Théoriciens militaires (article)

Théoriciens militaires 

 

 

Ardant du Picq (Colonel Charles) (1821-1870). France. 

Décède de ses blessures le 15 août 1870 à Metz

L’essentiel de sa doctrine est exprimé dans Études sur le Combat, ouvrage comparant "guerre ancienne" et "guerre moderne", commentant les feux d’infanterie et les compagnies du centre [du dispositif], et se concluant par un ensemble de lettres et par le résultat des questionnaires qu’il a fait parvenir à des militaires.

Son idée maîtresse consiste à démontrer qu'alors que le combat ancien était fondé sur le duel face à face, le combat moderne, de par la technologie, éloigne les deux belligérants qui ne se voient pas et qui agissent l'un sur l'autre à distance. Le fait de ne pas voir son adversaire induit que le combattant est livré à lui-même et que sa puissance repose sur sa force morale. Autrement dit, le combat repose avant tout sur l’être humain et notamment sur sa psychologie (« Étudions donc l’homme dans le combat car c’est lui qui fait le réel »). En effet, pour lui, la défaite est avant tout une rupture psychologique due notamment à la peur et qui génère le désordre, la confusion et la panique. Pour lutter contre cette peur et prendre l’ascendant, il faut éduquer la force morale des soldats à travers la discipline, la confiance et la solidarité. La victoire se fonde donc sur une éducation du soldat qui doit être solidement commandé par des officiers  convaincus de leur rôle.

Ardant du Picq se place donc délibérément dans une perspective très différente de celle de la pensée militaire dominante de l’époque, encore lourdement marquée par l’épopée napoléonienne et fondée sur la supériorité du nombre et des moyens. Il ne se prive d’ailleurs pas de critiquer la théorie des « gros bataillons ». Son approche est à la fois très scientifique et très moderne puisqu’il extrait ses conclusions de questionnaires qu’il diffuse auprès des officiers, sous-officiers et soldats « ayant fait la guerre ».

Les tenants de l'« offensive à tout prix » qui guident l’armée française pendant les premiers mois de la Première Guerre mondiale ont repris à leur compte la théorie de l’ascendant psychologique ; mais dans la pensée d’Ardant du Picq, le feu tue et le combat moderne est un combat à distance qui refuse le corps à corps.

Après 140 ans, Ardant du Picq est un penseur militaire particulièrement moderne et pertinent par la vision qu’il a de la violence guerrière et de la psychologie du combattant. Sa perspective « microstratégique », vue du combattant, tranche sur les approches « macrostratégiques » qui privilégient la manœuvre des masses et des nombres. Sa place reste donc prépondérante dans les bibliothèques militaires, en particulier chez les anglo-saxons

 

Beaufre (Général André) (1902-1975) (France)

Le général Beaufre est un stratège militaire bien connu par les Anglo-saxons, il a été un grand défenseur de l’indépendance nucléaire française et peut être considéré comme un père fondateur des théories utilisées de nos jours à propos du terrorismeu  ou de la guérilla appelée de son temps « guerre révolutionnaire ».

Influencé par Clausewitz, Beaufre donne de la stratégie un ensemble de définitions qui se fondent sur la notion de duel : « art de faire concourir la force à atteindre les buts de la politique ». Son système repose sur une trinité : la force, la volonté et la liberté, qu’il croise avec des variateurs, les niveaux, les modes et les attitudes. Ainsi, la force est subdivisée en quatre niveaux : paix complète, niveau de la guerre froide, niveau de la guerre classique, niveau de la guerre nucléaire. 

L’œuvre abondante du général Beaufre est dominée par un triptyque composé de :

- l’Introduction à la stratégie (1963), 

  • Dissuasion et stratégie (1964)  

  • Stratégie de l’action (1966)

L’Introduction à la stratégie sert un but précis : considérer la stratégie non point comme un ensemble de règles universelles et figées, mais bien plutôt comme une méthode de pensée formalisée qu’enrichit l’histoire. Elle s'articule en quatre parties : dans sa « vue d’ensemble de la stratégie », le général Beaufre livre les prérequis théoriques de la discipline ; avec la « stratégie militaire classique », il récapitule ses grandes mutations de l’Antiquité à nos jours ; la « stratégie atomique » est présentée dans un troisième temps ; il conclut avec la « stratégie indirecte ».

Au premier chapitre, le général Beaufre définit la stratégie comme « la dialectique des volontés employant la force pour résoudre les conflits ». La finalité est de « créer et exploiter une situation entraînant une désintégration morale de l’adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu’on veut lui imposer ». Plusieurs modèles stratégiques peuvent être employés. Le général Beaufre en distingue cinq, chacun variant selon les objectifs fixés et les moyens alloués.

Premièrement, le modèle de « conflit violent visant la victoire militaire », quand l’objectif et les moyens sont considérables. Ce modèle fut théorisé par Clausewitz et domina l’Europe jusqu’au début du xxe siècle quand la Grande guerre  pointa ses limites. 

Deuxièmement, le modèle de « pression indirecte », quand l’objectif est modeste et les moyens limités. Ce modèle dépasse le cadre militaire pour y associer pressions diplomatiques, sanctions économiques et manœuvres politiques. L’Allemagne nazie employa notamment cette logique de pression indirecte pour réaliser une suite d’objectifs intermédiaires, comme l’annexion des Sudètes en 1938. 

Troisièmement, le modèle « par actions successives », quand l’objectif est considérable et les moyens limités. Ce modèle peut se combiner à d’autres, comme celui de pression indirecte. L’Allemagne nazie, par actions successives, parvint finalement à vaincre et occuper la France. 

Quatrièmement, le modèle de « lutte totale prolongée de faible intensité militaire ». Il correspond typiquement à une situation de guerre de libération ou de décolonisation qui, compte–tenu des moyens limités des autochtones, conduit le parti des insurgés à adopter une « stratégie de conflit de longue durée visant à réaliser l’usure morale, la lassitude de l’adversaire ». Ce modèle fut théorisé et employé par Mao Zedong. 

Cinquièmement, le modèle de « la menace directe », s’inscrivant plus particulièrement dans l’ère atomique et correspondant à une situation où les objectifs sont relativement modestes et les moyens objectivement disproportionnés.

