Sacchi Volume 1 Chapitre 6. Querelles de famille (NDL)

Chapitre 6. Querelles de famille.

 

 

La signature des traités de Vienne et de Zsitva-Torok, souligne le rôle prééminent de l’archiduc Mathias, mais aussi la rivalité qui l’oppose à l’empereur Rodolphe son frère ainé.

 

Les décisions de Mathias étaient critiquées par :

 

  • Son frère l’empereur.

  • Les conseillers catholiques de l’Empereur, notamment Eckersdorf qui s’offusquaient de la liberté religieuse accordée aux Hongrois.

  • Par Melchior Khlesh, le propre conseiller de Mathias. Il lui reprochait d’avoir défendu trop mollement le catholicisme lors des négociations de paix.

  • Les représentants des Etats autrichiens qui avaient une confiance limitée dans ses promesses. Pour eux il n’était qu’un allié de circonstance face à Rodolphe.

 

Malgré la signature de la paix avec les Turcs, l’équilibre dans l’Empire restait précaire et Rodolphe II avait une grande responsabilité dans cette dégradation. « On en arrivait même à s’interroger sur sa Santé mentale tant était grande son indifférence à l’égard des problèmes politiques ou administratifs. »

 

Rodolphe II.

 

1552. Naissance à Vienne. Il est le deuxième des 15 enfants de l’empereur Maximilien II et l’archiduchesse Maria, fille de Charles Quint.

 

Mais son frère aîné Ferdinand étant décédé au berceau, il devient, dès sa naissance, l’héritier en titre.

 

Il est élevé à la cour de Madrid de 1564 à 1571. « De ce long séjour, Rodolphe devait garder une admiration sans bornes pour le roi catholique ainsi que des habitudes très hispaniques. En outre on notait chez lui une raideur d’attitude et un tempérament mélancolique et taciturne comparable par bien des points à ceux de Charles Quint et Philippe II.

 

22 septembre 1572. Couronnement comme roi de Bohème. Mais pour cela, son père Maximilien II dut faire d’importants concessions aux Etats. Ils imposent à l’Empereur la reconnaissance de la Confession tchèque, copiée sur la Confession d’Augsbourg qui garantissait les libertés religieuses aux luthériens, aux utraquistes et aux membres de l’unité des Frères. Quinze Défenseurs sont désignés pour ennemis contrôler le respect.

 

26 octobre 1572. Couronnement comme roi de Hongrie.

 

25 juin 1576. Décès de Maximilien II. Rodolphe II lui succède. Ses premiers adversaires sont ses frères qui avaient espéré un partage de l’Empire à leur profit.

 

« Accaparé par ses études et collections, Rodolphe II négligeait ses conseils (…) L’Empereur n’ayant jamais officiellement renoncé à s’en occuper , les fonctionnaires impériaux se trouvaient dans une situation inextricable. Ne pouvant agir sans l’accord de Rodolphe, ils voyaient avec inquiétude les dossiers s’accumuler en attendant que le souverain daignat s’y intéresser. Le problème était particulièrement crucial dans le domaine militaire. »

 

Une fois empereur, il s’installe à Prague, cité florissante grâce au commerce. Il entame de nombreux travaux pour l’embellir.

 

Comme son père, il manifeste une « sympathie assez inattendue à l’égard de la Réforme. » S’il supportait difficilement les revendications Permanentes des protestants, il refusait par ailleurs aux catholiques le droit d’instaurer une sorte de théocratie à leur seul profit. Mais peu à peu les membres de la Contre-Réforme, soutenus par le Pape, reprirent l’avantage et à partir de 1599-1600. « La Contre-Réforme envahit définitivement les rouages administratifs de l’Empire; »

 

Tans que le problème de la succession ne se posa pas, Rodolphe repoussa tout projet de mariage craignant de perdre sa liberté pour ses travaux et ses recherches, ce qui ne l’empêcha pas d’avoir des maîtresses, dont Catherine de Strada qui en 20 ans lui donna 6 enfants naturels.

 

« Pendant toute cette période, Rodolphe pouvait, au pire, considérer qu’en cas d’absence d’héritier direct, la couronne reviendrait à son frère, l’archiduc Ernest. »

 

15 février 1595. Décès de l’archiduc Ernest. L’héritier présomptif devient son deuxième frère l’archiduc Mathias qu’il déteste.

 

1604. Rodolphe envisage d’épouser Anne fille de son oncle Ferdinand de Tyrol, mais Anne préfère épouser son frère Mathias. « La haine entre les deux frères s’en trouva ravivée jusqu’à devenir le principal ressort politique de la fin du règne de Rodolphe. »

 

Mathias, le cadet indocile.

 

24 février 1557. Naissance à Vienne. Il est le troisième fils de Maximilien II. Contrairement à ses deux premiers frères, il ne va pas en Espagne et reçoit une éducation autrichienne, ce qui lui fait conserver une certaine sympathie, comme son père, pour la Réforme, et une aversion profonde pour tout ce qui vient d’Espagne.

 

Son premier précepteur, Augier Ghislain de Busbecq, lui inspire une ligne de conduite libérale qu’il conserve toute sa vie.

 

Il montre longtemps une grande insouciance à l’égard des problèmes politiques et préfère les fêtes. « Sa légèreté et son dilettantisme le rendaient inapte à toute décision et l’obligeaient à s’en remettre à son entourage. Influençable, Mathias s’entoura de nombreux favoris dont il subit rapidement la tyrannie.

 

1577. Mathias comment sa première faute politique qui lui attire les reproches durables de Rodolphe. Un représentant des catholiques des Pays-Bas arrive à Vienne. A un moment où venait de décéder Marguerite de Parme, soeur naturelle, les catholiques craignent que le gouvernement vacant ne tombe aux mains du prince Guillaume d’Orange, stathouder de Hollande, protestante depuis 1573.

