grâce à sa formule « ni guerre ni paix ». Il cherchait à gagner du temps et espérait que les commandants allemands n'oseraient progresser de crainte de déclencher une révolte des ouvriers pro-bolcheviks en Allemagne ou même une rébellion des soldats du rang. » 

 

Dans la délégation allemande il existe aussi des tensions entre le général Max Hoffmann chef d'état-major des armées allemandes sur le front de l'Est qui voulait des conditions de paix plus souple afin de laisser la porte ouverte à une future alliance avec la Russie et le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Richard von Kühlmann qui voulait une reprise des combats pour forcer les Russes à signer la paix. 

 

Finalement Kühlmann obtient gain de cause et les hostilités reprennent 12 février. Les troupes allemandes rencontrent très peu de résistance et progressent rapidement forçant Lénine à reprendre les négociations et à signer la paix le 3 mars. Les conditions sont plus dures que les précédentes. 

    • Perte de la plus grande partie des régions occidentales non russes (Pologne et Finlande) soit 1.300.000 km² , 25% de sa population et 25% de son industrie.

    • Renonciation à toute revendication territoriale sur la Finlande, la Pologne, la Lituanie, la Courlande et l'Ukraine. 

    • Occupation par des troupes allemandes de La Livonie et de l'Estonie qui font encore partie de la Russie. 

    • Attribution à l'Empire Ottoman des territoires perdus lors de la guerre russo-turque de 1878. 

    • Acceptation de l'indépendance de la Transcaucasie. 

       

En Allemagne, le Parti social-démocrate allemand (SPD) émet des critiques contre ce traité jugé trop impérialiste, mais ne peut se résoudre à voter contre et s'abstient. Seul le Parti social-démocrate indépendant (USPD) qui a quitté le SPD en avril 1917 vote contre. 

 

« La défaite de l'Empire russe était une condition préalable de l'indépendance d'une demi-douzaine de nations. La Russie soviétique perdit des territoires où la majorité des habitants n'étaient pas disposés à faire partie d'un Etat russe, et ce quel que soit le type de gouvernement. Une Russie non bolchevique aurait pu séduire la minorité russe de cette région, peut-être même certains Biélorusses et Ukrainiens, mais elle n'avait aucun attrait pour les Polonais, les Lituaniens, les Finlandais, les Estoniens et les Lettons. En 1918, les élites politiques de ces nations sans Etat ne se satisfaisaient plus d'une autonomie au sein d'une Russie réformée ; elles aspiraient à l'indépendance. »

 

« l'Ukraine est un excellent exemple de la nature improvisée des politiques allemandes et autrichiennes en Europe orientale. L'occupation de l'Ukraine ne relevait pas d'un plan prémédité, mais d'une suite d’événements dans lesquels les Puissances centrales s'étaient retrouvées impliquées un peu malgré elles. En janvier et février 1918, les gardes rouges russes et ukrainiens essayèrent de renverser le gouvernement ukrainien, tandis qu'une délégation de la Rada négociait un traité de paix séparé avec les Puissances centrales. Celui-ci fut signé le 9 février 1918,au lendemain de la prise de Kiev par les gardes rouges. En échange de nourriture, de céréales en particulier, les Puissances centrales promirent une aide militaire. Elles divisèrent l'Ukraine en deux zones d'influences et occupèrent le pays avec environ 450.000 hommes. Les gardes rouges durent battre en retraite. Le 28 avril 1918, l'Ober Ost s'ingéra dans la politique intérieure de l'Ukraine et remplaça la Rada impuissante par le Hetman Pavlo Skoropadsky, dont le pouvoir dictatorial dépendait entièrement du soutien militaire des Allemands et Autrichiens. (…) Pour la population multiethnique du pays (Ukrainiens, Russes, Juifs, Polonais, etc...), l'occupation avait un caractère ambivalent. Dans une certaine mesure, elle restaurait l'ordre et protégeait le pays d'une invasion de la Russie soviétique ou d'un coup d'Etat bolchevique, mais la population, qui, dans un premier temps avait bien accueilli les soldats allemands et autrichiens se montra vite mécontente de l'occupation. Les occupants ne pouvant prendre appui sur les structures administratives existantes, le transfert des ressources devaient être organisé par les soldats. Les troupes assuraient leur subsistance aux dépens du pays et essayaient d'extraire le plus de ressources possible (de la nourriture en particulier) de l'Ukraine. Cela entraîna des soulèvements locaux qui furent réprimés par les troupes allemandes et autrichiennes aggravant encore le mécontentement» 

 

7 mai 1918. Traité de paix de Bucarest entre les Puissances centrales et la Roumanie. 