Pour déterminer quel modèle utiliser, le stratège doit faire preuve de raison et de créativité. De même que Napoléon  écrivait que la stratégie était « un art simple mais tout d’exécution », Beaufre écrit qu’« aucun artiste n’a jamais peint un tableau en partant d’une liste complète de règles théoriques ». Le général Beaufre considère la préparation comme l’élément capital de la stratégie contemporaine. À ce titre, il prône le développement des services de renseignement  et de la prospective stratégique.

Fernand Bouquerel a repris ce cadre d'analyse pour l'appliquer à la stratégie d'entreprise dans son livre Management (1969).

 

Clausewitz (Général Carl von) (1780-1831) (Prusse)

Les écrits de Clausewitz sont une base majeure de la théorie stratégique moderne.  Ses idées suscitent toujours des interprétations parfois contradictoires et d'ardentes discussions :

L’œuvre de Clausewitz n'était pas destinée, à l'origine, à être publiée. La première idée à avoir est celle qu'elle est inachevée. Son traité majeur, De la Guerre (Vom Kriege), a été rédigé en majeure partie après les guerres napoléoniennes, entre 1816 et 1830, et laissée inachevée à sa mort en 1831, l’œuvre fut compilée et publiée à titre posthume entre 1832 et 1835 grâce aux soins de sa femme. « Le premier chapitre du livre I est le seul que je considère comme achevé » (1827). Toutefois, cette imperfection n'empêche pas son œuvre d'être l'une des plus réalistes et des plus complètes en matière de stratégie militaire.

Les notions qu'il aborde dépassent largement le simple domaine militaire et influencent un grand nombre de sciences humaines, en particulier la science politique ou l’économie. 

Ses théories sont essentiellement descriptives : Clausewitz ne cherche pas à imposer des solutions qu'il aurait découvertes au cours de ses campagnes, mais il donne plutôt au lecteur des instruments conceptuels et dialectiques une « grammaire » très puissante, pour lui permettre de saisir toute la complexité de la stratégie et de gérer l'incertitude. C'est ce qui a permis à son œuvre de traverser deux siècles, d'être toujours pertinente et de faire l'objet de questions encore très actuelles.

Les controverses qui entourent l'œuvre de Clausewitz résident principalement dans l'interprétation des notions qu'il développe et dans l'importance que chacun des lecteurs a accordée à tel ou tel concept pour soutenir ses propres théories. C'est ce qui explique que des personnes aussi diverses que le duc de Wellington, Moltke, Liddell Hart, J.F.C Fuller, Lénine, Hitler, Raymond Aron, Colin Powell, René Girard, Nelson Mandela , etc., l'aient considéré comme une référence intellectuelle essentielle. On a retrouvé un exemplaire annoté de De la Guerre dans une cache d’Al-Qaida à Tora Bora. 

L'écrivain et essayiste Guy Debord s'est inspiré des écrits de Clausewitz pour concevoir son Jeu de guerre en 1965 

Clausewitz a démontré avec force la compénétration du politique et du militaire dans l’acte de guerre. 

Sa seconde idée maîtresse est celle de la « guerre absolue »  : la dialectique propre à la lutte militaire implique l’« ascension aux extrêmes » et la recherche de l’anéantissement de l’adversaire. Idées qui n’épuisent pas la richesse d’un ouvrage, De la guerre, qui se signale comme l’un des traités de stratégie militaire les plus influents jamais écrits.

Le livre I présente une analyse conceptuelle de la guerre. 

Réduite à son essence abstraite, la guerre est comparable au duel, acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter sa volonté.

Le moyen par excellence d’atteindre cet objectif est le désarmement de l’ennemi, et la dialectique de la lutte entraîne irrésistiblement l’« ascension aux extrêmes ». Or l’expérience, c’est-à-dire l’histoire, offre rarement l’exemple de guerres menées à la manière napoléonienne, c’est-à-dire de « guerres absolues », où la violence se déchaîne conformément au concept. Dans la réalité, le duel est le fait d’États, qui proportionnent les objectifs militaires aux buts politiques ; pour instruments ils utilisent des armées, machineries complexes dont Von Clausewitz désigne les contraintes d’emploi par la notion de « friction ». La guerre ne consiste pas en un seul coup sans durée, mais se déroule dans le temps et l’espace ; la supériorité intrinsèque de la défense sur l’attaque favorise la suspension fréquente de l’acte de guerre.

La guerre réelle n’est pas une réalité autonome, mais un fragment de la politique. La politique désigne, d’une part, l’ensemble objectif des institutions, formes sociales et économiques qui donnent leur style général aux conflits et, d’autre part, l’ensemble subjectif des intentions que poursuivent les gouvernements en livrant bataille. Finalement, chaque guerre est absolument singulière et fait apparaître le jeu variable de trois principes : 

  • un principe politique, 

  • un principe militaire, 

  • un principe populaire. À l’époque de De la guerre, le mouvement politique et social de la Révolution française a prodigieusement amplifié l’élément populaire et passionnel de la guerre, la rapprochant de sa forme absolue.

Le livre II expose la portée et les limites d’une théorie de la guerre. Dans ce livre l’auteur récuse toute prétention à construire une doctrine positive de la guerre. Ce serait, selon lui, négliger les grandeurs morales dont la guerre est tout entière pénétrée : les talents du chef de guerre, les vertus guerrières de l’armée, l’état d’esprit de la population, tout élément psychologique qui entre en jeu et ne se mesure pas en nombres. Par ailleurs, le face-à-face avec un adversaire intelligent qui réagit, l’incertitude de l’ensemble des données, le « brouillard de la guerre » (climat d’incertitude dans lequel se déroule la guerre), rendent très difficile la constitution d’une théorie qui voudrait enseigner une méthode d’action. C’est dans le domaine tactique qu’il est possible et nécessaire de codifier, de produire des procédures et règlements. En fait, en matière de stratégie, la théorie existe pour orienter et aviser le développement intellectuel du chef de guerre plutôt que pour le guider véritablement sur le champ de bataille.

Les livres III à VII proposent un examen rationnel des problèmes stratégiques.

Dans ces livres, l’auteur aborde successivement la stratégie en général, l’engagement, les forces militaires, la défense, l’attaque. Le souci de rigueur conceptuelle qu’il manifeste est équilibré par la préoccupation permanente du réel, du fait vrai, du détail technique. Les longues considérations, aujourd’hui vieillies, sur les marches, le ravitaillement, les forteresses, la défense des marais, etc. qui montrent les contraintes exercées sur la stratégie par la géographie et la nature de l’outil militaire de l’époque, illustrent également le réalisme de l’auteur.