Ce représentant réussit à convaincre Mathias d’accepter la charge de gouverneur général et d’apporter sa médiation entre le roi d’Espagne et le stathouder afin d’enrayer les progrès de l’hérésie. Il accepte et part pour Bruxelles sans en demander l’autorisation à son frère.

Philippe II, qui estimait que la nomination du gouverneur des Pays-Bas lui incombait, se montre fort mécontent et des difficultés diplomatiques surgissent entre Madrid et Rome.

Furieux, Rodolphe désavoue son frère Mathias au nom des intérêts supérieurs de la Maison d’Autriche.

 

1578. Mathias renonce à sa charge de gouverneur général des Pays-bas.

 

6 janvier 1579. Constitution de la Confédération d’Arras par les Catholiques.

 

23 janvier 1579. Constitution de l’Union d’Utrecht qui rassemble les Pays-Bas protestants à l’appel de Guillaume d’Orange.

 

Pour remplacer Mathias, Philippe II nomme :

 

  • Son neveu le duc de Parme, Alexandre Farnèse (1578-1592)

 

  • L’archiduc Albert et son épouse Isabelle (1598-1621), mais Isabelle jusqu’en 1633.

 

12 décembre 1598. Décès du roi de Pologne, Etienne Bathory qui laisse le trône vacant. Mathias décide de se porter candidat à l’élection, une fois de plus s’en en informer Rodolphe qui de son côté avait songé à présenter un autre frère, Maximilien.

 

19 février 1587. Election du prince héritier de Suède Sigismond III Wasa (petit fils de Louis II Jagellon par sa mère Catherine Jagellon). Malgré cela Rodolphe poursuit la candidature de Maximilien et le fait proclamer roi par quelques magnats polonais conduits par les frères Samuel et Christophe Zborowski.

 

L’archiduc Maximilien pénètre en Pologne à la tête d’une armée et marche sur Cracovie, alors que Sigismond III débarque sur les côtes de Prusse royale et occupe les bouches de la Vistule.

 

24 janvier 1588. Bataille de Byczyna et défait de Maximilien contre Sigismond III. Il perd 2000 morts, 30 canons, 50 drapeaux, un matériel considérable. Il est lui même fait prisonnier. Il ne sera libéré qu’après la signature du traité de Beuthen selon lequel Rodolphe renonce à toute prétention sur la Pologne et livre plusieurs forteresses frontalières à Sigismond III.

 

Mathias qui a regagné son gouvernement en Haute Autriche met en place une politique favorable à la Contre-Réforme ce qui provoque une révolte populaire en 1594 qu’il réprime sans pitié (la révolte paysanne est matée au printemps 1595 avec le massacre de plusieurs milliers d’entre eux à Saint Polten)

 

A la mort du prince Ernest, Mathias devient l’héritier présomptif de Rodolphe. Mais « un homme avait compris tout le profit qu’il pouvait tirer de la faiblesse de caractère de Mathias. Avec une habileté remarquable, Melchior Khlesh se préparait à suppléer les insuffisances de l’archiduc et à devenir ainsi le « vice-empereur » »

 

Le cousin Ferdinand.

 

9 juillet 1578. Naissance à Graz de Ferdinand archiduc de Styrie. Il est le 6e enfant de l’archiduc Charles frère de l’empereur Maximilien II.

 

Il y a peu de sources sur sa jeunesse, mais tout sont unanimes pour admettre qu’il montrais son plus jeune âge une grande piété. Il reçoit une éducation sévère d’où les châtiments corporels ne sont pas exclus.

 

10 juillet 1590. Décès subit de son père. A la suite de ce décès, les « protestants de Styrie craignaient que leur futur archiduc devienne un élève trop zélé de la compagnie de Jésus. Les Etats de Basse-Autriche prièrent l’archiduc de retirer son fils d’Ingolstadt (où il avait fait ses études). Mais ils essuyèrent un refus catégorique. Le mécontentement s’amplifiait. L’archiduc Ernest, frère de l’archiduc Charles, qui avait été nommé régent de Styrie par l’empereur, dut accorder des libertés religieuses aux Etats pour les apaiser. »

 

Mars 1595. Ferdinand quitte Ingolstadt. « Tout le monde politique s’inquiétait en effet de savoir qu’elle serait l’attitude de Ferdinand lors de son arrive au pouvoir. Les catholiques souhaitaient qu’il portait bien haut l’étendard de la vraie foi, tandis que les protestants se demandaient avec inquiétude quel effet allait avoir l’enseignement des Jésuites sur les actes du nouvel archiduc. »

 

Une fois au pouvoir, il prendra une habitude qu’il conservera toute sa vie « demander l’avis d’un homme d’Eglise avant de prendre une décision politique. » Ses confesseurs auront donc une grande influence politique sur lui.

 

Juillet 1596. Ferdinand est déclaré majeur et exerce le pouvoir. Les représentants protestants profitent du serment des Etats pour rappeler leurs griefs et demander l’application de la paix d’Augsbourg (12 décembre 1596). Ferdinand répond avec fermeté et autorité qu’il maintiendrait tous les droits, traditions, libertés et coutumes de la province de Styrie. Par la suite les Etats de Carinthie et de Carniole prêteront le même hommage.

 

Peu après Ferdinand rencontre son cousin Rodolphe à Prague pour s’entretenir sur l’attitude à adopter face aux protestants. Alors que Rodolphe est partisan d’une attitude modérée, Ferdinand décide de ne faire aucune concession aux hérétiques et de suivre une politique intransigeant à leur égard.