    • La Bulgarie reçoit la Dobroudja du Sud et une partie de la Dobroudja du Nord, le reste de la province étant placé sous administration conjointe de la Roumanie et de la Bulgarie.

    • L'Autriche-Hongrie reçoit le contrôle des cols des Carpates. 

    • La Roumanie doit louer ses puits de pétrole à l'Allemagne pour 90 ans et accepter l'occupation pour une période indéfinie.

    • Par contre les Puissances centrales reconnaissent son union avec la Bessarabie ancienne possession de l'Empire russe. 

 

25 septembre 1918. La Bulgarie qui exigeait le contrôle total de la Dobroudja obtient gain de cause.

 

27 août 1918. Amendement du traité de Brest-Litovsk par le traité de Berlin. « Ce dernier reflétait l'idéologie du Parti de la patrie allemande et ne tenait aucun compte des opinions plus modérées qui s’exprimaient en Allemagne. La Russie soviétique devait renoncer à toute prétention sur la région de la Baltique, reconnaître l'indépendance de la Géorgie, livrer toutes ses réserves d'or à l'Allemagne et verser 5 milliards de marks de dédommagement. L'Allemagne obtint également le droit d'exploiter les mines de charbon du bassin du Donetsk. »

 

« Les traités de Berlin et de Bucarest montraient à quoi aurait ressemblé le monde selon les élites allemandes au pouvoir. En définitive, même le parlement allemand en eut assez de cet impérialisme hasardeux, désormais flagrant, et il vota contre le traité de Berlin. »

 

L'offensive du printemps.

 

Entre novembre 1917 et l'offensive du 21 mars 1918, arrivée de 44 divisions allemandes en Belgique et en France. Mais pour surveiller les Bolcheviks qui auraient pu reprendre le combat contre les Allemands, Ludendorff avait laissé presque 1.500.000 hommes à l'Est (mais aussi pour occuper certains territoires comme l'Ukraine). 

 

Le 21 mars 1918, les Allemands disposaient donc de 191 divisions contre 175 divisions alliées, mais ces divisions comptaient moins d'hommes. Il y avait donc environ 4 millions d'hommes de chaque côté. Par contre les Allemands avaient plus d'artillerie. « Ce n'était pas suffisant pour lancer une offensive à grande échelle, mais permettait à l'OHL de concentrer les troupes et la puissance de feu sur certains secteurs du front sans affaiblir le reste. L'élément de surprise était donc crucial. »

 

Les Allemands avaient mis au point une nouvelle tactique de combat. « Peu de temps avant l'assaut de l'infanterie, on tirait des obus de gaz lacrymogènes et toxiques (moutarde, phosgène et diphosgène) et commençait alors un barrage roulant dont le but n'était pas de détruire les positions ennemies, mais de les prendre par surprise. Ludendorff concentrait les meilleurs soldats dans des sections d'assaut (Sturmtruppen). Constituées de petites unités de six à neuf hommes, celles-ci avançaient le plus vite possible derrière les barrages roulants sans se soucier d'anéantir chaque position fortifiée de l'ennemi. Leur objectif était d'atteindre les positions d'artillerie et le quartier général, puis de couper les lignes de communication, ce qui avait pour effet de provoquer désordre et confusion au sein des défenseurs. Des troupes mobiles, des bataillons d'infanterie équipés de mitrailleuses légères, de mortiers et de lance-flammes suivaient et détruisaient alors les bastions de l'ennemi. Pour finir on avait recours à l'infanterie ordinaire qui nettoyait toute poche de résistance. A l'arrière les troupes moins aguerries tenaient les tranchées et repoussaient les contre-attaques, tandis que progressaient les troupes d'assaut et les sections mobiles. »