Tactique et stratégie se distinguent sous le rapport des moyens et des fins : le moyen de la tactique est le combat, sa fin la victoire ; le moyen de la stratégie est le résultat des combats, avec pour fin l’objectif militaire de la guerre (Ziel), qui ne se confond pas nécessairement avec le but politique (Zweck). À la fin de l’époque napoléonienne, les forces armées étant approximativement de même niveau pour l’organisation et les moyens de combat, c’est à la supériorité numérique que revient le rôle décisif sur le plan stratégique.

Comme matériau élémentaire de l’acte de guerre, le combat, même s’il n’est pas livré et qu’on se contente de supputer son résultat probable, est la référence ultime, et la destruction des forces ennemies la pierre de touche de toute action de guerre. C’est pourquoi le stratège prussien insiste sur le caractère décisif de la bataille principale  « centre de gravite » de la guerre.

L’acte de guerre, enfin, prend deux formes fondamentales qui, en dépit de ce que peut suggérer l’intuition, ne sont pas le symétrique l’une de l’autre. Conceptuellement, la finalité de l’attaque est de conquérir, celle de la défense est de conserver. Toutes choses égales par ailleurs, la défense est une forme intrinsèquement supérieure, comme le prouve le fait qu’elle est toujours utilisée par le plus faible. Cette supériorité tient à ce qu’elle bénéficie de l’avantage du terrain, et que le temps travaille à son avantage : l’offensive, quand elle n’a pas réussi à abattre immédiatement l’adversaire, finit toujours par atteindre un point culminant au-delà duquel la vulnérabilité de l’attaquant croît et permet à la défense de se muer en contre-attaque.

De la guerre devait se composer au total de huit tomes, mais seulement sept nous sont parvenus. Ces tomes sont organisés de la manière suivante :

Livre I : De la nature de la guerre

Livre II : De la théorie de la guerre

Livre III : De la stratégie en général

Livre IV : L’engagement

Livre V : Les forces militaires

Livre VI : La défensive

Livre VII : L’attaque (incomplet)

Livre VIII : Le plan de guerre (à l’état d’ébauche)

 

Douhet (Général Giulio) (1869-1930) (Italie). 

En 1921, le général italien Giulio Douhet publie La Maîtrise de l'air, ouvrage fondateur de la pensée stratégique aérienne. Ce livre va avoir une influence immense sur les armées de l'air de tous les pays. Il sera traduit et commenté tant aux États-Unis que dans la Russie soviétique, en France, au Japon, au Brésil... Douhet y énonce le théorème de la suprématie de la puissance aérienne qui peut, à elle seule, apporter la victoire par le bombardement stratégique qui brise la volonté de résistance de l'ennemi. 

Cette pensée dogmatique a souvent été simplifiée et déformée par des commentateurs pressés ou par des traductions partielles. 

Seule une traduction intégrale permet de suivre le déroulement de la logique implacable de Douhet. 

Ses théories affirment la supériorité de l'aviation. Celle-ci agit dans les trois dimensions et n'est pas tributaire de la géographie comme les troupes à terre et les lignes de front.

Ses théories pourraient être résumées par « les bombardiers passent toujours ». Aucune arme, ni la défense anti-aérienne, ni l'aviation de chasse ne serait capable de bloquer une offensive aérienne majeure.

Ces offensives aériennes permettraient de remporter la victoire en bombardant les arrières de l'ennemi et ses centres vitaux économiques (industries, entrepôts, voie ferrées) et militaires (dépôts, quartiers-généraux) mais également en bombardant les populations civiles pour briser son moral.

Ses théories furent en vogue dans les années 1930 et seront utilisées par les Italiens et les Allemands lors de la guerre d’Espagne puis par les puissances belligérantes lors de la Seconde Guerre mondiale.

Elles ne furent pas partagées par certains autres théoriciens comme le général Amedeo Mecozzi et ne furent pas toutes confirmées par les faits. Ainsi le bombardement des populations civiles lors de Seconde Guerre mondiale loin de provoquer la reddition, constitua plutôt un renforcement du sentiment patriotique.

Il reste néanmoins comme un grand précurseur de l'aviation militaire ayant forgé des concepts encore valables de nos jours, comme la priorité qui doit être accordée à l'obtention de la supériorité aérienne, le bombardement de terreur (qui est à la base de la dissuasion  nucléaire) et l'attaque en profondeur des centres vitaux d'un pays.

 

Foch (Maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne Ferdinand) (1851-1929(France). 

Si Ferdinand Foch émerge du premier conflit mondial comme son plus grand chef militaire, celui qui aura conduit l'Entente à la victoire et l'Allemagne à l'armistice, il ne le doit pas au hasard. Il le doit a sa forte personnalité, qui sait s'imposer face aux événements, mais il le doit surtout à sa capacité exceptionnelle à comprendre, à voir, à expliquer. Il le doit donc à sa capacité à dire, à écrire l'essentiel de manière limpide. C'est cette capacité qui marque son oeuvre majeure, Des principes de la guerre, écrit dès 1903 et qui a connu plus de dix réédition. Cet ouvrage - où se décline l'essentiel de la pensée militaire de Foch autour de son idée maîtresse : « Apprenez à penser » - est un des jalons essentiels de la pensée militaire, au même titre que l' Art de la guerre de Sun Tzu, le De la guerre de Clausewitz, le Précis de l'art de la guerre du baron de Jomini ou le Stratégie de Lidell Hart. Les principes qu'il énonce constituent encore aujourd'hui le fondement de la doctrine militaire non seulement française mais occidentale. Si l'on s'intéresse à l'art militaire, Des principes de la guerre est tout simplement une oeuvre qu'il faut avoir lu.

 

 

 

Fuller (major général John Frederick Charles) (1878-1966) (Britannique) . 

Officier général, britannique, intellectuel, militaire rebelle, hérétique, iconoclaste, occultiste, progermanique, non-conformiste, agitateur d'idées, provocateur, journaliste, historien, politicien et philosophe le Major-General J.F.C. Fuller doit être considéré comme le véritable prophète de la Blitzkrieg et le chef de file de la pensée militaire moderne née de la Grande Guerre. 

Lors de la Première Guerre mondiale il arrive en France en 1915 et se demande comment retrouver la mobilité opérative dans le contexte de la guerre de tranchées. Il est le chef des opérations du Tank Corps entre décembre 1916 et mai 1918. Il propose raid blindé sur Cambrai qui se transforme en offensive de 381 chars dans ce qui est la première attaque massive de chars de combat de l'Histoire.