 

Après un pèlerinage en Italie, Ferdinand revient à Graz bien décidé à rétablir le catholicisme dans ses domaines.

 

L’archiduc de fer.

 

Durant l’absence de Ferdinand, multiplication des incidents en Basse-Autriche, en Styrie et en Carinthie.

 

L’incident le plus grave se déroule à Eisenenz, un bourg de Styrie dont la majorité des habitants était calviniste. Le nonce apostolique, de passage, est pris à parti par des mineurs dans une auberge. Ferdinand ayant reçu la plainte du nonce dépêche son conseiller Kugelmann pour enquêter. Celui-ci est lui même malmené et victime d’injures. Ferdinand décide donc de réprimer ce mouvement.

 

20 août 1598. Ferdinand reçoit la visite de l’évêque du Lavant, Georg Stobaüs Palmburg qui lui propose un plan en trois points pour détruire l’hérésie :

  • Administration des villes et des Etats dorénavant confiée à des catholiques.

  • Aucun nouveau titre nobiliaire ne serait désormais conféré à des protestants.

  • Toute la population devrait prêter serment d’obéissance à l’Eglise romaine et ceux qui refuseraient seraient exilés.

 

Stobaüs suggère de commencer par la répression des pasteurs relativement nombreux en Styrie et en Carinthie.

 

23 septembre 1598. Tous les pasteurs, recteurs et maîtres d’école de Graz doivent quitter le pays sous 8 jours. Finalement ce sont 19 pasteurs et professeurs qui prennent le chemin de l’exil.

 

28 septembre 1598. Promulgation d’un nouvel édit par Ferdinand qui exile tous ceux, qui dans un passé proche, avaient essayé de perturber l’ordre public, même s’ils étaient retournés depuis à l’obéissance à l’Eglise. Les proscrits iront se réfugier en Hongrie.

 

« Conduites par des abbés ou des évêques, des commissions de réforme se rendirent jusque dans les vallées les plus reculées de Styrie, pour obliger les populations à abjurer la foi protestante et les mettre en garde contre toute tentative de révolte. Partout où ces commissions passaient, ce n’étaient que livres et écrits détruits, murs des cimetières rasés, temples incendiés, et souvent champs saccagés. »

 

La répression débuta le 15 octobre 1599 par les mineurs de Eisernez dont les meneurs furent condamnés à mort avant d’être graciés par Ferdinand.

 

La répression se concentra essentiellement sur la bourgeoisie et les paysans, les membres de la noblesse étant laissés à l’écart de la répression. « En s’en prenant aux classes moyennes et aux pasteurs, les représentants de l’archiduc sapaient les bases même de l’édifice protestant. Les nobles n’avaient rien fait pour protéger leur coreligionnaires, ces classes plus modestes, et Ferdinand eut beau jeu d’ignorer leur protestation officielle car ils n’avaient désormais plus aucun soutien populaire. »

 

Au mois de juillet 1600, toute la Styrie était revenue à l’obéissance : 10 temples avaient été détruits, 57 cimetières rasés, plusieurs milliers d’écrits brûlés. Cette répression avait rendu l’archiduc très impopulaire, mais la crainte était devenue plus forte que la colère.

 

27 juin 1600. Promulgation d’un Édit par Ferdinand qui oblige tous les citoyens mâles de Graz de se rassembler à 6h du matin le dernier jour de chaque mois dans l’église paroissiale pour y écouter des sermons éducatifs. Un an plus tôt cet édit aurait provoqué des émeutes. A ce moment là tous les citoyens obéirent.

 

30 juin 1600. Première cérémonie. Après un prêche de plusieurs heures, chaque participant dut indiquer aux commissaires présents dans l’église, son nom, son état, sa profession et sa religion. Ceux qui refusaient de se convertir durent quitter le pays dans un délai d’une semaine. Cela concerna 150 bourgeois de Graz.

 

Cette lutte victorieuse de Ferdinand contre l’hérésie eut un retentissement considérable bien au-delà de la Styrie.

 

  • Les protestants de l’Empire condamnèrent cette tyrannie de l’archiduc.

 

  • Pour les catholiques, Ferdinand était devenu le chef de la contre-réforme.

 

« Pour justifier la rigueur de la répression, Ferdinand prétendit n’avoir rien fait d’autre qu’exécuter les dernières volontés de son père et ne s’être jamais mis en contradiction avec la paix d’Augsbourg. En fait, même avec plusieurs siècles de recul, il reste difficile de porter un jugement objectif sur les actions réformatrices de l’archiduc de Styrie. Certes il avait utilisé des procédés souvent violents et coercitifs. Mais combien de princes protestants n’avaient-ils pas, avant lui, agit pareillement vis à vis des catholiques et souvent de façon encore plus brutale ? Sur de son droit Ferdinand avait maintenu son cap sans se soucier des critiques et des plaintes de ses sujets. En cela il ne différa guère des princes contemporains catholiques ou protestants, qui n’avaient souvent que mépris pour l’opinion de la population. Ces princes, pour qui la foi était avant tout ostentatoire, participaient à d’interminables cérémonies religieuses ou à des processions sans appliquer le moins du monde les préceptes de charité qui étaient à la base de leur religion. De ce point de vue, l’archiduc de Styrie eut au moins le mérite de la sincérité de la foi. Profondément pieux, il sut accueillir sans rancune tous ceux qui s’étaient convertis. Un de ses meilleurs amis Hans Ulrich von Eggenberg, était un ancien luthérien. En outre, on peut mettre au crédit du Habsbourg le fait qu’il n’éprouva jamais de haine pour ses ennemis. »

 

Après la Styrie, l’œuvre de « conversion » se poursuit en Carinthie.