 

Pensant que le moral des Britanniques était au plus bas après l'échec des offensives de 1917, Ludendorff décida d’attaquer le BEF qui par ailleurs connaissait des problèmes d'effectifs. Il décida donc d'attaquer en Picardie entre Arras et Saint-Quentin (opération Michaël). Pour cela il concentra, sur un front d'une centaine de kilomètres 3 armées allemandes : 67 divisions, 6608 canons (presque 50% de l'artillerie du front de l'Ouest), 3354 mortiers, 1070 avions. En face les Anglais ne disposaient que de 2500 canons, 1400 mortiers et 579 avions. 

 

« D'un point de vue tactique et opérationnel, le plan était bien conçu, mais pour gagner la guerre une vision stratégique était nécessaire. Il devint évident que cette vision stratégique restait « floue » lorsque Rupprecht contesta le projet de Ludendorff d'attaquer sur la Somme. Interrogé par le prince héritier sur son objectif stratégique, Ludendorff fit référence à l'expérience qu'il avait du front de l'Est : attaquer, trouver les points vulnérables, profiter de l'impulsion et enfoncer les lignes. Cela donnait à l'offensive un haut degré de flexibilité, mais le défaut inhérent à ce plan était que l'attaque pouvait se scinder en de multiples percées sans parvenir à une victoire décisive. » 

 

21 mars 1918. A 4h40 début de l'opération Michaëlpar une préparation d'artillerie de 5 heures. 

    • Face à la 3e armée britannique qui s'accroche à la crête de Vimy, les Allemands progressent difficilement avec de lourdes pertes.

    • Face à la 5e armée britannique (12 divisions et 976 canons), les Allemands (43 divisions et 2508 canons) la percée est réalisée. Le premier jour de l'offensive les Anglais perdent 38.512 hommes (dont 21.000 prisonniers). Mais les Allemands perdent 40.000 hommes. 

 

Dans les jours suivants, Ludendorff change son plan et au lieu de faire avancer ses troupes vers le nord-ouest, les fait obliquer vers le sud et le sud-ouest pour se tourner contre les forces françaises. 

 

26 mars 1918.Devant l'urgence de la situation, le général Foch reçoit pour mission de coordonner l'action des armées britanniques et françaises. Le 3 avril, son mandat est élargi au corps expéditionnaire américain. « Foch devint le commandant en chef (généralissime), d'abord pour le front occidental et plus tard pour l'ensemble des forces alliées. »

 

31 mars 1918.21 divisions françaises sont en appui du BEF et aident à stabiliser les 60 km de front entre la Somme et l'Oise. 

 

« L'opération Michaël avait causé 177.739 pertes chez les Britanniques, 77.000 chez les Français et 239.800 dans le camp allemand. Le plus inquiétant pour les Alliés était la disparition de 1300 canons et le fait que 75.000 soldats britanniques et 15.000 français avaient été fait prisonniers. L’armée allemande avait dépassé les défenses britanniques sur un secteur de 80 km et gagné 30.000 kilomètres carrés de territoire, et cependant, pour l'Allemagne, son impossibilité à remporter une victoire stratégique ne fut pas loin d'être interprétée comme un désastre. Le front avait été repoussé de 60 km dans certaines zones, mais la BEF et l'armée française n'avaient pas été séparées de façon permanente et Amiens, avec son important nœud ferroviaire, n'avait pas été prise. » Les Allemands n'avaient pas assez de chevaux ou de transports motorisés pour amener des troupes fraîches et de l'approvisionnement dans des délais raisonnables ce qui laissa du temps aux Alliés pour mieux répartir leurs ressources, mettre en place des réserves et stabiliser le front. 

 

9 avril 1918. Début de l'opération Georgette (Bataille de la Lys). La zone d'attaque couvre un secteur qui s'étend de 10 km à l'est d'Ypres jusqu'à 10 km à l'est de Béthune. Les lignes britanniques sont enfoncées sur une largeur de 15 km et une profondeur de 8 km. 