Il conçoit le plan 1919 prévoyant une vaste offensive blindée en 1919 préfigurant la guerre blindée moderne. Ses travaux ont inspiré, entre autres, Heinz Guderian et la conception de la Blitzkrieg  ainsi que George Patton. En 1919, il a le grade de colonel.

Il quitte l'armée au grade de major-généra en 1933 après avoir tenté en vain de réorganiser l'armée britannique selon ses vues d'une armée mécanisée avec le char de combat  en élément principal théorisé en 1924-1925 lors de ses conférences sur « Les fondations de la science de la guerre ». Il influence alors des officiers britanniques. 

Sa notoriété est telle qu’il est le seul étranger invité aux premières manœuvres d’une Panzerdivision allemande en 1935. 

Il est aussi l'inventeur du « clair de lune artificiel », un éclairage intense du champ de bataille permettant de localiser l'ennemi lors des attaques nocturnes et mis en pratique grâce à des projecteurs lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale.

 

Galula (Lieutenant-colonel David) (1919-1967) (France)

En 1945, à la Libération, il accompagne le colonel Jacques Guillermoz en Chine , où celui-ci a été nommé attaché militaire d’ambassade. Galula est fait prisonnier par les troupes communistes, puis libéré grâce à une intervention américaine. 

Durant cette période, il étudie les théories du stratège Mao Ze Dong . En 1948, membre de la Mission des Nations unies dans les Balkans  (UNSCOB), il observe la guerre civile grecque. 

De 1952 à février 1956, il est attaché militaire au consulat français de Hong-Kong. Il rencontre aux Philippines le futur responsable de la contre-insurrection américaine, le général Edward Lansdale alors en train d'achever sa victoire contre l’insurrection communiste, et en Indochine le général Raoul Salan, commandant de janvier 1952 à mai 1953.

D'août 1956 à avril 1958, il commande en Algérie la 3e compagnie du 45e bataillon d'infanterie coloniale. Il applique dans le secteur dont il a la charge, en Kabylie les méthodes de contre-insurrection qu'il a tirées de ses observations antérieures. Ses résultats sont remarqués. Son avancement, jusque-là assez lent, s'accélère brusquement. Invité pour des conférences à l'étranger, il est affecté à l’Etat-major de la défense nationale. Il prend sa retraite avec le grade de lieutenant-colonel. 

En 1962, il demande sa mise en congé sans solde pour partir étudier aux Etats-Unis où il devient chercheur associé à l’université de Harvard. Il se lie avec le général William Westmoreland (futur commandant des troupes américaines au Viêt-Nam) qui lui obtient un poste à Harvard auprès d’Henry Kissinger (futur secrétaire d’État), dont il devient très proche. Il rédige deux ouvrages sur son expérience et sa conception du combat de contre-insurrection que la Rand Corporation fait publier.

Il revient par la suite en France, puis au Royaume-Uni où il travaille pour l’OTAN. 

Ses travaux, tombés dans les oubliettes de l'histoire, sont restés dans les archives jusqu’en 2003. Pendant la guerre en Irak, les Américains doivent faire face à une insurrection qu'ils n'arrivent pas à maîtriser. 

En 2005, l’US Army,  redécouvre le livre de David Galula sur la contre-insurrection, et son analyse est estimée si intéressante que sa théorie est enseignée aux officiers stagiaires. Le général David Petraeus qualifie Galula de penseur philosophique et stratège militaire militaire français le plus important du XXe siècle. La communauté militaire américaine le considère aujourd'hui comme l'un des principaux stratèges français du XXe siècle aux côtés de Roger Trinquier et Bernard B Foll.  

Pour David Galula la victoire des insurgés n'est pas une finalité : en s'adaptant à la situation, le gouvernement de contre-insurrection peut s'assurer du soutien de la population, qui est la clé du succès. Son approche de la question est donc avant tout politique, sans recours systématique à la violence. Sa tactique de contre-insurrection se décline en 8 étapes :

  • Première étape : « Concentrer suffisamment de forces ».

  • Deuxième étape : « Affecter un volume de troupes suffisant pour empêcher tout retour en force des insurgés et installer des unités dans chaque hameau ».

  • Troisième étape : « Nouer des liens avec la population et contrôler ses mouvements pour briser les liens avec la guérilla ».

  • Quatrième étape : « Détruire l’organisation politique locale des insurgés ».

  • Cinquième étape : « Organiser des élections locales pour désigner de nouveaux dirigeants provisoires ».

  • Sixième étape : « Tester la fiabilité des dirigeants en leur confiant des missions précises. Remplacer les mous et les incompétents et distinguer les bons. Organiser des unités de défense passive ».

  • Septième étape : « Regrouper les dirigeants au sein d’un mouvement politique national et les former ».

  • Huitième étape : « Rallier ou neutraliser le reliquat des insurgés »

 

Guibert (Jacques-Antoine-Hippolyte, comte de) (1743-1790) (France)

Commençant sa carrière militaire sous les auspices de son père, officier de fortune, Jacques-Antoine-Hippolyte comte de Guibert atteindra le grade de maréchal de camp (officier général). Conseiller du secrétaire d’Etat à la guerre, il théorise un nouveau mode de manœuvre des troupes au combat : il recommande dans l’ordre serré  d'utiliser habituellement la ligne ou ordre mince, qui favorise la puissance de feu, et de réserver la colonne traditionnelle ou ordre profond, pour le choc avec l'ennemi

Il reste surtout un écrivain militaire, tacticien reconnu, dont l’Essai général de tactique est passé à la postérité et a inspiré Napoléon Bonaparte. 

Dans ses écrits, Guibert préconise la réduction du coût des armées en proposant notamment de ravitailler les hommes avec des ressources sur place aux dépens des populations locales. Néanmoins, il s'oppose au pillage, il préconise le recours à des ententes avec les pouvoirs locaux par exemple.

En 1770, il publie à Londres Essai général de tactique qui est un succès en Angleterre et en Allemagne et est même traduit en persan. 

Il est considéré comme l'un des meilleurs essais sur la guerre rédigé par un soldat durant cette période. Il est abondamment commenté dans les salons jusqu'en 1871. Indépendamment des questions techniques, son point de vue éclairé est largement repris à travers toute l'Europe, spécialement dans la période 1763-1792. Il pressentait ainsi la révolution imminente dans l'art de la guerre, une révolution que les tacticiens, eux-mêmes n'avaient pas vu venir, comme le service militaire ; prévision accomplie presque à la lettre vingt ans après la mort de Guibert.