 

23 avril 1600. Mariage de Ferdinand avec sa cousine Maria Anna de Bavière. « De santé fragile, celle-ci n’avait pas de charmes physiques évidents. Mais elle se montra une bonne épouse et témoigna une réelle affection à Ferdinand qui l’a lui rendit bien. Maria Anna tint toujours une place discrète, presque effacée, au côté de son mari, et ne joua pratiquement aucun rôle dans la vie politique de l’Empire. Elle apporta néanmoins toujours un grand réconfort moral à Ferdinand et un soutien important et constant à la Contre-réforme en encourageant la construction d’églises, de monastères ou d’écoles. Coupant court aux allusions relatives à sa faible constitution, elle donna le jour à un garçon en 1608, résolvant ainsi le problème de la succession si délicat au sein de la maison de Habsbourg. »

 

Le pacte des archiducs.

 

Le soulèvement d’Istvan Bocskay et la guerre contre les Turcs avaient marqué une nouvelle étape dans la dégradation de l’autorité impériale. Peu à peu, l’unité familiale des Habsbourg se fissurait.

 

Rodolphe II était fâché avec la plupart de ses parents, en particulier avec Mathias. Seuls l’archiduc Ferdinand et le frère cadet de Ferdinand, l’archiduc Léopold trouvaient grâce à ses yeux.

 

« Rodolphe sombra dans une profonde mélancolie. Il ne sortit plus de Prague, ne parut plus aux assemblées et aux diètes, négligea les cérémonies officielles et surtout laissa l’administration à vau-l’eau. Les troupes n’étaient plus soldées et se mutinaient, les frontières n’étaient plus défendues, les questions les plus importantes pour la marche de l’Empire restaient en suspens. »

 

Il fallait attendre longtemps pour obtenir audience auprès de l’empereur et passer par son chambellan, Philippe Lang qui en profitait pour se faire payer.

 

« En proie à la psychose de la persécution, Rodolphe éloignait de lui tous ceux qui n’étaient pas strictement nécessaires à son service (…). Il entraînait l’Empire à sa perte. » et l’archiduc Mathias qui en avait conscience était impatient de prendre le pouvoir.

 

« En cas d’incapacité de l’empereur à gouverner, la constitution prévoyait que l’Electeur Palatin, en l’occurrence Frédéric IV, pourrait être désigné comme vicaire d’Empire. Mathias et tous les membres de la Maison d’Autriche rejetaient une telle éventualité. »

 

Sur les conseils de Khlesh, Mathias convoque à Linz une assemblée des archiducs Ferdinand de Styrie, Maximilien de Tyrol et Maximilien Ernest frère de Ferdinand. L’archiduc Léopold jugé trop proche de Rodolphe n’a pas été convoqué. Mathias réunissait ses cousins pour qu’ils approuvent ses plans pour accéder au trône. Finalement les archiducs décident de se rendre à Prague pour rencontrer l’empereur et lui présenter leurs résolutions. Rodolphe mécontent de cette démarche chercha à humilier ses parents et ne leur accorda qu’un bref entretien durant lequel il refusa d’évoquer le problème de la succession.

 

« Pour Mathias, l’assemblée de Linz n’avait apporté aucun résultat concret hormis la satisfaction de voir qu’aucun membre de sa famille ne s’opposait à ses projets. Vers la fin de 1605, l’archevêque électeur de Cologne tenta à son tour de faire entendre raison à Rodolphe. » sans succès.

 

25 août 1606. À Vienne rencontre secrète entre les quatre archiducs de la conférence de Linz l’année précédente. Pour Mathias, il fallait que Rodolphe fasse élire rapidement le roi des Romains puis qu’il lui remette le pouvoir avant de se retirer. « Ferdinand de Styrie, Maximilien Ernest, son frère et Maximilien de Tyrol, opposèrent finalement leur signature sur un document rédige en latin et préparé d’avance par Khlesh, dans lequel ils s’engageaient secrètement à soutenir la candidature de Mathias et à approuver toutes les décisions que ce dernier prendrait pour relever la puissance et la dignité de la maison de Habsbourg. »

 

Ratisbonne : la Diète de la discorde (novembre 1607 - mai 1608).

 

Novembre 1607. Rodolphe convoque une Diète d’Empire. A ce moment là, il n’avait « pas encore ratifié le traité de paix de Zsika-Torok (…) Il parlait même de déchirer le « honteux traité », de rouvrir les hostilités en Hongrie et d’empêcher le paiement des indemnités au Sultan. » dans la perspective des hostilités il recherchait de nouveaux alliés et réclamait de l’argent aux Etats.

 

« La signature de la paix de Vienne avec les rebelles Hongrois posait des problèmes aussi graves. L’insurrection de Bocskay avait montré la faiblesse du pouvoir central. En arrachant de larges libertés religieuses à l’Empereur, les Hongrois avaient remporté une indéniable victoire et incité leurs voisins notamment ceux de Basse-Autriche, à de nouvelles révoltes. »

 

« La Diète d’Empire fut donc convoquée afin de fournir une aide financière en cas de reprise de la guerre contre les Turcs. »

 

Rodolphe désigne Ferdinand de Styrie comme commissaire impérial à Ratisbonne au lieu de son frère Mathias. « Par ce choix l’Empereur montrait sa volonté de favoriser l’élection de Ferdinand comme Roi des Romains et d’écarter Mathias de la succession. »

 

La désignation de Ferdinand provoque la colère à la fois de Mathias et des protestants. L’Electeur de Saxe, Christian II, écrit à Rodolphe pour lui rappeler « la persécution active et zélée suscitée par les Jésuites » sur les territoires de l’archiduc.