 

10 avril 1918. Plus au nord, les Allemands progressent de 3 km sur une largeur de 6,5 km et prennent Messines. 

 

11 avril 1918.La situation est devenue si précaire pour les Britanniques, que le général Haig donne l’ordre « dos au mur ». Les troupes doivent tenir leurs positions sans espoir de recul. L’intervention des réserves françaises permet de stabiliser le front. 

 

29 avril 1918.Arrêt de l’offensive par Ludendorff. Depuis le 21 mars les pertes allemandes se montent à 326.000 hommes pour 260.000 Britanniques et 107.000 Français. 

 

27 mai 1918. Début des opérations Blücher et Yorkqui ont pour but d’éloigner les troupes anglaises des Flandres et d’empêcher l’arrivée des renforts français. 41 divisions allemandes appuyées par 3719 canons enfoncent le front tenu par la 7earmée française et par 3 divisions britanniques. La Marne est atteinte et les troupes allemandes sont à 90km de Paris. 

 

28 mai 1918.Dans la soirée les lignes britanniques et françaises sont séparées, peu de temps, par une brèche de 65km de largeur et 25km de profondeur.

 

29 mai 1918.Prise de Soissons par les Allemands. Les Français ont perdu 50.000 prisonniers, 630 canons et 2000 mitrailleuses. Les pertes allemandes se chiffrent à 105.370 hommes pour 127.337 pertes alliées. « Une fois de plus, les problèmes logistiques, de transport en particulier empêchèrent l’armée allemande d’exploiter stratégiquement l’occasion qui s’offrait à elle. Ses divisions d’assaut étaient épuisées, et l’approvisionnement, l’artillerie et les troupes fraîches ne purent être acheminés dans des délais rapides. Pétain sut stabiliser le front sur la Marne. 

 

9 juin 1918. Début de l’Opération Gneisenauentre Noyon et Montdidier. Le succès limité est annulé par une contre-attaque réussie. 

 

La période du 15 au 18 juillet 1918constitue le tournant militaire des campagnes de 1918, et d’une certaine façon de la guerre. 

15 juillet attaque allemande en Champagne, mais l’armée française étant prévenue, elle peut pilonner les tranchées allemandes pleines de soldats, alors que les siennes sont quasiment vides. L’attaque allemande débouche donc sur des lignes qui n’ont pas été détruites. Cela permet aux alliés de lancer une contre-attaque victorieuse avec l’aide de chars le 18 juillet ce qui oblige les Allemands à se retirer vers Soissons. En quatre jours, ils ont perdu 30.000 Tués. 

 

« Finalement les offensives allemandes s’étaient soldées par des avancées territoriales considérables, mais aucun des objectifs stratégiques n’avait été atteint. La BEF et l’armée française n’avaient pas été durablement séparées, les troupes britanniques n’avaient pas été refoulées vers les ports de la Manche, et Paris n’avait pas été pris. D’autres objectifs importants comme la prise du saillant d’Ypres et la capture du centre ferroviaire crucial d’Amiens n’avaient pas été atteints. L’armée allemande avait repris d’anciens champs de nataille ou des portions de territoire qui avaient été détruites par ses propres troupes lors de leur retraite tactique vers la ligne Hindenburg (connue chez les Allemands sous le nom de ligne Siegfried) en mars avril 1917. Le front était passé de 625 à 820 km (au 25 juillet), et les Allemands tenaient des positions qu’il leur restait à consolider. Les soldats étaient bien plus vulnérables aux attaques alliées que dans les positions fortifiées qu’ils avaient tenues avant l’offensive de printemps. L’armée allemande avait perdue 800.000 hommes, dont un grand nombre de leurs meilleurs soldats. Elle fut également frappée par la première vague de grippe espagnole en juin, trois semaines plus tôt que les Alliés, ce qui affaiblit d’autant les troupes. Prenant tous ces faits en considérations, Churchill avait raison d’affirmer que l’armée allemande avait été battue dans une bataille décisive. »

 

Les journées noires de l’armée allemande.