 

 

 

 

Hogard (Général Jacques) (1918-1999) (France)

Praticien mais aussi penseur oublié de la contre-insurrection, Hogard a analysé le phénomène avec détachement, dans sa globalité, en vue de le contrer. Relues à l'aune du conflit afghan ou des nouvelles interventions françaises en Afrique, sa stratégie et sa tactique anti-subversives ouvrent des perspectives étonnamment modernes.

Aux méthodes des combattants mus par une idéologie de conquête des peuples, ce stratège oppose des solutions pragmatiques et intemporelles, qui ne s'exonèrent pas des valeurs de civilisation propres à l'armée française. Il n'édicte pas un vade mecum militaire absolu ou infaillible. Il met en exergue et ordonne une série de lois ou de principes inhérents à tous les succès avérés sur le front de l'insurrection. Leurs effets sont conditionnés, souligne-t-il, à la capacité des responsables à les adapter avec intelligence et foi aux réalités du terrain ciblé. Tant il est vrai que « chaque pacification se fait sur la base d'une solution originale ».

Véritable instigateur de l'école française de stratégie contre-insurrectionnelle, Hogard en résume l'esprit par « une règle d'or simple à énoncer, plus difficile à appliquer : répondre à une action politico-militaire et à une mobilisation populaire par une action du même type ». Son credo ? Agir globalement en permanence, sans dissocier sécurité et pacification

 

Jomini (Antoine Henri baron de) (1779-1869) (Suisse)

Antoine de Jomini est un historien et stratège militaire suisse. Il a fait partie des États-majors de Napoléon Ier  et du tsar Alexandre Ier.

Hautement célébré de son vivant, Jomini est un historien reconnu des guerres napoléoniennes et un stratège exceptionnel de l’histoire militaire occidentale. Son Précis de l’art de la guerre, en particulier, fut considéré au XIXe siècle comme le guide le plus méthodique et le plus complet sur les mécanismes des opérations militaires. Il a été enseigné dans les écoles d’État-major de Russie, d’Angleterre, d’Allemagne, de France, de Belgique et des États-Unis.

Jomini est consacré de son vivant comme le premier expert d’Europe en matière de stratégie militaire. Ses nombreux ouvrages ont assuré sa réputation. Son Traité de grande tactique se divise, au fil des volumes, en deux ouvrages distincts, le Traité des grandes opérations militaires, relatif aux campagnes de Frédéric II, et l’Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution.

À l’issue de la guerre russo-turque de 1828-1829, Jomini décide de rassembler dans un ouvrage l’ensemble de ses considérations théoriques, pour que celles-ci constituent une introduction au Traité. En 1836, devenu précepteur du prince impérial, il remanie son texte, l’enrichit et en fait le Précis de l’art de la guerre.

Le Traité des grandes opérations militaires

Dans son Traité, Jomini veut démontrer la supériorité du système de guerre de Napoléon Ier sur celui de Frédéric II. Il fustige les généraux autrichiens qui, avec leur système de défense en cordon, commettent la faute grossière de vouloir tout couvrir. Il faut, face à cela, tenir son armée concentrée sur une seule ligne d’opérations et manœuvrer sur les lignes intérieures pour accabler successivement les fractions de l’armée ennemie. Jomini se fait l’avocat de l’offensive, qui donne l’initiative des mouvements : vérité parfaitement illustrée, selon lui, par la marche de la Grande Armée  en 1805. Cet avantage dispense de marcher en masse, tant que l’armée n’a pas atteint le point où elle doit rencontrer et combattre l’ennemi. La dispersion précède la concentration. Le but suprême est la destruction de l’armée ennemie.









L’Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution

Dans son Histoire des guerres de la révolution, Jomini aborde toutes les dimensions du conflit, politiques, diplomatiques, opérationnelles, maritimes et coloniales. Il laisse aussi transparaître sa conception des relations internationales. Pour lui, chaque État essaie d’étendre le rayon de sa puissance. Ce réflexe est légitime tant qu’il ne cause pas à l’humanité de commotions trop violentes. Dans certaines limites, Jomini accepte que des conquêtes résultent d’une telle politique. Il estime toutefois qu’il existe un petit nombre de problèmes généraux dont la solution appartient à toute l’Europe, notamment les principes sur le droit des états neutres, sur un équilibre maritime et sur la balance politique du continent. Jomini est partisan d’un équilibre européen, maintenu au besoin par des guerres d’intervention, et il est hostile à toute domination des mers.

Le Précis de l’art de la guerre.

Le Précis représente l’aboutissement de la pensée de Jomini. Il contient cinq branches : 

  • La politique de la guerre. Jomini entend par politique de la guerre différentes combinaisons, qui appartiennent plus ou moins à la politique diplomatique et par lesquelles un homme d’État doit juger si une guerre est convenable, ou même indispensable, et déterminer les diverses opérations qu’elle nécessitera pour atteindre son but. Il inclut ensuite dans la politique militaire toutes les combinaisons d’un projet belliqueux autres que celles de la politique diplomatique et de la stratégie, comme les passions des peuples, les institutions militaires, les ressources et les finances, le caractère du chef de l’État, celui des chefs militaires, etc. 

  • La stratégie. La stratégie est l’art de bien diriger les masses sur le théâtre de la guerre, soit pour l’invasion d’un pays, soit pour la défense du sien. 

  • La grande tactique. La grande tactique est l’art de bien combiner et bien conduire les batailles.

  • La logistique. La logistique désigne l’art pratique de mouvoir les armées 

  • La tactique de détail. La tactique de détail la manière de disposer les troupes pour les conduire au combat.

D’une façon générale, le Précis noie quelque peu les enseignements de la guerre napoléonienne dans un ensemble de considérations qui peuvent faire croire à une volonté de retour à une stratégie plus prudente, où l’objectif est l’occupation de territoires plutôt que la destruction de l’armée ennemie. La stratégie est abordée avec un ensemble de définitions et de démarches conçues en termes d’espace.

Préceptes stratégiques. 

Les préceptes énoncés par Jomini sont tirés de l’observation des multiples campagnes militaires d’Alexandre le Grand, Cesar, Frédéric II et Napoléon Ier 

Dans un premier temps :

  • localiser précisément les fronts droit, centre et gauche de l’ennemi ;

  • comparer les forces de chaque armée ;

  • attaquer énergiquement sur celui qui semble le plus faible.