 

Ferdinand prit son rôle très au sérieux, profitant de l’occasion pour manifester son goût pour l’apparat et les dépenses somptuaires. Il quitte Vienne le 13 novembre 1607 à la tête d’un cortège de 400 personnes et de 800 chevaux. L’expédition arrive à Ratisbonne le 28 novembre. Mais de nombreuses délégations étant encore absentes, il faut repousser l’ouverture solennelle de la Diète. Considérant l’absence de Rodolphe comme une offense, de nombreux Etats avaient refusé d’envoyer des représentants. Les trois Électeurs ecclésiastiques avaient seulement envoyé des ambassadeurs.

 

Alors que le motif officiel de la Diète était de lever des subsides pour reprendre la guerre contre les Turcs, certains pensaient que les troupes levées pourraient être utilisées pour redresser la situation en Hongrie au mépris des accords de Vienne. Du coup les protestants annoncèrent qu’ils refuseraient de voter les crédits.

 

Pendant que Ferdinand attendait l’arrivée des délégations, un événement fâcheux allait provoquer l’indignation de tous les protestants de l’Empire : l’incident de Donauworth (ville impériale située au nord d’Augsbourg)

 

25 avril 1605. A Donauworth, les protestants largement majoritaires veulent interdire une procession catholique en l’honneur de Saint-Marc. L’abbé du monastère de Sainte-Croix la maintient et des troubles éclatent au passage des catholiques. Des violences sont mêmes commises et l’abbé porte plainte auprès de l’empereur.

 

Juin 1605. Le capucin Lorenzo de Brindisi, en route pour Prague où il doit rencontrer Rodolphe II à la demande du Pape, veut s’arrêter à Donauworth. Il en est chassé par les Luthériens ce qui provoque le dépôt d’une nouvelle plainte.

 

Début 1607. Rodolphe II de nouveau sollicité par Lorenzo de Brindisi, pour l’affaire de Donauworth de juin 1605, ordonne au duc Maximilien de Bavière d’ouvrir une enquête.

 

Avril 1607. A Donauworth, lors de la procession annuelle de la Saint-Marc, les deux commissaires préposés à l’enquête sont molestés par la foule. Dans leur rapport, ils soulignent la passivité, voire la complicité des édiles. Dans les semaines suivantes plusieurs princes protestants envoient des messages d’approbation.

 

7 décembre 1607. Rodolphe II décide de frapper la ville de Donauworth de proscription. Craignant que l’empereur ne reviennent sur sa décision le duc de Bavière fait occuper la ville par une troupe de 7000 hommes.

  • Les principaux meneurs sont remis aux soldats par les magistrats.

  • Les magistrats sont obligés de reconnaître la liberté de culte aux catholiques.

  • Les habitants doivent entretenir la garnison.

  • Tous les pasteurs protestants sont expulsés de la ville et leurs paroisses confiées à des Jésuites.

 

« L’occupation de Donauworth, dont on ne sut jamais, eu égard à la complexité du droit impérial, si elle était légale ou non, provoqua une vive émotion parmi les protestants d’Empire. Elle alourdit gravement le contentieux qui allait donner naissance à la guerre de Trente ans. »

 

12 janvier 1608. Ouverture de la Diète de Ratisbonne. Les protestants réclament que la paix religieuse soit solennellement reconnue et ratifiée avant tout prélèvement d’impôt. Les délégués catholiques répondent qu’ils sont d’accord sur le principe mais exigent en préalable la restitution des biens ecclésiastiques acquis par les protestants depuis 1555. Mais les protestants ne pouvaient accepter une telle demande qui les eut privés de toute possibilité d’exercer leur culte.

 

3 mai 1608. Devant l’intransigeance catholique, les délégués protestants quittent tous la Diète. Et constatant que la Diète est dans une impasse, Ferdinand la clôture. « La Diète de Ratisbonne ne pouvait se terminer plus lamentablement ; la rupture entre états catholiques et protestants était plus profonde qu’elle n’avait jamais été depuis la paix d’Augsbourg. »

 

Le pacte de Presbourg.

 

Parallèlement à la Diète de Ratisbonne,, l’archiduc Mathias rassemble les Etats de Hongrie à Presbourg (Bratislava) et ceux d’Autriche à Vienne qui sont ensuite invités à rejoindre ceux de Hongrie.

 

21 janvier 1608. A Presbourg, ouverture d’une sorte de Diète parallèle qui rassemble tous les opposants hongrois et autrichiens.

 

« A Presbourg, l’archiduc Mathias menait un jeu dangereux. En encourageant les opposants à Rodolphe, il menaçait en fait sa propre famille et compromettait son avenir politique au cas où il succéderait à son frère ainé (….) Au contraire de Rodolphe, il s’engageait à défendre la liberté des Etats. Mathias croyait manoeuvrer les Etats contre Rodolphe, mais en réalité ceux-ci ne faisaient qu’exploiter les circonstances à leur profit (…) Ils se déclaraient favorables à Mathias, non à cause de ses promesses, mais parce qu’ils le croyaient plus faible. »

 

1er février 1608. Signature du pacte de Presbourg.

« Les parties signataires s’engageaient à s’unir corps et bien et à se prêter mutuelle assistance contre quiconque refuserait de reconnaître le traité de Vienne de 1606. « La signature du pacte de Presbourg créa une extraordinaire effervescence dans tout l’Empire. Un durcissement de la querelle entre les deux frères ne pouvait qu’inciter les Etats à davantage d’audace. »

 

13 février 1608. Arrestation d’un émissaire de l’archiduc Mathias par les agents de Ferdinand. On trouve sur lui des lettres adressées par les Etats hongrois aux autres Etats protestants de l’Empire et le texte intégral du Pacte de Presbourg, ce qui permet à Ferdinand et Rodolphe d’être informés de l’existence du pacte.