 

La position stratégique de l’Allemagne se détériore rapidement et le 2 août Ludendorff donne l’ordre à l’armée de se préparer à subir des attaques alliées. De leur côté, au vu des pertes subies, Foch, Pétain et Haig ne croyaient pas à une victoire en 1918. Ils prévoyaient seulement des contre-attaques et des offensives ciblées à objectifs limités. 

 

« Foch conçut un plan qui consistait en une série d’attaques visant à atteindre les nœuds ferroviaires et à améliorer les communications. Plusieurs offensives successives furent lancées pour empêcher l’OHL de renforcer les points vulnérables. Contrastant avec la stratégie allemande du printemps où des sections d’assaut progressaient sans même le soutien de l’artillerie afin d’exploiter l’effet de surprise d’une percée, les attaques alliées ne s’aventuraient pas au-delà de la portée de leur artillerie. C’est seulement qund l’artillerie parvenait au plus près et était prête à entrer en action que l’offensive reprenait. »

 

4 août 1918.Reprise et Soissons et capture de 35.000 Allemands

 

8 août 1918. « Jour de deuil de l’armée allemande. » Elle perd 27.000 hommes et 15.000 prisonniers. « La facilité avec laquelle les soldats allemands étaient faits prisonniers était le signe évident d’un moral déclinant. »

 

« Les Alliés attaquèrent avec des effectifs, une puissance de feu et des chars supérieurs ainsi qu’avec un bien meilleur état d’esprit. L’échec de l’offensive du printemps et le succès des attaques alliées furent désastreux pour le moral des soldats allemands et accablant pour le haut commandement. Ludendorff prit enfin conscience que la guerre ne pouvait être gagnée. »

 

Le front intérieur.

 

Entre février et décembre 1917, la guerre sous-marine à outrance coûte plus de 4 millions de tonneaux (sur 6.238.000 pour le total de la guerre). « mais c’est seulement pendant une période très courte, à la fin du printemps 1917, que cette situation parut de nature à mettre la Grande-Bretagne hors de combat. »

 

Mais de nombreuses mesures sont prises pour endiguer ce phénomène. 

- Meilleure organisation, avec la constitution de convois escortés par des navires de guerre.

- Recours à des navires américains ou neutres.

- Mise en place de mesures de luttes contre les sous-marins (sur 320 engagés, 200 furent coulés)

- Remise en culture de zones de pâturage ce qui permet d’augmenter la production agricole de 8 %

- Construction de nouveaux navires.

 

« La guerre sous-marine ne parvint pas à faire plier l’échine à la Grande-Bretagne en l’affamant ; elle n’empêcha pas non plus le transport de troupes américaines vers la France. »

 

« Le blocus naval des Alliés était bien plus efficace que ne l’avait été la guerre sous-marine à outrance. En 1918, les navires des pays neutres étaient interceptés, et les marchandises d’origine allemande ou à destination de l’Allemagne réquisitionnées. » On estime que 750.000 civils allemands furent directement victime du blocus dont 293.000 pour l’année 1918. 

 

« Basil Liddell Hart considère que le blocus naval permit aux Alliés de gagner la guerre. Selon lui, le blocus aurait immanquablement amené l’Allemagne à se rendre, même sans les coûteuses offensives de 1916 et 1917. Comme l’ont souligné des historiens britanniques, il semble un peu exagéré, cependant d’affirmer que la puissance navale a déterminé l’issue de la guerre. Sans la défaite sur le front occidental, l’Allemagne aurait été en mesure de poursuivre le combat longtemps encore, car les transferts de vivres, de matières premières et de main-d’oeuvre depuis les territoires occupés en Europe orientale auraient été organisés de façon plus efficace. »

 

28 janvier 1918.A Berlin 100.000 ouvriers se mettent en grève, puis 400.000 deux jours plus tard. Leur consommation alimentaire est passée de 3000 calories par jour en 1914 à 1400 en 1918. Le gouvernement réagit par la répression : 150 meneurs sont arrêtés et entre 3500 et 6000 grévistes sont envoyés au front. Cela a pour conséquence de calmer les esprits dans les mois qui suivent. En 1917, 561 grèves avaient été suivies par 667.000 ouvriers, en 1918, ce ne sera que 531 grèves mais suivies seulement par 391.000 ouvriers. 