Dans un second temps :

  • poursuivre l’ennemi avec énergie ;

  • en montagne, couvrir le front avec de petits détachements, pour repérer l’ennemi, puis l’attaquer avec le gros de ses troupes, avant sa concentration ;

  • manœuvrer de manière à couper l’ennemi de ses bases.

Certains principes ont été repris dans la théorie de la guerre de blindés en général, alors que Clausewitz disparaissait peu à peu des pensées :

  • prendre l’initiative des mouvements ;

  • attaquer le point le plus faible ;

  • combiner force et mobilité dans l’offensive ;

  • disperser l’ennemi par de fausses attaques ;

  • des trois alternatives, défensive, offensive, ou une combinaison des deux, choisir soit la deuxième soit la troisième ;

  • si la supériorité d’une armée face à une autre est vraiment forte, elle aura tout intérêt à ne pas concentrer ses forces, mais à attaquer en deux points, comme les deux ailes.

Postérité.

Jomini reste avant tout, avec Clausewitz, le grand interprète de la mutation opérée dans l’art de la guerre par Napoléon. À la différence du stratège prussien, Jomini n’a pas analysé en profondeur les liens entre politique et stratégie.

Mais il a donné à la théorie de la stratégie des bases conceptuelles qu’elle n’a pas encore reniées, même si elles sont dépassées à l’âge nucléaire. Jomini a imposé le terme de stratégie dans son acception opérationnelle, il a répandu les notions de lignes d’opérations, de manœuvres sur lignes intérieures, de position centrale, de logistique. Il a exercé une influence énorme sur toutes les armées d’Europe et d’Amérique de 1815 à 1871 au moins. Si la première moitié du XXe siècle a été marquée par des guerres d’extermination très coûteuses en vies humaines, les guerres de la fin du siècle ont été remportées en appliquant les préceptes stratégiques énoncés par Jomini.

 

Liddell-Hart (Sir Basil Henry) (1895-1970) (Britannique)

C’est un officier d’infanterie, historien et stratège militaire. Il est l’auteur de deux livres importants sur la Première et la Seconde guerres mondiales et d’un ouvrage, Strategy, dans lequel il systématise la théorie de l’approche indirecte comme clef des victoires des grands capitaines de l’histoire.

Il reprend et développe les thèses des généraux anglais John Fuller et français Jean Estienne sur l’utilisation des blindés au combat. Il prône à cet effet la motorisation de l’infanterie.

 La guerre indirecte est une forme de guerre qui ne passe pas par l'affrontement direct d'armée à armée, mais par l'utilisation du facteur psychologique pour confondre les commandants ennemis3. La guerre indirecte passe par des actions limitées : l'imposition d'un changement de front, qui perturbe l'économie des forces ennemies et les divise ; la propagande de guerre et la contre-psychologie. 

Le cumul de telles manœuvres, effectuées par surprise, fait naître chez l’ennemi l’impression d’être pris au piège et entraîne sa dislocation psychologique. L’approche indirecte se pose donc comme l’antithèse de la stratégie d’anéantissement. 

L'auteur recommande d'appliquer trois principes de guerre indirecte. Ceux-ci doivent être combinés avec une approche directe :

  • Se mettre en mouvement par surprise, afin d'engendrer la surprise et la panique ;

  • Attaquer la ligne de moindre attente, c'est-à-dire celle où on attend le moins l'ennemi, et où la résistance sera la plus faible ;

  • Provoquer un différentiel de concentration en menaçant simultanément des objectifs différents.

Historique.

Liddell Hart s'attarde sur le cas de la Première guerre mondiale. Il relève que la guerre de tranchées  et l'enlisement du front français durant la guerre sont dus à la stratégie portée par le général Joseph Joffre et le comte Alfred von Schlieffen, à savoir une stratégie d'anéantissement inspirée des enseignements de Clausewitz. 

Dans la version amendée de 1954, Liddell Hart écrit qu’Adolf Hitler a dominé la première partie de la Seconde Guerre mondiale grâce à l'application à son paroxysme d'une stratégie d'approche indirecte. Il a en effet perturbé les commandements ennemis en menaçant des objectifs alternatifs et en utilisant les divisions blindées  pour enfoncer rapidement la ligne ennemie et atteindre les centres névralgiques (de ravitaillement, notamment). Ces opération sont couvertes par des bombardements et l'envoi de parachutistes qui répandent la confusion et brouillent les communications.

Son travail a soulevé plusieurs controverses.

Rendu indirectement responsable de la faiblesse du cors expéditionnaire britannique en 1940, Liddell Hart est désavoué alors même que la manœuvre de revers allemande constitue l’apothéose de l’approche indirecte sur le plan opérationnel. Le général Heinz Guderian ne cache d’ailleurs pas sa dette envers le théoricien britannique.

Liddell Hart refait surface après la Seconde Guerre mondiale, notamment parce que sa critique des bombardements alliés est confirmée par leurs résultats décevants. Il devient l’un des premiers spécialistes de la stratégie nucléaire  dont l’effet dissuasif accroît le primat de l’approche indirecte ; 

celle–ci se déploie à présent dans les conflits de basse intensité, à propos desquels Liddell Hart souligne l’intérêt des opérations aéroportées et amphibies.

Les démonstrations de Liddell Hart sont souvent biaisées par le souvenir obsédant de la Grande guerre, ce qui incite à douter de ses conclusions stratégiques. Le blocus, en particulier, ne peut à lui seul obtenir de résultats décisifs : s’il a épuisé l’Allemagne en 1914–1918, c’est parce que les ressources de cette dernière étaient dans le même temps anéanties par une guerre à outrance dont l’engagement massif de l’armée britannique fut une composante indispensable. Mais, en dépit de son parti pris, Liddell Hart a profondément marqué son temps ; son apologie des corps mécanisés d’élite influença notamment l’armée israélienne. 

Si la richesse du matériau est admirée dans ses livres, Liddell Hart a parfois biaisé les témoignages pour soutenir ses théories militaires, et accepte sans prendre de recul la perspective de ses interlocuteurs, par exemple sur l'adhésion ou non de l'armée à Hitler ou sur la réalité des interférences du pouvoir politique dans les affaires militaires (Dunkerque, Moscou, etc.)