 

« L’opposition entre Mathias et Rodolphe était désormais engagée dans un processus irréversible. L’archiduc se préparait à croiser le fer contre son frère ainé et tentait de gagner la confiance des troupes impériales. Mal payées et mal ravitaillées, ces dernières menaçaient de se mutiner contre le comte Tilly si ce dernier ne distribuait pas ces arriérés de solde. L’officier wallon qui avait concentré ses forces près de Prague ne put rien obtenir de Rodolphe. »

 

Printemps 1608. Assemblée à Olmütz. Les Etats moraves proclament leur intention d’adhérer au pacte de Presbourg.

 

Mars 1608. Le comte Bruno von Mansfeld émissaire de Mathias est arrêté par les agents de Rodolphe en possession du texte du pacte des archiducs de 1606. « Comme il n’y avait à priori aucune raison pour que Mansfeld détint un pareil document, on est conduit à penser que Mathias lui-même aurait provoqué cet incident pour que l’Empereur ait connaissance du pacte. Par cette sombre manoeuvre, il espérait brouiller définitivement Rodolphe et Ferdinand. »

 

« Ferdinand fut reçu à Prague par l’Empereur. Au cours d’un long plaidoyer il protesta de son innocence, affirmant qu’en signant le pacte, il n’avait fait que reconnaître les droits de l’ainé, en l’occurence Mathias, sans que cela soit aucunement dirigé contre l’Empereur. Il affirma avoir été abusé quant à l’utilisation du document qui serait faite. Abandonné de tous, Rodolphe ne peut faire que de pardonner à son cousin. »

 

En obtenant le pardon impérial, Ferdinand avait définitivement perdu la confiance de Mathias. Une animosité durable naquit entre les deux hommes.

 

La sympathie de Rodolphe se reporta sur son jeune cousin Léopold évêque de Passau et de Strasbourg qui n’avait pas signé le pacte de Vienne. Agé de 23 ans, il voyait dans l’amitié de l’Empereur un moyen de jouer un rôle politique important.

 

Une affrontement armé entre Rodolphe et Mathias semblait imminent et Ferdinand tenta une médiation auprès du comte Karl von Harrach, homme de confiance de Mathias. Mais selon lui, l’intransigeance de Rodolphe justifiait l’utilisation des moyens les plus extrêmes.

 

Le pacte de Presbourg avait porté un coup fatal à l’autorité de Rodolphe. Pour essayer de redresser la situation, le secrétaire impérial Haniwald soumit un plan consistant en l’inculpation pour haute trahison des nobles autrichiens, hongrois et bohémiens qui s’étaient dressés contre son autorité avec confiscation de leurs biens. La Bohême serait transformée en une monarchie nationale appuyée sur le peuple et non sur les féodaux. « Mais le souverain n’avait plus la force d’entreprendre une réforme aussi profonde (….) L’empereur ignora les avis de Haniwald et laissa se développer l’opposition de son frère et des Etats. »

 

Février 1608. L’évêque de Vienne, Melchior Khlesl commence à lever des troupes pour le compte de Mathias.

 

8 mars 1608. Melchior Khlesl convoqué par le président du Conseil privé, le cardinal Dietrichstein pour s’expliquer sur cette levée de troupes, plutôt que de faire amende honorable, réclame la couronne de Hongrie pour Mathias.

 

17 mars 1608. Le cardinal Khlesl est reçu par Rodolphe II. Il demande au souverain de laisser Mathias régner en Hongrie. Rodolphe réagit brutalement, déclarant que son frère n’a aucune qualité pour régner. D’autre part, il refuse de ratifier la paix de Zsitva-Torok qui, selon lui, sanctionne la défaite de Mathias contre les Turcs.

« Lorsque Khlesl quitta le palais pragois, la rupture entre Rodolphe et Mathias était consommée. »

 

Avril 1608. Mathias à la tête d’une armée de 12.000 hommes pénètre en Moravie où les principaux seigneurs du pays se rallient à lui.

 

Rodolphe qui n’a que peu de moyens militaires charge le cardinal Dietrichstein d’une mission de conciliation auprès de Mathias qui durcit ses exigences réclament la suzeraineté sur l’Autriche et la Hongrie, la garantie de la succession en Bohême ainsi qu’un tribut de 400.000 gulden.

 

8 mai 1608. Finalement sous la pression générale, Rodolphe consent à écrire « qu’il serait heureux que son très cher frère gouvernât en son nom l’Autriche et la Hongrie. » Mathias jugeant cela insuffisant fait avancer ses troupes jusqu’à trois lieues de Prague.

 

23 mai 1608. En dernier recours, Rodolphe convoque la Diète de Bohême.

« Les délégués protestants les plus extrémistes, tels Vaclav Kinsky ou le comte Thurn, formaient déjà le projet d’une République tchèque gouvernée par des seigneurs locaux, englobant la Bohême, la Moravie et la Silésie. Les autres réclamaient, en plus d’une liberté totale de culte, la reconnaissance de nombreux privilèges. Un mémoire en vingt-cinq articles résumant les revendications des Etats fut établi et présenté par le porte parole Vaclav Budovec. Peu après, sous la conduite de Karel Zerotin, les partisans de Mathias se présentèrent devant la Diète pour soutenir les prétentions de l’archiduc et invitèrent les Etats à s’allier à leurs homologues autrichiens et hongrois. Mais la majorité des députés refusa de recourir à des solutions extrêmes et rejeta l’idée de fédération avancée par Zerotin, estimant que celle-ci privilégiait trop la Basse-Autriche et son archiduc. Finalement, les Etats résolurent d’apporter leur aide militaire à Rodolphe sous réserve que celui-ci respectat leurs libertés religieuses et politiques. Six des Cercles de Bohême mirent sur pied 18.000 fantassins et 1000 chevaux, la ville de Prague fournit 10.000 combattants. Enfin Tilly revint au début du mois de juin à la tête de 5000 Wallons aguerris qu’il était allé recruter aux Pays-Bas. »

 

25 juin 1608. Paix de Liben. Signature d’un traité entre Rodolphe et Mathias.