 

Mais augmentation des tensions sociales à cause des injustices du système d’approvisionnement, des profits réalisés par certains, du marché noir accessible seulement aux plus riches. 

 

L’Autriche-Hongrie et le front italien.

 

Les peuples de l’Empire souffrent aussi de la faim, mis aussi lassitude de la guerre. On note une augmentation des mutineries et des désertions.

 

« Le point positif, cependant, c’était que les objectifs de guerre de l’Autriche avaient majoritairement été atteints : la Russie était vaincue, la Serbie occupée, de même que la Roumanie. »

 

« L’année 1918 connut même d’avantage de troubles internes, avec une radicalisation des nations au sein de l’Empire et un affaiblissement de leur allégeance envers la dynastie des Habsbourg. La situation économique était devenue désespérée. »

 

Militairement, il devenait de plus en plus difficile de produire les armes et munitions nécessaires pour le front. De même, malgré le retour des prisonniers de guerre autrichiens de Russie, l’armée connaissait une crise d’effectifs (il manquait 600.000 hommes, et il fallut diminuer les effectifs de certaines unités. 

 

« La pénurie de nourriture dans les villes des provinces slaves de l’Empire était pire qu’au coeur de l’Autriche et avait pour effet de miner un peu plus la loyauté envers l’État. Tout au long de l’année, l’Autriche-Hongrie fut au bord de la rupture. »

 

L’offensive autrichienne de juin 1918, n’avait d’autre but que d’éviter le transfert de troupes alliées vers le front de l’Ouest. Mais l’attaque fut mal préparée et sa conduite dépourvue de sens. 

 

Défaite sur tous les fronts

 

La Bulgarieest le premier pays des Puissances centrales à déposer les armes. La diminution du soutien financier et matériel de la part de l’Allemagne contribua à affaiblir sérieusement l’armée bulgare qui ne fut pas en mesure de résister aux offensives françaises et serbes venues de la Grèce. 

 

L’Empire ottoman,subit la pression des offensives britanniques et de ses alliés arabes : 1eroctobre 1918, prise de Damas, 25 octobre 1918, prise d’Alep. 

 

L’Empire austro-hongroisdoit faire face à une offensive italienne le 24 octobre : « La bataille de Vittorio Venetto s’acheva par une victoire décisive. Les soldats de l’empire multiethnique ne songeaient qu’à regagner leur pays ». En raison d’une erreur sur la date de l’armistice, de nombreux autrichiens cessèrent le combat avec 24 heures d’avance et furent donc capturés (350.000).

 

« Les sujets tchèques, slovaques, serbes, croates et slovènesde l’Empire des Habsbourg déclarèrent leur indépendance le 29 octobre. l’armée serbe aida les autres Slaves du Sud à sécuriser les frontières de la future Yougoslavie. »

 

29 septembre 1918. Les Britanniques enfoncent la ligne Hindenburg et les positions allemandes du nord sont contournées. L’armée allemande doit battre en retraite. Hindenburg et Ludendorff comprennent que la guerre est perdue. Ils considèrent que seul un cessez le feu pourra sauver la situation. Ludendorff demande à l’empereur de nommer un chancelier susceptible d’avoir le soutien du Reichstag. 

 

« Ludendorff n’était pas soudain devenu démocrate. Il espérait qu’une Allemagne démocratique obtiendrait de meilleures conditions, mais il voulait également que les démocrates, les sociaux-démocrates, en particulier, portent la responsabilité de la défaite. Il cherchait des boucs émissaires et condamnait l’absence de soutien apporté à l’armée par le front intérieur. C’est ainsi que naquit le mythe d’une armée allemande « invaincue sur le champ de bataille », le mythe d’une armée « poignardée dans le dos » par ses ennemis au sein même du pays. »

 

Nuit du 3 au 4 octobre 1918.Le gouvernement allemand envoie un message au président Wilson pour lui demander son aide pour l’instauration d’un armistice sur la base de ses 14 points. 