Dans son premier ouvrage, peu connu, paru en 1925 sous le titre Paris, or The Future of War, il présente certes sa vision novatrice du rôle des chars, mais il expose aussi les risques pour le Royaume Uni de la suprématie française en matière d'aviation et de sous-marins, participant ainsi à alimenter le thème d'une menace française contre l'Angleterre.

 

Machiavel (Nicolas) (1469-1527) (Italien)

Nicolas Machiavel est un théoricien de la politique, de l’histoire et de la guerre, mais aussi poète et dramaturge, il a été pendant quatorze ans fonctionnaire de la République florentine pour laquelle il a effectué plusieurs missions diplomatiques, notamment auprès de la papauté et de la cour de France. Durant toutes ces années, il observe de près la mécanique du pouvoir et le jeu des ambitions concurrentes. Machiavel est à ce titre, avec Thucydide, l'un des fondateurs du courant réaliste en politique internationale. Deux livres majeurs ont surtout assuré la célébrité de ce Florentin :

  • Le Prince. 

  • Discours sur la première décade de Tite-Live. 

L’art de la guerre. Plusieurs raisons ont poussé Machiavel à écrire l'Art de la guerre paru en août 1521. Tout d'abord, à l'occasion de la Première guerre d’Italie menée par le roi de France en 1494, Pise qui abrite alors un port important, s'est détachée de Florence. Aussi le gonfalonier  (chef du gouvernement) de Florence Pier Soderini veut-il reconquérir cette cité. À cette fin, il fait d'abord appel à des chefs de guerres (condottieres) (et à leurs troupes (condotta) formées de mercenaires. Ces derniers échouent dans leur mission tout en coûtant fort cher à l'État. Aussi Machiavel est-il chargé de pratiquer une sorte de conscription (ordinanza) dans les campagnes environnant Florence. En dépit du fait que l'entraînement des conscrits n'a lieu que durant les jours chômés ou les dimanches, Machiavel réussit néanmoins à former une armée d'environ 2 000 hommes qui se comportent honorablement lors de la reconquête de Pise le 8 juin 1509. Ils seront en revanche défaits par les troupes impériales qui réinstallent les Médicis à la tête de Florence en 1512.

Au moment où Machiavel écrit son ouvrage, de nombreux livres sur la question de la conscription et des forces armées paraissent en Italie. Écrivains militaires anciens est publié en 1487 ; en 1496 est republié l'Art de la guerre de Végèce de même que le traité des Stratagèmes de Frontin. En réalité la première guerre d'Italie, menée par les Français appuyés par l'infanterie suisse et gasconne ainsi que par une forte artillerie, a montré que la guerre a changé de forme et que les guerres peu coûteuses en hommes menées par les condottieres appartiennent au passé. Les Français, dont les Suisses ont adopté la tactique des phalanges grecques, seront à leur tour surclassés lors de la bataille de Cérignole en 1503 par l'infanterie espagnole, qui emploie une technique héritée des légions romaines.

L’Art de la guerre se présente sous forme de dialogue entre trois jeunes aristocrates, le condottiere Fabrizio Colonna qui a participé à la bataille de Cérignole et leur hôte, le jeune Cosimo Rucellai, à qui le livre est dédié.Les trois jeunes aristocrates sont de sensibilité républicaine et seront exilés après avoir fomenté un complot contre les Médicis. 

Dans cet ouvrage découpé en sept livres, Machiavel entre dans le détail des choses : il indique comment placer les soldats dans chaque compagnie, comment manœuvrer, etc. Pour Jean-Yves Boriaud, Machiavel veut « prouver au lecteur que le système militaire italien, actuellement inefficace, ne peut retrouver sa valeur qu'en opérant un retour à l'antique ».

Machiavel, à la différence d’Erasme pour qui la guerre est « le mal à l'état pur », ne s'intéresse pas à l'élément moral, mais à l'efficacité. Au demeurant, dans le Prince, il écrit « Un prince ne peut avoir d'autre objectif, d'autre pensée que la guerre et ne doit donner d'autre objet à son art que son organisation et sa discipline », autre façon de dire que la guerre est un état de fait. Très vite, l'Art de la guerre devient un classique. Il sera cité par Montaigne ainsi que par le maréchal de Saxe dans ses Rêveries sur l'art de la guerre. Machiavel est indéniablement un de ceux qui ont contribué à populariser l'idée de conscription, laquelle se répandra en Europe avec la Révolution française. 

 

Mahan (Alfred Thayer) (1840-1914) (Américain)

Alfred Thayer Mahan, est un officier de marine, historien et stratège naval. Il est surtout reconnu pour son influence sur la doctrine maritime des Etats-Unis. Son ouvrage The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783 (1890) a été le plus influent de son époque en matière de stratégie militaire et de politique étrangère. Mahan insistait sur la nécessité pour les États-Unis de développer une marine puissante.

Théories de Mahan.

Dans ses livres, l’amiral Mahan tâchait d’expliquer d’où provenait la grandeur de l’empire britannique. Il affirma en trouver la réponse dans l’acquisition par la Grande-Bretagne de la suprématie maritime. Les Britanniques avaient réussi à s’assurer en même temps un commerce extérieur prospère qui les enrichissait, une marine marchande florissante pour effectuer ce commerce, une marine de guerre puissante pour veiller à la défense des bateaux de commerce partout dans le monde, une série de bases maritimes où les navires pouvaient se ravitailler ou être réparés, et enfin un empire qui fournissait les matières premières nécessaires à l’industrie et constituait un marché de consommation pour les produits finis. Ces cinq éléments apparaissaient à Mahan à la fois complémentaires et indispensables pour assurer la puissance et la prospérité. Sans eux, les nations restent en retard dans la marche de la civilisation. Les Américains devaient donc en tirer la leçon.

Mahan se rendait parfaitement compte qu’il n’était pas possible de rivaliser sur-le-champ avec les Britanniques. L’acquisition de colonies n’était que la dernière étape à envisager dans ce processus : le gouvernement américain devait d’abord acquérir une flotte de guerre susceptible de contrôler les océans autour des États-Unis. Ensuite, il lui fallait empêcher d’éventuels ennemis d’avoir accès à certains sites stratégiques à proximité des zones à défendre. Enfin, il devait occuper des positions sur les principales routes maritimes du globe. Jusqu'à la fin de sa vie, Mahan ne parvint pas à adapter ses théories à l'importance grandissante du rôle des sous-marins dont les progrès dans le développement laissaient pourtant envisager le rôle clé qui allait leur être attribué pendant les Première puis Seconde Guerre mondiale.