  • Rodolphe cédait à Mathias le royaume de Hongrie et le margraviat de Moravie.

  • Rodolphe restait maître de la Bohême.

  • Mathias s’engageait à licencier ses troupes et à verser à son aîné une rente annuelle perçue sur les revenus hongrois et moraves.

 

« Mais la paix de Luben ne résolvait rien. Rodolphe avait cédé sous la pression des armes ; ce qui qui était inconcevable pour un empereur. D’autre part, la haine était trop grande entre les deux frères pour disparaître sous l’effet d’une simple signature. Mathias semblait sortir vainqueur de la querelle fratricide. En réalité, en poussant les Etats des domaines héréditaires à se rebeller contre Rodolphe, il avait sapé l’autorité de toute la maison d’Autriche. Lorsqu’il montera sur le trône impérial quatre ans plus tard, il récoltera les fruits amers de cette politique insensée. »

 

Union évangélique et Sainte Ligue.

 

« En quittant brusquement la Diète de Ratisbonne, la plupart des délégués protestants n’avaient plus qu’une idée : se retrouver entre eux pour examiner la situation nouvelle créée par l’intransigeance des catholiques et par le coup de force bavarois à Donauworth. »

 

Mai 1608. Réunion des délégués protestants dans un couvent à Auhausen en Souabe près de Nordlingen. Elle est présidée par l’Electeur Palatin Frédéric IV et par le prince Christian d’Anhalt. L’assemblée réunit les princes les plus influents.

« Tous étaient décidés à nouer une alliance défensive contre l’Empereur et les Etats catholiques, alliance dont l’Electeur palatin serait à l’évidence le premier bénéficiaire. »

 

Frédéric IV et le prince d’Anhalt avaient plusieurs raisons de vouloir créer une ligue protestante :

  • Réaffirmation de sa primauté au sein de l’Allemagne protestante.

  • Les domaines de Frédéric IV étaient les plus directement menacés. Eclatés en deux parties distinctes éloignées de plus de 50 lieux, les territoires de l’Electeur étaient particulièrement vulnérables.

 

Juin 1608. Conclusion d’un accord défensif entre les princes protestants pour une durée de 10 ans. « Il prévoyait la distribution de subsides à tous les membres de l’Union, notamment ceux des pays rhénans, en cas de troubles ou d’occupation par des armées impériales. Des levées de troupes seraient effectuées par l’ensemble des adhérents pour soutenir leurs coreligionnaires menacés. »

 

Juillet 1608. Deuxième réunion des princes protestants à Rothenburg pour préciser l’organisation de l’Union.

  • Le margrave Joachim Ernest de Brandebourg est nommé général des troupes.

  • Christian d’Anhalt reçoit le titre de lieutenant général.

  • D’autres princes obtiennent des commandements.

  • L’Electeur Jean Sigismond de Brandebourg depuis peu régent du duché de Prusse fut un des premiers à donner son adhésion.

 

« La création de l’Union évangélique, héritière spirituelle de la Ligue de Smakalde, avait de quoi inquiéter l’Empereur et les états catholiques. Ces derniers n’ignoraient pas que l’Electeur Palatin et le prince d’Anhalt étaient liés à la France et plus encore à l’Angleterre, avec laquelle ils finirent par conclure un traité de mutuelle assistance à Wesel en 1612 pour une durée de six ans. De là venait tout le danger. Si les membres de l’Union déclaraient respecter les droits de l’Empereur et de l’Empire, ils ne cachaient pas vouloir se défendre contre ceux qui transgressaient les constitutions en utilisant la force armée. L’allusion à l’affaire de Donauworth et à l’attitude de Maximilien de Bavière était claire. »

 

Au début l’Union évangélique ne rassemble que des princes ou des Etats favorables au calvinisme.

 

Un lourd contentieux avec l’Electeur de Saxe luthérien fit échouer les tentatives de rapprochement des deux branches du protestantisme.

  • Les Calvinistes lui reprochaient la condamnation et l’exécution du ministre Krell qui avait tenté de promouvoir le calvinisme.

  • L’Electeur bien que protestant considérait que l’Empereur avant d’être le chef des catholiques était le garant des intérêts territoriaux face aux puissances étrangères. Son successeur le duc Jean-Georges traversa toute la guerre de Trente ans avec une opinion identique.

 

Août 1608. En réaction à la création de l’Union évangélique, le duc de Bavière créé une Sainte Ligue dont le but officiel est la Défense de la religion catholique. Cette ligue était purement défensive.

 

10 juillet 1609. Maximilien de Bavière signe l’acte de fondation de la Sainte Ligue qu’il a rédigé lui même. Le duc est proclamé chef de la Ligue. Il est assisté d’un conseil composé des évêques les plus importants de l’Empire.

 

Automne 1609. Au cours d’une réunion de la Sainte Ligue, Maximilien de Bavière obtient l’adhésion des trois électeurs ecclésiastiques : les archevêques de Mayence, de Cologne, de Trèves.

Mais l’archevêque de Mayence exige en contrepartie qu’un directoire spécial soit créé en sa faveur sous prétexte de son éloignement de la Bavière et qu’il souhaitait pouvoir prendre seul les décisions concernant les Etats catholiques du Rhin. La Sainte Ligue aura désormais deux branches : la rhénane et la bavaroise.