 

« Les intentions des Alliés étaient claires : les conditions devaient rendre impossible la reprise des hostilités par l’armée allemande. (….) Le 26 octobre, Ludendorff fut amené à démissionner, et se vit remplacer au poste de quartier-maître général par Wilhelm Groener. La primauté de la politique était restauré, et la dictature du troisième OHL s’achevait enfin. »

 

30 octobre 1918.Les commandants de la marine allemande suggèrent une sortie de la marine allemande pour une dernière bataille suicidaire. Les équipages refusèrent d’obéir et se mutinèrent. Ils créés des conseils de marins et rejoignent les ouvriers de Kiel. De nombreux conseils se forment dans toute l’Allemagne. 

 

7 novembre 1918.Abdication du roi de Bavière qui est remplacé par une République des Conseils. La révolution allemande commence. 

 

8 novembre 1918. Une délégation allemande conduite par Mathias Erzberger (Zemtrum), traverse le front pour rencontrer Foch dans la forêt de Compiègne. Foch leur remet les conditions d’armistice et leur donne 72 heures pour les accepter ou les refuser. 

- Désarmement partiel de l’armée allemande.

- Abandon, dans un délai de deux semaines, de tous les territoires à l’ouest occupés par l’armée.

- Démilitarisation de la Rhénanie.

- Occupation de la rive gauche du Rhin par les Alliés avec établissement de têtes de pont sur la rive droite.

- Internement de la flotte allemande dans des ports neutres ou en Grande Bretagne. 

 

« Le chancelier Max de Bade avait autorisé la délégation allemande à accepter n’importe quelles conditions et, dans l’impossibilité de recevoir des directives nouvelles de la part du gouvernement, Erzberger signa la convention d’armistice le 11 novembre à 5 heures du matin. L’armistice prit effet six heures plus tard. »

 

 

« En l’absence du soutien des militaires, l’empereur abdiqua le 9 novembre en son nom et en celui de ses fils avant de trouver refuge en Hollande, pays neutre. Le même jour, Max de Bade, sans cérémonie et sans justification constitutionnelle, transmit ses pouvoirs de chancelier à Friedrich Ebert, le chef de file des sociaux-démocrates, tandis qu’un autre social-démocrate en vue, Philip Scheidemann, proclamait une république allemande, peu de temps avant que Karl Liebknecht, l’un des dirigeants du Spartakusbund communiste, proclame une Räterepublik. Le pouvoir était aux mains du nouveau gouvernement de coalition du SPD et de l’USPD, qui pouvait compter sur le soutien des militaires. Les groupes d’extrême droite ne s’opposèrent pas à la révolution allemande : les militaires, les hommes politiques, les junkers et les responsables de l’industrie lourde rassemblés autour du Parti de la patrie allemande nourrissaient l’espoir qu’il serait plus facile d’obtenir des conditions d’armistice et de paix acceptables si des dirigeants politiques nommés démocratiquement négociaient avec les Alliés. La vieille élite, paralysée par la défaite, répugnait à agir, espérant que les sociaux-démocrates modérés empêcheraient à tout le moins une révolution de type bolchevique. »

 

Le nouveau gouvernement a pour missions principales :

- Négocier le traité de paix avec les Alliés.

- Maintenir la vie publique et économique.

- Contrecarrer une révolution communiste. 

 

 

Pour cela il avait besoin du soutien de l’armée et « le chancelier social-démocrate commit l’erreur d’accueillir les troupes de retour du front comme « invaincue » sur le champ de bataille. Cela entretint la conviction de la légende du « coup de poignard dans le dos ». Ce mythe permit aux vieilles élites d’attribuer la responsabilité de la défaite à la jeune démocratie allemande. Selon cette théorie, ce n’était pas le front des combats qui s’était effondré, mais le front intérieur. »

 

Pourquoi les Puissances centrales perdirent-elles la guerre ou pourquoi les Alliés la gagnèrent-ils ? 