Il ne recommandait pas l’annexion de n’importe quel territoire : il n’était pas partisan de l’acquisition de Guam, des Philippines, d’aucune île à l’ouest des Hawaii. Dans les Caraïbes, il était médiocrement intéressé par Cuba, Haïti ou Porto-Rico, îles fortement peuplées. Il préférait l’acquisition des Hawaii et de l’une des Indes occidentales danoises, le contrôle de la zone d’un canal transocéanique et la location d’un port en Amérique Centrale ou du Sud.

Influence de Mahan.

L’importance de Mahan vient surtout de l’influence qu’il a exercée sur des hommes bien placés pour définir la politique étrangère américaine et, tout particulièrement, sur Benjamin Tracy, secrétaire à la Marine, qui proposa un vaste plan de construction navale en 1889, Henry Cabot Lodge, membre de la commission de la marine à la Chambre des représentants de 1889 à 1893 puis au Sénat des Etats-Unis à partir de 1895, enfin et surtout, Theodore Roosevelt qui devint Assistant Secretary de la marine en mars 1897. Lodge, par exemple, déclara au Sénat, le 2 mars 1895, qu’aucune nation ne pouvait être réellement grande sans être une puissance navale et que sans la possession des îles Hawaii - clé de l’océan Pacifique - il était inutile d’entreprendre la construction d’un canal transocéanique (le futur canal de Panama). 

Quant à Théodore Roosevelt, il écrivit en 1882, juste à sa sortie de Harvard un livre sur la guerre de 1812 dans lequel il adopta complètement les vues de Mahan.

En 1890, le Naval Policy Board (Conseil de politique maritime), nommé par Benjamin Tracy, affirma la nécessité pour les États-Unis d’avoir une flotte puissante non seulement pour ses défenses côtières mais pour protéger ses routes commerciales. Les recommandations du conseil ne furent pas entièrement suivies mais on s’orienta néanmoins, avec le Naval Act  de 1890 et la construction de cuirassés côtiers capables d’aller en haute mer vers une politique plus ambitieuse. En 1898 lors de la guerre hispano-américaine, l’US Navy  comptait 5 cuirassés. En 1900, elle devenait la troisième marine du monde et en 1908, elle sera la deuxième.

 

Poirier (Général Lucien) (1918-2013) (Français)

Affecté après 1962 au Centre de prospectives et d’évaluation du ministère des Armées, il élabore le principe de la dissuasion « du faible au fort » basé sur la « vertu rationalisante de l’atome » et celui de « sanctuarisation » du territoire national et publie, en 1968, son premier ouvrage intitulé « Théorie de la stratégie nucléaire d’une puissance moyenne. » Ses travaux ont ainsi inspiré la doctrine de dissuasion française.

Le général Lucien Poirier est aussi le « père » de la notion de « stratégie intégrale », qu’il définit comme étant « la théorie et la pratique de la manoeuvre de l’ensemble des forces de toute nature, actuelles et potentielles, résultant de l’activité nationale ».

Cette « stratégie intégrale » a « pour but d’accomplir l’ensemble des fins définies par la politique générale. Elle combine les résultats des trois stratégies économique, culturelle et militaire dans une unité de pensée et d’action qui combine et leurs buts et leurs voies et moyens. 

 

 

 

 

Sun Tzu (544-496 av J-C) (Chinois)

Aussi appelé Sun TseSun Zi ou encore Souen Tseu.  

Il est surtout célèbre en tant qu'auteur de l'ouvrage de stratégie militaire le plus ancien connu :  L’Art de la guerre dont l’idée principale est que l’objectif de la guerre est de contraindre l’ennemi à abandonner la lutte, y compris sans combat, grâce à la ruse, l'espionnage, une grande mobilité et l'adaptation à la stratégie de l'adversaire. Tous ces moyens doivent ainsi être employés afin de s'assurer une victoire au moindre coût (humain, matériel). Il inaugure ainsi la théorie de l’approche indirecte.  

Les idées de L'Art de la guerre ont été reprises et adaptées par différents auteurs pour la stratégie  et notamment la stratégie d’entreprise. Dans un sens plus large, L'Art de la guerre peut être interprété comme une méthode de résolution des conflits.

Sun Tzu est un incroyable stratège de guerre et s'est fait remarquer pour ses tactiques de combat. Oubliant la morale et la justice envers l'ennemi, Sun Tzu considère la victoire trop importante pour faire la guerre à la loyale. Faire croire à l'ennemi qu'il a l'avantage et se montrer mauvais stratège est la meilleure façon de gagner des batailles, comme il l'explique dans ce passage de L'Art de la guerre :

« Quand nous serons près de l'ennemi, nous devons faire croire que nous en sommes loin ; éloignés, le persuader que nous sommes près… Appâtez l'ennemi : feignez le désordre et écrasez-le… »

Sun Tzu prône la réflexion et la préparation au lieu de la réaction basée sur des sentiments de supériorité ou d'infériorité. Il entend démontrer dans L'Art de la guerre que cette doctrine de la discipline, lorsqu'elle est appliquée, permet des victoires écrasantes et la domination des champs de bataille. De plus, Sun Tzu considère que le commandant d'une armée se doit d'être exemplaire : en particulier, il doit se montrer serein et impénétrable.

La doctrine de Sun Tzu a été rédigée et employée lors de la période des Royaumes combattants, où la grande majorité des affrontements militaires opposaient différentes factions issues d’un même royaume : il s'agissait donc de conflits entre voisins partageant les mêmes ambitions, valeurs et traditions, et ayant tous pour objectif la restauration de l’unité perdue. Pourtant à l’époque moderne, elle n'a été appliquée qu'à un type de confrontation : la guerre asymétrique. 

Notion déjà étudiée par Sun Tzu, elle s'applique à la plupart des luttes révolutionnaires, comme en Colombie où L'Art de la guerre a été utilisé par les guérilleros des FARC. Ils en ont surtout retenu l'importance du renseignement, de l'espionnage et de la ruse. L'influence de Sun Tzu sur ces mouvements révolutionnaires s'est notamment accrue sous l'action de la Chine, qui, dans les années 1960 et 1970, a traduit les écrits de Sun Tzu en espagnol et a vigoureusement assuré leur diffusion dans tous les pays d’Amérique latine afin d'y soutenir les combattants communistes dans un contexte de froide. 

 

Fin

 

 

 



17/03/2022
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