 

8 février 1610. Ouverture à Wurzburg d’une assemblée générale des membres de la Sainte Ligue :

  • Le montant des contributions de chaque membre est fixé.

  • Précision de l’organisation militaire.

  • Le duc de Bavière est nommé généralissime des troupes de la Ligue. Il est chargé de former un état-major.

  • L’adhésion de Ferdinand de Styrie est confirmée.

 

Printemps 1610. Assemblée fédérale de la Ligue bavaroise à Munich :

  • Création d’une commission chargée d’organiser la défense des territoires de la Ligue. Elle est placée sous l’autorité du comte Tilly nommé lieutenant-général des armées. Il se met immédiatement au travail recrutant une armée semi-permanente et une milice. Il fortifie aussi plusieurs points stratégiques.

  • Établissement d’une sorte de code militaire permanent qui restera en usage jusqu’à la fin de la guerre de Trente ans. Grâce à ce code, les officiers de la Ligue purent maintenir une discipline rigoureuse qui empêcha les débordements coutumiers dans les autres armées.

 

« Frédéric V à la tête de l’Union évangélique et Maximilien Ier à celle de la Ligue devenaient les arbitres de l’équilibre militaire en Allemagne. Or ils étaient en même temps les deux chefs des branches palatine et bavaroise de la maison de Wittelsbach. Il est impossible d’expliquer certaines décisions et attitudes apparemment ambiguës du duc de Bavière à la veille de la guerre de Trente ans si on oublie que, tout en étant le chef d’une organisation ultra-catholique, il demeurait lié par le sang aux princes calvinistes de Heidelberg (….) Il est également important de souligner que la rivalité entre les deux branches de la maison Wittelsbach au sujet de l’attribution de la dignité électorale datait de plusieurs siècles. »

 

« Ainsi donc, en moins d’un an, étaient nées les deux grandes organisations défensives dont l’antagonisme allait être une des causes les plus évidentes du déclenchement de la guerre de Trente ans. La dispersion géographique des membres de la Ligue, aussi bien que de l’Union, ne pouvait que propager le conflit aux dimensions de l’Empire. En outre, la qualité et le nombre des adhérents confirmaient l’extrême affaiblissement du pouvoir impérial ainsi que la profondeur de la crise morale qui affectait l’Empire (….) L’apparition de ces associations n’était en fait que la traduction politique du vaste mouvement de militarisation qui saisissait alors toute l’Allemagne (….) certes la militarisation n’était pas la guerre. Du moins pas encore. Mais la crise des duchés bas-rhénans de Juliers et de Cleves allait bientôt renforcer l’inquiétude des observateurs les plus clairvoyants. »

 

La lettre de Majesté.

 

Devant la menace de l’armée de Mathias, les États de Bohême avaient apporté leur concours à la défense de Prague contre la promesse de nouvelles libertés religieuses. Mais une fois la menace passée, Rodolphe avait oublié ses promesses.

 

Mai 1609. Les protestants envoient un mémoire rédigé par Vaclav Budovec qui résume leurs principales revendications. Rodolphe ne donne aucune réponse.

 

4 juin 1609. Nouvelle adresse des États de Bohême à Rodolphe.

 

13 juin 1609. Faute de réponse à leur adresse du 4 juin, une délégation conduite par le comte Andreas Schlick se présente au Palais Royal. Ils sont reçus sans enthousiasme par Rodolphe qui quitte la salle d’audience en plein milieu du discours des délégués. « Scandalisés par l’attitude méprisante de l’Empereur, les protestants adressèrent coup sur coup trois messages comminatoires. »

 

9 juillet 1609. Pour préserver sa tranquillité Rodolphe publie la « Lettre de Majesté » en 25 articles, « dont le contenu ambigu allait alimenter toutes les querelles religieuses en Bohème jusqu’à la guerre de Trente ans. » Le document rédigé en langue tchèque est solennellement remis à Vaclav Budovec. Il prévoit :

  • La proclamation la liberté religieuse dans tout le royaume de Bohême.

  • La nouvelle Église de la confession utraquistes pouvait désormais avoir un consistoire officiel.

  • La confession tchèque était reconnue de Jure.

  • L’université (le carolinum) contrôlée par les catholiques était remise aux utraquistes.

  • Les Jésuites restaient maîtres de leur académie le clementinum.

Afin de veiller à la bonne application de la Lettre de Majesté et de contrôler le fonctionnement du consistoire et de l’université, les États protestants désignèrent trente Défenseurs, dix pour chacun des trois États.

 

« La Lettre de Majesté permettait aux protestants bohémiens de se maintenir dans les églises qu’ils possédaient déjà mais aussi de construire de nouveaux lieux de culte et d’écoles. Par la suite, ce point occasionna de nombreuses frictions avec les catholiques dans la mesure où il n’était pas précisé ce qu’il adviendrait des revenus de ces édifices lorsqu’ils seraient élevés sur des terrains dépendant de l’Eglise catholique et notamment de l’archevêché de Prague. »

 

« Ainsi donc la Lettre de Majesté et le porovmani (texte complétant la Lettre de Majesté) dépassaient le cadre d’une simple charte religieuse. Les implications politiques étaient très importantes. Les États protestants ne pouvaient se réunir que pour discuter de problèmes religieux, tandis que la Diète regroupant les députés de toutes les confessions, restait la seule habilitée à discuter des questions politiques, militaires ou fiscales. Néanmoins l’apparition des Défenseurs et l’attribution à ces derniers de nouveaux privilèges confirmaient l’effondrement de l’autorité royale. »

 



09/06/2025
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