 

« La victoire des Alliés ne fut ni la conséquence d’une supériorité immuable des démocraties sur les régimes autocratiques, ni une victoire du principe du libéralisme sur l’autoritarisme. Sans le recours de l’Empire russe extrêmement autoritaire, les Alliés auraient perdu la guerre. A plusieurs reprises, vingt ou trente divisions de plus auraient fait la différence et rendu probable une victoire allemande décisive. L’armée russe attaqua au moment où la pression sur le front occidentale était la plus forte. »

 

« L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie étaient désavantagées par leur structure de type fédéral. Il était difficile de lever des impôts en Allemagne, où les Etats empêchaient l’introduction de taxes directes au niveau national, et, dans l’Empire des Habsbourg, la Hongrie était gérée presque comme un pays indépendant. »

 

« Entre 1916 et 1918, cependant, le malheur pour l’Allemagne fut que le troisième OHL concentrait les pouvoirs politique et militaire. Ludendorff avait beau être, parfois, un bon chef militaire, en politique il faisait preuve de bêtise et manquait de perspicacité. Il n’avait pas pris conscience des limites de la puissance de l’Allemagne, et il se cramponna – tout comme ses semblables du Parti de la patrie allemande – à des objectifs de guerre disproportionnés alors même que celle-ci était perdue. »

 

« Les dirigeants politiques, économiques et militaires allemands étaient persuadés que l’avenir de l’Allemagne passait par l’accession du pays au rang de puissance mondiale, et que seul une paix victorieuse permettrait d’atteindre cet objectif. Pour eux, l’enjeu était la sécurité de l’Allemagne et son existence même en temps que puissance européenne. »

 

« Les responsables politiques des deux camps étaient confrontés au même problème. La perte de centaines de milliers, voire de millions de vie serait plus facile à justifier si son propre camp gagnait la guerre et si le traité de paix reflétait cette victoire. En rabattre un tant soit peu sur les objectifs de guerre cruciaux eût déstabilisé le système politique. »

 

« L’ambitieux programme de Hindenburg parvint à produire suffisamment d’armes et de munitions, mais pas assez de véhicules motorisés, d’avions et de chars, et négligea les besoins essentiels de la population civile (..) De nouveaux systèmes d’armes jouèrent aussi leur rôle. Les chars n’ont pas gagné la guerre, mais ont aidé à remporter certaines batailles. »

 

« De plus l’économie de l’Allemagne ne se contentait pas de produire pour l’armée allemande. Si l’Allemagne n’avait pas fourni une aide financière et matérielle substantielle et n’avait pas envoyé des armes, des munitions et des soldats à ses alliés, les divers fronts n’auraient pas tenu. »

 

« La contribution majeure des Etats-Unis à la victoire avait commencé avant que le pays entre en guerre. En prêtant de l’argent à la Grande-Bretagne, ils permirent à celle-ci d’apporter un soutien financier à ses alliés sur le continent. »

 

« Mais pourquoi les Alliés gagnèrent-ils la guerre en 1918, et non une année plus tard ? Ludendorff a été dénigré pour la façon dont il conduisit l’offensive du printemps en 1918. Les historiens militaires lui ont reproché de modifier ses plans dès qu’une occasion se présentait au lieu de poursuivre une stratégie cohérente. Les offensives étaient souvent réussies sur le plan tactique , mais elles ne parvenaient pas à atteindre leurs objectifs stratégiques, et le taux élevé des pertes affaiblit indéniablement l’armée allemande. »

 

« La contribution de l’armée américaine à la victoire fut importante, même si sa portée fut plus psychologique que militaire. (….) Tandis que les ressources en effectifs des Puissances centrales étaient presque épuisées et que les pertes ne pouvaient plus être compensées, l’entrée en guerre des Etats-Unis garantissait aux Alliés un approvisionnement apparemment illimité en nouveaux soldats. »

 

« La victoire des Alliés en 1918 peut également s’expliquer par la façon dont les offensives furent menées. Pétain et Haig fixaient des objectifs limités et profitaient à fond de leur supériorité sur le plan de l’aviation et l’artillerie ainsi que de la disponibilité offerte par les chars. Une armée allemande intacte aurait pu être plus difficile à battre, mais les troupes allemandes étaient brisées, épuisées, et n’escomptaient plus la victoire. Les troupes alliées ne cessèrent plus d’attaquer jusqu’au jour même de l’armistice, exerçant sur le front allemand une pression permanente et implacable. »



11/01/2019
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